Le fan est une créature complexe. Insatiable. Vous faites tout pour le satisfaire, mais dès l’instant où vous le nourrissez, peu importe que vous ayez passé des années à travailler sur ce nouveau plat, il ne tardera pas à demander la suite de son repas… Quitte à ce que ça prenne des années, voire une décennie. En tant que fan de Solatorobo, vous n’imaginez pas ma douleur…

Et parce que cet appétit insatiable peut mener à des réactions pas forcément désirables, certains créateurs peuvent parfois se sentir obligés de jeter un os à ronger à leur fan en espérant pouvoir les calmer, au risque que ça peut générer plus de négativité qu’autre chose.

Il y a 7 ans, on entendait encore et encore « à quand des remakes de Hoenn ? », la troisième génération de Pokémon, ce à quoi Game Freak avait répondu avec les très chouettes Pokémon Rubis Omega et Saphir Alpha, deux jeux qui m’avaient réconciliés avec une génération que je n’avais pas trop aimé à l’époque de la Game Boy Advance parce que j’étais devenu « trop vieux pour Pokémon ». En même temps, faut dire qu’ils avaient mis le paquet sur ces remakes avec un épilogue bonus vraiment ambitieux et une des meilleures musiques de la série !

Forcément, une fois Hoenn sorti, l’attention des fans s’est déportée sur l’envie de voir des remakes de la quatrième génération et on était reparti pour 7 ans de demandes incessantes… Sauf que là, la donne est bien différente, car Game Freak avait envie de faire autre chose qu’un simple remake avec la région de Sinnoh via Légendes Pokémon Arceus.

Et j’imagine que c’est pour contenter tout le monde et en imaginant que les fans seraient pas contents de cette nouvelle direction que The Pokémon Company s’est sentie obligé de sortir des remakes de la 4G, comme un os de secours à leur balancer… Mais vu que Game Freak était déjà bien occupé, ils ont joué pour la première fois la carte de la sous-traitance en filant le boulot à ILCA, une compagnie principalement connue pour épauler d’autres studios sur des projets comme l’excellent remake de NieR Replicant et Tales of Arise sortis cette année.

Mais voilà, ILCA n’est pas le studio qui avait conçu Pokémon Diamant et Perle et donc il est facile d’imaginer qu’ils n’avaient pas trop de libertés créatives, ni n’avaient le temps d’être trop ambitieux et il en résulte… Des sortes de portage HD de jeux sortis sur Nintendo DS, avec tout ce que ça implique de bien en matière de sécurité et donc d’impossibilité de se planter, tout comme cette sensation d’un jeu un peu flemmard.

Et là où ça devient encore moins rigolo pour moi et où ça risque de faire vivement réagir : je… N’ai jamais aimé la génération de Diamant et Perle, au point que ça a manqué d’être la génération qui m’aurait fait définitivement quitter la série Pokémon si ça n’avait été pour la dernière dernière chance que j’ai donné à Blanc et Noir et qui a totalement ravivé mon amour pour la série ! J’ai donc redonné sa chance à Diamant et Perle via les remakes, en espérant que ça irait mieux et même si la première heure augurait du bon, j’ai enfin réussi après toutes ces années à mettre le doigt sur ce qui fait que je n’aimais pas cette génération.

Ça manque d’ambition et de folie. Et du monde Distortion de Platine, qui ne fait pas partie de ces remakes.

Au moins ça a eu le mérite de ne pas durer longtemps du tout cette fois-ci…

Un diamant en manque de polissage

Le principal intérêt des jeux Pokémon variera d’une personne à l’autre, et là où pour pas mal tout repose sur le monde qu’on traverse, créer la meilleure team pour jouer en tournoi ou bien le fait de capturer tous les Pokémon pour remplir le Pokédex, personnellement je fais partie de ces gens qui privilégient l’histoire et qui une fois la Ligue terminée vont gentiment reposer le jeu et passer à autre chose… Et pour le coup l’histoire de Diamant et Perle est tellement simple et classique que ça en devient limite barbant.

Un enfant part vivre une aventure à travers le pays tout en empêchant la fin du monde parce qu’il tombe sur des méchants un peu timbrés. C’est la même chose que les trois générations qui l’avaient précédé, ce qui faisait qu’à l’époque je ne l’avais pas apprécié des masses. Et maintenant que 15 ans se sont écoulés et que Blanc et Noir sont passés par là, j’ai pu vraiment mettre le doigt sur pourquoi je ne me sentais pas impliqué : à part durant deux séquences spécifiques la mise en scène est inexistante, comme si le jeu lui-même ne croyait pas en ce qu’il racontait. Bon, à l’époque, c’est en partie compréhensible (et encore, Blanc et Noir ont prouvé le contraire en jouant intelligemment sur les plans de caméra, son opening incroyable et certains décors qui racontent plus que n’importe quel dialogue), mais les remakes ne font absolument rien pour essayer de souligner les enjeux… Et c’est pas aidé par la direction artistique chibi adoptée par les remakes qui certes respectent les jeux originaux, mais n’aident en rien à prendre au sérieux la menace de la folie d’Hélio, le chef de la team Galaxie.

Et ce n’est pas aidé par la scène qui m’a ouvert les yeux sur le problème, où il se passe un événement qui devrait être inquiétant, mais où le jeu s’en fout, puisque les personnages ne laissent transparaître aucune émotion et, pire encore, la musique reste totalement guillerette et légère. Dans la plupart des jeux, la musique aurait changé pour mettre un truc plus dramatique, ne serait-ce que le temps que le dialogue se termine, mais ici, rien. Toujours la musique de la ville toute gentillette.

C’était à cause de ce manque d’implication de la part du jeu que je ne me suis pas moi-même impliqué dans ce qu’il avait à raconter, alors que concrètement Hélio est un des personnages les plus dérangés de la série Pokémon (même si encore une fois, Blanc et Noir le dépassent sans aucun effort en introduisant Ghetis, le méchant de loin le plus détestable et corrompu de la série).

Et c’est sans parler de l’absence du monde Distortion de Pokémon Platine, un des rares moments où pour moi cette génération était vraiment intéressante, car non seulement il était visuellement fou, mais en plus il complétait bien l’arc de Hélio et donnait une conclusion un minimum cool. Enfin…

Côté gameplay et structure, on est sur le plus Pokémon des jeux Pokémon. On combat des Pokémon sauvages ou ceux des Dresseurs adverses pour faire grimper sa team en niveaux dans le but de pouvoir battre les 8 Maîtres d’Arène qui détiennent les badges qui nous feront accéder à la Ligue Pokémon et sur la route on capturera tout ce qui bouge pour se constituer une équipe qui nous plaira et compléter le Pokédex… Et c’est plus ou moins tout. Certes, il y a quelques petits trucs à faire sur le côté, comme les concours Pokémon et le Grand Souterrain (j’y reviens), mais le jeu est ultra linéaire avec très peu de contenu annexe durant toute la partie scénario.

Le post-game est un peu plus garni, heureusement, avec la Tour de Combat et un tout nouveau lieu qui permet de capturer des Pokémon Légendaires, mais si vous venez principalement pour le scénario, vous risquez de vite ressentir la lassitude se pointer. Encore une fois, l’absence de mise en scène et même de dialogues ou de personnages intéressants fait qu’on ressent encore plus le poids de ce qui est grosso modo un immense couloir de plus de 15h avec uniquement des combats, des combats et encore des combats. Contre les 15 mêmes Pokémon, pour une raison qui m’échappe. Je ne compte plus le nombre de Chaglam, de Moufouette et d’Archéomire que j’ai du défoncer en affrontant les sbires de la team Galaxie et encore moins le nombre ahurissant d’Etourmi et de Keunotor sur les premières routes…

Et si vous avez tiqué sur les 15 heures, dites-vous que j’ai fini le jeu en 13h20 en désactivant les animations de combat au bout de 3 heures de jeu parce que les combats en duo étaient interminables et j’ai passé bien plus d’une heure à m’amuser dans les Grands Souterrains. Pour le coup, ces remakes ont apporté pas mal d’options de confort qui réduisent de manière significative le grinding (heureusement), notamment le Multi Exp qui est intégré de base dans l’ADN du jeu au point de ne pas être désactivable. Et même si ça paraît insignifiant, le fait qu’on puisse désormais se déplacer dans 8 directions au lieu de 4 et que les chaussures de course ne demandent pas d’appuyer sur B pour courir aident aussi un peu à donner l’impression que ça va plus vite.

Et avant de parler des Grands Souterrains, je voulais évoquer vite fait le concours de beauté qui est désormais devenu un petit jeu de rythme très basique n’utilisant qu’un bouton et erm… Oui ? Oui, filez-moi un jeu de rythme Pokémon façon Theatrythm s’il vous plaît ! On avait déjà eu un aperçu du potentiel avec le très chouette Harmo Knight qui avait des musiques de Pokémon, mais si on pouvait avoir un truc plus complet je dirais pas non ! Et je ne dirais pas non à une suite à Harmo Knight, d’ailleurs. Ça serait cool !

Bref, fin de la parenthèse et passons à la partie la plus fun du jeu pour moi : les Grands Souterrains.

À l’époque des versions Nintendo DS, je trouvais cette feature inutile, puisqu’on ne faisait qu’explorer un labyrinthe pour déterrer des fossiles via un mini-jeu façon Démineur, décorer une pièce et erm… Bah c’était tout, en fait. Ici, c’est la même chose, à ceci près qu’on peut maintenant trouver des Pokémon sauvages introuvables à la surface ! Mieux encore, en trouvant des statuettes cachées dans les murs, on peut débloquer encore plus de Pokémon rares et, encore mieux : le niveau des Pokémon dans ce lieu s’adapte en fonction du nombre de badges obtenus, sachant qu’ils seront toujours à un niveau plus élevé que ceux que vous trouverez à la surface et parfois même un niveau plus élevé que votre team ! Et en plus on peut les voir directement se balader dans les zones, là où à la surface on a toujours cet effet de pochette-surprise en se baladant dans les hautes herbes ! Ça peut être un excellent moyen de réduire de manière significative le grinding en plus de pouvoir bien refaire son équipe avec des Pokémon bien plus puissants et c’est vraiment un des rares moments où je me sentais pleinement impliqué puisque au moins j’affrontais des créatures un minimum puissantes, là où à la surface je n’ai rencontré aucun obstacle en dehors du Maître de la Ligue qui est hyper dur.

D’ailleurs, le dernier point de gameplay qui rend l’expérience un peu plus facile et moins pénible par rapport aux originaux vient du système d’amitié de Soleil et Lune qui vient se greffer à ces remakes. Concrètement, plus vous combattez avec un Pokémon, plus il vous aimera et, passé un certain stade, il pourra balancer des attaques critiques plus régulièrement, résister à plusieurs attaques fatales d’affilée et même se soigner lui-même des altérations d’état ! Bon, le seul truc qui est dommage, c’est qu’il n’y a pas la Poké-Récré de Soleil et Lune pour nous aider à les faire nous aimer (et qui aurait rendu le jeu infiniment moins monotone), mais ça offre le sentiment qu’on gagne quelque chose à rester avec sa team préférée et c’est déjà bien !

Côté présentation, c’est… Pas parfait, mais ça passe. Même si je regrette que tout le jeu ne soit pas comme les séquences de combat où les dresseurs sont avec des proportions plus « réalistes », je me suis assez vite fait au style chibi du jeu et les décors sont bien jolis et variés, notamment en combat où ça peut être bien magnifique ! Aussi, je n’ai pas compris pourquoi ils ont fait un rendu de l’eau ultra réaliste, mais comme le dirait un célèbre utilisateur du Miiverse : Nice water !

Mon seul vrai regret vient de la musique, qui fait le service ultra minimal en retranscrivant tel quel les mélodies d’origine sans aller plus loin. On dirait juste qu’ils ont repris les musiques en utilisant des samples modernes ou bien quand ça change un peu, c’est pour prendre une instrumentalisation proche de Pokémon Go et urgh…

Au final… je trouvais cette génération inintéressante à l’époque et ces remakes ne m’ont pas convaincu du contraire. C’est du Pokémon en mode pilotage automatique, mais qui a au moins le mérite de se finir rapidement pour les gens qui ne sont pas intéressés par le post-game et je suis convaincu que ça aurait pu bien plus m’intéresser si ces remakes avaient été un peu plus ambitieux qu’un bête copié-collé des jeux d’origine avec seulement quelques petits réajustements ici et là pour justifier le prix demandé, sachant qu’on passe de jeux qui coûtaient 40€ sur Nintendo DS à des versions Switch qui normalement coûtent 60€ si on tombe pas sur une bonne promo ! Non, je ne vais pas faire comme un Youtuber de base en hurlant « c’est une honte, môssieur ! », mais quitte à investir une telle somme dans un jeu Pokémon dans les semaines à venir, autant tout simplement attendre Légendes Pokémon Arceus.

Après, Pokémon Diamant Étincelant et Perle Scintillantes sont pas des mauvais jeux, mais la série nous a tellement habitués à mieux et a réussi à bien se renouveler sur les 15 années qui nous séparent des jeux d’origine que ce retour en arrière fait plus de mal que de bien.

Oh et quand remake de la 5G il y aura… S’il vous plaît. Je vous en prie. Je vous supplie, Game Freak. Soyez ambitieux. Faites plus qu’un simple portage HD ! Ghetis mérite qu’on le déteste de tout notre être et les musiques de cette génération méritent les meilleurs remixes au monde !