Note : exemplaire fourni par Nintendo.

S’il y a bien quelque chose que j’ai appris en jouant à Pokémon Ultra Lune, c’est que l’appréciation d’un jeu ne dépend pas nécessairement du jeu en lui-même, mais aussi du contexte qui l’entoure et c’est aussi la principale raison pour laquelle la critique du jeu n’arrive qu’un mois après sa sortie (avec le fait que je l’ai reçu un peu plus tard que prévu et que je voulais finir Xenoblade Chronicles 2 en priorité) : Pokémon Ultra Lune est sorti beaucoup trop tôt. Sorti à peine un an après sa première itération et ne proposant pas suffisamment de nouveautés intéressantes, j’ai galéré comme jamais pour le finir. J’ai enchaîné les combats avec une envie de plus en plus pressante d’en finir et ne ressentais presque constamment que de l’agacement à son égard. Peut-être est-ce aussi parce que jouer à un épisode de la série au rythme effréné d’un par an avec des mécaniques de gameplay presque inchangées (à l’exception de 2015, ce qui est aussi très certainement une des raisons qui m’a fait grandement apprécier Soleil), même si je pencherais plutôt sur le fait que l’on joue virtuellement au même jeu qu’il y a douze mois, à quelques détails près. Bref, je me suis énormément ennuyé sur un très bon jeu et rien que ça, ça m’ennuie énormément.

Le Jeu des 7 Différences

Histoire de vous éviter une page de quinze-mille paragraphes et par soucis de gain de temps, je vais éviter de vous réécrire ma critique de l’an dernier et vous filer directement le lien vers celle-ci, puisque, comme dit dans l’intro, Ultra Lune est peu ou prou le même jeu que son prédécesseur. Dans cette critique, je vais plutôt vous détailler les principales différences et en quoi ça fonctionne ou ne fonctionne pas.

Tout d’abord, le scénario : un jeune garçon fraîchement débarqué à Alola se retrouve embarqué dans un voyage qui le fera découvrir le peuple de l’archipel, les liens de l’amitié et ce que c’est que d’être le sauveur du monde. Mais contrairement à Pokémon Soleil, qui nous offrait une histoire avec des personnages parfois incroyablement tordus et une méchante particulièrement fêlée, la version Ultra nous propose le « menaçant Necrozma », qui s’apprêterait à débarquer pour voler la lumière du monde… Sauf que ça ne marche pas. Alors certes, on a un duo de personnages mystérieux qui en parle souvent, mais presque jamais on ne ressent sa présence. Il apparaîtra au moment voulu, on l’affrontera et l’affaire sera close sans véritable impact sur les personnages ou quoi. Non seulement ça, mais quand on connaît la première version de l’histoire par le biais des versions non Ultra, on hurle devant le changement total de motivation de certaines personnes. La méchante complètement fêlée qui renie ses enfants, cherche à conserver sa beauté (et celle de ses Pokémon en les tuant et les mettant dans le congélo) et retrouver une famille de substitution avec des Ultra Chimères qui lui rappellent ses enfants s’efface au profit d’une personne simplement en quête d’un moyen de vaincre Necrozma et qui renie ses enfants et tue ses Pokémon pour les conserver dans la glace parce que… Erm… Necrozma pourrait détruire le monde ? C’est comme si The Pokméon Company s’était rendu compte qu’ils étaient peut-être allés «  » »trop » » » loin avec Soleil et Lune (même si perso j’ai adoré ce revirement de ton et sa noirceur implicite) et avaient donc décidé de réécrire l’histoire pour ne plus choquer et offrir un récit plus direct tout en oubliant de supprimer les éléments de décor et de background problématiques qui auraient nécessité trop de temps de développement… Même si ça ne les a pas empêchés de supprimer une des meilleures scènes du jeu de base.

Un autre détail qui me titille dans le mauvais sens vient du scénario supplémentaire constituant la première partie du post-game : les différents leaders des teams de tous les précédents jeux débarquent à Alola grâce aux Ultra Brèches reliant toutes les possibilités du Multivers entre elles (et donc faisant revenir Lysandre d’entre les morts pour des simples raisons de fan service, ce qui me gonfle tout particulièrement) et l’homme derrière tout ça n’est autre que… Giovanni, qui est présenté ici comme l’être le plus malfaisant et à l’âme la plus noire et est plus ou moins le nouveau Ganondorf de l’univers Pokémon, ce qui est particulièrement absurde quand on sait qu’il avait décidé d’abandonner toute envie de vivre dans le crime à partir d’Or et Argent, ignorant même les appels désespérés de gens désireux de recréer la Team Rocket et que par rapport aux autres leaders des teams qui sont tous des psychopathes à divers degrés d’inhumanité, il semble le plus posé et humain du lot. Après, certains pourront dire qu’il peut s’agir d’un autre Giovanni puisque Multivers et tout le tintouin, mais faire de lui une sorte de Ganondorf ? Je trouve ça un poil abusé.

ZeraORAORAORAORAORAORAORAORAORA !!!!

pokemon-ultra-soleil-ultra-lune Artwork

Niveau gameplay, peu de choses changent. C’est encore et toujours le même Pokémon tel qu’on le connaît depuis des années. En revanche, niveau structure et équilibrage, les choses prennent un tournant bien plus intéressant, puisque le jeu est globalement plus difficile. Les changements de stats et les faiblesses jouent un rôle capital et il n’est pas impossible de se faire décimer si on ne fait pas attention, ce qui est plutôt sympa… En revanche, ce qui l’est un poil moins, c’est que du fait de cette montée en efficacité des attaques, près de 80% des dresseurs que l’on croisera durant les trois premiers quarts du jeu ne possèdent qu’un seul Pokémon. L’effet positif, c’est que chaque combat est potentiellement vu comme un combat de mini-boss et, théoriquement, ça rend le rythme plus supportable, mais ça leur enlève au passage tout intérêt stratégique. Il suffit que l’on aie le bon Pokémon pour rouler sur la compétition et ainsi avoir une désagréable sensation de monotonie s’installer. Il est hélas rare de croiser des Dresseurs avec plus de deux Pokémon et encore plus d’en avoir avec des types variés (ou bien sans au moins un Nosferalto) alors que l’on peut en trouver plus de 400 de base dans la nature !

Ultra Lune propose aussi le défi d’un Capitaine d’île qui n’avait pas pu être inclus dans le jeu de base faute de temps (et qui, au final, n’est franchement pas terrible), ainsi que de nouveaux Pokémon Dominants (que l’on peut adopter en échange d’autocollants trouvés ici et là), certains remplaçant ceux de la première version pour offrir des surprises parfois très drôles et moult petites surprises allant de l’anecdotique très sympathique à l’anecdotique que l’on aura vite fait d’oublier, comme le Surf Démenta, qui permet de voyager entre deux îles en faisant des pirouettes.

Enfin, l’autre gros ajout de cette version améliorée vient de la possibilité de visiter les failles multiverselles pour aller dénicher des Pokémon plus ou moins rares, dont quasiment tous les Pokémon Légendaires (à l’exception des Fabuleux comme Mew, Célébi, Shaymin, Zeraora, etc). Plus on passe de temps dans un mini-jeu typé runner n’utilisant hélas que le gyroscope pour se déplacer (sans pour autant être imprécis, heureusement), plus on a de chances de tomber sur des Pokémon rares ou bien des Ultra-Chimères. Le processus est un poil répétitif sur les bords, mais a au moins le mérite de nous donner une chance de compléter le Pokédex sans avoir à passer par d’autres versions, ce qui est toujours un plus.

En bref, Pokémon Ultra Soleil et Ultra Lune, c’est sensiblement la même chose que Soleil et Lune. Si l’on passe outre les changements dommageables au scénario et les dresseurs un peu avares en Pokémon à nous balancer, ça reste le bon jeu qu’était son prédécesseur. Après, comme vous l’avez très certainement deviné en lisant mon introduction, je ne peux pas le recommander aux joueurs qui ont déjà fait les épisodes de l’an dernier. Les ajouts sont certes présents, mais de là à ce que vous dépensiez 40€ pour rejouer aux mêmes vingt premières heures de jeu avant enfin de commencer à toucher à quelque chose d’un tant soit peu intéressant ? J’ai un doute. En revanche, si vous n’avez pas joué à Soleil et Lune et que vous venez pour le gameplay plus que pour l’histoire et que vous n’avez pas touché à un épisode de la série principale depuis des siècles, il n’y a pas à hésiter : le gameplay y est le plus complet et le niveau de difficulté fait que les combats sont en majeure partie très stimulants.

Dans un sens, j’espère que le prochain épisode de la série principale prendra tout son temps avant de sortir, histoire que non seulement on aie le temps de souffler et digérer cette génération, mais aussi pour qu’ils nous livrent d’emblée un épisode qui ne nécessitera pas une version ++ l’année suivante qui nous donnera envie de nous étouffer d’ennui avec une banane…

Par contre, en attendant, c’est quand vous voulez pour un nouveau Donjon Mystère, hein ! Et s’il pouvait être scénarisé en collaboration avec Kotaro Uchikoshi (la série des Zero Escape, développée par le même studio), ça serait génial. Oh, et un nouveau Pokémon Conquest serait cool aussi.

Benjamin « Red » Beziat