Décidément, Casterman a le flair pour dénicher les mangas les plus étranges pour sa collection Sakka. J’avais déjà fait la critique de l’excellentissime Bye Bye, My Brother il y a quelques mois ici et quelle ne fut pas ma surprise en découvrant qu’encore une fois je tombais sur cette collection avec Gloutons et Dragons, de Ryôko Kui… Enfin, techniquement, c’est plus ma compagne qui est tombé sur celui-là et qui l’a instantanément acheté en voyant la couverture et en se rendant compte que ça parlait principalement de cuisine et j’ai décidé par la suite de le lire par curiosité parce qu’une de mes artistes préférés, Seiryuuden (que vous vous devriez impérativement de suivre sur Twitter ou Tumblr, au passage #PlacementD’Artiste), avait fait des fan-arts de cette série il y a quelques temps. Et même si certains détails me brossent dans le mauvais sens du poil, ce premier tome est très surprenant et agréable à lire.
Dragon’s Groan
Gloutons et Dragons (que j’écris systématiquement Donjons et Gloutons sans le faire exprès) nous narre l’histoire d’un groupe d’aventuriers (un paladin, une mage et un voleur) explorant les ruines d’une civilisation perdue dans le but d’occire le sorcier maléfique qui a massacré tout le monde, car quiconque le tuerait deviendrait le nouveau roi et mettrait la main un trésor inimaginable. Forcément, une telle annonce a mis une bonne partie de la population en émoi, dont nos héros, qui ont vu la aventure brusquement s’arrêter le jour où ils sont tombés nez-à-nez avec un dragon qui a dévoré la soeur du leader du groupe. Ayant été expulsés du donjon à cause d’un sort de téléportation lancé à la dernière seconde, nos héros se retrouvent donc de retour à l’entrée du donjon sans le sou et sans vivres. Malheureusement pour nos trois héros, ils sont forcés de retourner au plus vite dans le donjon pour sauver la soeur du paladin, car le cycle de digestion des dragons est certes lent, mais pas assez pour se permettre le luxe de se ravitailler.
Mais sans rien pour se sustenter, la faim les prend rapidement en tenaille, au point qu’ils seraient contraints de faire demi-tour… Si ce n’était pour l’aide salvatrice d’un vieux nain adepte de la survie et capable de cuisiner tout et n’importe quoi à partir de tout et n’importe quoi.
Le truc qui frappe avec ce manga, c’est le soin et le sens du détail apporté à la nutrition. On sent que Ryôko Kui est une adepte de la cuisine et souhaite au maximum inculquer des bonnes valeurs à ses lecteurs, n’hésitant pas entre deux aventures à nous prodiguer des leçons de vie, notamment par le biais du nain, qui offre énormément de conseils à ses compères. Le sens du détail est aussi très fortement présent dans la seconde moitié de cette formule : le côté jeu de rôle. On sent que l’idée est née autour d’une des innombrables parties de Donjons et Dragons (ou d’un autre JdR typé Fantasy) auquel l’auteur aurait prit part, car outre le bestiaire très connoté DnD, chacun des personnages possède des attributs liés aux classes que l’on côtoie habituellement dans ce genre de jeu.
Cependant, il y a deux petits détails qui ont rendu ma lecture de ce premier tome assez inconfortable : l’absence de prise en compte des enjeux et le personnage principal.
Pour le coup, la quête de nos personnages est à priori urgente : sauver la soeur du paladin, qui est prisonnière de l’estomac du dragon. Sauf qu’il n’est fait référence à ça qu’une ou deux fois et on a l’impression que ça ne les motive pas plus que ça. Peut-être est-ce lié au fait que la mort n’a pas l’air si grave que ça, puisqu’ils peuvent être ressuscités (et encore, ce n’est jamais bien clair comment ça se fait ni si ça peut se faire à l’infini), mais si c’était le cas, pourquoi alors n’ont-ils pas pris le temps de s’équiper et se réapprovisionner en vivres ? Alors oui, ça casserait tout l’intérêt du manga, qui est de voir des recettes de cuisines basées sur des monstres, mais ça enlève toute forme de gravitas à la quête en cours.
Ensuite, le personnage principal, qui, en plus de visiblement ne pas avoir grand chose à cirer de sa soeur, a une obsession quasi malsaine avec l’idée de manger des monstres et en connaître leur goût. C’est… Assez bizarre.
Après, les autres personnages sont tous très cool. Le nain en particulier est un véritable plaisir à suivre, aussi bien de par son design simple et efficace que son côté mentor à la fois attentionné et un peu bourru. Le voleur aussi est très drôle, car il sait frapper là où ça fait mal et est le plus réaliste avec la mage, qui elle est celle qui réagit à tout pour permettre au lecteur de mieux comprendre ce qu’il se passe, même si elle se fait un peu trop victimiser à mon goût.
Le trait est très agréable, notamment les monstres, qui sont toujours très détaillés et variés et la traduction est une des plus agréables que j’ai pu lire depuis un bail. Le vocabulaire est particulièrement technique et les tournures de phrases sont pour la plupart très élaborées, ce qui est toujours un gros plus.
Au final, Gloutons et Dragons commence plutôt bien. Sauf grosses surprises, je ne m’attends pas à voir cette histoire devenir une de mes préférées, mais il n’en reste pas moins que je lirai sans déplaisir les tomes à venir, sachant que la série est toujours en cours et que le rythme de parution est plutôt lent. Et en plus, ça nous a donné envie ma copine et moi de relancer Dragon’s Crown, ce qui est toujours un bon point. Bref, à surveiller.
Benjamin « Red » Beziat