La fin des années 2000 était une drôle de période pour le jeu vidéo. Malgré la course à la puissance et au réalisme de la génération PS3 et Xbox 360 qui ont pas mal pourri l’ambiance et mené à des jeux toujours plus coûteux et souvent moins prise de risques et où faire des jeux colorés ou « japonais » était vu comme dépassé et peu vendeur (merci Keiji Inafune, au passage pour ça), l’existence des boutiques dématérialisées et de la Wii et de la Nintendo DS ont permis aux éditeurs et studios de continuer malgré tout à proposer des jeux plus expérimentaux sur un budget bien moindre.

Et parmi ces éditeurs, Square Enix était vraiment à fond sur la Nintendo DS. On a eu droit à une tonne de spin-offs de Final Fantasy, des remakes à la pelle, des suites de séries que l’on croyait vouées à disparaître et même une expérience totalement inédite nommée The World Ends With You, chapeautée par Tetsuya Nomura que l’on ne présente plus, et Tatsuya Kando du studio Jupiter, connu pour une des meilleures séries au monde : Picross !

Du fait de la nature très particulière du projet, The World Ends With You n’avait pas été édité à de très nombreux exemplaires (et vaut une petite fortune désormais), mais le succès critique était bel et bien présent, au point qu’il est rapidement devenu un titre culte.

Les années passent, différentes rééditions sortent, mais pendant pas loin de 13 ans on se demandait si jamais une suite verrait le jour, surtout à cause d’un certain teasing placé dans la première réédition du premier épisode sorti… En 2012. Autant dire que ceux qui ont cru à une suite qui arriverait rapidement ont du sentir le temps passer.

Mais nous voilà enfin 9 ans plus tard avec la suite entre les mains. Enfin ! Et bons dieux que l’attente valait le coup ! Sauf grosse concurrence en fin d’année, on tient un très joli participant au top 5 de mes jeux préférés de 2021, c’est vraiment excellent ! Pas sans défauts, ni pour tout le monde, mais c’était du pur plaisir d’un bout à l’autre !

New End +

Pour ceux qui se posent la question : il n’est pas obligatoire d’avoir joué au premier épisode ou d’avoir vu son adaptation en anime avant de s’attaquer à Neo The World Ends With You, mais ça reste très, très fortement recommandé. Sans entrer dans les détails et sans spoiler, disons juste que certains personnages du premier reviennent et on a ici la conclusion de certaines sous-intrigues pouvant être considérées comme laissées ouvertes précédemment. Dans tous les cas, l’histoire peut s’apprécier par elle-même et les nouveaux personnages permettent de bien comprendre la situation à un rythme pas non plus trop effréné.

L’histoire de Neo The World Ends With You commence très très fort, puisque l’on joue Rindo et Fret, deux potes qui se retrouvent sans prévenir dans une version parallèle de Shibuya, prisonniers d’un jeu mortel organisé par des êtres surnaturels nommés les Reapers. Nos deux ados vont donc devoir se plier aux règles de ce jeu et comprendre ce qu’il se passe tout en veillant à battre les trois autres équipes qui se battent pour arriver au sommet du podium.

Je ne vais pas aller plus loin, mais l’histoire est vraiment excellente, portée par une galerie de personnages ultra plaisants à suivre ! Et là où Neku, le protagoniste du premier, était plus ou moins un Sasuke discount qui pouvait être hyper relou à cause de son côté emo trop prononcé, Rindo, Fret et Nagi sont… Bah des ados bien plus normaux. Ils sont malins, parfois aussi très cons et drôles, mais jamais insupportables. Ils sont humains dans le meilleur sens du terme, ce qui fait que j’avais toujours envie de continuer l’histoire pour voir ce qu’il allait leur arriver et je ressentais souvent les mêmes émotions qu’eux.

Et non seulement les protagonistes sont cool, mais les méchants sont tout aussi intéressants et très souvent pas mal détestables ! Mention spéciale à Shiba, le maître du jeu, qui est une menace constante même lorsqu’il passe le gros du temps assis sur un canapé, et aussi et surtout à Kubo, son sous-fifre le plus drôle. Chacune de ses apparitions est un pur plaisir tant il nous trolle constamment et on a vraiment juste envie de lui coller des baffes, c’est la marque d’un bon méchant !

Le seul « défaut » de l’histoire, c’est que ça parle beaucoup. Les développeurs ont parfois mis en place un système vraiment génial où les dialogues ont lieu pendant qu’on traverse une zone, donnant un effet de style hyper cool et qui fait qu’on peut vite passer à la zone suivante, mais très souvent le groupe s’arrêtera purement et simplement en début de zone pour des cutscenes qui peuvent durer quelques minutes. Pour le coup, je pense que sur la vingtaine d’heures que j’ai mis pour finir le jeu, j’en ai passé facilement plus de la moitié à lire du texte. Ce n’était jamais déplaisant, puisque les dialogues sont vivants et pas juste un rappel du prochain objectif, mais ça donnait souvent l’impression de plus être face à un visual novel avec parfois du gameplay que devant un JRPG.

Cette sensation est aussi un peu accentuée par le fait que « l’on ne fait pas grand chose » en dehors, puisque soit on accomplit des quêtes annexes vraiment simples, soit des combats… Et aussi parfois des recherches de trucs à la con, notamment durant le 4ème Jour qui est pour moi le pire moment du jeu tant ça peut tourner à l’absurde, avec la recherche de trucs qui font quelques pixels de large à l’écran… Heureusement, ça reste l’affaire que de deux ou trois occasion qui ne durent pas longtemps, mais bon.

L’autre truc qui donne l’impression de ne pas faire grand chose et qui rappelle aussi le budget assez modeste du jeu vient de la taille de la carte. Shibuya n’est pas bien grand et on n’en sortira jamais. On fera le tour des mêmes quartiers encore et encore, sachant qu’ils sont assez petits et qu’ils peuvent être très vite traversés (ce qui dans un sens est génial, puisque les allers et retours sont nombreux et ça aurait été vite abominable si la carte était trop grande).

Les quêtes annexes sont hyper importantes, puisque non seulement elles permettent de faire varier les situations et d’étoffer les personnages secondaires, mais aussi et surtout de créer des liens dans un sociogramme qui nous permettra de mettre la main sur des upgrades de gameplay hyper utiles, comme la possibilité d’équiper plusieurs badges assignés au même bouton, vendre tous nos badges en double sans avoir à aller dans un magasin et en appuyant que sur un bouton ou bien faire sauter la limite de notre porte-monnaie. Ces options ne sont pas nécessaires pour finir le jeu, mais le confort de jeu apporté fait que l’on sera motivés à découvrir ce que le reste du jeu a à nous offrir, ce qui est hyper malin ! Relou pour certains joueurs, mais vu que les quêtes annexes se bouclent quasiment toutes en moins de 5 minutes, c’est un investissement de temps à envisager.

Les deux derniers trucs à prendre en compte pour l’exploration, ce sont les pouvoirs de Nagi et Fret (je garde celui de Rindo secret, puisque c’est une surprise beaucoup trop intéressante que je voudrais pas gâcher). Nagi peut plonger dans les esprits des gens pour initier des séries de combats contre des ennemis plus puissants que ceux que l’on trouve sur la carte, tandis que Fret peut parfois résoudre des petits puzzles pour rappeler aux gens certains trucs… Et c’est là que je me dis que la version Switch part avec un petit handicap, puisque ce mini-jeu consiste à incliner les sticks de la manette dans des angles très spécifiques. Maintenant imaginez que vous jouez avec des Joy-Cons victimes de drift et bon courage pour avancer dans le jeu. Avec un Pro Controller, ça passe, mais pour cette raison et le fait que les temps de chargement sont très rapides sur PS4 et PS5 je vous conseillerais plutôt ces versions.

Avant de passer aux combats, il faut que je parle de la manière de faire évoluer nos personnages, parce que c’est aussi ingénieux qu’intéressant ! Outre le fait d’acheter des fringues ou d’équiper des badges pour faire grimper nos stats, on peut et il faut absolument aller au resto dès que notre jauge de faim diminue. Non seulement ça permet de refaire grimper notre jauge de faim, mais aussi et surtout chaque aliment fera monter de manière permanente une de vos stats de base. Ainsi, le but est de lancer des combats pour vider votre estomac et aller au resto, car les points d’expérience engrangés en combat ne feront que grimper votre barre de vie. Ça créé une dynamique intéressante, puisque ça va nous inciter à accumuler plusieurs combats d’un coup pour avoir faim plus rapidement et ça créé des sessions de grinding à la carte, sachant que l’on peut carrément se faire des chapitres sans se battre du tout en dehors des fois où le scénario nous l’impose, puisque les monstres n’apparaissent que lorsqu’on le veut !

Oh et aussi la difficulté des combats peut être réglée à la volée, aussi bien par les modes de difficulté du style Facile, Normal ou Difficile qu’en baissant volontairement le niveau de notre groupe, la seule contrepartie étant que ça influe sur le pourcentage de chances de faire tomber des trucs cool. Et c’est probablement la raison qui fait que Neo The World Ends With You est pour moi un des RPG les plus agréables à faire depuis très longtemps ! Les combats ne sont pas obligatoires en dehors des moments où le scénario le dicte et on peut vraiment vivre l’aventure à notre rythme !

En ce qui concerne les combats en eux-mêmes, c’est très particulier à décrire, mais je vais essayer de faire de mon mieux ! Concrètement, chaque bouton et gâchette de la manette peut permettre de lancer l’attaque d’un des personnages de notre groupe, sachant que l’on déplacera systématiquement celui dont on utilise une attaque ou bien qui était le plus proche de celui que l’on contrôlait avant. Les attaques de nos personnages sont déterminées par le badge qu’on leur équipe, sachant que n’importe qui peut équiper n’importe quel badge et on peut marteler la manette comme un poulpe sous coke pour faire toutes nos attaques en même temps. Un des gros plaisirs du jeu est de trouver la combinaison de badge qui nous convient le mieux, sachant que si vous faites les choses bien, vous pourrez créer des combos qui vous permettront de faire grimper votre jauge de groove.

Si la jauge arrive à 100%, vous pourrez utiliser une super attaque qui fera un max de dégâts et plus tard dans le jeu cette jauge pourra atteindre les 200%, puis 300%, faisant grimper d’autant plus les dégâts infligés !

Et si avec cette description vous pensez que les combats sont brouillons et foutraques, vous avez totalement raison ! La caméra fait un excellent travail pour contrôler ce chaos 98% du temps, mais les 2% restants, notamment sur les ennemis humains, ça peut devenir une véritable foire où elle tourne dans tous les sens. De plus, parce que je jouais au jeu sur des sessions longues de parfois 9 heures d’affilée, j’ai senti mes doigts faire des trucs vraiment pas agréables et j’ai failli pousser mes poignets dans leurs derniers retranchements (en plus d’avoir un niveau de fatigue tel que j’ai failli tomber d’épuisement arrivé vers la fin du jeu, mais ça c’est un autre problème). Les combats sont vraiment fun, surtout une fois que l’on a trouvé la combinaison ultime, mais si vous jouez au jeu, faites vraiment attention à vos mains et si vous sentez que ça va pas, faites une pause sans plus attendre.

Le seul truc un peu dommage et qui témoigne là-aussi du budget assez restreint du jeu, c’est qu’en dehors des boss on affrontera constamment la même dizaine d’ennemis juste avec une nouvelle couche de peinture entre chaque chapitre et avec des dégâts sensiblement plus élevés. Entre ça et la petite carte du monde, on peut un peu trop facilement ressentir le poids d’une certaine répétitivité. Personnellement, ça ne m’a pas non plus trop dérangé, mais je sens que certains risquent d’être un peu déçus par ça.

Enfin, côté présentation, c’est vraiment là que Neo The World Ends With You fait des miracles ! Les designs des personnages sont tous incroyablement cool, aussi bien du côté des humains que des monstres et le rendu en 3D passe vraiment bien… Au point que j’aurais vraiment souhaité que Kingdom Hearts fasse sa transition next-gen dans ce style-là plutôt que le truc pseudo réaliste qui colle moins bien aux designs de Tetsuya Nomura et de Disney, mais passons. Les cutscenes dans le style de l’anime The World Ends With You sont aussi très sympas avec une caméra dynamique et même si elles ne sont pas bien nombreuses, elles sont toujours là quand il le faut pour signifier un événement marquant !

Et, bien évidemment, la bande-son est ABSOLUMENT GOD TIER ! On a des chansons qui vont dans pas mal de styles différents, parfois faisant penser à du Akira Yamaoka, parfois à du Nickelback ou bien du System of a Down, mais toutes sont excellentes et c’est un plaisir à écouter d’un bout à l’autre ! Entre ce jeu et Guilty Gear Strive, ma collection de chansons de jeux vidéo cool a bondi cette année et je ne pouvais pas en être plus heureux !

Au final, Neo The World Ends With You ne sera peut-être pas le jeu de l’année pour beaucoup en raison de son côté plus visual novel que RPG, mais, en ce qui me concerne, je peux beaucoup trop facilement lui laisser une place dans mon top 5 des meilleurs jeux de 2021 !

Son histoire aussi excellente que maîtrisée d’un bout à l’autre m’a fait passer un excellent moment et même si les combats ont failli mettre à mal mes poignets, je ne m’en suis vraiment pas lassé. Et encore une fois, c’est sans parler de sa présentation et de ses musiques qui font que je le mets beaucoup trop facilement au dessus de Persona 5 Royal en tant que RPG moderne se déroulant à Tokyo et mettant en scène des ados ! Bon ok, le fait que le jeu est trois fois plus court que Persona 5 aide aussi grandement, faut l’avouer.

Dans tous les cas, si vous aimez les RPG urbains et que vous n’avez pas peur de la lecture, vous allez passer un excellent moment dessus et pour les autres… Bon, ça sera peut-être un peu plus compliqué, mais je suis certain que si vous essayez la démo, il y a des chances pour que vous soyez vite conquis par ses personnages un peu concons, mais hyper attachants !

En temps normal et parce qu’objectivement il possède quand même quelques petits défauts liés à son budget, je mettrais Neo The World Ends With You dans la catégorie des Très fortement Recommandés… Mais vu le kif que je me suis mangé sur ce jeu, je vais faire une exception et le glisser dans la catégorie des Indispensables ! Je ne pensais vraiment pas l’aimer autant, et même si je doute que l’on aie une suite (ou du moins sans que ça ne fasse des détours de fou pour en justifier une), je ne serai clairement pas contre un nouvel épisode à l’avenir !