Parfois il arrive qu’un jeu nous inspire tellement que sa critique tient sur un nombre inavouable de pages (coucou Paper Mario The Origami King) et parfois… On galère pendant une heure à trouver un bon angle d’attaque pour la critique d’un jeu qui ne nous a pas particulièrement marqué.

Le pire, c’est que vous avez vu que j’attendais pas mal Ghost of Tsushima tant je l’ai évoqué ici et là. Peut-être est-ce parce que je ne m’étais pas beaucoup renseigné dessus pour en garder un maximum de surprises, ou bien peut-être est-ce cette année exceptionnellement vide en sorties, mais j’avais vraiment envie de jouer à ce jeu. D’autant plus que ce jeu est développé par Sucker Punch, les gars derrière les Sly Cooper et les inFamous, deux séries que j’adore !

Mais une fois manette en main… Tout ce que j’ai eu c’était un open world qui ressemblait à n’importe quel autre sorti ces dix dernières années avec une origins story que l’on croirait sorti d’un film de super-héros DC (mais plus Batman Begins que Justice League heureusement) pour être mis dans un contexte médiéval japonais… Et non, ce n’est pas non plus l’excellent Batman Ninja. Ce film était rigolo, là où Ghost of Tsushima est limite beaucoup trop sérieux.

Au moins il était joli ?

Pas de Tsushi, man !

L’histoire de Ghost of Tsushima est tellement simple qu’elle tient plus ou moins sur un timbre poste : les Mongols, menés par Khotun Khan le petit-fils de Gengis Khan ont envahi la petite île de Tsushima située au Sud-Ouest du Japon entre l’île de Kyushu et la Corée du Sud. Jin Sakai est le neveu du jitô (grosso modo un des représentants du shogun). Et Jin est un samouraï qui suite à une défaite cuisante décide de libérer l’île par tous les moyens, quitte à devoir mettre de côté le code d’honneur des samouraïs pour endosser le rôle plus pragmatique du Fantôme. Eeeet… C’est plus ou moins tout.

Si vous avez plus de 20 ans, l’histoire vous paraîtra très, voire trop prévisible. La fin est telle que vous l’aurez sûrement imaginée dès les premières minutes du jeu, certains twists arrivent pile quand vous les attendez tellement ils sont téléphonés et le jeu suit la structure en trois actes telle qu’elle est apprise en école de cinéma au point que le jeu est littéralement découpé en trois actes.

Ça ne veut pas non plus dire que c’est mauvais. Mais c’est tellement classique et sérieux que ça ne m’a pas vraiment engagé plus que ça et j’ai même trouvé la mort d’un personnage drôle au lieu de triste tant je l’avais vu venir à des kilomètres et qu’elle est intervenue vraiment à la minute à laquelle je l’attendais.

Et c’est peut-être ce sens de sécurité qui rend l’expérience d’autant plus décevante que Sucker Punch a sorti des scénarios infiniment plus surprenants et engageants avec la série des Sly Cooper et des inFamous. D’ailleurs, petite tangeante rapido : faites les inFamous si vous n’y avez jamais touché ! Le premier réserve une surprise tellement énorme que j’étais vraiment choqué de la voir venir alors que le héros ressemble tellement à rien et me faisait miroiter une intrigue bateau. Oh et inFamous Second Sons aussi a une histoire intéressante ! Plus classique, mais avec des personnages tout aussi attachants !

D’ailleurs, en parlant de personnages, c’est dans ses personnages que Ghost of Tsushima se rattrape pas mal ! Khotun Khan est peut-être un méchant aux motivations simples, mais il est très charismatique, intelligent, sournois et il possède une vraie présence durant toute l’histoire qui fait que l’on ne peut que le détester ! Le Seigneur Shimura est aussi un personnage intéressant, jouant une forme de figure paternelle pour Jin et qui possède une prestance qui fait qu’on le respecte, et ce même malgré certaines décisions qui peuvent être contestables.

Jin est un bon personnage principal, avec une personnalité développée qui le rend intéressant à suivre, même si je regrette quand même certains moments qui font que je le considère comme un peu stupide et immature. Dans un sens, c’est aussi très intéressant que ce personnage aie des failles et prennent des choix qui ne sont pas forcément bons, mais il arrive aussi que le scénario essaye de le montrer en héros là où il est clairement en tort et ça a un peu brisé la magie du truc.

Mais s’il y a un truc que je regrette tout particulièrement, c’est que l’on sent que le jeu avait à la base été conçu avec un système proche de inFamous avec des choix moraux que le joueur pourrait faire. Pour le coup, toute l’histoire tourne autour du dilemme que subit Jin à devoir choisir entre rester aussi honorable qu’un samouraï ou bien céder à son désir de vengeance et devenir un assassin aux méthodes plus pragmatiques et pas forcément des plus nobles.

Si Sucker Punch s’en était tenu à la formule initiée avec inFamous de laisser le joueur choisir entre ces deux voies et, de fait, être tenu pour responsable de ses actions, ça aurait offert un jeu certes un peu moins nuancé et plus binaire, mais ça aurait aussi fait que l’on se serait sentis plus impliqués dans l’histoire. Pour le coup, il y a quelques choix de dialogues ici ou là, mais ils n’ont aucun impact sur les personnages et il n’y a qu’un seul véritable moment dans le jeu qui nous propose un choix avec une conséquence directe sur le scénario. Et c’est dans la dernière minute avant les crédits de fin, autrement dit, il n’y a pas vraiment de conséquences.

Encore une fois, je préfère répéter que les choix qui ont été fait pour ce jeu ne sont pas forcément mauvais, mais quand j’entrevois le potentiel qu’avait le jeu et que je sens que certaines choses intéressantes ont été sacrifiées soit par manque de temps ou bien pour je ne sais quelle raison, je ne peux qu’être frustré. Il y a certains moments que l’on pourrait croire sortis d’un Spec Ops the Line, mais là où Spec Ops utilisait ces artifices pour remettre en question nos actions, Ghost of Tsushima les condamne un peu avant de dire « ouais, mais non, tant pis, hey regarde, t’es un Batman de Nolan, t’es trop cool et tourmenté ! »

Côté structure… Si vous avez joué à n’importe quel open world ces 15 dernières années, vous savez déjà à quoi vous attendre. Il y a une immense carte à explorer rempli de trucs à faire et il suffit de faire trois à cinq missions de scénario pour débloquer la zone suivante. Faites ça trois fois et vous verrez les crédits de fin défiler, suivi d’une sorte de New Game + où vous avez juste à faire les missions secondaires que vous n’auriez pas fait. Concrètement, si vous ne faites que les missions de scénario, le jeu peut vous durer entre 10 et 15 heures si vous jouez un minimum bien, mais il convient quand même de faire des quêtes annexes et des bidules sur la carte pour gagner en puissance et trouver les matériaux qui vous permettront d’améliorer votre équipement.

Le gros des missions se résume à taper sur suffisamment de mongoles ou de voleurs pour les faire fuir et erm… C’est tout. Parfois il y a des missions d’infiltration ou bien de filature où vous faites trois pas, attendez que la personne que vous suivez se retourne pendant dix secondes avant de reprendre sa marche, etc etc. Il n’y a rien de vraiment original et si vous avez fait beaucoup de jeux en open world et que vous en avez un peu marre de la formule, vous allez fermement vous ennuyer.

Là où je me suis vraiment amusé en revanche vient des sanctuaires. Il s’agit de défis de plateformes où vous faites des parcours d’obstacles joliment mis en scène et complexes qui permettent de débloquer des charmes à équiper sur vos armes qui sont plus ou moins les Matérias de Final Fantasy VII, avec des effets spécifiques comme rendre certaines armes plus efficaces ou bien avoir un boost de santé. Les sanctuaires sont plus ou moins le point culminant du level-design de Sucker Punch et une sorte d’hommage dissimulé à Sly Cooper avec une pointe de Prince of Persia pour titiller ma fibre nostalgique.

En fait, en y réfléchissant un peu, Ghost of Tsushima est la parfaite synthèse de l’expérience accumulée par le studio sur les séries Sly Cooper et inFamous, reprenant le côté infiltration du premier et le côté open world avec un héros plus ou moins surpuissant du second et reprenant les animations de déplacement un peu rigides et étranges des deux.

Là où Ghost of Tsushima se distingue de ses deux prédécesseurs vient en revanche du système de combat, qui est de loin le meilleur élément du jeu : vous pouvez choisir soit entre vous battre au sabre, soit utiliser des outils de ninja pour assassiner plus ou moins discrètement vos adversaires, ou bien mélanger les deux pour quelque chose de beaucoup plus chaotique, mais rigolo.

Pour ce qui est des combats au sabre, tout est question de timing et de déterminer le type d’adversaire auquel vous faites face. Le meilleur moyen de s’en sortir sans trop de mal, c’est de réussir à parer les attaques adverses pour ensuite ouvrir leur garde. L’autre méthode est d’adopter une posture face à laquelle l’adversaire est vulnérable, sachant qu’il y a quatre postures et quatre types d’ennemis (+ les archers qui eux sont très vulnérables, mais très loin). En résulte un système de combat vers le dernier acte où vous affronterez plus ou moins tous les types d’ennemis en même temps et où vous devrez réfléchir seconde par seconde pour savoir qui affronter et donc quelle posture adopter. C’est très stimulant, même si mon principal regret est que vous mettrez quand même un bon moment avant de débloquer toutes les postures et donc avoir un système de combat potable. Les premières heures sont assez pénibles pour ça, puisque vous n’aurez que les deux premières postures assez rapidement et donc vous ne pourrez efficacement vous battre que contre deux types d’ennemis et galérerez un peu face aux autres. Encore plus pénible est le temps d’adaptation requis pour se faire au fait qu’il n’y aie pas de système de verrouillage des ennemis. Durant les premières heures vous passerez votre temps à courir comme un idiot autour de vos adversaires parce que même si les coups de Jin se portent automatiquement vers la cible la plus proche, il n’empêche que vous n’aurez pas le confort de la précision apportée par un système de visée. Bon, pour l’arc il y a la possibilité d’activer une assistance à la visée, heureusement, mais dans les combats au sabre, ça tourne vite au grand n’importe quoi. On s’y fait, mais je trouve ça quand même stupide et curieux d’avoir décidé de laisser tomber ce qui semble être une évidence.

Et pour ce qui est des combats en mode Ninja, c’est plus classique, mais non moins fun, puisque vous pouvez aller dans le dos des adversaires pour une exécution tranquillou, utiliser un arc pour sniper les ennemis, ou bien des bombes collantes ou des kunais pour sonner l’adversaire, ainsi que divers poisons aux effets plus ou moins nocifs… Même si empoisonner l’ennemi me rendait très inconfortable puisqu’on les entend agoniser pendant une dizaine de secondes, au point que je ne l’ai presque jamais utilisé.

Ghost of Tsushima propose une bonne variété d’actions réalisables et ça donne lieu à des combats bien fun avec toujours la possibilité de se faire défoncer en 2-3 coups si on ne fait pas attention.

Enfin, côté présentation, c’est là que l’on voit encore une fois que la puissance graphique d’une console n’est pas tant important plus que ne l’est la direction artistique. Les décors de Ghost of Tsushima sont à tomber par terre tant ils sont beaux. C’est ultra coloré, ça flatte la rétine et ça offre un assez étonnant contraste avec le ton trop sérieux du reste du jeu. Tout a été fait et étudié pour que l’on aie envie de passer des heures à prendre des photos avec un mode photo accessible en une seule pression de bouton et qui est doté de tellement d’options que ça en devient presque affolant. Les amateurs de photographie en auront clairement pour leur argent ici, comme en attestent déjà les très nombreux superbes screenshots que l’on peut voir ici et là et m’est avis que ce mode photo sera aussi l’occasion pour n’importe qui de s’intéresser à l’art de la photographie, voire même apprendre 2-3 trucs qu’ils pourront appliquer en situation réelle.

Mais ce déluge de beauté et de couleurs se fait parfois au détriment de la lisibilité du jeu, au point qu’il m’est une fois arrivé de ne plus du tout voir l’ennemi juste parce que mes yeux étaient explosés par le déferlement de jaunes automnaux crépusculaires à l’écran. Heureusement, ces cas restent rares et dépendent aussi de la météo et des décors et dans le pire des cas, il y a toujours la possibilité de basculer dans le fameux mode Kurosawa où vous jouerez en noir et blanc. C’est une bonne idée pour un jeu de samouraï inspiré de ce genre de cinéma, même si à mes yeux ça reste plus un gimmick et ça enlève un peu à la beauté que l’on vit via les décors.

Oh et avant de conclure, un petit truc rigolo : le cast japonais a visiblement été fait par des fans d’animation japonaise, puisque l’on retrouve Kazuya Nakai, plus connu comme étant la voix de Zoro Roronoa de One Piece dans le rôle de Jin, ou bien Akio Ōtsuka, la voix de Barbe Noire dans One Piece, All for One dans My Hero Academia ou bien Xehanort dans Kingdom Hearts ! Même si le truc le plus rigolo vient du fait que, parce que Ghost of Tsushima est un jeu américain, la synchronisation labiale est basée sur la version anglaise et donc les voix japonaises sont un peu aux fraises, donnant l’impression de voir un film américain doublé par des japonais.

Au final, Ghost of Tsushima ne m’a pas tant déçu que légèrement ennuyé. Le jeu avait largement le potentiel d’être quelque chose d’exceptionnel, mais il joue ses cartes de manière tellement classique et prend tellement peu de risques qu’au final il en devient très vite oubliable. Il n’est pas mauvais, loin de là, mais je sais déjà que je ne vais pas me souvenir de lui avec autant d’amour que Sly Cooper ou inFamous… Pour le coup, tout ce qu’il m’a donné en dehors de très jolis décors et d’un bon méchant, c’est envie d’un nouveau jeu Sly Cooper et ça a renforcé mon envie de jouer à un nouveau Prince of Persia. Si Ghost of Tsushima était sorti en 2013 ou 2014, je pense que je l’aurais infiniment plus apprécié que maintenant.

Bref, si vous voulez un jeu qui vous occupe pour cet été, Ghost of Tsushima peut être un choix potable, puisque je le répète, il n’est pas mauvais et il faut voir les paysages qu’il propose pour le croire. Ceci étant dit, si vous en avez ras-la-coiffe des jeux en open world remplis de « trucs » à faire, ce jeu ne va clairement pas vous redonner espoir dans le genre. Et, au grand pire, si vous cherchez un excellent open-world sur PS4 édité par Sony et mettant en avant un super-héros, il y a toujours Marvel’s Spider-Man !

Je vais toujours le recommander malgré tout, car il n’est pas mauvais. C’est un peu une sorte de jeu-doudou qui permet de passer agréablement le temps sans se prendre la tête. Faut juste pas s’attendre à quelque chose de grandiose.