Quand vous écrivez ou réalisez une série dont les enjeux ne font que grimper encore et encore, ça peut être… compliqué, de la continuer passé un certain point. Il existe quelques solutions : soit d’aller encore plus loin, au risque de finir en contradiction totale avec le postulat de base (et finir par claquer tout son budget pour faire encore plus de trucs), soit de revenir légèrement en arrière, toujours avec les mêmes personnages, au risque de donner l’impression de stagner, voire de régresser, ou bien, plus simplement, de faire un reboot, où l’on ne garde que le cœur de la série et on change les personnages pour plus ou moins revenir à zéro.

Dans le cas de Saints Row, c’était plus ou moins ce problème qui devait faire tarauder le studio Volition pendant des années, puisqu’après un quatrième épisode où notre Boss était président de la Terre devant se battre contre des aliens et un dernier spin-off où le Boss devait aller sauver son meilleur ami en Enfer… Voilà quoi. Imaginez comment ils auraient pu faire mieux que ça sans devoir passer soit par la case multivers ou conquête spatiale… Ce qui aurait donné un Mass Effect sauce GTA et hum, ça aurait été cool en fait !

Bon, faut aussi dire que le dernier Saints Row est sorti en 2015, soit il y a déjà 7 ans et, entre-temps, Deep Silver et Volition ont été absorbés par le groupe d’investissement nordique Embracer (celui dont vous entendez régulièrement parler et qui a récemment gobé la branche occidentale de Square Enix, la compagnie qui détient les droits du Seigneur des Anneaux, Gearbox, la compagnie de jeux de plateaux Asmodée ou bien Dark Horse Publishing et la licence Hellboy). De fait, pour Saints Row, la solution la plus sûre et la plus logique était de revenir à la case départ. Mais plutôt que de faire un remake du premier, ils sont carrément allés sur la voie du reboot avec un tout nouveau groupe de personnages… que la minorité vocale a détesté durant son annonce.

Car plutôt que de mettre en avant des gangsters sans foi ni loi et à la vulgarité prononcée, le Saints Row nouvelle génération nous met aux commandes d’une bande de jeunes vingtenaires de notre génération, avec une belle couche de diversité et de représentativité à l’image de l’équipe de développeurs qui ont bossé sur le jeu, donc forcément un groupe de personnages que tous les Jean-Kevin à l’ego fragile et la peau aussi blanche luisante que la mienne ont détesté sans même essayer le jeu.

Et après avoir fini le jeu… Bah j’aime tout autant la bande de Johnny Gat et Kenzie que celle de Kevin, Ely et Neenah et ça fait étonnamment du bien d’incarner des meurtriers en série plus sympas que ceux du reste des clones de GTA. Le crime, oui. Mais avec tendresse !

Bon, même si en vrai le jeu reste très bateau et limite un peu bancal par endroits, on va pas mentir.

Le Crime Tranquille

C’est assez compliqué de parler d’un GTA-like aussi erm… classique, que Saints Row, donc je vais d’abord m’attarder sur ce qui fait clairement la force de cet épisode pour moi : son histoire et ses personnages.

Dans l’univers de ce Saints Row, il y a 3 factions : los Pantheros, qui sont les criminels assez classiques qui sont là pour l’argent et les bagnoles, les Marshall, une milice privée qui est là pour protéger les intérêts des plus riches, et les Idoles, des criminels nouvelle génération qui surfent sur les idées anticapitalistes et de décroissance qui animent les plus jeunes pour profiter d’eux et enrichir ceux à la tête du groupe.

Reboot oblige, la bande de potes que l’on incarne est touuuut en bas de l’échelle. Notre Boss est un simple employé au service de la faction de Marshall qui est là pour payer son loyer, tandis que Neenah est une ex-Pantheros, Kevin est un membres des Idoles et Ely… Est Ely, donc adorable et qu’on veut protéger à tout prix.

Notre bande de potes va découvrir les travers de leurs factions avant de s’unir sous une bannière commune : les Saints. Et leur but va être de monter le plus grand empire criminel de la ville, tout simplement.

Et même si l’histoire en elle-même ne casse pas deux tibias à un canardos, elle n’en reste pas moins agréable à suivre, grâce à ses personnages suffisamment développés pour être attachants et son ton limite un poil trop sage et gentillet.

Concrètement, on dirait que les scénaristes du jeu ont fait un marathon de Brooklyn 99 avant de se lancer dans ce projet, puisque même si l’on incarne une bande de criminels qui s’embarquent parfois dans des situations assez farfelues, le ton reste suffisamment crédible et réaliste pour accrocher, avec même quelques petits moments de tendresse, comme lorsque dans une mission secondaire on va aller chercher un jouet de fast-food pour Kevin parce qu’il n’avait jamais pu l’avoir quand il était plus jeune à cause de sa vie dans un foyer.

Et du coup, oui, l’histoire fait limite un peu trop Bisounours par moments, au point que c’est le point central d’une vanne particulièrement drôle qui confronte l’esprit des criminels endurcis à celui de ce groupe de jeunes assez candide et idéaliste sur le fond… Même si, concrètement, on continue de tuer à tour de bras comme si de rien n’était, ce qui peut aussi créer une certaine forme de dissonance au sein de l’histoire, mais passons.

Le seul truc un peu dommage, c’est que le scénario principal se boucle étonnamment vite ! Si on ne fait que les missions spécifiques à l’histoire, je dirais à la louche que le jeu se termine en une dizaine d’heures. Personnellement, j’ai rapidement perdu le compte, mais je pense que je l’ai fini en une quinzaine d’heures, tout au plus, en faisant quelques activités annexes. J’imagine que le fait que le jeu ait été développé en plein milieu de la pandémie n’a pas aidé, voire a fait que quelques missions ont dû être coupées pour pouvoir sortir le jeu dans un délai raisonnable, ce qui expliquerait que la seconde moitié aie l’air pas mal expédiée.

Côté structure, Saints Row… Est le plus classique des open-worlds sortis depuis un moment. Il y a des marqueurs sur la carte pour jouer à des missions secondaires, comme des missions d’assassinat, des vols de véhicule ou bien la classique fraude à l’assurance, et il y a des trucs à ramasser sur la carte, comme des paquets de drogue ou bien des convois de fonds à braquer.

Bref, c’est du classique, mais la différence avec les autres, c’est qu’ici on peut lancer les missions principales directement depuis le menu de pause, ce qui est à la fois bien et relou, puisqu’une fois la mission lancée, on doit aller nous-mêmes jusqu’au point de lancement de la mission que l’on ne connaît qu’une fois la mission lancée… Sauf que lancer la mission nous empêche d’utiliser le déplacement rapide, ce qui fait que si on veut gagner un peu de temps faut annuler la mission, nous téléporter à proximité du point de départ et enfin lancer la mission. C’est un peu débile et c’était rendu encore plus relou à cause d’un bug que j’avais avec la carte qui se bloquait systématiquement dès que j’essayais de placer le curseur sur une icône dans le Sud de la région.

Et en parlant de bugs, open-world oblige, il y en a pas mal, du rigolo comme les personnages qui peuvent se tordre dans tous les sens ou bien les voitures en face qui peuvent disparaître d’un coup quand on conduit au plus relou, comme le script d’une mission qui se lance pas correctement ou bien la physique des voitures qui peuvent parfois voler un peu trop violemment dans les airs juste parce qu’un caillou dépassait un peu trop. Et j’ai aussi eu un point final assez rigolo durant le dernier QTE où je devais tirer sur le boss final et au lieu de tomber au sol, il a changé d’animation pour enclencher celle où il est debout et s’époussette les manches comme si de rien n’était.

Du côté des flingues, c’est… Assez particulier. Je n’ai jamais vraiment eu la sensation d’être en contrôle total de mon personnage et les combats sont tellement brouillons que quand on va se mettre à viser, le réticule sera une fois sur trois directement sur l’ennemi. Heureusement, il existe pas mal d’options pour activer le lock-on (qui n’est pas présent par défaut) et régler son degré d’efficacité, tout comme il est possible de paramétrer la difficulté à la carte, qu’il s’agisse de la quantité de dégâts que l’on reçoit ou de celle que l’on inflige ou bien le nombre de munitions qui tombent des ennemis, ce qui veut dire que selon nos envies, on peut soit y aller totalement à la cool, ou bien relever considérablement le défi en mettant le curseur des dégâts reçus au max et ceux des dégâts infligés au minimum ! Tout est customisable pour une expérience à la carte !

Et en parlant de customisation… C’était clairement le mot d’ordre du jeu tant TOUT est customisable ! On peut modifier notre personnage dans tous les sens (au point que j’ai fait une approximation de Desmond adulte, parce que forcément) avec une tonne d’options physiques et vestimentaires, tout comme on peut modifier nos armes et nos véhicules ! Les possibilités sont tellement nombreuses qu’il semble impossible d’avoir deux persos identiques ou même deux armes identiques si on décide de consacrer du temps à ça.

Enfin, côté présentation, on est très loin d’une claque graphique next-gen, mais vu le budget du jeu et le fait que ça sorte aussi sur la génération précédente, c’est pas vraiment étonnant ni un point qui fera trop débat. C’est pas ultra beau, ni moche, mais ça tourne bien et ça fait le taf. Aussi, la ville de Santo Illeso est plutôt détaillée et pas désagréable à visiter et, truc vraiment appréciable : la carte est relativement petite ! Pas minuscule non plus, mais elle n’est pas démesurément grande juste pour cocher une case dans la checklist des trucs obligatoires à mettre dans un open-world parce que les gens croient à tort que si c’est plus grand, c’est forcément mieux *tousse*Final Fantasy XV*tousse*. Déjà que ça peut être un peu relou d’aller d’un objectif à un autre à l’autre bout de la carte en temps normal, ici, c’est parfois relou, mais pas trop, puisque à moins d’y aller à pied, on mettra jamais plus de 3 ou 4 minutes pour atteindre l’endroit où l’on voulait aller.

Et côté musiques, c’est un GTA-like, donc il y a pas mal de radios avec des genres différents, allant du classique au rock, en passant par la synthwave et du bon gros métal, avec une radio consacrée au label Nuclear Blast, que je connais notamment pour avoir soutenu le groupe Nightwish ! Bon, malheureusement, il n’y a aucune piste de Nightwish dans Saints Row, mais il y a du Slayer, donc on va dire que ça compense…

Au final, je ne peux pas dire que j’ai passé un mauvais moment sur Saints Row, mais si ça n’était pas pour son histoire sympa et ses personnages attachants, je me serais retrouvé face à l’open-world le plus classique que j’ai fait depuis un moment. Les missions principales conservent le petit grain de folie propre à la série Saints Row, mais en dehors de ça, c’est la même structure et les mêmes points sur la carte qu’on a vu 15000 fois ailleurs.

Est-ce que ça veut dire que c’est un mauvais jeu ? Non, pas non plus et je me suis quand même bien amusé avec ce que j’avais sous la main (et je sais d’avance que mon père passerait des heures et des heures dessus s’il avait la console chez lui), mais clairement, il ne révolutionne ni la série à laquelle il appartient, et encore moins le genre de l’open-world. C’est typiquement le genre de jeu que l’on lance et sur lequel on débranche son cerveau pour vivre les simples plaisir de se jeter sous une ambulance pour récolter l’argent de l’assurance. Et c’est débile sans être vulgaire, ce qui est étonnamment rafraîchissant.

Je doute que vous l’apprécieriez pleinement en le prenant à plein tarif, mais vu qu’il s’agit typiquement du genre de jeu que l’on retrouve à des prix abordables au bout de quelques mois, je vous conseillerais d’attendre un peu et puis, pourquoi pas, le prendre à ce moment-là ?