S’il y a bien un truc que j’admire à propos de la série des Paper Mario, c’est sa constante envie de se réinventer. De ne jamais suivre le même patron, la même formule, quitte à ce que ça en irrite beaucoup. Car même si concrètement la série fait partie de la catégorie des RPG, jamais elle n’a totalement appliqué la même formule plus de deux fois. Il ne faut pas oublier que la dernière fois que le système de combat plus classique au tour par tour avec des points d’expérience a été utilisé dans… Bah La Porte Millénaire, sur GameCube, en 2004, soit il y a 16 ans. Ils sont passés à autre chose dès que le troisième épisode est arrivé et n’ont pas arrêté depuis.
La série a également suivi une courte phase avec des systèmes de combats similaires avec le très médiocre Sticker Star sur Nintendo 3DS, un peu amélioré dans le très sous-estimé Color Splash sur Wii U avant d’être à nouveau abandonné au profit d’un tout nouveau système dans l’épisode qui nous intéresse aujourd’hui : The Origami King. Ironiquement, il ne pouvait pas y avoir de suite plus directe à Color Splash que cet épisode, aussi bien en matière de ton, de moteur graphique et il y a même deux-trois petites références que ceux qui n’ont pas fait Color Splash ne capteront pas forcément et qui m’ont fait sourire de bout en bout… Et aussi son petit lot de problèmes qui nous a tous fait soupirer depuis Sticker Star et qui visiblement continuera de nous faire soupirer dans les prochains épisodes si on ne fait pas clairement entendre nos griefs.
Attention, je ne compte pas déchirer ce jeu en une tonne de petits confettis, bien au contraire, puisque j’avais adoré Color Splash malgré ses nombreux défauts (mais genre vraiment , au point qu’il était mon second jeu préféré de 2016 après l’incroyable Kirby Planet Robobot) et The Origami King est tout aussi bon, si ce n’est meilleur sous certains aspects, mais mon amour pour cet épisode ne va pas m’empêcher d’être assez critique sur ses aspects les plus déplaisants.
Et même si je veux que ce jeu fasse un carton, pliez-vous à mon avis, je ne saurai être plus tranchant… Hum, ce jeu de mot semblait meilleur dans ma tête qu’à l’écrit. On peut dire que je n’ai pas pied dans le bassin des blagues !
Un jeu presque origasmique
S’il y a bien un truc que j’ai tendance à aimer dans les Paper Mario, c’est bien souvent leur écriture, et parfois leur histoire. Oui, il y a une nuance, car un jeu avec une excellente histoire peut être maladroitement écrit (coucou Super Paper Mario et ses dialogues parfois interminables), tout comme un jeu peut être vraiment très bien écrit et le gros de son histoire peut tenir sur un timbre poste. The Origami King entre dans cette seconde catégorie, puisque l’histoire est très simple : Mario et Luigi sont conviés par la Princesse Peach à l’Origamifest, un festival dédié à l’origami. Mais alors qu’ils arrivent à Toadville, quelque chose cloche. Tout le monde a disparu. Intrigués, nos deux héros vont au château de la Princesse, uniquement pour voir qu’elle est pliée en quatre et c’est pas à cause d’une blague ! Pour le coup, elle et tous les habitants du Royaume Champignon ont été enlevés et repliés par le Roi Olly, un étrange monarque en origami qui veut transformer le monde en un immense origami.
Comme d’hab, le château disparaît et il en reviendra à Mario de le libérer. Dans sa quête, il sera aidé par Olivia, la sœur du Roi Olly, ainsi que quelques compagnons que je ne vais pas spoiler.
Paper Mario The Origami King est typiquement le genre de jeu qui mérite d’être découvert par nous-même et c’est bien pourquoi je ne vais pas aller plus loin dans les détails et seulement me focaliser sur mon ressenti.
Tout d’abord, et comme le reflète l’intro avec l’entrée pesante de la Princesse origamisée, The Origami King est un des épisodes les plus sinistres de la série. Il n’est pas rare que l’on aie droit à des éléments dérangeants ici et là (et ceux qui ont fait Super Paper Mario savent de quoi je parle), mais j’ai la sensation qu’ils se sont dépassés avec The Origami King, avec de nombreux passages qui nous mettent un peu mal à l’aise, mais sans pour autant être horrifique. J’adore faire cette analogie, d’autant plus que ça se confirme ici, mais depuis Color Splash, j’ai l’impression que les scénaristes de la série se sont fait un marathon de Wallace et Gromit pour lancer leurs intrigues sur des éléments un peu horrifiques tout en restant familly-friendly et aussi tout en étant extrêmement drôle.
Car oui, The Origami King ne se limite pas qu’à de l’horreur assez osée pour l’univers de Mario, mais l’humour qui m’avait fait adorer Color Splash est toujours aussi présent, avec pas mal de bons gros fous rires en réserve. J’ai beaucoup rigolé pendant l’aventure, aussi bien à cause de références plus ou moins subtiles à l’univers de Mario que de gags débiles qui nous font sourire. C’est un épisode très absurde avec des punchlines parfois un peu simples, mais très souvent inattendues et qui ne peuvent que faire rire.
Mais s’il y avait bien un truc auquel je ne m’attendais pas, c’était à quel point le scénario de The Origami King déborde de sincérité. Une sincérité que je n’ai pas retrouvé dans un jeu Mario depuis Super Paper Mario pour le coup ! Il existe une sorte de frontière invisible entre le naïf et le sincère qu’il est un peu trop facile de franchir quand on écrit des œuvres destinées aussi bien aux adultes qu’aux plus jeunes et même si parfois on a la sensation que le jeu manque de la franchir, il s’en retient avec une élégance qui fait que j’ai personnellement été touché à deux reprises par certaines séquences. Bien évidemment je ne vais pas entrer dans les détails pour ne pas spoiler, mais je vais juste dire ceci : même si je n’ai pas ouvertement pleuré une seule fois (ce qui reste encore à ce jour un luxe réservé à Final Fantasy VI et Lost Odyssey), à deux reprises j’ai eu une petite larmichette au coin de l’œil à cause de sa sincérité. J’y ai vu deux scènes d’une telle force que l’auteur en moi rêve de pouvoir sortir des choses pareilles… Enfin, même si sur ce point je vous laisse rester juge puisque je pleure souvent en relisant certains trucs que j’ai écrits, mais ça, c’est juste parce que c’est moi qui les ai écrits… Enfin bref.
Et c’est là que je passe au point où je serai le plus critique : la surabondance de Toads identiques. C’était un problème qui a ruiné pas mal des RPG Mario ces dix dernières années et qui se répète ici. Alors certes, ils utilisent le fait que tous les Toads de ce jeu ont la même tronche pour en faire la punchline d’une bonne vanne, mais ça brise pas mal l’impact que pouvait avoir l’histoire du jeu. Le pire étant le fait que même certains des personnages les plus importants de l’histoire sont… Bah des Toads. Alors certes, contrairement à Sticker Star et Color Splash, au moins ici certains des Toads importants ont des vêtements qui les rendent un peu distincts des autres, mais bon, ça n’empêche pas que ça enlève au jeu pas mal de points de personnalité. Où sont passés les Toads uniques des premiers Paper Mario !? Où est Papy Champi !? IL EST MORT !?
Je ne comprends pas cette décision de ne pas créer plus de diversité au sein des personnages secondaires. Certes, d’un point de vue développement, ça fait gagner du temps, mais vous ne pouvez pas me dire que Nintendo et Intelligent Systems ne peuvent pas se permettre de créer au moins une trentaine de PNJ plus uniques que Toad avec un manteau ou bien Toad bleu ! Les preuves sont là, alors pourquoi faire la fine bouche et donner l’impression de ne pas vouloir prendre de risques alors que The Origami King est déjà bourré de moments vraiment osés pour un jeu familial ? Sur-tout que dans une seule zone du jeu on a des sbires de Bowser qui eux ont une apparence unique et donc que c’était parfaitement possible de faire autre chose que juste une armée de Toad identiques !
Et c’est vraiment d’autant plus débile que ça gâche un peu ce qui pour moi est un épisode qui représente l’univers de Mario dans ce qu’il a de meilleur. Dans ses moments de sincérité qui peuvent nous émouvoir ne serait-ce qu’un peu ! Avoir plus de diversité renforce l’attachement que l’on peut avoir à un univers et ses personnages, or là on se retrouve avec le contraire… Enfin bref, passons au gameplay.
Des cercles dans des cercles dans des cercles
Là on passe à la partie qui ne m’a pas vraiment dérangé, mais qui risque d’en rendre pas mal un peu chafouin.
Paper Mario The Origami King n’est PAS un RPG traditionnel. En fait, il n’est pas tant un RPG plus qu’il est d’abord un puzzle-game, puis plus ou moins un RPG par habitude.
Oui, il n’y a pas de système de point d’expérience, mais ça ne veut pas pour autant dire qu’il n’y a pas de système de montée en puissance. Ainsi, pour gagner en puissance d’attaque, il suffit tout simplement de trouver d’une manière ou d’une autre des objets qui permettent d’augmenter le nombre de points de vie. Un petit détail que j’ai trouvé intéressant, bien que mal expliqué vient du fait que la montée en puissance n’est pas systématique et que les objets ne donnent pas un nombre de PV fixe. D’ailleurs, un truc bien, c’est qu’en gagnant en puissance, vous pourrez mettre instantanément fin aux combats contre les ennemis les plus faibles en les frappant de votre marteau ou bien en leur sautant dessus, ce qui rend l’exploration des précédentes zones du jeu potentiellement moins pénible si vous n’avez pas tout trouvé la première fois.
Mais que rapportent donc les combats ? Quel est leur intérêt si on ne monte pas en puissance ? Eh bien… Vous ne gagnez que de l’argent. Et avant que vous ne vous enflammiez, permettez-moi de dire que je trouve qu’ils ont fait les choses certes un peu à l’envers, mais ils l’ont fait plutôt bien, car c’est un système plutôt équilibré.
Ainsi, l’argent sert à pas mal de choses : acheter des accessoires qui vous aideront en combat et qui valent tellement cher que vous pouvez vite vous retrouver sur la paille. Acheter des objets de soin et d’attaque (j’y reviens), acheter du temps durant vos phases d’attaque ou bien payer les Toads qui sont dans le public.
Car même si le système de combat donne l’impression que Intelligent Systems a oublié La Porte Millénaire, ce n’est pas totalement le cas puisqu’ils ont décidé de ressortir le système de public tout en le transformant pour les besoins de cet épisode. Ainsi, en explorant le monde, vous tomberez sur des Toads plus ou moins froissés qu’il faudra libérer. Une fois ceux-ci sauvés, ils rejoindront les gradins qui entourent les arènes des combats et vous pourrez les payer pour qu’ils vous assistent. Plus vous mettez d’argent, plus ils vous aideront, qu’il s’agisse de vous soigner, de blesser un peu les ennemis, de vous montrer le chemin que vous emprunterez dans les combats de boss ou bien carrément de réarranger l’arène pour que vous n’ayez pas à résoudre les puzzles.
Là où je trouve le système plutôt équilibré, c’est que l’argent est loin d’être infini et donc il peut vite être difficile de vous frayer un chemin en évitant les combats ou bien en achetant votre victoire de manière systématique. Les combats, vous devrez en faire tôt ou tard !
(Oh et avant de passer aux combats en eux-mêmes, un petit conseil : gardez au moins 30000 pièces de côté pour un segment assez tard dans le jeu, ça vous évitera de farmer)
Concernant le système de combat, c’est l’élément qui fera que soit vous aimerez, soit vous détesterez ce jeu et ne voudrez pas l’approcher à moins de 15 mètres. Durant les combats normaux, vous êtes au centre de l’arène et avant d’attaquer les adversaires, vous devrez réarranger la zone de combat pour soit aligner les adversaires afin de les attaquer en leur sautant dessus, soit vous les arrangerez en une sorte de carré pour pouvoir les attaquer au marteau. L’arène est disposée en un immense cercle découpé en plusieurs cercles concentriques eux-mêmes découpés en segments. Ainsi, vous pouvez arranger l’arène à votre guise soit en faisant tourner les cercles, soit en faisant avancer et reculer les segments sur un axe vertical. Dans les combats de boss, il faut toujours réarranger l’arène, mais cette fois-ci, c’est le boss qui est au milieu et vous devrez vous frayer un chemin pour atteindre une case qui vous permettra de l’attaquer. C’est assez compliqué à expliquer sans regarder de vidéos ou bien y jouer vous-mêmes, mais j’ai trouvé ce système est vraiment ingénieux et hyper intéressant et l’ai même beaucoup aimé.
Le seul souci, c’est que les combats peuvent un peu traîner en longueur et donc devenir lassants avant d’arriver à la fin du jeu. Pour le coup, personnellement je n’ai ressenti cette lassitude que dans les quatre dernières heures, au point où je payais les Toads pour faire le boulot de réarrangement d’arène à ma place dès que je voyais que ça devenait ne serait-ce qu’un poil complexe. Et je sens que pas mal d’entre vous risquent aussi de ressentir la même chose et ne désirer que de rencontrer le boss qui suit.
Car même si les combats de base sont un poil répétitifs, ceux des boss sont tous uniques, extrêmement fun et peuvent vraiment vous mettre de bons gros coups de pression. Mention spéciale aux trois derniers qui m’ont beaucoup crispé avec leurs attaques plus que puissantes… Et malheureusement l’avant-avant-dernier qui possède une attaque qui peut vous one-shot si vous ne l’esquivez pas. Bon… Au moins les autres sont excellents et je réserve une mention spéciale au boss final qui même s’il n’est pas difficile au sens strict du terme m’a vraiment fait peur à plusieurs reprises.
Un autre truc repris de la Porte Millénaire, mais pas forcément en aussi bien : les compagnons ! Mario aura quelques compagnons durant son aventure et qui vous assisteront en combat. Le truc, c’est que vous n’avez pas le choix des alliés et que ceux-ci n’ont que deux attaques qu’ils exécuteront automatiquement à la fin de votre tour. J’avais oublié de les mentionner en écrivant la première version de cette critique et je pense que ça résume bien la situation concernant leur utilité au sein du gameplay du jeu (même si côté scénario ils sont tous vraiment sympas et intéressants) !
Et quand vous ne vous battez pas, vous passez le reste du temps à explorer et suivre le scénario. Grosso modo, la progression se fait de manière assez organique et si vous êtes coincés, vous pouvez toujours demander à Olivia un indice plus ou moins subtil et le jeu peut aussi vous aider de manière peu subtile si jamais vous bloquez sans pour autant vous donner la solution directement. Il y a certains moments où vous vous sentirez intelligent lorsque la solution vous frappera le coin du museau, en mode « Ahah ! J’ai trouvé ! », d’autant plus que vous serez très souvent récompensé par une blague qui vous fera rire !
Côté exploration, rien n’est inutile ! Les Toads que vous sauvez rejoignent votre public pour vous aider en combat et vous offrent des points que vous pourrez dépenser au musée pour débloquer des concept-arts, tandis qu’il y a des petits coffres ici et là contenant des modèles 3D que vous pourrez observer. Les décors sont aussi remplis de trous à combler avec des confettis récupérés sur les corps des ennemis. Non seulement il s’agit d’une évolution logique du système de peinture mis en place dans Color Splash, mais en plus combler 100% des trous d’une zone vous permettra de débloquer des morceaux pour le juke-box du jeu !
Et vous voudrez très certainement voir ce juke-box rempli parce que la bande-son de Paper Mario The Origami King est EXCELLENTISSIME !!! Peut-être juste un poil en deçà de celle de Color Splash, mais elle contient son lot de pistes qui vous donnent envie de vous arrêter cinq minutes pour écouter la musique. Juste pour vous donner une idée, j’ai passé deux heures à écrire cette critique et j’ai passé tout mon temps avec le juke-box du jeu en fond et même là j’ai encore quelques frissons en écoutant le thème de la quatrième zone du jeu ! Les styles sont divers et on a même une piste de Color Splash qui revient pour le fun !
Bon, pour faire la fine bouche, les thèmes de combats de Origami King sont un poil moins engageants que ceux de Color Splash… À trois exceptions près, avec deux thèmes de combats que l’on dirait composés par Nightwish ou bien sortis d’un Shin Megami Tensei et la musique du combat final, qui est mons-tru-eux ! Oh et un truc qui m’a fait sourire, vient du thème d’une île qui ressemblait à s’y méprendre à quelque chose qu’aurait pu pondre Hiroki Kikuta, le compositeur de Secret of Mana alors qu’il n’est pas dans les crédits de fin.
Enfin, pour en revenir rapido au musée, la galerie revient en force et contient même quelques croquis d’ébauche une fois le jeu terminé. Je dois avoir une fascination pour ces trucs-là, mais comme avec Color Splash, voir ces ébauches prouve encore une fois que Intelligent Systems avait voulu être un peu plus foufou au niveau des designs des personnages secondaires avant de revenir en arrière. Dommage.
Au final, je pense que vous aurez compris que j’aime énormément Paper Mario The Origami King ! Son histoire qui part dans tous les sens pour à chaque fois viser juste est incroyablement bonne, sa présentation est fantastique et son gameplay très ingénieux… Mais ça ne plaira malheureusement pas à tout le monde.
Même si ce n’est pas un point qui devrait vous détourner du jeu, l’absence de PNJ mémorables enlève un peu au charme de l’expérience et je regrette profondément cette absence de diversité, tout comme le font j’imagine pas mal de fans des trois premiers Paper Mario.
Ce qui peut vous déplaire en revanche vient de sa nature de Puzzle-RPG. Si vous n’avez pas trop de mal avec les Puzzle-game, alors je peux pleinement recommander cet épisode. En revanche, si vous n’adhérez pas trop au style, là c’est tout de suite un peu plus compliqué. Je vous le recommanderais quand même de tout mon cœur puisque j’ai beaucoup aimé l’expérience globale et elle mérite d’être faite, mais je peux facilement comprendre que vous passiez votre chemin.
Et c’est parce qu’il va très certainement diviser la communauté que c’est pour moi un peu un crève-cœur que je ne puisse pas le mettre dans la catégorie des Indispensables. Ceci étant dit, je ne peux que très très fortement vous le recommander !