Comme vous le savez très certainement, en ce moment se tient le Grand Prix 404 organisé par 404 Éditions. Et, si vous aviez envie d’y participer, mais que rien n’est encore prêt, rassurez-vous, c’est encore jouable ! Bon, alors certes, vous allez en baver, puisqu’il vous reste un peu moins de 3 mois au jour de la publication de cet article, mais on peut faire pas mal de bonnes choses en moins de trois mois, comme écrire une histoire de 70 pages Word (ça tombe bien, tiens), finir de laver et ranger la pile de vaisselle qui vous harassait depuis des années, perfectionner votre recette de tarte choco-banane ou bien lire la moitié d’un tome du Trône de Fer (si si, c’est faisable).
Voici cinq de mes techniques qui m’ont permis de finir une histoire de 70 pages en 21 jours (et une partie d’une autre histoire en autant de pages, mais en 10 jours) !
1 : Laissez le temps à vos idées de mûrir, d’évoluer.
Si l’histoire que vous comptez écrire est votre première histoire, je vous interdis formellement d’y aller au petit bonheur la chance. Si vous avez quelques livres sous votre ceinture, vous pouvez vous le permettre (même si pour ça il faut soit connaître votre univers sur le bout des doigts ou bien juste être excellent en improvisation), mais autrement, c’est niet. Vu le délai qu’il vous est accordé, y aller à tâtons est la meilleure manière de se planter. Si vous avez envie d’écrire, mais aucune idée de ce que vous voulez faire, je vous conseillerais plutôt de vous préparer pour le Grand Prix de 2018.
Mais si vous avez déjà une idée de ce que vous voulez raconter, qu’il s’agisse de l’histoire d’une princesse voulant sauver sa compagne des griffes d’un poivron maléfique ou bien d’un garçon qui voit sa vie changée à tout jamais à cause d’un homme lui racontant le déclin des huîtres du Bassin d’Arcachon, n’hésitez pas à prendre un carnet et noter tout ce qu’il vous vient à l’esprit. Ça peut être un ou plusieurs mot, des phrases complètes, des lignes de dialogues, voire même des gribouilles ou des dessins élaborés griffonnés en coin de page. Notez ces idées sur du papier pour permettre à toutes ces idées de rebondir entre elles. Peut-être y trouverez-vous des liens à établir ou bien vous les effacerez parce que vous ne voyez pas quoi en faire, mais dans tous les cas, ça vous permettra de stimuler votre imagination bien plus que si vous gardez tout en tête.
Pour prendre un exemple concret, c’est un jeu de mots qui a été l’élément déclencheur de ma première véritable histoire* (Loutre-Monde). De là, ça a été la déferlante. J’ai pris un morceau de papier et noté une première trame inspirée par ce jeu de mots. Puis dans les minutes qui ont suivi, je me suis penché sur les questions suivantes : qui peuple ce monde ? Comment vivent-ils ? Pourquoi ce conflit ? Une suggestion en entraînait une autre et deux heures plus tard je m’étais déjà retrouvé avec une base solide. Mais, comme dit dans un précédent article, j’ai laissé ces idées mûrir neuf mois avant d’écrire la première ligne de l’histoire. Entretemps, l’histoire avait monstrueusement changé et l’univers était devenu beaucoup plus complexe et cohérent.
Après, faut-il obligatoirement laisser autant de temps entre le moment de l’idée et celle de l’écriture ? Pas non plus. Un mois est largement suffisant et vous permettra aussi d’éviter la très mauvaise idée du « Tiens, je vais faire comme *insérez histoire connue que vous aimez* ». Prenez le temps de manipuler et remodeler vos idées afin qu’elles deviennent la vôtre, parce que « faire comme » revient à noyer votre histoire dans la masse et la rendre anecdotique.
* Je dis première véritable histoire, puisque j’avais déjà tenté d’écrire deux histoires, mais parce que j’y allais à tâtons et sans véritable ligne directrice, je ne ressentais pas la motivation de les continuer et les ai fatalement abandonnées… Même si pas mal d’idées ont été transférées dans Loutre-Monde, me faisant effectivement sentir comme un Nintendo qui peut ressortir des concepts vieux de vingt ans et les faire passer pour du neuf.
2 : Faites-vous un emploi du temps et essayez de vous y tenir histoire de faire de l’écriture un rituel !
Points bonus si votre rituel d’écriture vous permet d’ouvrir les portes vers d’autres mondes !
Ça peut paraître bête à dire puisqu’il s’agit d’une évidence, mais l’écriture, c’est du travail. Et qui dit travail dit non seulement que ça requiert un certain degré d’exigence, mais aussi et surtout de la régularité et de la rigueur.
Donnez-vous un horaire précis et un objectif. Sachant que vous devrez prendre d’abord quelques semaines pour peaufiner vos idées, imaginez qu’il vous reste deux mois pour écrire 70 pages Word/200 000 signes minimum. Deux mois, donc environ 60 jours, donc au moins une page à une page et demi/3500 signes minimum par jour. Ça peut paraître effrayant, mais dites-vous que jusqu’à la dernière phrase, cet article fait déjà 4687 signes. Sachant que j’ai pondu tout ça en une demi-heure parce que je suis un peu lent, ça vous fait grosso modo une heure à dégager chaque jour pour l’écriture de votre texte. Si vous avez un job à côté, ça signifie devoir sacrifier au moins un peu de votre mâtinée ou la fin de journée pour pianoter sur votre clavier. Dans tous les cas, tentez de rester au maximum cohérent dans votre heure d’écriture. Si vous décidez de le faire à 20h le lundi, faites la même chose pour les autres jours de la semaine, histoire que ça devienne un réflexe et évite le fameux syndrome du procrastinateur, qui se dit qu’il pourra le faire le lendemain et qui au final se retrouve à devoir passer au moins deux heures consécutives à écrire un jour où il n’aura pas nécessairement envie d’écrire.
Actuellement, je suis en train d’écrire une histoire pour raconter une histoire concernant deux personnages qui ne m’appartiennent pas (donc oui, c’est une fanfic… Mais pas le genre que vous croyez ♪) et tous les matins, j’écris une scène, puis la traduit en anglais. Il est vrai que certains jours, je me force, mais c’est aussi lié à mon troisième point…
3 : Ne vous arrêtez pas !
S’il y a bien quelque chose que j’ai appris à la dure, c’est que s’arrêter d’écrire une histoire, c’est l’assurance de la faire mourir, ou, au mieux, de vous faire perdre beaucoup de temps, parce qu’il vous faudra à nouveau vous retaper tout le texte pour bien vous remettre les événements à venir en contexte.
Car s’il y a bien quelque chose de terrible avec l’écriture, c’est que même si vous passez du temps à préparer votre histoire, il arrivera un point où vous voudrez aller au delà du cadre de l’Histoire pour vous concentrer sur des petits détails « insignifiants » qui rendront votre univers plus vivant. Du coup, vous improviserez et à moins de noter ce genre de détails importants dans un carnet, si vous vous arrêtez d’écrire, bah il y a pas mal de chances pour que vous l’oubliez totalement et donc il se peut que vous créerez des incohérences par la suite parce que ledit détail introduit dans la scène improvisée aurait pu avoir une certaine importance pour l’Histoire.
Bien évidemment, ce souci est facilement réglé si vous prenez en compte le point n°4, mais ça n’enlève pas à l’arrêt son aspect le plus terrible : la démotivation.
Si vous vous arrêtez parce que vous avez la flemme d’écrire tel jour où qu’une scène vous pose problème, autant arrêter d’écrire de suite, car vous n’atteindrez pas votre objectif. Dans le premier cas de figure, collez-vous des baffes ou bien mettez de la musique que vous associez à l’écriture pour vous remettre dans le bain. Dans le second, contournez le problème en zappant la scène et en continuant de progresser dans l’Histoire. Vous pourrez y revenir plus tard, une fois que vous saurez comment aborder ladite scène et vous aurez la satisfaction d’avoir avancé. Certains éléments de scènes postérieures peuvent aussi rendre votre vision des événements qui vous bloquent plus nette et vous débloquer. Dans tous les cas, l’arrêt est la pire chose qui puisse arriver.
Pour l’exemple, il m’est arrivé exactement ça lorsque j’ai écrit le tome 3 de Loutre-Monde. Le tome 2 était tellement passionnant à écrire que je l’ai bouclé en 40 jours, mais dès la première page du nouveau tome, je me suis confronté à un mur. Incapable de savoir comment faire réagir un certain personnage par rapport à une situation assez particulière.
Ce blocage m’a duré 5 mois.
Tout ça parce que je n’arrivais pas à trouver de solution à ce problème (et puis j’ai commencé à travailler un mois et demi, faisant que ma motivation pour écrire avait été réduite à néant). Au final, j’ai réussi à me débloquer après avoir passé trois semaines à écrire et finir une autre histoire, car j’avais enfin réussi à retrouver un rythme d’écriture convenable et c’est parti tout seul ensuite, puisque j’ai zappé la scène qui posait problème, ai passé les mois qui ont suivi à écrire le reste, puis suis revenu en arrière pour réécrire l’introduction avec la vague impression d’être un idiot pour ne pas y avoir été aussi simplement.
Dans tous les cas, vus les délais du Grand Prix, autant vous le dire de suite : interdiction formelle de vous arrêter. Quoi qu’il arrive.
4 : Relisez-vous. Constamment.
Non seulement pour éradiquer les fautes d’orthographe, mais aussi celles de cohérence, il est nécessaire de se relire régulièrement. De plus, le faire régulièrement vous permettra d’intégrer de manière quasi-définitive dans votre esprit chaque mot et moment d’intrigue que votre histoire comporte. Ça vous évitera donc les moments étranges d’oubli des détails inutiles mais indispensables cités en n°3 et aussi de modifier deux-trois détails qui ne vous plaisent plus tout en sachant quels passages modifier en fonction de ces mises à jour.
Pour ce qui est d’une technique efficace : relisez le passage que vous avez écrit la veille avant d’écrire le suivant et relisez l’ensemble de votre texte au moins une fois par semaine. L’introduction risque de vous gonfler sur la fin, puisque vous aurez l’impression d’entrer dans une boucle temporelle infinie (perso, je revis les mêmes six mois de la vie de Leo Davis depuis 3 ans… Ma perception du temps est à jamais fichue), mais c’est un mal nécessaire pour que votre histoire atteigne un niveau de qualité bien supérieur et équivalent à vos attentes.
5 : A-mu-sez vous !
Même si ce que j’ai écrit jusqu’ici peut donner de l’écriture l’impression qu’il s’agit d’un métier énervant, strict et répétitif, elle a ceci de fantastique qu’elle se renouvelle constamment. Créez une Histoire bien définie, mais pas trop pour laisser à vos personnages l’occasion de faire ce qu’ils savent faire, afin qu’ils vous surprennent le moment où ils prennent des décisions que vous n’aviez pas forcément pris en compte. Imposez-vous au moins une heure de travail par jour, mais n’hésitez pas à écouter de la musique en fond pour éviter de rendre le processus d’écriture oppressant.
Faites-la lire de manière progressive aux gens en qui vous faites confiance ou à la communauté de la 404 Factory (ou d’autres forums d’écriture aussi). Non seulement leurs réactions sont toujours intéressantes (vous n’avez pas idée de l’effet que ça fait de savoir que vous avez réussi à faire pleurer ou hurler de rire quelqu’un avec vos mots. C’est absolument dingue et ça booste l’ego comme peu de choses peuvent le faire), mais leurs retours pourront aussi vous permettre de mieux ajuster votre texte pour le rendre encore meilleur (du moment que les gens ne hijackent pas votre histoire et vous donnent l’impression de vouloir se l’approprier).
La relecture peut aussi être l’occasion de vous faire revivre votre histoire. Si vous continuez à rire de vos propres blagues au bout de la sixième relecture ou que vous sentez des frissons vous parcourir parce que votre bad guy est encore plus effrayant que prévu, c’est très bon signe.
Ce ne sont certes pas les conseils les plus inédits qui existent, mais j’espère que vous les prendrez en compte lorsque vous écrirez vos histoires. Car chaque histoire est un joyau et si vous pouvez le polir au maximum pour le rendre le plus beau possible, alors vous ressentirez une fierté comme rarement vous n’en aurez connu de votre vie.
Benjamin « Red » Beziat