Yasumi Matsuno. Un nom que l’on associe presque systématiquement à l’âge d’or de Squaresoft ainsi qu’un souvenir un peu douloureux. Il est l’homme derrière certains des meilleurs RPG de la compagnie ainsi que de l’univers d’Ivalice, vu dans Vagrant Story, Final Fantasy Tactics et Final Fantasy XII. Un univers ambitieux, d’une richesse folle et aussi le théâtre de certaines des histoires les plus sombres et vraiment matures du jeu vidéo japonais.
Et le truc, c’est qu’en dehors d’une collaboration pour Final Fantasy XIV, après la débâcle du développement de Final Fantasy XII, Yasumi Matsuno a quitté Square Enix, laissant derrière lui un trou béant que la compagnie n’a jamais bien su combler pendant presque 10 ans. Il y a eu des tentatives pour ramener « l’esprit de Matsuno », principalement via Final Fantasy XIV, mais dans tous les cas, j’avais toujours trouvé curieux la frilosité de Square Enix de ne plus trop plonger dans des RPG purement orientés politique, surtout vu comment les années 2010 ont amenées avec elles l’adaptation en série du Trône de Fer et la série Vikings, qui ont rendu cette approche du médiéval-fantastique bien plus mainstream.
Mais visiblement 2022 semble être l’année du réveil, puisque outre Final Fantasy XVI, qui semble très bien parti pour arriver à ramener l’esprit Matsuno avec en prime un sacré budget derrière, on a aussi Triangle Strategy, un successeur spirituel à Final Fantasy Tactics et Tactics Ogre qui réussit à merveille à moderniser la formule en la rendant d’autant plus accessible sans pour autant trahir son héritage et qui donne plus que bon espoir à revoir un jour d’autres Tactical-RPG de la même trempe en dehors des plateformes mobiles !
Et en plus, contrairement à Bravely Default 2, c’est un jeu de la Team Asano qui ne m’a pas réduit en poussière et à vouloir être libéré de mes souffrances, donc c’est bien ça de pris !
La Guerre des Tweets n’Aura pas Lieu
Triangle Strategy nous emmène sur le continent de Norzélia, une terre qui a connu une guerre dévastatrice trente ans auparavant, mais qui désormais connaît la paix. Les trois nations qui se partagent ces terres ont atteint un équilibre relativement stable, et on va suivre les aventures de Sérénor Wolffort, le fils d’un seigneur local dont la vie va plutôt bien : son peuple l’adore et il va être marié à Fredérica, une jeune femme ravissante et gentille comme tout ! Et en plus, juste à côté de ses terres va être inauguré une mine commune aux trois nations, amenant la promesse d’un avenir radieux.
Bon, on va pas se leurrer, les choses vont prendre un sale tournant bien assez vite autrement on n’aurait pas de jeu de guerre à se mettre sous la dent, et il va en revenir à Sérénor d’éviter au continent de s’écrouler sous le poids de ses dirigeants aux ambitions démesurées.
Trahisons, morts en pagailles, cri de terreur et beaucoup de sang sont au programme de cette histoire bien sombre et mature comme il faut, avec une TONNE d’intrigues politiques qui n’ont fait que me ravir, même si le plus drôle, c’est de voir que tout le conflit tourne autour… Du commerce du sel. Imaginez tout un jeu basé sur Star Wars : la Menace Fantôme où les batailles sont réduites au minimum syndical et amplifiez toutes les scènes où ça parle de commerce et retirez 90% des éléments fantastiques pour les remplacer en grande partie par des trucs réalistes comme des épées et des arcs et voilà, vous avez Triangle Strategy ! Et c’est absolument passionnant d’un bout à l’autre !
Bon après, si la promesse de nations se mettant sur la tronche pour l’équivalent réel de Twitter ne vous enchante pas trop, ça peut se comprendre, mais si comme moi vous aimez les complots avec des salopards qui s’assassinent à coups de poignard dans le dos ou bien en proposant des dilemmes avec que des désavantages à l’autre bout, vous allez absolument adorer ce jeu ! En dehors de la plupart des membres de notre bande, tous les personnages du jeu cachent un lourd secret avec différents degrés d’horreur et c’est un pur plaisir de les voir tomber ou tenter de s’en sortir en faisant un truc plus terrible qu’auparavant !
Et le truc vraiment cool avec ce jeu, c’est que l’issue du scénario va pas mal dépendre de nos choix ! À quel niveau, je dois vous avouer que je l’ignore puisque je n’ai pu faire qu’une voie, même si je sens que le scénario doit retomber sur ses pattes à plusieurs moments avant de proposer au minimum 3 fins radicalement différentes. En résulte une histoire bien complexe comme il faut avec un déroulé qui peut être très différent d’une partie sur l’autre et, rassurez-vous, il y a bien un new game + qui permet de recommencer sans perdre toute sa progression, mais sans non plus sacrifier la difficulté globale puisque les ennemis suivent !
D’ailleurs, en parlant de difficulté, je vais vite fait parler du fait que contrairement à Bravely Default 2, on a pas mal d’options de difficulté, mais aussi et surtout, un truc à la fois hyper cool bien qu’un peu bizarre, c’est que si on perd une bataille, on conservera tous nos points d’expérience accumulés. Sachant qu’en dehors des batailles principales on ne peut gagner en niveau qu’en participant à des petits challenges annexes dans notre hutte (et encore, ils ne rapportent presque rien très rapidement), si on fait face à un mur de difficulté, le meilleur moyen d’avancer dans l’histoire est juste de foncer dans le tas jusqu’à ce que ça passe !
Et comme vous l’avez probablement compris, même si le jeu nous propose beaucoup de liberté quant à ce que l’on vivra dans le scénario, il n’en reste pas moins hyper linéaire avec presque aucune distraction entre deux missions principale ou bien un fragment de scénario. Le seul contenu annexe en dehors des défis sont des cutscenes bonus où l’on voit les différents chefs de clan réagir à nos actions ou bien préparer leur future action et on peut débloquer des scènes supplémentaires révélant un peu plus la personnalité ou le passé de nos unités. Triangle Strategy est finalement plus un jeu où l’on lit plus qu’on ne se bat et… Bah vu la qualité du scénario, ça ne m’a absolument pas dérangé, au point que j’ai fait toutes les annexes de la voie que j’ai suivi !
Côté gameplay, le jeu se divise en quatre temps : les phases de lecture, les phases d’investigation, où on part explorer une carte pour récupérer des objets et potentiellement des mots-clés qui nous serviront pour des interrogatoires ou bien dans les phases de décision, où l’on doit convaincre les membres de notre clan à nous rejoindre dans un processus démocratique et bien entendu on a aussi des phases de bataille (mais j’y reviens).
Pour ce qui est des phases de décision, à des moments-clé du scénario, on devra faire un choix. Mais le twist, c’est que pour que ces choix prennent effet, il faut réussir à convaincre nos partenaires de nous suivre, ce qui n’est pas forcément évident, puisque chacun aura ses raisons et ses envies. Il nous faut donc réussir à trouver les bons arguments en fonction de la personnalité de chacun, autrement ils pourront voter pour une autre solution et il m’est arrivé une fois que le scénario parte dans une autre direction que ce que j’avais prévu parce que j’avais perdu au vote en négociant hyper mal ! Et je trouve ce procédé démocratique vraiment intéressant, puisque ça reste raccord avec la personnalité de Sérénor, mais aussi ça permet de vraiment approfondir la personnalité des membres de notre équipe en plus de rajouter une petite dose de hasard si on se plante, rendant le scénario bien plus imprévisible !
Et du côté des batailles, c’est… C’est un tactical-RPG plutôt classique. On déplace nos unités sur une grille et les trois quarts du temps notre but sera d’éliminer tous les ennemis. Deux des subtilités propres à Triangle Strategy viennent du fait que nos personnages n’ont pas de points de magie, mais des points d’action à dépenser comme bon nous semble, sachant qu’on en récupère un à chaque tour, et on peut jouer avec les éléments pour influer sur le terrain, genre glacer le sol pour limiter les déplacements des unités, mettre le feu à certains trucs pour que les gens se crament en bougeant ou bien utiliser la foudre sur l’eau pour électrocuter les gens qui ont les pieds trempés.
En tout cas, si vous avez déjà joué à un Final Fantasy Tactics ou bien un Disgaea, vous ne devriez pas être trop dépaysés ! Mon seul conseil, c’est d’aller au plus vite dans les options pour activer l’accélération des combats, parce que la vitesse par défaut est assez mauvaise… Surtout après avoir joué à Disgaea 6, où les batailles duraient généralement moins d’une minute.
D’ailleurs, en parlant de temps, un truc que j’ai vraiment apprécié, c’est le fait que Triangle Strategy respecte vraiment le temps du joueur ! Ça passe non seulement sur le fait de pouvoir accélérer les combats, mais aussi il y a très peu d’équipement à gérer pour chaque personnage et le jeu est découpé de sorte à ce qu’il soit possible de faire des sessions de moins de 20 minutes en ayant la sensation d’avoir bien progressé ! Et mieux encore, on est face à un RPG qui peut se finir en 22 ou 25 heures en jouant relativement bien ! Bien entendu, ça, c’est sans prendre en compte les deux, voire trois autres fins, donc si vous voulez tout voir, vous pouvez facilement porter ce nombre à 50, voire 60 ou 70 heures, tout ne dépendra que de vous, mais déjà en un run vous aurez vécu une excellente histoire qui n’a pas nécessairement besoin de durer plus longtemps, et vu comment on est de plus en plus nombreux à avoir de moins en moins de temps pour jouer ou bien de temps à passer sur un seul jeu (surtout vu la période actuelle avec un jeu cool par semaine), c’est clairement une petite bénédiction !
Et enfin, côté présentation, c’est un sans faute ! On a le retour de la HD-2D d’Octopath Traveler qui apporte des jolis effets de lumière, d’eau et de particules aux environnements et aux personnages en pseudo-2D pixellisée et côté bande-son, on a Akira Senju qui vient nous offrir une bande-son absolument sublime, bien qu’un peu plus passe-partout et unifiée que sur Octopath ! Pour le coup, on sent que c’est le compositeur de Fullmetal Alchemist Brotherhood qui s’est occupé du jeu, puisque l’on retrouve certains petits tics de composition que l’on retrouvait déjà là-bas et que l’entièreté de la bande-son est orchestrale ! J’imagine que le fait que FMA Brotherhood aie déjà plus de 10 ans couplée au fait que FMA est mon mangé préféré de tous les temps fait que cette bande-son est plus rentrée en mémoire que celle de Triangle Strategy, mais dans tous les cas, on a des mélodies vraiment solides, dont certaines que je réécouterai clairement avec plaisir !
Au final Triangle Strategy ne va pas révolutionner le genre du jeu de stratégie, mais il nous propose une excellente histoire qui se suit vraiment sans déplaisir et des batailles bien fun en plus de respecter notre temps au point où en 22h je n’ai jamais eu l’impression qu’une minute passée sur ce jeu ne servait à rien !
Il ne sera clairement pas pour tout le monde du fait que c’est un jeu extrêmement dense en infos à retenir, est très orienté politique « réaliste » et les fans de jeux de stratégie ultra hardcore le trouveront probablement trop facile, mais ce qui me concerne, il a coché toutes les cases dans la liste des trucs que j’adore dans les jeux vidéo, donc forcément je ne pouvais que trop le kiffer.
De fait, je vous encourage plus que vivement à tester la démo avant de le prendre… Mais ça m’empêchera pas non plus de coller une mention Indispensable, parce que j’ai vraiment passé un excellent, excellent week-end dessus et si jamais Square Enix veut ramener Final Fantasy Tactics sur consoles, je serai le premier dans la file pour dire OUI !