C’est marrant de se dire comment le destin peut parfois basculer facilement. Un jour on t’annonce que le jeu que tu développes est potentiellement le dernier de la série parce qu’elle a enchaîné bide sur bide sur bide et le lendemain tu te retrouves à la tête d’une des licences les plus fortes de ton entreprise grâce au pouvoir des waifus et de la casualisation.
Je ne vais pas raconter cette histoire une énième fois, mais en faisant de Fire Emblem Awakening un des jeux les plus simples d’accès en rajoutant plusieurs modes de difficulté, en rendant le cast de personnages plus attrayant avec un petit peu de dating sim et en le mettant sur une console portable, Intelligent Systems avait réussi à sauver la série Fire Emblem d’une mort quasi-certaine et l’a relancée avec une telle force qu’elle peut facilement pavaner aux côtés de Zelda et de Mario dans le rang des séries les plus populaires de Nintendo. Ou au moins dans le second échelon avec Splatoon et Xenoblade, ce qui est déjà pas mal.
En dix ans, on a donc vu une pelletée de jeux Fire Emblem nous tomber sur le coin de la figure avec quelques micro-échecs relatifs du côté de Fates et, hélas, Echoes (qui reste un excellent épisode passé un peu trop inaperçu), mais aussi des succès immenses comme Heroes sur mobile, qui est à ce jour le seul jeu mobile de Nintendo à avoir dépassé le milliard de dollars en revenus (Pokémon Go appartenant à The Pokémon Company, on ne va pas le compter) et, bien entendu Fire Emblem Three Houses, vu par beaucoup comme étant le point culminant de la série.
Et entre tous ces jeux se trouve un petit mouton noir : Fire Emblem Warriors. Un spin-off qui en théorie aurait pu être un cross-over rêvé vu la tonne de personnages iconiques potentiellement jouables et son univers qui se marie à la perfection à la formule des Warriors, mais qui en pratique s’est révélé être une bonne idée sur le papier desservie par un scénario vraiment pas ouf et l’absence de décors suffisamment forts pour rendre la visite mémorable.
En tout cas, Fire Emblem Warriors avait le potentiel d’être un excellent jeu, et Nintendo semble bien l’avoir vu, puisqu’il a retenté sa chance en faisant la même chose que pour Hyrule Warriors : faire un second épisode prenant place exclusivement dans l’univers d’un épisode spécifique, à savoir ici Three Houses. Et, clairement, c’était la meilleure décision à prendre, puisque comme vous le remarquerez assez vite, ça résout pas mal des problèmes qu’avait le premier épisode !
Personnellement, j’ai un certain affect pour Three Houses, puisqu’il est le premier jeu que j’ai testé quand j’ai ramené ma chaîne YouTube à la vie et je trouve assez ironique que mes souvenirs de ce jeu et de la période où j’y ai joué sont aussi liés à l’enterrement d’un proche, là où Three Hopes a été joué pile le même week-end que le mariage d’un autre… Comme quoi, la vie et son sens du timing peuvent parfois être bien mystérieux…
Three Hoops for Three Slam Dunks !
Bien entendu, la principale question qui nous titille tous est de savoir s’il vaut mieux avoir fait Three Houses avant de se lancer dans Three Hopes, ce à quoi je répondrais que ça n’est pas nécessaire, mais très fortement recommandé. L’univers de Fodlan est extrêmement dense avec une tonne de noms à retenir et même si c’était déjà assez touffu dans Three Houses, son rythme un peu plus lent faisait qu’on prenait mieux ses marques que dans Three Hopes, qui ne s’embarrasse pas trop des introductions et qui va vous faire vivre les quinze premières heures de Three Houses en à peine deux ou trois.
Car oui, il faut aussi savoir que Three Hopes n’est pas une suite, mais une sorte de set de nouveaux embranchements à Three Houses, faisant que là où on avait 5 histoires différentes dans l’original en prenant en compte le DLC, ici on en rajoute 3 de plus, sans compter une fin cachée commune à toutes les routes (mais j’y reviens). Le point de départ de Three Hopes est plus ou moins le même que pour Three Houses, à ceci près que l’on ne contrôle pas Byleth, célèbre perso de Super Smash Bros Ultimate, mais Shez, un ou une mercenaire qui passait par là au même moment et dont la compagnie s’est fait décimer… Par Byleth. Woops. Ici, c’est Shez et non Byleth qui tombe par hasard sur Edelgard, Claude et Dimitri et c’est donc Shez qui va partir pour le monastère où prend place les événements de Three Houses, aboutissant donc sur une histoire à la fois similaire et assez différente du jeu d’origine, ce qui est plutôt cool !
Bien entendu, l’histoire n’est pas non plus trop différente de l’original, puisque certains points de scénario se recoupent, et un des twists du jeu peut être grillé frame 1 si on a une connaissance basique de design de personnages catégorie « pas subtil pour un sou et symbolisation des couleurs », mais ça reste très plaisant à suivre. Et c’est long. Oh bons dieux que c’est long.
Il m’a fallu 28h pour finir la campagne de Dimitri en accomplissant tous les objectifs en chemin et en faisant tout pour que Shez se transforme en tas bourrin sous stéroïdes et, à la louche, je dirais que j’ai quand même passé entre 10 à 13h à suivre le scénario ! Contrairement à beaucoup de Warriors, où le scénario passe au second plan, ici, c’est ce qui est au centre du jeu, et contrairement à Hyrule Warriors L’Ère du Fléau qui, sans spoiler, prend zéro risques au niveau de l’histoire pour ne pas prendre de risques au niveau du gameplay, quitte à totalement sacrifier le destin tragique de ses personnages dans l’histoire de Breath of the Wild, Three Hopes ne prend pas de gants et peut carrément faire mourir définitivement nos personnages secondaires si on décide de jouer selon les règles des jeux Fire Emblem à l’ancienne ! On peut aussi ne pas prendre de risques et jouer avec une sécurité comme dans les Fire Emblem plus modernes et où les persos reviennent à la vie sitôt la bataille terminée, mais clairement ce choix fait que l’on peut introduire pas mal d’enjeux et un peu changer le scénario ici et là pour notre plus grand plaisir !
Le seul truc qui m’a un peu déplu par rapport au scénario, c’est le fait que, en ce qui me concerne, j’ai trouvé la fin de l’histoire de Dimitri un peu plate et expédiée. Ce que je ne savais pas, c’est qu’en fait en jouant comme j’ai joué, je suis accidentellement tombé sur une des mauvaises fins et que la vraie fin se débloque en accomplissant un objectif spécifique, mais un poil obscur dans un chapitre en particulier. Mais vu que je l’avais loupé, je ne pouvais pas retourner en arrière et donc j’ai du un peu subir une fin sympa, mais sans plus. Si j’avais su, clairement j’aurais fait ce qu’il fallait pour atteindre la vraie fin, qui elle ne laisse pas certaines questions en suspens et laisse sur notre faim. Enfin… Le truc bien en finissant le jeu, c’est que l’on peut recommencer en New Game + et tous nos persos gardent leurs stats de la précédente partie. Et en prime on débloque la possibilité d’acquérir un objet qui nous permet de zapper les missions secondaires, ce qui fait qu’on peut très facilement et rapidement finir les deux autres routes, et, franchement, c’est une petite bénédiction.
Car avant d’en venir au gameplay pur et dur, il me faut parler du gros défaut de Three Hopes : c’est un Warriors, donc c’est voué à être très répétitif. Le type de missions et les lieux se répètent énormément, surtout si comme moi on décide de faire tous les objectifs secondaires sur la carte et si, comme moi, on s’obstine à avoir un rang S partout, ce qui implique généralement de perdre son temps à taper sur quelques centaines d’unités en plus de celles qui comptent juste pour remplir un quota très arbitraire et pas forcément bien équilibré. Obtenir un rang S permet non seulement d’obtenir un objet bonus très souvent bien utile, comme un booster de stats ou bien une arme, mais dans certains chapitres c’est même parfois nécessaire pour accomplir un objectif secondaire qui nous permettra de débloquer des objets vraiment utiles ou bien un peu d’argent en plus.
Comme pour Three Houses, rien n’est inutile, et tout ce que l’on obtient peut très rapidement servir à nous faire monter en puissance plus ou moins directement. Les matériaux que l’on obtient peuvent servir à améliorer les installations de notre base, ou bien servir à renforcer nos armes, tandis que l’argent récolté peut servir aussi bien à faire monter nos personnages en niveau que d’acheter différents objets et matériaux bien utiles. Ajoutez à ça la forge qui permet de renforcer nos armes plus ou moins à l’infini si on est une tête de mule comme moi et vous avez des systèmes qui, bien exploités, peuvent rendre les combats infiniment plus simples.
Et comme dans Three Houses, la base sert aussi à se lier d’amitié avec nos personnages, aboutissant soit en des sorties toujours un peu gênantes où l’on peut observer les personnages sous tous les angles façon Tamagotchi humain ou bien des conversations de soutien qui développent un peu plus l’histoire de tout le monde et bons dieux je ne veux pas imaginer le temps que ça a dû prendre pour écrire toutes ces conversations, sachant, qu’il y a 35 personnages jouables et que au moins 31 d’entre eux peuvent avoir des conversations entre eux ! Je plains aussi les traducteurs qui ont dû se dépatouiller avec tous ça… Sheesh.
Du côté des batailles… C’est du Warriors pur et dur. Comme d’hab, le principe consiste à taper sur un max de monde en suivant les différents objectifs que nous balance le jeu, comme conquérir tous les postes de commandement, taper sur les bonnes personnes ou bien protéger des personnes plus ou moins sans défense. Comme d’hab, il faut savoir s’adapter et vraiment faire attention aux mouvements de l’adversaire pour l’intercepter s’il tente des trucs. On a toujours des combos simples en appuyant plusieurs fois sur X ou Y et une super attaque quand la jauge est bien remplie en plus d’un mode Berserk activable si une autre jauge le permet, et cette fois-ci on peut aussi varier un peu les plaisirs en balançant des attaques spéciales que l’on peut soi-même équiper, résultant en un système de combat bourrin et toujours aussi fun… Du moment que l’on débranche son cerveau et qu’on joue pour se détendre, puisque autrement on sentira la répétitivité poindre un peu trop vite.
Pour le coup, je pense que ce qui rendrait le jeu un peu plus intéressant serait la possibilité de sauter et de lancer ses adversaires en l’air pour pouvoir faire des combos plus élaborés à la manière d’un Devil May Cry ou un Ninja Gaiden tout en pouvant changer de classe à la volée, mais je ne fais qu’étaler un vœu pieux à ce stade.
Pour rendre les batailles un peu plus stratégiques et dynamiques, comme dans le précédent Fire Emblem Warriors, on peut changer de personnage à la volée et mettre en pause l’action pour placer nos unités où on le souhaite. Ainsi, pour gagner du temps, on peut déplacer quelqu’un en haut de la carte pendant qu’on tape en bas, puis le contrôler d’une simple pression d’un bouton pour instantanément faire le ménage en haut. Et vers la moitié d’une campagne, Three Hopes nous propose carrément l’option de téléporter Shez entre les différentes bases conquises. Ça n’a l’air de rien, mais ça rend le gameplay infiniment plus plaisant et ça limite énormément le sentiment de faire des allers et retours, ce qui fait que même si oui, le gameplay reste répétitif, il reste suffisamment engageant d’un bout à l’autre pour rester fun !
Ceci étant dit, clairement je vous recommanderais de prendre votre temps pour faire le jeu. La première campagne durant entre 20 et 28 heures, si vous décidez de le finir sur à peine quelques jours, vous le sentirez passer. De par la nature de mon job qui fait que je peux pas trop prendre mon temps, sur la fin, j’ai commencé à sentir le temps passer… Et ça n’a pas aidé à ménager mon poignet, puisque j’appuyais frénétiquement sur tous les boutons de la manette pendant plusieurs heures d’affilée. On n’y pense jamais avant qu’il ne soit trop tard, à ces trucs-là…
Côté présentation, Fire Emblem Warriors Three Hopes s’en sort plus que bien ! Bien entendu, ça ramouille un peu quand on balance une grosse attaque sur une trentaine de personnages d’un coup, mais globalement ça tient la route et c’est parfaitement jouable en mode portable ! J’ai un peu plus de réserves sur le mode co-op local, que je n’ai pas pu tester, mais si je me fie aux précédents Warriors sur Switch, il ne faut pas trop s’attendre à un miracle.
Et côté musiques, c’est vraiment du très bon, avec des arrangements un peu véner de Three Houses qui font extrêmement plaisir aux oreilles. Si vous aimiez déjà la bande-son de l’original, vous devriez adorer ces reprises !
Au final, Fire Emblem Warriors Three Hopes est de loin un des meilleurs Warriors qui existe… Et ce notamment parce que c’est le moins Warriors du lot ! C’est littéralement un jeu Fire Emblem moderne avec des batailles de Warriors plutôt que tactiques, et en soi et pour moi, c’est pas un mal ! C’est loin d’être parfait, notamment avec la répétitivité typique des Warriors qui est ici accentuée par la durée de vie monstrueuse du premier run quand comparé aux autres épisodes bien plus modestes, mais le scénario dense couplé à sa structure plus proche de Three Houses fait que c’est bien plus qu’un simple prétexte pour du fan-service fait à la va-vite et plus un jeu là pour raconter quelque chose d’abord, puis après faire plaisir au fan.
Bref, si vous n’êtes pas allergique aux Warriors et que vous avez kiffé Three Houses, je peux facilement vous recommander Three Hopes ! Pour les autres, je vous recommanderais d’abord de faire Three Houses, attendre quelques mois que ça décante un peu, puis ensuite faire Three Hopes pour éviter que le sentiment de redite ne vous lasse trop. Pour le coup, ça fait presque 3 ans que j’ai fait Three Houses et j’ai pris énormément de plaisir à replonger dans cet univers, donc si vous êtes fan, je ne peux que vous recommander d’en faire de même !