Samedi 24 Septembre, 17h56. Je suis assis devant mon écran d’ordi. Ça fait cinq minutes que les crédits de fin de The DioField Chronicle ont fini de défiler et ça fait cinq minutes que je n’arrive vraiment pas à comprendre ce qu’il vient de se passer. Non, je ne parle pas de la fin du jeu en lui-même qui est… Particulière et visible à des kilomètres, mais je n’arrive tout simplement pas à digérer ce jeu que j’avais apprécié dans sa démo et pour lequel la courbe de mon enthousiasme n’a fait que petit à petit se transformer en une montagne russe à mesure que les heures défilaient.
Je voulais aimer The DioField Chronicle. Vraiment. Profondément. Il avait tout pour être pour moi le genre de jeu que j’aurais voulu vous recommander chaudement comme étant cette petite pépite de jeu vidéo que Square Enix avait décidé de balancer dans un Ludocalypse dont il est lui-même à 70% responsable. Mais ce beau cristal qu’était la promesse d’un excellent jeu n’a fait que se fissurer avant de voler en éclat et maintenant je me retrouve à devoir écrire un texte qui me crève le cœur.
Ceci étant dit, il y a une petite lueur d’espoir à laquelle je me raccroche : celle de me dire que Square Enix est, actuellement, en train de répliquer presque à l’identique ce que Squaresoft avait fait à la fin des années 90 durant son âge d’or. Il y a 10 ans, The DioField Chronicle n’aurait probablement jamais vu le jour. Là, Square Enix donne sa chance à de nouveaux concepts, de nouveaux univers et accorde des budgets à des projets un minimum originaux et risqués. Alors bon, ça ne veut pas non plus dire que l’on va avoir des joyaux tout le temps, mais au moins la prise de risques est là et en ça, je trouve ça pas mal louable !
… Même si dans le cas de The DioField Chronicle, clairement une petite extension de budget et de temps de développement n’aurait pas fait de mal vu l’ambition affichée par ses créateurs.
Za Warudo Chronicles
L’histoire de The DioField Chronicle est… Probablement le truc sur lequel je vais passer le plus de temps, parce qu’il y a du très bon et du très très chelou.
Concrètement, un grand méchant empire est en train de conquérir le monde et une alliance entre différentes nations s’est mise en place pour tenter de l’arrêter. Le truc, c’est que ce conflit, on s’en fout un peu, parce que l’action se situe sur l’île de DioField et qu’elle n’en a pas grand chose à cirer de tout ça pendant une bonne partie du jeu et elle n’est entraînée vaguement dans ce conflit juste parce qu’elle possède une abondance de cristaux magiques qui alimentent les armes des deux groupes. Non, le focus de l’histoire de The DioField Chronicle, c’est plus les querelles internes à l’île, puisque le roi est mourant et plusieurs successeurs sont prêts à se mettre sur la tronche… Du moins, ça c’est en théorie, parce qu’en fait on se focalise plus sur les conflits entre les différents nobles qui mettent à mal le pays à force de complots et autres manigances.
Vous trouvez ça brouillon et chaotique ? C’est pas le pire, parce que le scénario va nous speedrunner touuuut le truc à coups de narrateur qui raconte régulièrement des événements vraiment fous pour nous les expédier en trois secondes plutôt que d’y consacrer une cutscene entière. Je me souviens de deux moments très spécifiques. Sans rentrer dans les détails, pour le premier, ça concerne l’intro du jeu qui en moins d’une minute nous balance direct le premier gros mort de l’histoire et qui devrait avoir une grosse importance dans l’histoire, mais… Pas tant que ça ? Ou du moins, c’est dit tellement rapidement et avec tellement de détachement que ça donne l’impression que ça n’est pas important du tout.
Le second moment concerne une faction qui est introduite et quelques minutes plus tard, sans rien nous montrer, notre groupe décide de leur faire la misère parce qu’ils ont fait des trucs vraiment pas terribles. Sans qu’on ne voit ce que c’est et le tout au détour d’une seule ligne de dialogue qui, si on l’a zappée, fait qu’on va rien comprendre à ce qu’il se passe. Aucun vrai antagoniste ne ressort ni n’a de personnalité marquante et si vous aviez regardé la boîte du jeu en vous disant « Hum, il a l’air mystérieux ce méchant qui fait face au héros »… Dites-vous qu’on ne le voit JAMAIS. Même après que les crédits de fin ont défilé, je ne sais absolument pas qui c’est. J’ai ma petite idée ceci dit, mais on ne voit jamais cette armure dans le jeu donc pendant tout le jeu je m’attendais à le voir débarquer pour vraiment créer un conflit tangible, mais non. Que dalle. Aucun méchant ne se démarque du lot et ça fait que j’ai jamais vraiment ressenti d’enjeu concret en dehors de… Erm… Hum.
Et c’est sans même parler des personnages que l’on contrôle ou bien ce qu’ils font, puisque, personnellement, je n’ai réussi à m’attacher qu’à deux personnages sur la dizaine présentée. La première, c’est Izzy, la sidekick féminine d’Andrias et Fredret, les deux héros du jeu et qui est une sorte de Mikasa Ackerman qui est écartée du scénario presque immédiatement après avoir fini l’intro. Le second, c’est Iscarion, le beau gosse du groupe qui ressemble beaucoup trop à Vayne Solidor, le méchant de Final Fantasy XII, mais qui ici est très sympa et même un fervent défenseur de la démocratie… Ce qui m’amène à un point qui m’a fait pas mal tiquer : je ne me suis moralement pas du tout aligné avec le jeu, au point limite que j’avais l’impression les trois quarts du temps de jouer les méchants.
Outre le fait qu’on se batte pour la noblesse en vue de perpétuer la monarchie et même que Fredret, notre second héros, est catégoriquement contre la démocratie au point de sèchement envoyer bouler le seul perso que j’aime, le fait que le scénario aille si vite dans ce qu’il veut raconter fait que la moitié des enjeux ne sont pas du tout présentés a eu ce drôle de contrecoup où je me sentais mal à l’aise devant une bonne partie du jeu tant j’avais souvent l’impression de tuer des gens parce qu’il fallait le faire et non pas pour faire progresser une cause définie. Dans The DioField Chronicle, s’il y a un problème, la solution, c’est tout simplement d’assassiner le problème. Oh et le dernier truc qui faisait que je me sentais un peu mal à l’aise, c’est le fait que le groupe que l’on incarne, les Renards Bleus, est concrètement une milice privée au service de qui veut bien les payer. À la limite, s’ils travaillaient de concert avec l’armée royale ou bien étaient comme leur Suicide Squad, bon, pourquoi pas, mais là on incarne une faction au service des plus riches et quand c’est pas le cas, la moitié du temps t’as juste l’impression qu’ils sont les seuls à faire des actions concrètes ou, pire encore, qu’ils fassent justice eux-mêmes dans un cadre pas 100% moralement juste.
Est-ce que cette moralité grise est dommageable au jeu ceci dit ? Non pas non plus, et même au contraire je trouve vraiment hyper intéressant le fait que j’ai passé mon temps à ne pas juste accepter aveuglément ce que me balançait le scénario, comme le font pas mal de jeux ou d’anime qui peuvent présenter de manière ultra héroïque certains trucs parfois vraiment douteux autour du concept de la justice et se faire justice soi-même notamment. Ceci étant dit, bon, je dois avouer que ça m’a pas aidé à vraiment kiffer une histoire qui est bien touffue, malgré de claires limitations de budget.
Enfin, le dernier truc qui m’a pas trop fait kiffer le jeu au niveau de l’écriture, c’est son ton. Glacial. Monocorde. Limite ennuyé. Izzy m’avait donné bon espoir d’avoir parfois quelques moments de légèreté et il y en a 2/3, mais 98% du jeu est sérieux au point que je n’ai rien ressenti durant certains moments qui auraient pu être vraiment fous. On est très loin d’un Valkyria Chronicles ou même d’un Triangle Strategy, qui parvenaient à rendre tous leurs personnages cool ou intéressants sans non plus retirer à la gravité de certains de ses thèmes les plus lourds. Dans The DioField Chronicle, on ne sourit presque jamais et limite j’étais plus exaspéré qu’autre chose à cause d’Andrias, le personnage principal le plus antipathique que j’ai incarné depuis un moment. Andrias, c’est ce personnage qui a tout le temps une arrière-pensée et qui est froid et distant, mais jamais tu ne t’identifies à lui, au point que plus le temps passe, plus tu le trouves relou avec l’envie de lui coller des claques en mode « dis-moi ce à quoi tu penses làààà !!! » J’ai eu l’impression de jouer un Sasuke en encore pire, c’était ultra frustrant.
Bref… Temps de passer au gameplay et… C’est tout aussi frustrant, parce qu’il y avait un potentiel de fou, mais pas le budget ou les idées qui suivent.
The DioField Chronicle se présente comme un jeu de stratégie façon RTS où l’on peut contrôler nos unités sur le terrain individuellement ou en groupe pour aller taper sur les ennemis et… Bah c’est tout. On peut arrêter le temps pour déterminer la route qu’emprunteront les personnages ou bien sélectionner leurs attaques spéciales qui coûtes des points de magie et plus on tue d’ennemis ou on récolte des orbes bleus, plus on aura de chances de remplir sa barre d’invocation, qui permet d’invoquer des créatures comme Bahamut ou Fenrir.
En soi, le système de combat est plutôt fun et il y a même moyen de créer pas mal de tension si on y joue en Normal ou Difficile, parce que les ressources vont s’épuiser rapidement, ce qui impliquera parfois de devoir détacher un personnage du groupe pour le faire récupérer des orbes de vie, de magie ou d’invocation, mais le jeu souffre d’un très gros problème : il n’y a pas du tout de variété et le grinding peut vite être omniprésent si on décide de ne pas switcher en Facile.
Avant le dernier chapitre parce que j’en avais juste ma claque, j’ai fait toutes les missions annexes et les seules variations qu’il y a dans les combats, c’est soit de tuer tout ce qui est présent à l’écran, soit tuer tout ce qui est présent à l’écran en faisant gaffe à ce qu’ils pètent pas la pauvre petite barricade de notre côté de l’écran, soit tuer tout ce qui est présent à l’écran en escortant un convoi, sachant que pour ce dernier, il y a genre 3 oui 4 missions max de tout le jeu qui présentent ce concept.
Et si vous pensez que c’est déjà pas vraiment varié mais que ça doit être compensé par des conditions particulières, détrompez-vous. Les différents terrains que l’on traverse n’ont absolument aucune incidence sur les conditions de bataille et il n’y a pas de trucs rigolos typiques des jeux de stratégie comme le brouillard ou quoi. Vous pouvez vous battre dans les décombres d’une ville, dans le désert ou bien les contrées glacées, ça ne change absolument rien et ça fait que tous les combats se ressemblent.
Aussi, et c’est la raison pour laquelle je suis passé en Facile quand j’ai perdu patience avec le jeu, c’est qu’il n’y a généralement que 5 ou 6 quêtes annexes par chapitre pour gagner de l’xp et, sachant que le jeu est brutal si vos personnages n’ont pas le niveau requis, il va falloir parfois se retaper ces missions 3 ou 4 fois pour espérer s’en sortir, donc faire exactement les mêmes batailles encore et encore. Et encore plus relou, la répartition des points d’expérience est vraiment bizarre. Elle récompense les personnages les plus actifs, mais d’un combat sur l’autre, ça va changer pour aller vers ceux qui ont un niveau un peu inférieur aux plus forts, faisant que certes, mon groupe progressait un peu, mais y’avait toujours quelqu’un de plus faible que les autres qui pouvait risquer de caner à tout moment parce que les ennemis avaient un ou deux niveaux de plus. J’ai fini le jeu en 19h et 7 d’entre elles étaient baignées d’un certain ennui à devoir refaire encore et toujours la même chose juste pour obtenir un max d’upgrades et de niveaux et avancer dans une histoire que j’aimais de moins en moins.
Et c’est là que le jeu me frustre vraiment, c’est que son univers a un potentiel incroyable : on est dans un monde qui mélange hyper bien le médiéval-fantastique et le steampunk britannique. Les dragons et les invocations de Final Fantasy côtoient des gentlemen habillés comme s’ils sortaient de la révolution industrielle et ça rend beaucoup trop bien. Et même graphiquement c’est très stylé et stylisé ! On sent qu’ils ont pris des notes de l’équipe de Bravely Default 2 pour les designs des personnages et tout ce qui est des effets de flou qui rendent la réalisation des rares cutscenes vivantes avec même un petit côté caméra au poing qui n’est pas déplaisant. Et les décors façon diorama sont plutôt variés et appréciables à l’œil, à défaut d’être mémorables.
Et la petite surprise qui faisait plaisir, c’était de voir la participation de Ramin Djawadi, le compositeur de la série Game of Thrones à la bande-son. Bon, les musiques tiennent de l’ordre du discret et de l’ambiance, mais c’est vraiment sympa à écouter et ça sonne… Bah différent de ce qu’aurait pu nous sortir un Hitoshi Sakimoto ou bien Akira Senju.
Au final… Bon, je vais pas revenir dessus, vous aurez bien compris que je suis vraiment frustré par The DioField Chronicle. Le jeu avait un potentiel incroyable, mais son manque de budget et de maturation ont vraiment freiné ce qui aurait pu facilement être un jeu que j’aurais mis dans mon classement de fin d’année. Si le scénario avait pris le temps de correctement se développer plutôt que de constamment tout expédier et que le gameplay avait été bien plus varié et moins dépendant du grinding, franchement, je l’aurais surkiffé. À la place, je me retrouve face à la promesse de quelque chose d’exceptionnel, mais, qui sait, peut-être qu’une potentielle suite pourrait changer la donne ?
J’avais vraiment envie de recommander ce jeu, mais là ça va être compliqué, surtout à 60€. Si vous le trouvez à un prix que vous jugez bon, pourquoi pas ? Et, au pire, une démo est dispo si jamais vous voulez vous faire votre propre avis et voir si vous voudriez passer plus de temps dessus.