L’avantage d’être un critique de jeux vidéo et de la sortie de remakes, c’est que l’on a parfois l’obligation de finir des jeux que l’on avait conservé pendant des années dans sa bibliothèque et que l’on ne trouvait jamais le temps de jouer. Tel est le cas aujourd’hui de Dragon Quest VIII, qui à l’occasion de la sortie de son remake 3DS m’a donné l’opportunité de compléter l’Odyssée de son Roi Maudit pas moins de 12 ans après que j’y avais joué pour la première fois. Oui, mon déficit d’attention peut causer des troubles aussi long que ça, et je le regrette parfois… Mais est-ce que ces 12 ans d’abstinence ont valu le coup ? Avec la version 3DS, totalement, puisqu’en plus de goûter à un RPG vraiment particulier, j’ai pu le finir deux fois plus vite que prévu !

The Black Dhoulmaguses

Jouer à Dragon Quest VIII quelques mois à peine après avoir touché au VII, c’est comprendre une des raisons pour lesquelles l’épisode initialement sorti sur PlayStation 2 a été le premier de la série à débarquer en Europe. Car là où le VII proposait un conte composé de multiples micro-contes sans forcément de liens entre eux, le VIII propose une grande aventure continue où le but est clairement identifié la minute où on lance le jeu. Certes, il y a toujours des micro-histoires, mais celles-ci revêtent moins l’aspect de contes avec un charme fantastique qui leur est propre et sont plus des histoires tragiques directement liées à notre objectif : Dhoulmagus, un Fou s’étant emparé du sceptre du Roi Trodain en le maudissant lui et sa fille au passage et qui part en quête d’une certaine chose, semant chaos et désespoir partout où il passe.

En résulte une quête beaucoup moins “joyeuse” que dans Dragon Quest VII (et le IX, que j’avais fait à l’époque et dont la structure était calquée sur l’épisode PS1), avec quasi-exclusivement que du drame et une sensation étouffante. L’aspect jovial de l’univers que l’on parcourt semble être bien plus une façade que d’habitude et les rares touches d’humour semblent limite intrusives. Je ne sais pas pourquoi cet épisode en particulier traite aussi lourdement de la Mort et du deuil au point d’en faire la fondation de sa narration, mais Dragon Quest VIII est un épisode particulièrement pessimiste. Pour le coup, je serais curieux de savoir le pourquoi du comment, car la noirceur de la série était toujours plus ou moins sous-entendue et apparaissait de manière plus sporadique, histoire de mieux surprendre le joueur… Ici, ça a même l’effet inverse, puisque l’on est tellement plongé dans la négativité que l’on s’attend à ce que quelque chose de mauvais nous tombe dans le coin de la figure au détour du village suivant.

Un autre détail assez étrange et étrangement bienvenu vient du fait que plus de la moitié des personnages principaux est détestable. Le héros et la princesse sont les seuls intrinsèquement bons dans le groupe et Yangus est adorable en tant que comic relief, mais était à la base un brigand devenu gentil pour des raisons que je ne vais pas spoiler. Jessica est une femme rongée par l’idée de venger la mort d’un de ses proches au point que tout son personnage tourne autour de sa motivation et non d’elle-même, tandis qu’Angelo est le “dragueur” relou du groupe imbu de lui-même et dont la motivation est identique à Jessica. Le Roi Trode lui-même est assez détestable, puisqu’il ne pense quasi-exclusivement qu’à lui, au point que quand on résout le problème d’un village, c’est presque comme s’il allait arriver et dire “Bon, c’est bien tout ça, mais on va pas traîner, hein ? Veux retrouver mon corps, moi.” Certes, il pense aussi très fortement à sa fille, mais la majorité de ses lignes fait qu’il passe pour un roi égoïste que l’on n’aurait pas vraiment envie d’aider… On se retrouve avec une bande de vauriens, ce qui est à la fois assez rafraîchissant, mais en même temps pas mal agaçant.

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Bohemian Rhapthone-y

Décrire la structure et le gameplay d’un jeu comme Dragon Quest VIII est extrêmement compliqué, car il n’y a vraiment pas grand chose à dire. C’est un JRPG tout ce qu’il y a de plus JRPG, avec combat au tour par tour tout ce qu’il y a de plus classique, exploration de carte et quêtes annexes. La seule spécificité de ce huitième épisode venait du système de tension, où l’on pouvait sacrifier entre un à quatre tours d’un personnage pour le faire monter en puissance afin qu’il délivre une attaque dévastatrice (au point qu’il ne faut généralement pas plus de cinq attaques à pleine puissance pour oblitérer tout le monde s’ils nous en laissent la chance, boss de fin compris). On peut aussi répartir des points de compétence à chaque gain de niveau, permettant de débloquer des capacités plus qu’utiles sur le long terme.

Et qui dit JRPG à l’ancienne dit aussi grinding intensif et assez éreintant, car avec les monstres normaux, on monte lentement en niveaux… Trèèès lentement. Heureusement, tout ça est rendu plus ou moins caduque grâce à des endroits très spécifiques abritant des monstres de métal particulièrement généreux en XP, au point que l’on gagne entre cinq à sept heures de jeu en tournant en rond et en massacrant ces bestioles pendant une heure, choses rendue d’autant plus agréable grâce aux deux features les plus importantes de ce remake : l’apparition des monstres sur la carte, faisant que l’on peut désormais traverser un niveau entier en slalomant entre les monstres et repérer sans avoir à prier les monstres de métal (que l’on peut faire apparaître en faisant tout simplement tourner la caméra à 360° pour changer le monstre visible) et le fait de pouvoir accélérer les combats !

Cette dernière option vous sauvera la vie, car étant donné qu’une bonne partie du jeu consiste à combattre pour monter en niveau, avoir la possibilité de doubler la vitesse des batailles dès le départ réduira de moitié votre temps de jeu. À l’époque de la PlayStation 2, il fallait au minimum 70 heures pour le finir. Là, en y allant plus ou moins en ligne droite, je l’ai fini en 40 heures ! Les puristes crieront à l’hérésie, les gens n’ayant pas forcément le temps de se farcir des choix de game design archaïques remercieront les devs d’avoir inclus cette option.

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Le remake 3DS ajoute aussi deux nouveaux personnages jouables, mais sont pas forcément indispensables en plus d’être assez mal intégrés à l’histoire et aussi et surtout un mode photo assez poussé et très drôle permettant de mettre en scène nos clichés et même ajouter des stickers débiles un peu partout, au point que j’ai passé une bonne heure rien qu’à accomplir la quête des photos qui permet par la même de faire plus attention à son entourage, ce qui est plutôt cool.

En ce qui concerne la présentation, j’avais vu pas mal de critiques hurler leur dégoût face au fait que le jeu était plus laid que la version PS2. Ce n’est pas foncièrement faux, mais ça passe quand même assez largement. Et au vu des quelques astuces de programmation utilisés par les développeurs pour garder un niveau de détail appréciable (notre personnage a autour de lui une “boîte” allant jusqu’à trois mètres devant lui et qui rend détaillé tout ce qui entre dedans), on comprend assez facilement qu’ils ont fait du mieux qu’ils pouvaient pour offrir un jeu qui ne rame pas et qui donnerait l’impression que la console vomit ses tripes.

Les deux points qui me déçoivent beaucoup plus en revanche, c’est le fait que Koichi Sugiyama ait fait opposition à l’utilisation des versions symphoniques des musiques du jeu pour la version 3DS, ne nous laissant uniquement l’option d’écouter des versions MIDI assez simplistes. Les compositions ne sont pas mauvaises, loin de là, mais elles sonnent creux quand on a eu l’habitude de jouer à la version PS2. Et le doublage anglais est… Moyen. Pas catastrophique, mais loin d’être génial. Ceux qui jouent le Roi Trode, Yangus et Dhoulmagus semblent s’amuser, puisque leurs personnages sont intéressants et vivants, mais les acteurs derrière Jessica et Angelo donnent l’impression qu’ils ont été forcés de lire les lignes de personnages qui ne les intéressaient pas du tout. Angelo en particulier émule à la perfection un Robbie Williams un lendemain de cuite qui n’a vraiment pas envie de faire une interview et c’est peut-être aussi pour ça que le personnage n’est pas attachant.

Au final, Dragon Quest VIII n’est pas un mauvais jeu, loin de là. Malgré le fait qu’il s’agisse de l’épisode le plus pessimiste auquel j’ai pu jouer jusque là, il offre une histoire intéressante qui donne envie d’aller jusqu’au bout, avec des histoires que l’on ne voit que trop rarement ailleurs. De plus, il s’agit d’un morceau d’Histoire plus qu’intéressant, puisqu’étant le premier DraQue de Level-5, sorti à une époque où Square Enix ne savait plus vraiment ce qu’il faisait, mais qui a quand même eu la présence d’esprit de le sortir en Europe. La version 3DS retire certes certaines choses cosmétiques, mais ajoute des options sympathiques qui permettent de gagner un temps fou, faisant de cette version la version ultime de Dragon Quest VIII. Après, si vous ne pouvez en prendre qu’un, je privilégierais le VII, car celui-ci offre une quête plus longue et mieux découpée en épisodes et est beaucoup plus léger et moins oppressant. Mais si au contraire, vous cherchez un jeu avec une sensation d’aventure épique, privilégiez le VIII. Vos goûts façonneront vôtre dernier mot, sachant que vous ne pouvez pas trop vous tromper avec l’un ou l’autre de toutes manières.

Benjamin « Red » Beziat