Connaissez-vous le conte de la patte de singe ? J’en ai déjà parlé l’an dernier, mais il s’agit d’une histoire très connue dans les pays anglophones où une personne met la main sur une patte de singe magique qui permet d’exaucer n’importe quel souhait de façon très littérale. En gros, si la personne faisant son vœu n’est pas assez spécifique dans sa demande, le souhait a toutes les chances de se retourner contre elle. Pourquoi je parle de cette légende ? Tout simplement parce que pendant des années et des années des gens se sont mis à souhaiter qu’un jour on aie le droit à un épisode de Pokémon en open world.

Avec Pokémon Violet et Écarlate, leur souhait a été exaucé… Mais le cruel twist est que ledit jeu a été développé par Game Freak, un studio connu pour bosser avec un nombre assez limité de développeurs, un budget étonnamment bas et surtout des deadlines absolument folles du fait que Pokémon est une série qui va bien au-delà du jeu vidéo et pour laquelle n’importe quel retard pourrait signifier des dizaines de millions de dollars de pertes pour The Pokémon Company, qui devrait repousser la sortie de millions de peluches, des épisodes d’une série animée, des mangas, des cartes et de plein d’autres goodies en tout genre.

Bref, Game Freak n’est clairement pas en mesure d’être un Monolith Soft capable de sortir des Xenoblade Chronicles X ou aider au développement des derniers Zelda seulement dès qu’ils sont prêts et le résultat final est un jeu qui est facilement et rapidement devenu la risée du net en plus d’une épidémie mondiale de saignements oculaires. Avec plus de temps et surtout un staff plus nombreux, on aurait pu avoir un jeu extraordinaire, mais il faudra à la place se contenter de quelque chose de très prometteur et, en dépit des circonstances, de très fun, en plus d’être une petite révolution au sein d’une série connue pour ses changements mineurs d’une génération sur l’autre.

La revanche de Canard’eau

Je vais parler de suite du truc qui saute le plus aux yeux : Oui, Pokémon Violet et Écarlate sont moches. Genre, vraiment, au point que maintenant les gens devraient ENFIN comprendre qu’avoir sur une console à l’architecture vieille de 10 ans un monde qui affiche simultanément des dizaines de modèles de personnages détaillés et avoir une vaste distance d’affichage sans cache-misère comme un brouillard ou bien des fausses peintures pour montrer ce qu’il y a dans le fond est la recette parfaite pour au mieux faire descendre en flèche le framerate d’un jeu, au pire avoir une géométrie variable qui peut sauter dans tous les sens avant de se stabiliser à mesure qu’on approche d’un truc. Game Freak a voulu faire un open-World qui tourne sans concessions comme sur PS5 et en paie le prix, là où avec l’approche de Légendes Arceus et ses zones segmentées, ça s’en sortait pas mal mieux (et aussi son cel shading un peu plus cache-misère devait pas mal aider, mais ils ont préféré reprendre le style un peu moche de New Pokémon Snap pour une raison qui m’échappe).

Et aussi qui dit open world dit aussi que le joueur peut aller n’importe où et n’importe comment, ce qui veut aussi dire que le risque de bugs est infiniment plus grand. Personnellement, j’ai eu la chance d’être un peu épargné, même si ça ne m’a pas empêché de voir beaucoup de problèmes d’affichage, avec notamment des ombres qui faisaient n’importe quoi ou bien la caméra qui regardait ce qu’il y avait en dessous du sol si par malheur je faisais un combat sur un terrain en pente et que mon personnage, comme Obi-Wan, dominait l’adversaire. Et j’ai aussi eu un plantage total en rentrant dans une Arène, même si ce problème est loin d’être exclusif à Pokémon… Ceci étant, on dit toujours qu’un jeu vidéo fonctionnel est un petit miracle et malgré tous ces défauts et son framerate un peu aux fraises, le jeu reste pas mal jouable. Je dis pas non plus que c’est hyper agréable à jouer, mais ça reste au moins jouable et j’ai fini par m’y faire au bout de quelques heures d’ajustement.

Et en parlant d’ajustement, ça peut paraître bizarre à dire, mais je me suis fait immédiatement à la structure en monde ouvert du jeu, comme si ça avait toujours été présent au sein de la série. Peut-être est-ce aussi parce que fondamentalement, le jeu propose une quête principale et des objectifs hyper proches des précédents épisodes, mais on s’y fait assez vite.

La principale différence avec les épisodes principaux, c’est qu’ici, Violet et Écarlate proposent trois quêtes principales au lieu de la simple et classique quête des arènes. Elle est toujours présente, et même saupoudrée de mini-jeux plus ou moins claqués au sol (celui de la montagne de Grusha est le pire exemple pour ça, même si je vous laisse découvrir ça par vous-même), qui permettent ensuite d’aller affronter le Champion local notamment pour nous permettre de capturer des Pokémon de plus en plus puissants sans qu’ils nous désobéissent. La seconde quête consiste à faire un raid chez 5 leaders de la Team Star… Et là-encore, le segment avant le boss n’est pas bien foufou en plus d’être identique d’une tanière sur l’autre, même si ça aboutit sur une histoire vraiment intéressante et cool en plus de nous permettre de mettre la main sur une plus grande variété de CT. Et enfin la troisième quête consiste à taper sur des Pokémon Dominants. En théorie, c’est comme les boss de Légendes Arceus, mais en pratique, c’est juste un combat contre un Pokémon qui a plus de PV et qui frappe plus fort. Ceci étant dit, c’était pour moi la quête la plus intéressante, aussi bien pour l’histoire qu’elle veut raconter qui est vraiment chouette, que pour le truc que l’on débloque à chaque fois qu’on bat un boss. Je ne vais pas dire ce que c’est, mais c’est ce qui m’a motivé à battre les Dominants en priorité !

D’ailleurs, c’est le moment où je vais raconter un peu comment j’ai joué au jeu, puisque Pokémon Violet et Écarlate apportent un truc vraiment intéressant : une liberté totale d’action. En dehors de 2/3 trucs du post-game, aucun objectif n’est limité par une forme progression et il est donc totalement possible d’aller se faire l’arène ou le Dominant le plus puissant d’entrée de jeu… Ce que j’ai plus ou moins fait, histoire d’avoir un défi à ma hauteur ! Car oui, c’est bien beau de suivre la voie classique de battre les arènes et autres dans l’ordre croissant de leur puissance, mais ça aurait fait que la courbe de difficulté n’aurait jamais été assez satisfaisante, surtout si vous explorez à fond le monde en même temps. Vous seriez toujours plus puissant que l’opposition et ça serait trop facile. Avec ma façon de faire, tous mes combats se sont joués sur le fil du rasoir et je me suis même mangé quelques belles défaites qui avaient valu de repenser un peu ma stratégie. Je me suis imposé mon propre mode difficile et c’était ultra fun, surtout grâce à l’effet domino qui faisait que les derniers défis qui étaient ceux réservés au début de l’aventure se faisaient exploser en deux minutes, me faisant me sentir passer d’un gars qui galère à un pur dieu de la destruction !

Ceci étant dit, une fois que chaque quête est terminée, on a aussi le droit à des combats de boss de niveau 60 et plus et là c’était vraiment chaud par moments, donc fun !

Après, rassurez-vous, j’ai aussi connu le jeu tel qu’il sera joué par beaucoup de joueurs, puisque j’ai été totalement absorbé par sa boucle de gameplay, au point que je n’ai été dans le premier village (et je ne parle pas de la capitale) que bien après trois heures de jeu ! Car le truc que je trouve aussi fascinant avec ces épisodes, c’est le sentiment de découverte et de curiosité que l’on connaît ! On est bombardé de Pokémon différents direct dans la première zone, faisant qu’on peut papillonner un peu trop facilement ! D’ailleurs, pour moi ce sentiment était d’autant plus fort que je ne me suis mangé aucun spoiler en dehors des bande-annonces du jeu et donc souvent j’avais ce petit frisson de découverte en tombant sur un nouveau Pokémon ! Je m’attendais à ce que The Pokémon Company en aie un peu trop montré et je ne pouvais pas avoir plus tort, tant ça m’est arrivé pas mal de fois, y compris durant le post-game où je suis tombé à quelques reprises sur des Pokémon que je n’avais pas encore vu, sans même parler des petites surprises d’un post-game qui est étonnamment garni et peut vous durer minimum 3 heures de plus si vous vous limitez à ce qui est encore un peu scénarisé !

D’ailleurs, un truc que je ne peux qu’apprécier et qui a un peu contribué au sentiment de découverte (en plus des bugs en pagaille), c’est que comme avec Légendes Arceus, le level-design joue pas mal sur la verticalité et l’absence de barrières. Si on voit un truc au loin, sauf une ou deux exceptions, on peut directement y aller. Couplez ça avec une certaine variété dans les décors et ça fait qu’on va difficilement avoir le sentiment de tourner en rond… Du moins sur le premier tour du monde, puisque passée la magie de la découverte, on se rendra compte que ça manque un peu de folie et qu’il n’y a malheureusement pas assez de lieux mémorables et le gros de la découverte reposera finalement sur les Pokémon qu’on trouve sur le chemin. Il y a quelques fulgurances, notamment avec des cavernes bien planquées qui peuvent aboutir sur des trésors ou des trucs rigolos, mais ça manque d’un petit truc pour vraiment marcher. Et c’est sans parler des villes, que je trouve infiniment plus anecdotiques qu’auparavant. J’imagine que c’est parce qu’elles sont toutes intégrées directement dans le monde ouvert, mais ça manque des caméras fixes des précédentes générations pour mieux les mettre en avant et on peut les traverser en une seconde sans y réfléchir… Sans parler du fait qu’on ne peut visiter presque aucune maison et la moitié des boutiques sont juste des menus cachés derrière les portes, donnant encore plus cette sensation que les villes sont une sorte de décor factice qui pourraient être remplacés par des bouts de carton sans que ça ne fasse de différence.

Du côté du gameplay des combats, on note deux changements. Le premier est la Téracristalisation, qui est le nouveau gimmick de cette génération, mais aussi un des plus intéressants pour ce qu’il apporte d’un point de vue stratégique. Concrètement, n’importe quel Pokémon peut utiliser la Téracristalisation soit pour renforcer les attaques de son type de Téracristalisation, soit carrément changer temporairement de type pour désorienter son adversaire ! Un Pokémon de feu qui devient soudainement un type Eau est un concept un peu trop rigolo et j’imagine bien l’idée faire son petit bonhomme de chemin en tournoi, même si, en ce qui me concerne, joueur de Pokémon plus occasionnel, j’ai trouvé le truc un petit peu gadget pour simplement finir le jeu.

Le second changement paraît insignifiant durant les premières heures, mais il devient incroyable sur les dernières zones : grâce au système Let’s Go, il est possible de lâcher dans la nature le premier Pokémon de notre équipe pour qu’il aille taper sur tout ce qui bouge, amassant ainsi de l’XP pour toute l’équipe tandis que de notre côté, ça ne nous coince pas dans des batailles qui dureraient au minimum 30 secondes tout en nous permettant d’explorer. Au début du jeu, ça ne sert pas à grand chose, puisque, histoire de rendre les batailles classiques attrayantes, le nombre de points d’XP donné en mode Let’s Go est deux fois plus faible, donc autant dire que vous ne gagnerez rien. Mais une fois arrivé dans les zones du Nord de Paldéa, c’est une toute autre histoire ! Couplez ça au fait que votre Pokémon ne gaspille aucun point de capacité en mode Let’s Go et qu’il y aura des moments où certains Pokémon spécifiques apparaîtront à l’infini et vous avez plus ou moins des fontaines à XP gratos qui ne nécessiteront que quelques minutes pour permettre à toute votre équipe de rapidement monter en niveau ! Curieusement, je ne sais pas si c’est un bug, mais j’ai aussi eu le coup d’un Pokémon qui lâchait beaucoup plus d’XP en mode Let’s Go qu’en combat classique, doooonc…. Oui, j’ai eu quelques sessions de farm à la fois intensives et hyper rapides qui m’ont permis de me mettre au niveau et qui m’ont aussi permis de rouler sur le jeu plus efficacement.

Un autre changement mineur, mais sympa est qu’ils ont revu le système de Raid d’Épée et Bouclier pour le rendre infiniment plus dynamique. Ainsi, au lieu d’attendre chacun son tour que tout le monde fasse son attaque, ici tout le monde peut attaquer le Pokémon adverse en même temps. C’est un changement mineur, mais plus qu’apprécié et vous inquiétez pas, une fois dans le post-game et arrivé aux Raid 5 Étoiles, vous allez bien en baver, sauf si vous avez des amis qui ont aussi un Pokémon puissant !

Je pourrais parler des sandwich et de la nouvelle version de la Poké-récré, même si concrètement ça revient au même qu’auparavant et ça reste assez anecdotique. Ceci étant, j’ai aussi remarqué qu’ils ont un peu rééquilibré le système d’amitié des deux dernières générations pour le rendre infiniment moins pété. Pour le coup, il était plutôt rare que mes Pokémon ne se soignent d’eux-mêmes ou ont même résisté à un coup fatal, là où avant c’était presque systématique, ce qui est un peu plus rassurant en termes d’équilibre du jeu.

Là où j’ai trouvé Violet et Écarlate un poil moins mémorable étonnamment, c’est du côté de la musique. En dehors de certains thèmes, je n’ai rien trouvé qui me soit vraiment resté en tête, à part peut-être un thème du post-game qui m’a fait ressortir des souvenirs du Tunak Tunak et les musiques composées par Toby Fox qui sonnent clairement comme les meilleurs thèmes de Undertale. Je ne saurais trop dire si c’est parce que les villes étaient anecdotiques que les thèmes ne sont pas restés en tête ou si c’est parce que les thèmes ne me sont pas restés en tête que les villes étaient anecdotiques, mais je pense que ça n’a pas aidé.

Oh, et j’ai aussi découvert en écrivant la critique et en réécoutant les musiques sur Internet que j’ai eu un bug malencontreux avec le Conseil 4 qui avait fait que la musique ne s’était jamais proprement lancée et était restée coincée sur la même boucle naze de 3 secondes au lieu de décoller la seconde où les Pokémon étaient mis en combat. Si vous rencontrez ce bug, relancez immédiatement le jeu, ça vous épargnera une vingtaine de minutes de torture auditive avec l’impression qu’un élève malicieux a déclenché l’alarme incendie la plus molle du monde…

Au final, en dépit de tout… Bah je me suis bien amusé sur Pokémon Violet. J’avais dit récemment qu’un jeu était plus que la somme de toutes ses parties et ça n’a jamais été aussi vrai ici. Absolument tout est bancal, cassé, mal fichu ou même terrible et aurait nécessité au minimum six mois à un an de dev en plus, mais l’ensemble marche étonnamment mieux que prévu et fait que plutôt que de m’en arrêter aux crédits de fin, j’ai poussé le jeu quelques heures de plus juste pour le plaisir de passer un peu plus de temps dessus et je sais d’avance que je continuerai d’y jouer tous les week-ends avec mes potes IRL pour faire des raids juste pour le plaisir d’en faire ! Est-ce que c’est le meilleur jeu Pokémon ? Hahahahahaha, non ! Cet honneur revient toujours à Noir et Blanc, et je préfère toujours de loin Légendes Arceus à Violet et Écarlate, mais le potentiel pour une belle suite est désormais là.

Pour que l’on aie enfin un jeu Pokémon irréprochable, Game Freak aurait clairement besoin de temps, d’un coup de main de la part de Monolith Soft et aussi de le sortir sur Switch 2 pour avoir une plateforme aussi puissante que leurs ambitions. Oh et aussi inclure plus de mécaniques de Légendes Arceus, parce que franchement l’aspect survie en milieu hostile était rigolo et les boss vraiment fun !

Dans les faits, je suis prêt à recommander ces épisodes de Pokémon qu’à la seule condition que vous sachiez dans quoi vous vous engagez, mais aussi d’attendre que des patchs soient sortis pour corriger ce qui peut être corrigé et aussi d’essayer d’esquiver autant que possible les spoilers pour pouvoir profiter au maximum du plaisir de la découverte. Mon expérience n’a pas été aussi catastrophique que ce que j’ai pu voir sur le net et qui m’a fait m’écrouler de rire, mais bon, on n’est jamais trop prudent avec ce genre de choses.