Note : Avant de commencer cette critique, il me faut apporter une précision capitale : je fais cette critique en mon nom et en mon nom uniquement. Je préfère préciser, puisqu’il s’avère que Kayane fait une très courte apparition dans le jeu et certains pourraient voir ça comme possiblement un facteur qui influe sur mon avis. Bon après, je pense que vous verrez très vite par vous-même que je n’ai pas du tout pris en compte ce paramètre, puisque j’ai quand même une assez grosse réserve et des micro-critiques ici et là.
Ceci étant dit… Je dois aussi avouer que je suis rassuré que j’aie vraiment kiffé le jeu, autrement ça aurait été un peu étrange quand l’heure serait venue de rendre des comptes…
Annoncé début 2019, No Straight Roads est un jeu que j’attendais pas mal, au point que vous l’avez sûrement déjà vu en 8ème position de ma liste des jeux les plus attendus de cette année. Un jeu fait par des artistes avec énormément d’amour à donner, il dégage du style par tellement de pores qu’il apparaîtrait presque comme une anomalie dans le monde du jeu vidéo AA actuel, si ce n’était pour Psychonauts, dont la patte graphique donnerait l’impression qu’ils sont apparentés ! Et pourtant, il n’en est rien.
Car No Straight Roads n’a pas été développé chez les californiens de Double Fine, mais par le studio Metronomik situé en Malaisie. Et en y jouant, j’ai pu facilement ressentir qu’il s’agissait d’un projet passion qui bouffait ses créateurs depuis au moins pas mal d’années avant le début de son développement tant on sent qu’ils ont tout donné pour donner vie à leur vision.
En résulte un jeu passionné, passionnant, entièrement focalisé sur une idée précise et qui sait ce qu’il veut être… Quitte à être fatalement un poil plus court qu’espéré.
Highway to Rhythm Heaven
No Straight Roads est tout aussi bien un jeu très cinématique qu’un immense boss rush. On incarne Mayday et Zuke, deux rockeurs en herbe du groupe Bunk Bed Junction souhaitant devenir célèbres en intégrant la maison de disque et compagnie électrique No Straight Roads. Problème : ils se font presque immédiatement rejeter par le jury parce que le rock est considéré comme dépassé, là où la musique électronique règne en maître.
Dépitée et dégoûtée, Mayday décide de créer un mouvement révolutionnaire pour essayer de faire tomber l’empire NSR, car non seulement la compagnie n’a pas de bons goûts, mais aussi et surtout la musique est une source d’électricité et la sous-production générée par le monopole d’un genre musical sur les autres fait que pas toute la ville n’est fournie en électricité.
Les cutscenes sont très nombreuses, donnant l’impression de jouer à un film d’animation et, truc cool, c’est que même si un des twists se fait assez vite griller, je n’ai pas arrêté de me sentir impliqué par l’histoire. Les personnages sont tous très attachants et il y a des moments où je me suis vraiment bien marré. Mais là où j’ai été le plus agréablement surpris, c’est qu’il y a certains moments de sincérité qui sortent de nulle part, faisant de tout le jeu une sorte de grande expérience feel-good !
Le monde créé par le jeu déborde de détails et de possibilités, au point que l’on sent que beaucoup de temps a été consacré en amont à la création d’un univers le plus complet et crédible possible. Il arrive que l’on aie le droit à des interactions ou des concepts qui ne sont pas forcément expliquées, mais qui donnent du poids à l’ensemble. Certains personnages ont un passé clairement établi, mais qui reste implicite et même si ça peut être frustrant de ne pas avoir toutes les clés en main, ça donne beaucoup de crédibilité à certains des dialogues.
Ceci étant dit, cette richesse a un coût, puisque je n’ai pu m’empêcher d’être un peu frustré par rapport à certains des boss du jeu. Leur développement commence et s’arrête à leur combat alors que l’on sent que l’on aurait pu avoir bien plus que ça. Ce sont des personnages que l’on adorerait voir plus souvent, ne serait-ce que pour les voir exister dans ce monde… Enfin, ça ne les empêche pas d’avoir assez de prestance pour les rendre vraiment mémorables et j’imagine que le budget aurait explosé s’il n’y avait pas eu certaines concessions de faites !
En termes de structure et de gameplay, comme dit plus tôt, No Straight Roads est un boss rush. Il y a sept boss en tout et les seules distractions qui nous empêchent de tous les enchaîner sont les mini-séquences d’exploration et les mini-séquences de plateforme précédant les combats (quand il y en a, parce que ce n’est pas non plus systématique). Les séquences d’exploration se font dans les différents quartiers que l’on débloque au fur et à mesure de l’aventure.
Ils sont assez petits et permettent de récolter des capsules d’énergie qui permettent à leur tour d’alimenter en électricité des éléments défectueux pour redonner vie à la ville et s’attirer plus de fans. Ces fans sont plus ou moins votre jauge de points d’expérience et plus vous en avez, plus vous pouvez débloquer de compétences spéciales. Explorer les quartiers permet aussi de récupérer des stickers qui vous serviront à obtenir des boost divers et temporaires.
Et une fois que vous avez fait le tour des quartiers (ou pas, puisque rien ne vous empêche de tracer), vous irez dans les antres des boss. Grosso modo, il s’agit d’enchaînements de salles avec des robots à détruire tout en évitant de se faire avoir. Ce n’est jamais trop élaboré ou bien complexe, au point que la caméra est bloquée sur un angle fixe, ce qui est aussi cool pour la mise en scène que frustrant, puisque l’on ne peut pas apprécier pleinement les décors.
Mais c’est dans les combats en eux-mêmes que le jeu risque d’en frustrer pas mal. Déjà parce qu’il est très simple, avec des combos d’attaques au corps-à-corps assez basiques et la possibilité de récupérer des munitions pour des attaques à distance qui ne s’appliquent qu’aux ennemis volants, mais aussi et surtout parce que les ennemis attaquent en rythme avec la musique. Ils annoncent plutôt bien leurs attaques, mais si vous n’avez pas un minimum de sens du rythme, vous allez facilement vous manger certains coups.
Bon après, ce n’est pas dramatique si vous voulez faire le jeu juste pour le fun, puisque lorsque vous mourrez vous pouvez recommencer pile là où vous êtes tombés avec une barre de vie pleine en échange d’un score final qui sera amoindri et qui attirera donc moins de fans. Ce choix peut rendre un peu grognons ceux qui ne jurent que par le challenge, mais vu qu’il s’agit d’un jeu purement narratif, je peux comprendre ce choix de laisser l’option aux joueurs moins patients de profiter malgré tout de l’histoire.
Et rassurez-vous, si vous voulez du challenge, vous avez ce qu’il faut avec la composante scoring du jeu, puisqu’en battant les boss, vous débloquez sa version difficile et une fois l’histoire terminée, vous avez même un défi basé sur les parades de leurs attaques !
Et en parlant des boss… Rah mais quel plaisir ! 5 des 7 boss du jeu sont absolument incroyables et les deux autres sont un poil en deçà. Je ne vais pas entrer dans les détails pour éviter de spoiler, mais l’un d’eux met en avant les talents de rap de Donald Reignoux et c’est plutôt glorieux ! Le seul truc un peu dommage, c’est que le quatrième et le sixième boss soient les meilleurs et ont tout ce qui faut pour faire des excellent boss de fin, que ce soit en termes de mise en scène ou d’impact sur l’histoire… Et aussi que ce quatrième boss soit jouable dans la démo du jeu sur PC, alors que le premier est hyper cool et peut facilement être un argument de vente. Woops. Double woops quand on prend en compte que l’on enchaîne sur le boss le moins fou du jeu et ça brise un poil ce sentiment de montée en puissance.
J’avais dit que No Straight Roads était un jeu fait par des artistes et ça se sent tant la direction artistique est à tomber ! C’est ultra coloré, les personnages ont tous un design qui les rend unique et mémorables et le sens du détail a été poussé à l’extrême au point que beaucoup d’éléments animés ou stylisés peuvent totalement nous passer au dessus de la tête si on ne fait pas attention. Encore une fois, mention spéciale à l’avant-dernier boss, qui est LE moment qui nous fait ramasser nôtre mâchoire tant ça devient fou. Et je sais pas si c’est moi qui ai eu la berlue, mais en jouant à la version PC du jeu, je crois que j’ai pu voir dans ce niveau en particulier un peu de ray-tracing, ce qui était à la fois étrange et cool.
Et là je me dois d’aborder la partie qui fait vraiment plaisir : le doublage français ! Ça se voit que le producteur du jeu est non seulement français, mais un bon gros fan d’animation qui a bossé chez Square Enix puisque l’on retrouve pas mal de comédiens de doublage connus. Déjà, Donald Reignoux que vous connaissez pour avoir doublé Sora dans Kingdom Hearts ou bien Shinji dans Evangelion et qui ici incarne Zuke est parfait dans ce rôle. Kelly Marot qui avait notamment fait la voix de Kairi joue ici Mayday et apporte énormément d’énergie au personnage. On a aussi Céline Monsarrat, Eric Legrand, Patrick Borg et Anaïs Delva qui ont des rôles rigolos et aussi une bien étrange surprise : Julien Chièze qui joue un rôle plutôt important dans le jeu et qui se débrouille plutôt bien pour un premier rôle. Ce n’est pas parfait et ça manque parfois un peu de force et de caractère, mais sa voix pourrait facilement passer dans d’autres productions avec le bon entraînement !
Par contre, il y a un truc qui m’a un peu attristé, c’est la synchronisation labiale sur la VF qui est totalement aux fraises. Ça se voit à l’image que c’est basé sur la version anglaise et ça se sent que la plupart des acteurs sont passés en studio sans forcément que les cutscenes ne soient prêtes, puisque le timing est à la ramasse. Parfois certaines lignes sont coupées un mot trop tôt, mais beaucoup trop souvent les acteurs ont fini leurs lignes en VF beaucoup trop tôt et ça finit avec des blancs de 3 à 4 secondes où l’on voit les personnages continuer de bouger et parler sans qu’il n’y aie de son. Ça sort un peu de l’expérience et c’est un peu dommage…
Enfin, le dernier point à aborder est celui qui risque de diviser beaucoup de gens : j’ai fini le jeu en un peu moins de 4 heures. Et c’était en prenant mon temps à explorer tous les quartiers et parler aux PNJ pour voir si je reconnaissais certaines voix ! En ligne droite, je pense que beaucoup de joueurs verront les crédits de fin défiler au bout de trois heures ou trois heures et demi. Après, il y a pas mal de contenu annexe pour ceux qui en veulent plus, comme la possibilité d’affronter les boss dans trois modes de difficulté supplémentaires et le mode consacré aux parades que l’on débloque après avoir fini le jeu et donc si vous voulez finir le jeu à 100% en ayant que des rangs S, il n’est pas impossible que ça vous occupe une petite dizaine d’heures, mais pour ceux comme moi qui sont là plus ou moins pour le spectacle et l’histoire, je peux facilement comprendre que ça peut être compliqué de le prendre à plein tarif…
Au final, No Straight Roads est un jeu aussi court qu’intense ! Servi par une très bonne histoire et une présentation presque exemplaire, c’est typiquement le genre de jeu que je vois figurer d’ici quelques années dans des articles du style « ces pépites cachées de la PS4/Switch que vous avez loupé ! » Et à juste titre, parce qu’il est clairement une petite pépite et un de ces jeux dont la passion transpire dans chacun de ses polygones. Il n’est pas parfait non plus, mais il mérite totalement que vous y jouiez un jour ou l’autre.
Après, de là à le prendre à 40€ day one, c’est tout de suite un peu plus compliqué. Si vous voulez soutenir le studio en connaissance de cause, foncez ! Pour ceux qui ont peur de n’y jouer que ces trois heures nécessaires pour voir le bout du scénario… Je vous dirais plutôt d’attendre de le trouver à un prix que vous trouvez un minimum pertinent. Et au grand pire, si vous hésitez, n’hésitez pas à jouer à la démo sur PC, puisqu’en plus elle possède un des meilleurs combats du jeu !
Dans tous les cas, c’est avec une grande joie (et un peu de soulagement) que je peux recommander No Straight Roads ! C’était court, mais j’ai passé un très bon moment et même si j’en doute vu la fin du jeu, j’espère que l’on aura une éventuelle suite ou bien une suite spirituelle à l’avenir !