Note : exemplaire du jeu fourni par l’éditeur.

Longtemps attendu à cause d’une annonce penchant plus que le tôt que l’immédiat et de quelques reports, Vampyr n’a cessé d’attiser ma curiosité. Développé par Dontnod, ce projet est le plus ambitieux que le studio ait entrepris jusqu’à ce jour. Car après un Remember Me chez Capcom légèrement maladroit, mais au lore bien développé, puis un Life is Strange chez Square Enix au succès qu’on lui connaît, mais plus safe d’un point de vue moyens employés, Vampyr (fait avec l’aide de Focus Interactive) nous propose un tout nouveau genre de jeu pour le studio : le RPG Occidental/jeu d’enquête/simulateur de médecin de campagne en open world. Et qui dit RPG Occidental en open world dit beaucoup plus grosse possibilité de se prendre les pieds dans le tapis, mais… Bizarrement, ça fonctionne ! Pas parfaitement, mais ça fonctionne très bien, tant et si bien que malgré une deadline assez courte pour finir la critique, je n’ai pas cherché à en finir au plus vite (même si j’essaye très rarement de faire comme ça) et me suis même surpris à prolonger mes parties jusqu’à pas d’heure pour tenter d’en retourner chaque pierre. Tombale.

Autant en Emporte le Vampire

Le pitch de Vampyr est plutôt classique si l’on s’intéresse un minimum à la littérature fantastique : on incarne Jonathan Reid, un médecin britannique fraîchement revenu du front alors que la Première Guerre Mondiale est sur le point de prendre fin. Et par fraîchement, j’entends qu’il se réveille mort au beau milieu d’une pile de cadavres, ce qui n’est pas la meilleure des manières de rentrer chez soi… Et encore moins en mangeant le comité d’accueil que constituait votre soeur, qui avait passé des journées à tenter de vous retrouver. Woops.

Autant dire que l’on se retrouve aux commandes d’un personnage particulièrement déboussolé qui doit tenter de tirer au clair le pourquoi il s’est réveillé vampire, le qui est derrière cette transformation et aussi tenter d’éradiquer une épidémie de grippe qui s’est emparé de Londres et ne semble pas vouloir se calmer, le tout en échappant à un groupe de chasseurs de vampires particulièrement tenace. Bref, c’est le bazar complet et il nous convient de démêler tout ça.

Il est rare que je dise autre chose que l’histoire casse pas trois pattes à un canard, mais là, il me faut dire tout le contraire, puisque l’on se surprend à être happé par une histoire passionnante, bourrée de détails et par forcément la plus prévisible qui soit, car même si le héros est dépassé par bien des forces et des jeux de pouvoirs entre immortels, gangs et pouvoirs religieux, il n’y a pas vraiment de menaces qui tente de détruire le monde ou bien d’escalade dans la puissance. Certes, c’est présent, mais le gros de l’histoire se joue à échelle humaine et ça, c’est plutôt rafraîchissant.

Les personnages secondaires et l’univers aussi sont incroyablement bien travaillés, faisant que l’on a vraiment envie de tester tous les embranchements et découvrir les vies plus ou moins glorieuses des différents personnages et savoir qui sera confronté à notre jugement ou non. D’ailleurs, il est intéressant de noter que même si le jeu se déroule en 1918, les scénaristes ont fait de Jonathan un personnage très progressiste, raisonnant comme le feraient pas mal de gens de nos jours concernant la moralité et les minorités, comme s’il venait de notre époque et était confronté aux vues rétrogrades de l’époque. Ajoutez-y une référence plus ou moins subtile concernant l’idiot le plus dangereux au pouvoir actuellement qui souhaite construire un mur et vous avez un jeu des plus actuels dans un emballage fantastico-historique (ce qui ne me dérange aucunement, bien au contraire, vu que je m’aligne sur ce point de vue).

Vampyr 1

Cependant, le seul bémol que je pourrai avancer quant à l’histoire principale vient de la fin que j’ai obtenue, qui se résume certes plus ou moins en « vous récoltez ce que vous avez semé » (il faut dire que je n’y suis pas allé en mode bon samaritain pur et dur), mais le fait que l’on n’aie aucune influence directe une fois l’épilogue lancé couplé à un revirement total de ton qui n’était pas naturel du tout par rapport à ce qui se passait littéralement deux secondes auparavant a pas mal mitigé cette sensation de récompense… Mais bon, même si ce n’était pas la fin que j’aurais souhaité, j’ai bel et bien récolté ce que j’avais semé, donc c’est bien fait pour ma trogne.

L’autre détail qui me chiffonne et m’attriste par rapport à ce point précis vient de l’absence totale de New Game +, ce qui implique de devoir refaire le jeu de zéro et se retaper tous les points les moins plaisants du jeu pour débloquer la vraie bonne fin alors que je sais que je n’étais peut-être qu’à une ou deux décisions de l’obtenir et le revirement soudain de ton ne me donne aucun indice sur les critères requis pour l’avoir.

Maximisez Lestat

Concernant la structure du jeu, Vampyr peut être divisé en trois sections distinctes : les interactions avec les PNJ, les phases de soins et les phases de combat.

Comme dans tout bon RPG Occidental, on passera une bonne partie de notre temps à discuter avec la populace, mais la particularité de Vampyr est que outre la possibilité d’en découvrir plus sur les personnages et leurs liens entre eux et débloquer des quêtes annexes, discuter avec ces personnages permet aussi « d’améliorer la qualité de leur sang ».

Vampyr est un jeu particulièrement tordu dans son sens de la moralité, car plus on interagira avec les personnages, le plus de points d’expérience ils pourront nous rapporter si tant est que l’on décide de les croquer dans une ruelle sombre. Entretenir et bichonner nos potentielles futures victimes peut nous faire passer pour de parfaits sociopathes si l’on décide de les utiliser pour gagner en expérience (comme s’amuse à le suggérer le jeu lorsque l’on meurt trop souvent)… Et ce choix peut être cornélien tant le jeu s’amuse à augmenter de plus en plus le niveau des adversaires et boss avec le temps. Bien plus vite que ne le permet l’évolution de Jonathan, ce qui peut mener à des combats particulièrement tendus si l’on décide d’être le plus honnête possible et que l’on ne fait pas toutes les quêtes annexe du jeu. Je dois avouer que sur la toute fin, j’en avais tellement marre de me faire démolir par des simples groupes de trois ennemis ayant 10 niveaux de plus que moi que j’ai décidé de me débarrasser des personnages les plus maléfiques (un prêtre qui voulait tout brûler et les leaders d’un gang de malfrats) pour pouvoir gagner quatre niveaux d’un coup et une plus grosse jauge d’endurance et de « magie ».

En bref, on pourrait interpréter le message du jeu comme étant « la voie du plus juste est aussi la plus difficile et seuls les plus purs pourront bénéficier de la fin que ce jeu mérite ».

Vampyr 2

La phase de soins, quant à elle… N’est pas la plus agréable, car elle implique de faire le tour de toute la map (qui fort heureusement est plutôt compacte et donc peut être traversée en quelques minutes si l’on ne perd pas de temps à se battre) pour soigner les différents PNJ malades, étant donné que Jonathan est tout de même un médecin. Le processus est assez long et pénible à cause du fait qu’il n’y aie pas d’option de « fast travel » et l’est aussi parce que l’état des personnages change d’un jour à l’autre, sachant que le passage des jours se fait au moment où l’on redistribue nos points d’expérience dans l’arbre de compétence, créant ainsi un joli dilemme sur fond de « vais-je monter en niveau au risque de devoir à nouveau perdre 15 minutes à faire le tour de la map pour soigner les nouveaux malades », sachant que si vous laissez tout le monde tomber malade, vous attirerez plus de monstres dans le quartier et risquez même de définitivement perdre des habitants.

Vampyr Contre-Attaque

La phase de combat, elle, est sympathique. Les options sont présentes pour varier un peu le jeu, mais ce déséquilibre constant entre vous et vos adversaires lors d’une partie honnête durant la première moitié du jeu fait que vous vous ferez plus souvent défoncer que vous ne le souhaiteriez… Ce qui en soi est plus que frustrant, car les temps de chargement sont affreusement longs. Cependant, une fois que vous aurez compris l’astuce de la faux, qui permet de parer et ainsi vider presque entièrement la jauge de vulnérabilité de l’ennemi et que vous aurez upgradée l’arme à fond, les combats resteront certes tendus par moments, mais vous aurez au moins l’impression de jouer à armes égales (et en god mode face aux ennemis qui n’ont que deux ou trois niveaux de plus). Le système de combat est assez similaire à celui d’un Dark Souls (comparaison non ironique, pour une fois), avec une jauge d’endurance et l’idée qu’y aller comme un bourrin ne vous apportera que 30 secondes de chargement. Mais contrairement à Dark Souls, la gestion de la magie/jauge de sang joue un rôle bien plus important. Car non seulement elle est votre principal moyen de vous soigner, mais elle permet aussi de lancer des sorts bien utiles. Bémol : elle part vite. Très vite. Pour la remplir à nouveau, soit vous dévorez les rats qui passent dans le coin, soit vous modifiez vos armes pour avoir l’option d’en regagner à chaque coup porté, soit vous entamez la jauge de vulnérabilité de l’ennemi pour pouvoir lui faire un bisou mordant, sauce O+.

Bref, le système de combat ne manque pas de subtilités et est des plus nerveux, mais le fait que les ennemis soient très prévisibles et parfois carrément idiots une fois sorti de leur zone d’action couplé aux temps de chargements péniblement longs liés à vos nombreuses morts fait que, passé un certain point, vous préférerez très probablement courir pour fuir au maximum des combats qui de toutes façons ne vous rapportent pas grand chose, niveau expérience.

Sang pour Sang Style

https://www.youtube.com/watch?v=kD2Ci7_hY_k

J’ai déjà dit que l’univers, les personnages et l’histoire étaient bien travaillés, mais il n’y a pas que ça ! Le travail sur la présentation est aussi des plus cool. Les textures et le côté peint des décors est des plus plaisants à l’oeil et l’on ressent bien l’ambiance poisseuse de ce Londres décrépit. De plus, chaque quartier a son identité et l’on prend plaisir à fouiner et explorer les moindres recoins de ces quartiers.

Un autre gros point fort du jeu vient de la partie sonore. Les doublages anglais sont juste parfaits, notamment pour Jonathan Reid, qui ne pouvait qu’avoir cette voix. Et les musiques d’Olivier Derivière sont aussi excellentes, lorgnant fortement sur les instruments à corde pour représenter la ville et l’époque. Elles restent discrètes pour la plupart, mais habillent parfaitement l’univers.

Au final, malgré ses petits soucis de rythme à cause de ses trop nombreux allers et retours et son absence de New Game +, j’ai vraiment apprécié le temps que j’ai passé avec Vampyr. Son univers riche et travaillé est passionnant et il est facile de perdre toute notion du temps une fois une partie lancée. Ce n’est pas le jeu de l’année, mais ça n’en reste pas moins une valeur sûre si jamais vous cherchez un jeu narratif qui sorte un peu du lot. Pour un peu, on pourrait dire que c’est une version plus directe et accessible de Bloodborne, narrativement parlant, bien qu’aussi plus «  » » »réaliste » » » » et humaine, donc si vous avez aimé le jeu de From Software, vous ne pouvez pas vous tromper. Si vous avez aussi aimé The Witcher 3, il y a moyen pour que vous passiez un bon moment dessus, même si il ne faudra pas vous attendre à un jeu avec autant de contenu et une durée de vie bien moindre que le titre de CD Projekt Red (donc si vous jugez la valeur financière d’un jeu à la taille de son contenu, vous n’y mettrez probablement pas plus de 40€).

Dans tous les cas, je ne peux que conseiller ce jeu si vous êtes curieux ou intéressé par ce genre… Après tout, il est certain que niveau jeux, votre magasin vend pire… Vend pire. Vampire.

Ey ? Eeey ?

Benjamin « Red » Beziat