Si vous êtes assez vieux pour vous rappeler de l’E3 2006, vous vous souvenez très certainement de l’annonce de Fabula Nova Crystallis, un projet ambitieux de Square Enix qui consistait à bâtir toute une mythologie autour de Final Fantasy XIII avec plusieurs projets lancés en même temps. On devait avoir Final Fantasy XIII, Agito XIII (qui est devenu Type-0) et aussi et surtout Versus XIII, un jeu d’action conçu par Tetsuya Nomura et la team derrière Kingdom Hearts, promettant un univers sombre et aussi et surtout… Du saaaang !!! Oui, c’était le milieu des années 2000, il nous fallait pas grand chose pour nous hyper à l’époque…

Les années ont passé et Versus XIII s’était embourbé dans un développement hyper chaotique, résultant quelques années plus tard en un changement de mains. Hajime Tabata a repris le projet des mains de Tetsuya Nomura et même si Nomura est resté consultant sur le projet pendant un an ou deux, la vision initiale de Versus XIII avait plus ou moins disparu pour devenir Final Fantasy XV. Et même si ça n’a jamais été officiellement dit, on peut sentir que Nomura a vécu ce changement comme une petite trahison, au point qu’il avait décidé de se venger et préparer le retour de Versus XIII via… Kingdom Hearts III, qui s’est brutalement mis à écarter tous les personnages de Final Fantasy, et ce qui semblait être une vanne glissée en plein milieu du jeu avec un faux RPG aux personnages très proches de la bande de Noctis et le nom Verum Rex, qui veut tout simplement dire « Le Véritable Roi » est visiblement bien parti pour devenir le futur de Kingdom Hearts.

Et là vous vous demandez sûrement pourquoi je parle de tout ça alors que je m’apprête à faire la critique de Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin. Pour le coup, j’ai une petite théorie sur ce projet, parce que sous couvert d’être une sorte de remake/préquelle au tout premier Final Fantasy pour fêter les 35 ans de la série, j’ai la sensation que Stranger of Paradise est une autre pierre dans le plan de Nomura pour se venger de Square Enix en ridiculisant la série.

Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin est un des jeux les plus bizarres que j’ai eu à tester en onze ans de carrière. Non seulement bizarre dans son parti-pris de transformer un jeu qui était à l’époque destiné à un public relativement large en quelque chose de destiné erm… Aux gens énervés, mais aussi bizarre parce que je ne sais vraiment pas quoi en penser après l’avoir fini !

Je ne sais vraiment pas quoi penser de son histoire et de son ton, qui me font me poser une question essentielle : est-ce que ce jeu devait être une parodie, un jeu sérieux, ou bien quelque chose vu par un studio japonais comme étant destiné principalement à un public occidental, nous faisant au passage passer pour des brutes sanguinaires qui ne savent pas aligner plus de deux mots, parce que si c’est ce dernier… Bon, vu le top des ventes de jeux vidéo chaque année, j’imagine que l’on récolte ce que l’on sème niveau réputation…

Et avant que vous ne pensiez que je n’ai pas aimé ce jeu, c’est tout le contraire ! Stranger of Paradise m’a fait passer un bon moment, mais clairement pas pour les raisons escomptées par Square Enix ! J’ai été mort de rire la moitié du temps, et l’autre moitié j’étais incroyablement confus devant ce jeu qui semblerait tout droit sorti du milieu des années 2000 pour plaire à des joueurs qui s’enfermaient dans leur chambre en écoutant du Evanescence et du Nickelback !

Et même si je peux donner un air snobinard élitiste qui pourrait dire que « Final Fantasy n’avait pas à tomber aussi bas en s’adonnant à autant de brutalité », encore une fois je tiens à souligner que j’ai absolument kiffé cette expérience au point de le finir en presque qu’une seule journée et ai donc enchaîné plus de 10h de jeu en un jour, ce qui n’arrive presque jamais ! Bon, pour une raison que je vais élaborer un peu plus tard, je vous déconseille absolument de faire ça et aussi si vous trouvez un peu court le temps passé dessus, c’est aussi parce que j’ai fait tout le jeu en Facile, donc si vous jouez en Normal, comptez plutôt entre 16 à 20h grand minimum pour faire le jeu en ligne droite et ajoutez dix heures de plus pour le contenu secondaire.

Et maintenant vient le moment où je vais galérer à coucher sur l’écran ce que je pense de l’histoire tant il y a de choses à dire et éviter de dire pour ne pas spoiler… Même si le trailer final que Square Enix a sorti spoile 90% du truc.

Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin commence sur une scène extrêmement brutale, où l’on voit Garland, le méchant iconique du premier épisode, massacrer tout un tas de soldats alors qu’il a kidnappé la princesse. Il y a du sang bien visqueux qui coule à flots, des cadavres qui tapissent les murs et même des bras coupés, posant le ton et promettant un jeu sombre et « mature ».

À peine deux minutes plus tard, on tombe sur notre protagoniste principal, Jack, qui se balade dans un champ de blé sur fond de Frank Sinatra, puis après un tuto, il fait la connaissance de ses compagnons et se lie d’amitié avec eux en moins d’une minute chrono. Et une minute plus tard, après un texte qui explique qu’ils ont rencontré le roi pour faire part de leur plan pour aller tuer Chaos, on a le droit à une ellipse qui zappe tout un pan de l’histoire pour nous dire que tout le monde est bien pote et déjà prêt à aller zigouiller Chaos dans son temple.

Quand j’avais fait la démo, je croyais que cette ellipse était là pour zapper des missions de tutoriel avec des missions un peu bateau pour poser le contexte et créer la dynamique de groupe… Mais en faisant le jeu complet, absolument rien n’avait changé, me plongeant dans la plus grande confusion.

Et cette confusion n’a fait que perdurer, puisque beaucoup de cutscenes ne servent concrètement à rien, voire même ont moins de deux lignes de dialogue après un temps de chargement pour mener à un autre temps de chargement, me replongeant dans des souvenirs pas forcément heureux de Sonic 2006… À ceci près que grâce à la version PS5, les temps de chargement durent moins de 8 secondes, ce qui est toujours ça de gagné.

Mais le plus étrange et fascinant, c’est que toute cette confusion est étrangement entré au service du scénario, puisque notre groupe de personnages principaux a régulièrement des pertes de mémoire, et la vérité est tout aussi folle qu’étrangement raccord avec l’histoire du premier Final Fantasy. Je ne vais pas en dire plus, mais même si ça donne l’impression de partir en vrille très rapidement, ça respecte plutôt pas mal le scénario qui lui sert de base, à ceci près qu’on remplace le groupe de héros gentils et serviables par une brute sanguinaire.

Jack est un personnage principal aussi fascinant qu’effrayant. Il est con comme une chaise, n’a qu’une seule idée en tête et n’écoute absolument personne, envoyant régulièrement bouler ses compagnons au point que je me sentais limite mal pour eux entre deux crises de fou rires causés par la confusion, aussi bien du fait qu’on se retrouve avec un « héros » aussi différent que par certaines inconstances dans l’écriture. Les personnages peuvent parfois changer d’avis d’une mission sur l’autre sans aucune explication au point de penser le contraire de ce qu’ils disaient vingt minutes plus tôt, c’est… Assez fascinant.

Même si le scénario se prend les pieds dans son propre tapis et détruit un peu les intentions de sa propre fin en nous rappelant un truc important.

Mes deux seuls vrais regrets concernant l’histoire du jeu, c’est qu’il grille un de ses twists extrêmement rapidement si on lit la description des lieux durant les temps de chargement, et aussi les compagnons de Jack sont… Un peu inutiles, en vrai. Ils disent des trucs, mais jamais rien d’important ou bien qui les concerne et dès qu’ils essayent de dire un truc, Jack les envoie bouler en disant qu’il en a rien à péter, nous privant ainsi de dialogues potentiellement intéressants.

Mais dans tous les cas, je ne peux pas dire que je n’ai pas apprécié l’histoire, qui essaye de nous livrer de manière très sérieuse des trucs soit complètement fous, soit ridiculement drôles, d’où le fait que j’ai encore maintenant des doutes sur le fait que cette histoire ait été écrite sérieusement ou non. C’est une expérience qui donne l’impression de jouer à un nanar vidéoludique de top qualité et si on y va avec ces attentes, on passera un très bon moment !

D’ailleurs, un dernier truc : j’ai dit que j’ai joué au jeu en Facile, et, étonnamment, c’est ultra raccord d’un point de vue narratif ! Jack est dépeint comme une brute qui défonce tout sur son passage pour atteindre Chaos et si on y joue en Facile, bah comme Jack on va tout défoncer sur notre passage et nous faire sentir comme un monstre de puissance et de brutalité ! Et en plus en Facile, la défense vient souvent en option, ce qui est aussi raccord avec le caractère brutal de Jack !

Ce qui me fait passer à la partie gameplay et bons dieux que Stranger of Paradise est cathartique grâce à la magie de Team Ninja !

Le jeu prend des notes de Ni-Oh en structurant le tout sous forme de missions que l’on sélectionne dans un menu et le but est tout simplement d’aller d’un point A à un point B-oss. Défoncez le boss, passez à la mission suivante et récupérez un meilleur équipement jusqu’à atteindre la fin du jeu, c’est aussi simple que ça. Il y a quelques missions secondaires qui consistent généralement à refaire la même zone à l’envers pour trouver un mini-boss ou bien des ennemis spécifiques, mais globalement on fera la même chose d’un bout à l’autre de l’aventure.

D’ailleurs, un petit conseil : ne faites pas comme moi et jouez plutôt au jeu à petites doses, parce que ça devient un peu répétitif et monotone sur la durée. Pas ennuyant non plus, mais clairement c’est plus le genre de jeu qui se déguste sur la durée pour éviter d’en perdre trop la saveur.

Aussi, un autre point qui le rend un peu monotone vient de son level-design qui est sympa sans non plus être bien fou. Généralement, il s’agit d’une succession de couloirs avec, sauf exception, très peu de verticalité. Certains niveaux ont bien des mécaniques un peu uniques, comme un canon géant qui nous canarde à distance, ou bien des clés à trouver pour débloquer les bonnes portes, mais on est loin des donjons labyrinthiques et ultra élaborés d’un jeu de From Software. C’est d’ailleurs limite si les pièges nous surprennent du fait qu’il y en a genre 4 ou 5 dans tout le jeu et ils n’apparaissent qu’une ou deux fois ! Ceci étant dit, c’est un peu compensé par l’apparence des niveaux, qui sont tous basés sur des lieux iconiques de chaque épisode de la série principale et qui dans certains cas, ont renforcé mon idée de voir des remakes de certains épisodes, notamment FF6 !

Mais là où le jeu devient vraiment hyper fun, c’est dans son système de combat versatile à souhait ! On peut équiper plein de classes différentes, allant du guerrier standard au mage ou bien le chevalier dragon et on peut équiper deux classes différentes en même temps pour changer à la volée sans avoir à repasser dans le menu. Malheureusement, contrairement à un Devil May Cry, on ne peut pas changer de classe en plein milieu d’un combo. On peut pas mal les customiser ceci étant dit, en choisissant quelle attaque spéciale assigner au bouton R2 et déterminer quand la balancer durant le combo pour un max de versatilité. À noter aussi que les classes ont toutes un système d’affinité qui permet de débloquer des boosts de stats supplémentaires selon que l’on a équipé des armes ou des pièces d’armure en accord avec notre classe actuelle. Couplez ça au fait que plus tard dans le jeu certaines classes ont plusieurs types d’affinité et vous pouvez vraiment avoir un personnage avec des stats bien différentes selon votre équipement !

Un autre système que j’ai trouvé hyper intéressant vient du système de MP, qui permet de balancer nos attaques spéciales ou nos sorts. Au début de chaque mission, on n’a que 2 barres de MP et le but est de défoncer assez de monstres pour se retrouver avec une barre plus large qui nous permettra de battre plus facilement le boss au bout du chemin. Et si on fait exploser un ennemi en réduisant leur barre de résistance à zéro, notre barre de MP se remplit bien plus vite !

Mais là où ça peut devenir plus tendu (ou relou), c’est que cette barre de MP peut repasser à 2 si on meurt en difficulté normale ou supérieure, rendant de fait les combats de nouveau bien plus difficiles puisque ça limite pas mal nos options. En facile, il y a l’option de la conserver telle quelle, ce qui fait que la mort ne nous ramène qu’au précédent checkpoint. À noter aussi qu’en normal et autres, nos alliés dépendent aussi de nous pour les soins, là où en facile ce sont des machines à tuer qui reviennent à la vie par eux-mêmes. Sachant que notre stock de potions est limité à 5 et ne peut aller que jusqu’à 9 et que même en facile on peut perdre la moitié de notre vie en deux coups bien placés… Je ne vous fais pas un dessin, mais vous comprendrez que j’ai accueilli ces options d’accessibilité à bras ouverts et ça fait que le jeu peut être aussi bien hyper fun et défoulant qu’un truc bien plus technique qui peut aussi mener à pas mal de moments de rage !

Côté présentation, c’est… Bah ça va, pas grand chose à redire. Ça tourne plutôt bien sans non plus être parfait et les décors restent très jolis sans pour autant être des claques graphiques. Ceci étant dit, c’est plus côté musiques que ça devient intéressant, puisque l’on a Naoshi Mizuta et Ryo Yamazaki qui ont fait un très joli travail. Le thème principal est absolument incroyable et certains thèmes de boss sont vraiment chouettes, avec une mention spéciale pour le thème du Captaine Bikke, qui fait pirate à souhait.

Enfin, côté doublages, même si j’ai pour habitude de jouer avec les doublages japonais et qu’ici on avait quand même Kenjiro Tsuda, la voix de Overhaul dans My Hero Academia et de Seto Kaiba dans YuGi-Oh pour jouer Jack, je trouvais plus pertinent ici de mettre le jeu avec les voix américaines, ne serait-ce parce que la voix plus rauque et véner de Jack collait mieux ! Bon, par contre ça ne collait pas du tout avec les sous-titres français qui étaient clairement basés sur le script japonais, mais vu la profondeur du scénario, ça ne changeait pas grand chose, dooonc… Eh.

Au final, Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin n’est peut-être pas le jeu de l’année, mais il n’en reste pas moins une curiosité absolument fascinante qui amusera tous ceux qui le prendront avec des attentes bien placées. Son scénario et son personnage principal fascinants de stupidité sont extrêmement divertissants et son système de combat riche, varié et accessible au plus grand nombre fait que traverser cet hommage à Final Fantasy est pas mal plaisant, mais à petites doses !

Ceci étant dit, je ne pense pas non plus que ça vaut la peine de le prendre plein pot et si vous hésitiez entre Stranger of Paradise et, je sais pas moi, par hasard, Elden Ring, je vous conseillerais plutôt de pencher pour ce dernier si la difficulté n’est pas un truc qui vous rebute. Ceci étant dit, si vous le trouvez à un prix que vous jugerez pertinent, ça peut valoir le coup de le faire et je suis prêt à vous le recommander !