Note : Cet article n’est en rien une critique de Hellblade : Senua’s Sacrifice. Malgré le fait qu’il me tente énormément, je n’ai pas encore eu le temps, ni les moyens de jouer au jeu, donc je ne ferai ici que rebondir sur des inepties que j’ai pu lire ici et là tout en tentant de comprendre le pourquoi de cette agitation.
Hellblade : Senua’s Sacrifice dont l’industrie avait besoin. Il fait avancer le milieu en tentant de proposer un jeu à budget moyen tout en proposant également un prix abordable, utilise la performance capture pour offrir des animations faciales absolument dingues et traite d’un sujet que l’on ne voit que trop rarement autant mis en avant à bien : la maladie mentale.
Je ne vais pas entrer dans le détail aujourd’hui, mais on sait tous que le jeu vidéo (et même le divertissement grand public de manière globale) soit prend un maximum de gants pour tenter d’esquiver le sujet en se donnant des faux airs de personne l’abordant pleinement, soit en parle extrêmement mal à coups de raccourcis, voire carrément en transformant en monstres/bad guys les personnes atteintes de troubles psychiques. Ninja Theory a décidé de prendre une approche différente en montrant un tel personnage sans porter de jugement de valeur et en essayant de faire avancer les choses et, de ce que j’ai cru entendre, le fait de manière assez exceptionnelle.
Cependant, outre une dénonciation justifiée d’un bug rendant le jeu potentiellement injouable (qui sera bien évidemment corrigé au plus vite), le jeu s’est vu au centre d’un débat assez stupide à propos d’un choix artistique particulier.
Si vous étiez en vacances ou ne suivez pas beaucoup la sphère jeu vidéo sur les réseaux sociaux, voilà l’histoire résumée rapidement : peu de temps après le début, le jeu nous annonce que Senua est atteint d’une sorte de gangrène qui monte progressivement le long de son bras à chacune de ses morts. Et si la pourriture atteint le cerveau de notre héroïne, c’est Game Over et la sauvegarde est à priori effacée.
L’annonce d’une telle « feature » a transformé certains pans d’Internet en champ de bataille où certains hurlaient à une pratique anti-consommateur, tandis que le reste était abasourdi. Rapidement, ceux en possession du jeu se sont mis en quête de vérité et se sont amusés à tester cette théorie qui rongeait les esprits de tout le monde en faisant mourir le personnage jusqu’à plus d’une cinquantaine de fois, uniquement pour se rendre compte que… Bah c’était juste une vaste mise en scène.
Là encore, incompréhension et stupidité ont déferlé, avec certains qui disaient carrément que Ninja Theory aurait mieux fait de mettre ses intentions artistiques bien profond au lieu de faire peur au consommateur (chose qui, en tant qu’artiste me met hors de moi, mais passons).
Personnellement, je trouve ce petit mensonge non seulement génial, puisque ça a permis au jeu de connaître un buzz bien mérité (même si ce n’était pas l’intention des développeurs), mais c’est aussi et surtout un choix logique et cohérent qui correspond parfaitement à l’esprit du jeu.
Car en menaçant de supprimer notre sauvegarde, le jeu encourage le joueur à être plus investi dans sa partie. À faire bien plus attention à ce qu’il se passe. Et si jamais il n’en avait pas grand chose à faire de la maladie de Senua, là, il ferait quand même face à un enjeu personnel. Dans un sens, cette tactique est un poil cheapos, mais si le joueur ne sait pas que cette menace n’est que du vent, il va vivre chaque combat de manière plus intense. La crainte de Senua de faire face à une créature démoniaque est d’une certaine manière partagée avec le joueur, qui sentira une certaine tension s’installer.
Après, dans un sens, je me dis aussi que ce genre de menace n’était pas franchement nécessaire, car je considère que l’on est tous intelligents et empathiques et que l’on peut être investis dans l’histoire de Senua sans que l’on aie une épée de Damocles au dessus du crâne. Ceci dit, et c’est aussi un autre point que je trouve intéressant, ce message peut aussi être vu comme une des nombreuses hallucinations de Senua elle-même, ce qui nous ramène à deux autres jeux qui nous offraient des tours de la même trempe : Eternal Darkness et Undertale.
Eternal Darkness est un jeu sorti sur Nintendo GameCube au début des années 2000 et qui prenait un plaisir monstrueux à jouer avec l’esprit du joueur (et qui abordait d’une certaine manière la descente aux enfers psychologique de ses personnages, mais exploitait ces troubles d’un point de vue purement ludique et non analytique). Le jeu pouvait nous balancer des écrans d’erreur Windows, jouer avec le son, détacher la tête de notre personnage pour le faire courir comme un poulet et… Nous donner la fausse impression d’effacer notre sauvegarde. Le joueur était dans un état de stress permanent car il ne pouvait jamais vraiment deviner si certaines des blagues avaient des effets concrets sur le jeu ou non et donc il s’installait une certaine peur de voir les pires des supplices devenir vrais.
Undertale aussi joue avec nos nerfs et même si je ne vais pas aller plus loin dans les détails (surtout puisque le jeu est désormais disponible sur PS4 et PS Vita et que vous devriez tous l’acheter), lui-aussi n’hésite pas à casser notre confort pour nous offrir des moments mémorables, faisant même de l’action de sauvegarder un élément scénaristique assez important.
Bref, Hellblade n’est pas le premier gros jeu à nous faire ce coup et je ne comprendrai jamais pourquoi certains internautes se sont mis à se lâcher à propos d’un choix artistique tout à fait légitime et contextuellement juste. Je trouve la fausse menace osée, mais aussi incroyablement cool pour toutes les raisons citées ci-dessus et ça me donne encore plus envie d’y jouer lorsque l’occasion me sera donnée… Même si je sens que ça ne sera pas pour tout de suite, puisque bons dieux nordiques, cette année est juste surchargée en titres de qualité et en trips nostalgiques inévitables…
Benjamin « Red » Beziat