On pourrait croire que Tetris est le genre de jeu qui a été tellement fait et refait qu’il n’y a plus aucun moyen d’en faire quelque chose de nouveau, ou bien « d’aussi bien que ». Après tout, Tetris DS est une des meilleures versions jamais sorties à ce jour et Puyo Puyo Tetris est la meilleure version pour y jouer de manière compétitive… Mais tout ça, c’était sans compter sur le génie d’un certain Tetsuya Mizuguchi.

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, cet artiste s’est mis en tête de créer les expériences sensorielles les plus poussées et les plus immersives jamais sorties. Son premier fait d’armes entré dans le Panthéon est le très étrange Rez, suivi presque quinze ans plus tard par une suite spirituelle nommée Child of Eden. Et, entretemps, il a révolutionné le puzzle-game avec le plus classique, mais non moins efficace Lumines.

Et aujourd’hui, avec Tetris Effect, Tetsuya Mizuguchi et son équipe ont entrepris de mettre tout ce qu’ils ont appris dans le jeu le plus « simple » au monde : Tetris. Et le résultat est tout aussi magique qu’on pourrait le croire.

L’Effet T’es pas Tris(te)

La critique qui va suivre fera que l’on risque de me qualifier d’hyperbolateur hippie qui utilise de grands termes un peu artsy, mais tout ce qui suit tient juste du bonheur que j’ai ressenti en jouant au jeu. C’est vraiment étrange et, pour le coup, j’ai envie de dire qu’il faut jouer au jeu pour comprendre ce que je vais dire, car Tetris Effect réussit pleinement son coup d’être une expérience sensorielle faite pour nous faire planer.

Dans les faits, il n’y a pas plus Tetris que Tetris Effect. Le concept reste le même, sans plus de variations qu’une autre version (et même un peu moins, mais j’y reviens dans la partie pinaillage), mais Tetris Effect possède ce petit plus qui fait que l’on peut ranger cette version dans une toute autre catégorie. Une catégorie complémentaire aux autres versions et dont l’expérience sera vécue différemment selon la personne qui y joue.

Je vais me concentrer principalement sur le mode Périple, car il s’agit du mode principal en plus d’être une sorte de démo de tous les « niveaux » proposés. Dans ce mode, on enchaîne différents niveaux en suivant une sorte de ligne directrice. Le principe sera toujours le même : réussir à faire disparaître 36 lignes avant de passer au segment suivant et perdre la partie ne signifie que refaire ce segment avec un score total repassant à zéro. Là où les choses deviennent totalement folles, c’est… Que Tetris Effect est un voyage dans le temps et dans l’Histoire de l’Humanité en y montrant tout ce qu’il y a de plus beau. Un instant on sera dans le Far West à écouter des chants tribaux, tandis que l’autre on sera dans les airs entouré de montgolfières ou bien dans les rues de New York à écouter du jazz halluciné. Dans un sens, en y jouant, j’ai eu la sensation de voyager aussi bien dans l’univers du jeu que dans mon propre passé, certains niveaux me rappelant mon enfance lorsque mon père écoutait Fun Radio la nuit dans la voiture alors que je regardais les lumières de la ville défiler et la progression me rappelant énormément The New Tetris sur Nintendo 64, où l’on reconstituait les Sept Merveilles du Monde, mais ici en version beaucoup plus psychédélique. C’était vraiment étrange, d’autant plus que passé un certain stade, je ne jouais pas tant au jeu plus que j’étais immergé dans l’univers tout en laissant mes doigts jouer correctement.

Je pense qu’à ce stade, vous devez me prendre pour un fou ou bien un illuminé, et je sais que ça va paraître pompeux à dire, mais Tetris Effect est vraiment un des premiers exemples que j’ai en tête de jeu-oeuvre d’art, où votre propre expérience de jeu en déterminera son interprétation. Le dosage parfait entre le visuel, la musique monstrueusement cool, l’utilisation extrêmement maligne des effets sonores nous poussant inconsciemment à jouer en créant un rythme dépendant de la musique couplée aux vibrations de la manette font que, si on y est sensible, on sera facilement happé et les minutes se transformeront en heures. Pour le coup, n’ayant pas de PS VR, ni de casque audio digne de ce nom, je n’ai pas pu jouer au jeu de manière optimale, mais même sans tout ça, j’ai réussi à largement y trouver mon bonheur.

Maintenant, si l’on se penche sur le jeu de manière un peu plus clinique, le gameplay de Tetris Effect en mode Périple possède une petite « nouveauté » que je n’ai pas vu ailleurs : la Zone. Il s’agit d’une jauge qui se remplit au fil de la partie et qui nous permet à n’importe quel moment d’arrêter le temps pour pouvoir revoir notre stratégie au calme, enchaîner les lignes pour dégager l’écran et faire de très gros combos qui feront considérablement augmenter notre score sans pour autant entrer dans le compteur de lignes qui nous ferait terminer le niveau. Si vous chassez les gros scores, il ne faut pas hésiter à l’utiliser pour gagner plus de points.

L’autre mode proposé par le jeu est le plus classique Mode Effets, où l’on vous propose différentes façons de jouer pour des parties plus courtes (ou beaucoup plus longues) et allant droit au but. Ainsi, on a les classiques modes Marathon où il faut dégager 150 lignes avec une vitesse de chute des blocs croissantes, le mode Sprint où il faut faire le plus gros score dans un temps donné, All Clear, où des pièces spécifiques tombent et il faut faire en sorte de totalement vider l’écran, Combo, où l’on doit faire un maximum de combos et Détente, où l’on joue sans stress et sans Game Over jusqu’à plus soif.

Les modes un peu plus exotiques et inédits sont les Playlist, où comme dans le mode Périple on doit finir un enchaînement de niveaux, mais ici centrés autour d’une thématique commune. Le mode Cible, où un bloc est placé au pif sur le tableau et il faut réussir à l’atteindre et faire une ligne à son niveau pour le faire partie. Le mode Compte à Rebours, où un bloc I tombera du ciel au bout de dix blocs posés et où il faut faire en sorte de tirer profit de ce bloc pour le laisser effacer des lignes à notre place, sachant qu’en faisant comme ça, notre score augmentera bien plus vite. Purifier, quant à lui, nous propose de nous débarrasser de bloc « infectés », sachant que plus il en restera à l’écran, plus grande sera notre punition lors de l’inévitable montée de blocs. Et enfin, le mode Mystère, où il peut se passer littéralement tout et n’importe quoi à n’importe quel moment, qu’il s’agisse d’une inversion des commandes, de la chute d’un immense bloc, de bombes qui exploseront si on ne s’en débarrasse pas ou bien même tout qui disparaît soudainement sur le plateau. Ce dernier est de loin mon préféré parmi les modes annexes, car même s’il va un peu à l’encontre du principe même de Tetris Effect, le côté imprévisible rend la partie particulièrement stimulante.

Et maintenant, ma petite partie pinaillage concerne l’absence d’un mode compétitif. Il y a certes des classements en ligne, mais aucun mode qui ne permette d’affronter d’autres joueurs directement. Bon, après, vu mon niveau et le fait que les serveurs finissent systématiquement par n’être occupé que par des dieux du Tetris qui nous démolissent en dix secondes montre en main, ça reste une complainte mineure, mais pour le jeu en local, ça veut dire qu’il est préférable d’avoir un Puyo Puyo Tetris sous la main.

En bref, je pense que vous l’aurez compris : Tetris Effect est purement et simplement une tuerie. En tant que jeu de Tetris, il suit un cahier des charges assez classique en n’offrant presque que des modes que l’on trouve ailleurs et l’on peut regretter l’absence de mode compétitif, mais c’est vraiment en tant qu’expérience artistique et sensorielle qu’il se démarque du reste pour offrir quelque chose qui vous prend aux tripes en plus de vous offrir un good trip. Tetsuya Mizuguchi et son équipe n’ont peut-être pas réinventé une machine créée il y a trente ans, mais ils ont clairement produit une des meilleures versions sorties à ce jour !

Si vous aimez Tetris, vous vous devez de prendre cette version. Si vous êtes un minimum sensible aux jeux un peu artsy, là-encore, vous ne devez pas le bouder. Même en ayant joué dans des conditions loin d’être idéales ou bien préconisées par le jeu, j’ai pris un pied monstrueux et je sais d’avance que je le relancerai régulièrement lorsque j’aurai envie de me détendre.

Sans surprise, Tetris Effect est un…

Red Indispensable

Benjamin « Red » Beziat