À l’occasion de la sortie de Ys VIII : Lacrymosa of Dana sur PS4, PS Vita et prochainement PC, j’ai eu l’opportunité d’aller à la rencontre de Toshihiro Kondo, président de Nihon Falcom et producteur du dernier jeu de la série des Ys, une série d’Action-RPG avec déjà plus d’une bonne trentaine d’années au compteur et découpé en de nombreux épisodes. Au programme de cette interview, des inspirations surprenantes, du voyage et la place du joueur.

 

Kayane : Ys est inspiré de la légende bretonne, plus spécifiquement de la ville de Ker Ys. Est-ce que vous vous documentez toujours sur les histoires de la France, des mythes français pour faire les jeux Ys ?

Toshihiro Kondo : Le titre Ys a été imaginé par mes sempaïs, mes supérieurs, donc je ne sais pas ce qui les a conduit à trouver ce titre-là, mais c’est vrai que moi-même, quand je réfléchis au scénario des histoires, je vais souvent étudier les différentes légendes françaises ou des romans tels que ceux de Jules Verne et c’est vrai que les fans de Fantasy japonais sont souvent très influencés par la culture Européenne.

K : Est-ce qu’on peut d’ailleurs noter des auteurs de Fantasy japonais connus ou bien vous préférez les histoires Fantasy de l’Occident ?

T.K. : Oui, il y a beaucoup d’auteurs de Fantasy japonais, mais eux-mêmes sont influencés par des histoires européennes et occidentales. Donc moi, si je lis ces histoires d’auteurs japonais, eh bien indirectement ce seront des histoires à l’origine influencées par des contes et légendes Occidentaux, comme le mythe du Roi Arthur ou ce genre de choses.

K : Est-ce qu’il y a d’autres inspirations que vous prenez en compte lors de la création de vos jeux ?

T.K. : L’influence du cinéma est assez importante.

K : Quels films, par exemple ?

T.K. : Pour le cinéma et Ys VIII en particulier, les oeuvres de Jules Vernes, mais j’ai aussi été inspiré par King Kong – dans le jeu, il y a une île nommée Skull Island – et c’est vrai que pour tous les lieux développés pour YS VIII, j’ai été assez influencé.

Le concept d’avoir une île déserte, des créatures reptiliennes qui font penser à des dinosaures, d’avoir un espèce de grand trou mystérieux et l’arrivée des humains sur l’ile qui va faire bouger l’histoire… Tout ça, ce sont des choses influencées par tous ces univers.

K : Est-ce que les voyages que vous faites grâce à votre métier, que ce soit en Amérique ou en Europe vous inspirent aussi ?

T.K. : En fait, ça ne fait que depuis récemment que je voyage dans le cadre de mon travail. Ça fait seulement six mois. Mais l’autre jour, quand j’étais à Londres, j’ai visité le Museum d’Histoire Naturelle, où j’ai appris beaucoup de choses qui pourront m’influencer pour mes histoires futures.

L’histoire de la série Ys prend place dans un continent proche de l’Europe, qui se développe au fil de l’histoire. Et Adol n’est pas encore arrivé en Angleterre ou en France, mais effectivement, quand je me suis retrouvé dans ce Museum, je me suis dit que le jour où Adol arrivera en Angleterre, il pourrait se passer des choses inspirées par ce lieu. Et puis comme là je compte rester quelques jours à Paris, j’espère que ça me donnera quelques idées.

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K : En parlant d’Adol, il est le protagoniste principal du jeu. C’est assez rare de voir le même personnage principal tout au long d’une saga. Pourquoi avoir fait le choix de le garder sur chacun des titres ?

T.K. : À l’origine, le concept de la série Ys, c’est qu’Adol est un voyageur qui a laissé plus de cent carnets de voyage et qu’à chaque épisode on découvrirait un de ces carnets. Et c’est vrai qu’en tant que scénariste, avoir le même héros, ce n’est pas toujours facile. Mais le personnage d’Adol Christin ne parle pas dans les jeux, donc il n’a pas de profil précis. On ne peut pas deviner quel genre de tempérament il a. Ce sont les utilisateurs qui vont imaginer d’eux-mêmes comment est ce personnage d’Adol et c’est à partir de toutes ces suppositions que l’on va être influencés. C’est comme ça que petit à petit le personnage d’Adol se construit.

Et normalement, les personnages des héros sont l’oeuvre des créateurs, qui décident de leur personnalité, mais une des particularités de la série des Ys est que l’on va vraiment écouter les feedbacks des utilisateurs et on espère pouvoir continuer de cette façon.

K : Est-ce que le joueur fait face à des choix dans le jeu ?

T.K. : Oui, il y en a. En fait, si Adol ne parle pas, c’est aussi parce que le joueur lui-même est Adol. Du coup, les créateurs ne voulaient pas imposer les répliques d’Adol, mais laisser les utilisateurs choisir les répliques pour pouvoir continuer l’action comme ils l’entendent.

K : On voit de plus en plus de jeux comme The Witcher ou Life is Strange où les choix que l’on prend en tant que joueur ont une influence sur la suite du jeu. Est-ce que c’est une tendance que vous pensez suivre pour les jeux Ys ?

T.K. : Non, je ne pense pas que l’on développera des choses qui ont une telle envergure que Life is Strange. Par contre, on tient à ce que, selon les décisions prises par Adol, la conclusion ne soit pas la même. C’est quelque chose que l’on trouve déjà dans Ys VIII et que l’on espère pouvoir continuer à développer.

K : Du coup, est-ce que cela changera la fin ?

T.K. : En fait, c’est un système de points qui s’accumule. Quand un joueur va faire un choix, un point va aller dans un côté et s’il en fait un autre, le point ira dans l’autre. Et donc selon ces points, la fin va changer. Le meilleur exemple, c’est Final Fantasy VII, où nos choix déterminent si Cloud choisira Tifa, ou Aerith dans certaines scènes.

K : Et quel est pour vous le gros point fort de Ys par rapport aux autres RPG Japonais ?

T.K. : Déjà en tant que genre, c’est quelque chose que l’on ne voit plus dans les productions actuelles. Aujourd’hui, quand on parle de RPG, on parle des jeux avec différents choix de commandes, où le jeu avance selon les actions que l’on fait, alors que dans Ys, il y a ce système de Party-game (NDLR : ceux où l’on dirige une équipe, pas les compilations de mini-jeux à la Mario Party), où plusieurs personnages se battent en même temps et où il y a un gros effet de vitesse dans l’action et les combats. C’est quelque chose que l’on ne trouve pas dans les autres jeux actuellement.

Pouvoir entrer dans l’action et les combats et les rendre un peu addictifs a toujours été important dans la série des Ys. Et quand j’en ai hérité, mes sempaïs m’ont dit « il y a une chose que tu dois toujours veiller à respecter dans Ys : les combats, c’est comme éclater du papier-bulle. C’est tellement rigolo qu’on ne voit plus le temps passer. Eh bien Ys, c’est la même chose. » Et aussi on a à la base quelque chose qui ne s’explique pas. Si on y ajoute une histoire de qualité, ça ne peut pas ne pas marcher. Et dans les faits, les utilisateurs ont apprécié ce côté addictif.

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K : Y a-t-il à travers Ys VIII : Lacrymosa of Dana des thèmes, des valeurs que vous avez voulu mettre en avant, comme l’amitié dans Final Fantasy XV ou la vengeance dans Tales of Berseria ?

T.K. : Dans toute la série Ys, le thème principal, c’est l’aventure. Et Adol est un aventurier, du coup le joueur lui-même devient cet aventurier. Donc nous, ce qui nous importe, c’est comment le joueur va faire l’expérience de cette aventure.

K : Ressentir le voyage.

T.K. : Oui. Donc dans Ys VIII, on est sur une île déserte. Le jeu commence quand le personnage s’échoue tout seul sur la plage. Il n’a absolument aucun indice, donc le jeu commence par la découverte et on essaye de vous donner la sensation d’être là.

K : Et comme Adol a rencontré beaucoup de personnages dans les précédents, est-ce qu’il arrive qu’il y aie des références aux jeux précédents ?

T.K. : Dans la série Ys, Adol va à chaque fois faire des rencontres avec différents personnages et les quitter à la fin de l’histoire, mais il arrive que certains personnages qui seraient déjà apparus dans les épisodes précédents réapparaissent dans d’autres titres. Après, on fait toujours en sorte que même si le joueur ne le sait pas ou n’a pas joué aux précédents, il puisse en profiter quand même ; que ça ne soit pas gênant. Du coup, les vieux joueurs qui côtoient la série depuis plus de trente ans, eux, s’amusent à retrouver des personnages qu’ils connaissent déjà. Mais c’est vrai que du coup, vu que ça fait plus de trente ans, certains sujets peuvent avoir plus de vingt ou dix ans.

K : Je fais plutôt partie des joueurs de cette génération-là, puisque j’ai 26 ans et je n’étais même pas née *rires*

T.K. : *rires* Une des particularités de cette série, c’est que même sans savoir tout ça, Adol arrive à chaque fois dans un endroit inconnu. Ça ne pose pas de problèmes de jouer sans connaître les titres précédents.

K : Ma dernière question : Quels sont pour vous les meilleures références en matière de RPG aujourd’hui ?

T.K. : Persona ! *rires* J’aime le jeu. C’est vraiment un travail énorme de créer toutes ces possibilités et ces choix. Et pourtant ils sont parvenus à le faire ! En ça je trouve que c’est vraiment un titre exceptionnel. Et j’ai vraiment pris conscience qu’il nous était impossible de les affronter de manière frontale et que l’on devait développer notre propre style !

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Je remercie Koch Media pour cette belle opportunité et bien évidemment Mr Kondo pour son temps et sa passion !

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