Le genre des jeux de plateforme est un genre aussi malléable qu’extraordinaire. C’est le genre de jeux qui est là pour tester notre dextérité, notre curiosité et qui est aussi un excellent moyen d’apprendre pas mal de codes applicables dans quasiment tous les autres genres de jeux.

Et sur le papier, Balan Wonderworld avait plus ou moins tout pour devenir un classique : un univers ultra coloré et chaleureux, un character-design beaucoup trop stylé grâce notamment à Naoto Ohshima, que l’on connaît pour ses designs légendaires notamment du côté de Sonic à l’ère de la Dreamcast, ou bien Nights, une bande-son signée Ryo Yamazaki, un habitué de chez Square Enix, et des power-ups à foison avec en guise de maître de cérémonie un Yuji Naka, le papa de Sonic qui renoue avec les jeux à gros budget après des années à expérimenter sur des jeux comme Rodea the Sky Soldier ou bien Let’s Tap.

Cependant, après quelques minutes de jeu, j’ai compris que quelque chose de fondamental au genre du jeu de plateforme manquait et qui allait rendre l’expérience aussi pénible que tristement frustrante : il manquait la profondeur de gameplay.

Alors certes, Balan Wonderworld est un jeu qui a été créé et conçu spécifiquement pour les enfants et se veut être leur premier jeu de plateformes, mais j’ai eu la sensation qu’en simplifiant les choses à leur extrême, on les prenait de haut, là où Nintendo sort toujours des jeux de plateforme avec une complexité qui fait que n’importe qui peut y jouer, aussi bien les adultes que nous sommes que les enfants ciblés par Balan Wonderworld.

Oh et un petit détail hyper important : mettez à jour le jeu la seconde où vous mettrez le jeu dans votre console si jamais vous le prenez. Il corrige un glitch particulièrement violent qui faisait qu’il y avait des flashs lumineux rapides et puissants durant le combat final et qui peut donc créer des réactions chez les personnes épileptiques. Bon en vrai, le jeu a quand même réussi à me rendre malade deux fois même avec ce patch et alors que je ne suis pas épileptique, mais c’est un détail sur lequel je vais revenir d’ici quelques paragraphes.

Balan-cing Act

Balan Wonderworld nous conte l’histoire soit de Leo, soit d’Emma, deux enfants qui semblent un peu blasés de leur vie actuelle. Au détour d’une ruelle, ils tombent sur le mystérieux cabaret de Balan, un erm… Imaginez le Génie d’Aladdin en bien plus souriant, qui transporte les enfants dans un monde étrange où erm… Ils doivent arrêter un méchant sans nom qui erm… Semble voler les cœurs des gens déjà en détresse émotionnelle pour erm… Bon ok, le jeu n’explique absolument rien et on doit s’imaginer ce qu’il se passe.

Ce n’est qu’en lisant le petit guide réservé à ceux qui ont reçu une copie presse et en allant sur le site officiel que j’ai eu quelques infos supplémentaires, notamment le méchant qui ressemble totalement à Reala de Nights Into Dreams et qui s’appelle ici Lance. D’ailleurs, les parallèles entre Balan Wonderworld et Nights ne s’arrêtent pas là, puisque Balan est totalement Nights, on contrôle un garçon ou une fille qui ne sert absolument à rien tant qu’il n’a pas de power-up et on visite des mondes oniriques où la logique est sortie par la fenêtre, à ceci près que dans Balan Wonderwolrd on voit aussi régulièrement les personnages que l’on sauve en version géante et que tous les PNJ que l’on croise sont des hallucinations qui se dissipent quand on s’en approche trop. C’est hyper déroutant et j’ai mis un peu de temps à accepter que je n’aurais jamais d’explication sur quoi que ce soit… Oh et les personnages que l’on sauve font une petite chorégraphie sur une chanson très clairement inspirée des chansons des jeux Sega des années 90 du style Nights ou Burning Rangers.

Ceci étant dit, un truc que je ne peux qu’admirer, c’est le boulot de Visual Works, fièrement mis en avant dans les crédits pile après Yuji Naka, Naoto Ohshima et Ryo Yamazaki. Le studio d’animation de Square Enix connu pour la dinguerie visuelle de leurs cutscenes et du film Kingsglaive s’est fait plaisir et chaque cutscene du jeu est un pur délice visuel, avec même quelques expérimentations de mélange d’animation 2D et 3D qui font plaisir à voir.

Ce qui fait moins plaisir, c’est ce gameplay tellement simple que ça en devient hyper désagréable.

Ainsi, dans Balan Wonderworld, vous avez un bouton pour… Vous avez un bouton. Deux si on compte celui pour changer de costume, mais en dehors de ça, vous n’avez qu’un seul bouton et ce n’est pas forcément pour sauter. Car tout ce que vous pouvez faire ne dépend entièrement que du costume que vous portez. Certains vous permettront de sauter, d’autres de sauter plus loin, d’autres de sauter en faisant une petite attaque, d’autres vous permettront de lancer des projectiles qu’à la condition que vous restiez immobile… Et il y en a même un qui vous transforme en bloc quand le costume le veut et sans que vous ne puissiez faire quoi que ce soit pour revenir à la normale autre qu’en attendant. Changer de costume prend environ 3 secondes, ce qui peut paraître peu, mais en jeu ça peut rendre le processus inutilement long et frustrant. Oh et chaque costume reprend un personnage que l’on voit dans le décor, mais au lieu de juste prendre l’apparence du personnage qui a un design cool, on porte un costume dudit personnage tout en laissant apparaître la tronche de Leo ou d’Emma, ce qui est aussi ridicule que terrifiant.

De fait, en limitant les actions à une ou deux par costume, toute la complexité du gameplay disparaît purement et simplement. Oubliez tout ce qui est double-saut, saut en piqué, saut mural ou bien tous les mouvements cool que vous pouvez apprendre dans un Mario, un Rayman ou bien un Banjo-Kazooie. Le saut est tout ce qu’il y a de plus banal, ce qui fait que le level-design est limité. Très limité, ou bien souvent limitant, puisque pour atteindre certains objectifs spécifiques, le seul moyen d’y parvenir est d’avoir le bon costume. Sachant que le jeu s’amuse aussi régulièrement à planquer des statuettes de Balan nécessaires pour débloquer les mondes d’après derrière des obstacles que seul un costume d’un autre niveau peut franchir, ça implique aussi souvent d’aller dans un autre niveau, récupérer le costume nécessaire, puis revenir dans le niveau à la section demandée sans se faire toucher par un ennemi ou bien en tombant dans le vide sous peine de perdre ledit costume si on a oublié d’en changer par sécurité pour enfin utiliser le pouvoir du costume nécessaire pour obtenir sa récompense. Et oui, ce système est compliqué pour rien et heureusement que je jouais à la version PS5 où les temps de chargement prennent moins de 4 secondes, puisque sur Switch où ça peut prendre jusqu’à 25 secondes pour charger un niveau, j’aurais probablement pété un câble. Heureusement que pour finir le jeu, il faut réunir 110 statuettes sur un peu plus de 240, mais bon, ça peut être usant de devoir faire plusieurs fois le même niveau pour récupérer les dernières statuettes nécessaires pour progresser.

Une mécanique de gameplay absolument essentielle qui n’est jamais expliquée et que je n’ai découvert que parce que quelqu’un sur Twitter me l’a dit : vous pouvez accéder à un menu pour changer de costume en attendant 4 à 6 secondes sur un checkpoint. Sachant que je ne m’arrête jamais sur ces trucs-là, j’aurais pu finir comme mon tweetpote et ne découvrir ça que par accident arrivé à plus de la moitié du jeu vu comment c’était parti.

Une fois le second niveau de chaque monde terminé, on a le droit à une petite cutscene qui explique le passé de la personne que l’on va sauver, puis on affronte directement le boss. Leurs designs sont pour la plupart absolument fantastiques et les combats sont plutôt funs, même si on peut quasiment tous les battre en 40 secondes montre en main et donc on ne peut profiter de leurs thèmes de combat qui sont souvent excellents.

D’ailleurs petit aparté, en parlant de menus, vu que tous les boutons font exactement la même chose, pour sortir d’un menu il faut aller sur l’option « sortir du menu », ce qui est absolument contraire à tout ce que j’ai appris en plus de 20 ans de jeu où il suffit juste d’appuyer sur Rond pour sortir. Et le mode Photo est sympa sur le papier, mais c’est une galère pas possible à utiliser correctement à cause de la caméra qui est presque incontrôlable.

Et en parlant de la caméra, c’est elle qui m’a rendu malade deux fois ! La vitesse par défaut est beaucoup trop rapide, au point que le deuxième niveau du premier monde avec le fait qu’il s’aplatit que quand on avance est extrêmement dérangeant et les options de sensibilité de la caméra sont tels que le niveau en dessous la rend beaucoup trop lente. J’ai fait tout le jeu en devant m’arrêter trop régulièrement juste pour remettre en place la caméra car il n’y a pas non plus d’options pour la remettre instantanément dans notre dos. J’ai eu à deux reprises une migraine absolument infernale au point que je devais faire des siestes pour m’en remettre et la seconde fois ça s’était accompagnée d’une envie de vomir tellement violente que j’ai fini un niveau en luttant contre mon corps pour ne pas avoir à le refaire.

Tous ces petits problèmes font que ça ruine souvent un level-design qui en vrai n’est pas forcément mauvais. Mention spéciale aux mondes 10 et 12 qui poussent le concept des rêves vraiment loin, au point que je m’amusais vraiment dessus ! Franchement, le monde 10 était pour moi le meilleur passage du jeu et ça m’a un peu rappelé le niveau d’Alice au Pays des Merveilles du premier Kingdom Hearts, ce qui n’était pas désagréable.

Entre deux sessions de platforming et d’attente, il est possible de tomber sur des chapeaux dorés. Quand on les touche, on entre dans les Batailles de Balan qui sont… De simples QTE qui durent entre 30 secondes à une minute. Et je pense que c’est cet aspect en particulier qui montre que le jeu est sorti quelques mois trop tôt pour ne pas louper la fin de l’année fiscale le 31 Mars, puisque toutes les Batailles de Balan sont quasiment identiques ! Balan tape sur un rocher. Il en casse un autre. Et un autre. Et enfin il casse un cristal et voilà ! Parfois Lance vient dire coucou, mais en dehors de ça, ça ne change pas des masses et le twist le plus cruel est que pour obtenir un trophée, il faut faire chaque QTE à la perfection et si on se loupe, il faudra tout simplement sortir du niveau et le recommencer depuis le début et ensuite se retaper le chemin jusqu’au chapeau pour retenter sa chance. Sachant qu’il y a un à deux chapeaux par niveau et qu’il y a deux niveaux dans les 12 mondes du jeu (sans parler du post-game), ça fait au moins 30 minutes à se farcir la même cutscene encore et encore et ça, c’est juste le minimum si tant est que l’on ne se loupe pas !

Le jeu est aussi jouable en co-op, ce qui peut permettre de partager l’expérience avec son enfant ou sa compagne. Ça ne change pas grand chose à l’exception du fait que ça permet d’ouvrir des portes où l’on peut choper des œufs pour agrandir notre armée de Tims.

Et cette armée est erm… Utile ? Concrètement, ils sont tous réunis dans le hub central du jeu et comme le Chao Garden de Sonic Adventure, il est possible de leur donner à manger et de les prendre dans ses bras. En les nourrissant, on les motive à activer une roue au milieu de l’île à laquelle est attachée un compteur. En atteignant certains paliers, on permet à la machine de grandir et erm… Je n’ai aucune idée de ce que ça fait une fois terminée. Le seul moyen de faire grimper ce compteur en plus de nourrir les Tims en farmant les cristaux que l’on obtient dans les niveaux, c’est d’attendre et je n’avais pas forcément envie de faire grimper ma facture d’électricité pour savoir ce qu’il y a au bout de ce processus.

Un truc que je ne savais pas, qui n’est jamais expliqué et que je n’ai appris que via un guide que l’équipe de développement m’a fait indirectement parvenir, c’est qu’en nourrissant les Tims d’un cristal d’une certaine couleur, ils changent de couleur et de classe. Ainsi, s’ils sont d’une certaine couleur, ils récupéreront plus d’objets au pif dans les décors, s’ils sont d’une autre couleur ils attaqueront les ennemis sur la carte et y’a d’autres trucs, mais concrètement ils ne sont pas non plus hyper utiles donc on peut vite les oublier.

Enfin, musicalement, c’est là où je trouve que Balan Wonderworld s’en tire le mieux. Les thèmes de la plupart des mondes sont vraiment excellents et tapent dans des genres assez divers et variés. Mention spéciale pour le thème du 4ème monde et sa variation pour le boss qui étaient hyper kiffants et le thème des Bataille de Balan, qui est vraiment cool et qui rend presque les QTE intéressants.

Au final, Balan Wonderworld n’est pas un mauvais jeu… Mais il n’est pas non plus particulièrement bon, ni intéressant si on a plus de 10 ans. Le gameplay beaucoup trop limité et reposant trop sur les costumes et son seul bouton d’action fait que l’on passe son temps à être exaspéré devant la lenteur voulue du rythme du jeu et ça me frustre d’autant plus que ce nouvel univers créé par Yuji Naka et Naoto Ohshima est hyper prenant !

Je veux une suite à ce jeu, mais à la seule condition que l’on aie au moins deux boutons pour jouer et que le gameplay soit plus acrobatique pour que l’on se sente plus impliqué.

Je ne peux pas recommander ce jeu à 60€, ni vraiment le recommander de manière générale. Encore une fois, il n’est pas mauvais mauvais, mais quand j’avais l’âge que vise Balan Wonderworld, je jouais à Super Mario 64 et Banjo-Kazooie, qui sont d’ailleurs tous deux jouables sur nos consoles actuelles et qui étaient d’une complexité folle, mais jamais dérangeante. Oui, c’est un bon gros cas de « c’était mieux avant » que je vous fais, mais bon, dans ce cas précis, c’était vraiment mieux avant.