Note : Un exemplaire du jeu m’a gracieusement été fourni par l’éditeur. De plus, et je préfère le préciser avant de commencer cette critique, je connais un peu une partie de l’équipe ayant travaillé sur le jeu et je leur ai offert un peu de mon feedback pour l’élaboration d’un patch sortant aux alentours du lancement qui devrait gommer quelques uns des problèmes que j’ai pu rencontrer lors de ma partie.
Je… Crois que ça fait cinq ans que j’attendais ce jeu avec une impatience plus que palpable. Je me souviens la première fois, lors d’une Japan Expo, avoir tourné autour de leur stand quelques minutes sans jamais m’approcher, avant d’enfin prendre sur moi et approcher les développeurs l’année suivante lors d’un Toulouse Game Show. Je ne sais plus si ça avait été cette année ou non que je m’étais mis en tête de les interviewer pour Radio Campus Bordeaux ou bien si c’était l’année suivante, mais je n’ai jamais vraiment quitté le projet des yeux. Je me souviens aussi de ses différentes phases, où il était d’abord nommé Épisode 1 et qu’ils hésitaient encore entre sortir le jeu au format épisodique (ce qui semble au final avoir été le cas, même si je reviendrai un peu plus tard sur ce point) ou bien en free-to-play, chose que j’avais fortement déconseillée, grimace à l’appui. Puis il y a eu un Kickstarter qui a fonctionné du tonnerre et qui a permis de boucler le travail sur le jeu.
Je zappe pas mal de détails pour éviter de rendre cette intro trop longue, mais nous voilà arrivé en ce jour, où Shiness est enfin gold et même sorti ! Ce rêve d’un enfant devenu grand est enfin devenu concret et le monde entier peut en avoir un aperçu. Et que vaut ce premier effort du studio tourquennois Enigami ? Eh bien… C’est un très bon premier effort ! Loin d’être parfait, mais c’est très bien parti !
Kayenne.fr
Première chose à savoir à propos de Shiness : The Lightning Kingdom, c’est qu’il s’agit d’une épisode d’une plus vaste série et probablement le premier épisode d’une série de jeux. On y incarne principalement Chado, un waki (un être anthropomorphe ressemblant d’assez loin à un petit ours) parti en quête des Terres de Vie, un endroit situé à la confluence des quatre grand cercles élémentaires du Shi où il serait apparemment possible de ramener les morts à la vie. L’objectif de cet adolescent est double : non seulement tenter de ramener sa mère à la vie, mais aussi aller là-bas parce que le Shiness, une sorte de fée que seul lui peut voir, l’a élu pour une quête plus ou moins indéfinie. Il est accompagné de Pocky, un waki mécano rigolo qui a la pire malchance au monde, faisant que les deux s’écrasent sur une météora (un fragment de la planète, qui pour une raison encore mystérieuse a explosé en morceaux) légèrement hostile, non seulement aux prises avec le Shi Obscur qui la pourrit de l’intérieur, mais est aussi au coeur d’une guerre civile entre une population tentant de fuir ces terres mourantes et un royaume mené de main de fer par un roi corrompu.
Comme vous avez pu le remarquer avec ce paragraphe, le monde de Shiness possède sa propre terminologie et son univers est détaillé. Très détaillé. Tellement détaillé, en fait, que le jeu possède même sa propre langue et était censé être entièrement doublé dans celle-ci. Pour des raisons assez complexes liées à la soumission des jeux sur certaines plateformes en ligne stipulant, en gros, que les jeux proposant du voice acting se doivent d’avoir des voix en anglais, ce plan est à moitié tombé à l’eau, et la plupart des cutscenes ont été redoublées en anglais (la version PC, quant à elle peut se jouer entièrement en mahérien, ce qui est plutôt cool quand on considère que Brigitte Lecordier, voix française de Son Goku jeune et de Son Gohan dans Dragon Ball, a joué le rôle de Poky, le pote mécano de Chado. Le monde de Mahera est riche et c’est aussi une des principales raisons pour lesquelles The Lightning Kingdom me frustre énormément : on n’en voit qu’un tout petit fragment.
En effet, même si la mention « épisode 1 » a disparu du titre, la vérité est qu’il s’agit d’un épisode 1, avec tout ce que ça implique de cliffhanger qui laisse sur sa faim et cette sensation d’inachevé quand on voit les crédits défiler. Alors certes, l’histoire proposée ici est plus ou moins contenue avec une intrigue possédant son propre antagoniste (très charismatique et cool par ailleurs) et son lot de plot twists ayant une certaine finalité, mais il reste énormément de questions en suspens et de personnages restés dans l’ombre qui nous donnent qu’une envie : d’avoir immédiatement la suite.
D’ailleurs, un point important que je n’ai pas encore évoqué : Shiness, c’est aussi un manga. Ça se voit clairement au niveau de la mise en scène, avec pas mal de cutscenes sous la forme de cases légèrement animées, mais il en existe aussi un vrai en dehors du jeu qui sert de Prologue. Et même s’il n’est pas non plus obligatoire de le lire, il reste quand même très fortement recommandé de le faire, car il offre non seulement un background plus développé à certains personnages, mais il offre aussi quelques clés de compréhension pour tout ce qui est Shi, Météoras et la quête de Chado pour ramener sa mère à la vie.
Enfin, toujours concernant l’histoire, il y a un point qui me titille dans le mauvais sens : comme ce fut le cas pour Dust : An Elysian Tail à l’époque, on sent que du contenu a du être coupé faute de temps et ça résulte en un climax où tout s’enchaîne à cent à l’heure et les choses se terminent en un claquement de doigts. C’est un peu dommage, d’autant que le reste de l’histoire prend son temps à mettre tout en place et certaines scènes sont réellement surprenantes. Un certain passage en milieu de jeu m’a totalement retourné le cerveau et j’ai trouvé ça particulièrement osé et génialement cruel.
Le scénario, les personnages et l’univers sont captivants, faisant que j’ai accroché de bout en bout. On sent clairement que Samir Rebib, le créateur de cet univers, a bossé dessus pendant plus d’une dizaine d’années, tant tout a été réfléchi et tant tout transpire de vie et de passion.
Jean-Marc Ayron approved !
Shiness : The Lightning Kingdom est un action-RPG assez standard, avec un monde semi-ouvert que l’on peut explorer à envie pour y dénicher des trésors, taper sur des monstres/soldats et accomplir des quêtes annexes pour un supplément de points d’expérience. Les différentes parties de la Météora de Gendys sont très vastes et le level-design est hyper cool. La zone de départ en particulier a été travaillée pour offrir un degré de complexité assez dingue pour permettre à chacun des personnages contrôlables de pleinement s’exprimer (et les autres zones sont tout aussi travaillées, même si cette zone de départ en impressionnera beaucoup), car chacun possède une capacité spéciale qui sera utile dans le cadre d’énigmes relativement simples, reposant en très grande partie sur l’observation des décors et notre mémoire des différents talents.
Et quand ça n’explore pas ou que ça suit l’histoire, ça se met sur la figure dans des arènes. Les combats se font en un contre un avec la possibilité de se déplacer plus ou moins librement dans l’arène. On peut utiliser une variété de coups que l’on peut très vastement étendre par le biais de techniques que l’on récolte ici et là et il est également possible d’attaquer à distance. Le système de combat est fun, mais j’y ai trouvé trois petits problèmes qui auraient pu être perfectionnés et qui cassaient un peu la magie : le premier vient du fait que le système de combat est un peu rigide. Bon alors certes, ça l’est encore plus quand on a joué à NieR Automata quelques semaines plus tôt, car les animations ne possèdent aucune frame intermédiaires, optant pour des poses rapides pour rendre l’action plus immédiate. Le second problème vient parfois de certains coups, qui ne touchent pas leur cible (mais j’y reviendrai un peu plus tard). Et le troisième, bien plus problématique : la caméra.
Car les combats se font sans véritable chargement préalable. Le décor dans lequel on est sera quadrillé par une arène et on se bat dedans. D’un point de vue style, c’est très cool, mais d’un point de vue exécution, ça laisse une fois sur dix à désirer, car la caméra aura parfois tendance à rester coincée dans un mur, ne suivra plus notre personnage voire même se focalisera sur le buisson devant lequel a lieu l’action. Heureusement, le système de combat est suffisamment permissif pour nous éviter une mort rapide, mais dans ce genre de cas, il aurait été préférable que les combattants soient téléportés dans un endroit plus propice au combat, d’autant plus qu’il est trop rare que le terrain soit pris en compte pour proposer des variations intéressantes. On aura le droit à des lasers ou des pièges à loup ici et là, mais ils n’interviennent que dans un combat sur cinquante.
Cependant, s’il y a bien quelque chose qui m’a vraiment fait plaisir, ce sont les boss, qui proposent chacun un challenge juste et surprenant, où le terrain est mis à profit et où l’on devra faire attention à tout ce qui nous entoure. Le premier boss en particulier est vraiment cool, car il nous met dans un état de tension généré par une tonne de détails à prendre en compte. Imaginez du NieR mélangé à du The Legend of Zelda pour vous donner une idée du truc.
Le système de combat mériterait donc d’un poil plus de polish pour un futur épisode 2, mais ce qu’il y a déjà là est vraiment cool, avec pas mal de possibilités de customisation pour qui veut prendre la peine de le creuser. On peut y aller en mode bourre-pif sans subtilité, mais ça rend les combats plutôt monotones et une partie du fun vient de l’expérimentation, donc je ne peux que vous conseiller de maîtriser les différentes techniques.
Nelson Mantara’s Love
Comme dit plus haut, une grande partie de ce qui fait le charme de Shiness, c’est son univers. Et cela passe aussi par des décors fouillés et très détaillés. Chaque lieu raconte une histoire et l’on peut trouver ici et là quelques indices sur ce qu’il a pu se passer par le passé. On sent que tout a été étudié avec beaucoup d’attention pour rendre le tout le plus mystérieux et intriguant possible, menant à cette envie d’en savoir plus et fatalement à cette frustration.
En revanche, une autre frustration plus naturelle vient des différents bugs ici et là, avec pas mal de personnages flottant désespérément dans les airs pendant quelques secondes, des animations manquantes, des statistiques parfois inexistantes et les très rares coups qui ne touchent pas leur cible. L’Unreal Engine 3 est réputé pour être un moteur capricieux et ce n’est hélas pas Shiness qui va nous faire penser le contraire, car il apporte pas mal d’imperfections à un tableau qui autrement est plus que beau. Après, les gens de l’équipe m’ont assuré qu’ils travaillaient d’arrache-pied à la création d’un patch et je collabore un peu avec eux pour leur indiquer les problèmes que j’ai rencontré, donc il se peut qu’ils soient déjà résolus quand vous mettrez la main dessus.
Enfin, il convient de parler de la musique, qui nous rappelle à tous les tournants l’âge d’or de Squaresoft. Entre son thème principal rappelant Chrono Cross à celui de la plaine rappelant Hitoshi Sakimoto, jusqu’au thème du boss final qui rappelle du Nobuo Uematsu sous stéroïdes lors de sa période Black Mages, les influences sont très bonnes. Et Hazem Hawash, le directeur et compositeur du jeu, y met également de sa propre patte pour la plupart des autres thèmes, qui sont très agréables à l’écoute. Le thème des créatures que l’on chevauche est tout particulièrement grisant et le premier palais possède une touche orientale plus que bienvenue.
Au final, Shiness : The Lightning Kingdom pourrait, si on faisait de très gros raccourcis, être considéré comme le Final Fantasy XV indépendant. Des années en production, un univers hyper vaste et riche, une bande-son qui défonce et des problèmes techniques ici et là qui entachent un peu un jeu autrement plaisant. Ce n’est certes pas le jeu parfait, même s’il devrait être patché assez rapidement pour être bien meilleur, mais si vous vous immergez dans son univers, il y a moyen pour que vous en ressortiez des émotions parfois très contradictoires en tête, mais avec une envie très persistante : d’en avoir et d’en savoir plus ! Bref, si vous n’êtes pas allergiques aux jeux peut-être un poil trop ambitieux pour leur propre bien, de lire du contenu parallèle pour bien saisir tous les enjeux, je ne peux que vous recommander de tenter l’expérience Shiness, car même plusieurs heures après l’avoir fini, je continue d’y penser tout en ayant envie d’y retourner.
Benjamin « Red » Beziat