S’il y a bien quelque chose que je trouve d’admirable chez Sony, c’est bien le fait qu’ils laissent très souvent la possibilité à des projets purement artistiques d’exister et financent des projets plus expérimentaux que les gros blockbusters qui s’accapareront toute l’attention. La trilogie de Fumito Ueda avec Ico, Shadow of the Colossus et The Last Guardian, Loco Roco, Echochrome, Patapon, tout ce que fait Media Molecule et mon petit chouchou Puppeteer (sérieusement, jouez à Puppeteer si vous le pouvez parce que c’est un des bijoux cachés de la PS3 et une petite merveille).

Et aujourd’hui, un nouveau titre se rajoute à la liste, avec Concrete Genie du studio Pixelopus et publié par Sony Interactive Entertainment.

Pour le coup, on a pu entendre parler de Concrete Genie depuis un petit moment et je l’avais gardé dans un coin de mon esprit, l’attendant patiemment. Puis il a disparu des radars… Avant de sortir cette semaine à ma grande surprise, noyé dans un flot ininterrompu de bons jeux. Pourquoi est-ce que je ne l’ai pas vu venir ? J’imagine un manque de hype de la part des joueurs, mais j’ai aussi l’impression par un manque de confiance de Sony. Rien qu’un mail reçu listant les sorties de la semaine sur le PlayStation Store et le mettant en dixième position derrière un free-to-play et entre quelques autres jeux indés me met sur cette piste.

Et en jouant au jeu… Je peux comprendre un peu pourquoi.

Non pas que le jeu est mauvais ou quoi, mais je sens qu’il ne va pas s’adresser à beaucoup de monde en dehors d’un assez jeune public.

Concret Béni

Concrete Genie est un jeu très fortement cinématique racontant l’histoire d’Ash, un jeune ado artiste vivant dans à Denska, une ville côtière abandonnée suite à un événement que je ne vais pas spoiler. Il vit un peu reclus et est donc la cible parfaite pour les autres ados débiles du quartier qui passent leur temps à le harceler. Et alors qu’il se fait bizuter et arracher les pages de son carnet à dessins, Ash tombe sur un lieu étrange et un pinceau magique qui lui permet d’amener à la vie ses créations. Il lui en incombera de sauver Denska des ténèbres qui la menacent et de ramener la couleur au monde.

Si je devais faire un résumé grossier du jeu, on pourrait dire qu’il s’agit d’un mix entre Jet Set Radio, Okami et Drawn To Life (un jeu de la Nintendo DS tombé dans l’oubli où on dessinait nos propres héros et qui était très mignon à défaut d’être exceptionnel), le tout saupoudré d’une ambiance digne d’un film Amblin des années 80 à la Goonies… Ou une version kids-friendly de Stranger Things. Si on ne fait que jouer au jeu pour la partie purement jeu vidéo, Concrete Genie vous durera à peine plus de 3h30 et vous donnera vraiment l’impression de jouer à un film intéractif.

Personnellement, je n’étais pas trop chaud au début, puisque tout ce qui concerne le côté enfant martyrisé par les autres repose sur un peu trop de clichés et il lui manque ce petit grain de réalisme qui aurait fait que j’aurais accroché, mais l’histoire gagne suffisamment en nuance peu après pour que ce soit acceptable. Après, j’écris ça en tant qu’adulte approchant la trentaine qui est plus exigeant dans la façon d’aborder ce genre de thématiques que l’assez jeune public qu’il cible donc erm… Voilà.

Niveau gameplay et structure, Concrete Genie est assez particulier, bien que thématiquement cohérent. Si vous jouez au jeu juste pour la partie jeu, les deux premières heures et demie ne consisteront qu’à explorer les trois niveaux que proposent le jeu à la recherche de lumières à allumer grâce à votre peinture tout en évitant les autres enfants qui, s’ils vous attrapent, prendront juste votre pinceau et vous feront perdre quinze secondes pour aller le chercher. Puis durant la dernière heure et jusqu’à la fin, il sera possible de se battre via un système de combat aussi simpliste qu’efficace, bien qu’assez bordélique par moments à cause d’une caméra assez capricieuse.

Pour en revenir à la première phase, en plus de rallumer les lumières, il sera souvent nécessaire de se balader pour courir après les pages de notre carnet, car celles-ci débloqueront de nouvelles possibilités pour peindre sur les murs, le but étant de réunir les bons éléments pour répondre aux envies des génies que l’on peindra, des créatures magiques pouvant se déplacer dans les murs et qui, quand satisfaits, vous offriront de la peinture spéciale qui permet de disperser rares tâches de ténèbres sur des murs autrement imperméables à la peinture normale.

Il y a aussi quelques petits puzzles qui impliqueront de ramener les génies de bonne couleur aux éléments de la couleur associée pour qu’ils puissent accomplir des actions qui nous permettront d’avancer. Ces énigmes ne sont pas particulièrement difficiles et si vous traînez trop, le jeu vous écrit la solution noir sur blanc.

Et là où l’on pouvait s’attendre à pouvoir peindre la ville comme on le souhaiterait… Bah disons que l’on s’en lassera très vite et l’on ne peindra que là où c’est nécessaire pour avancer. Cela étant dit, il existe un mode Peinture Libre dans le menu principal qui permet de retourner dans les différentes zones du jeu pour peindre sans avoir à se soucier des énigmes ou bien des autres enfants, ce qui est pas plus mal si jamais vous accrochez vraiment à la mécanique centrale du jeu. Après, je préfère préciser : peindre se fait sans aucun problème et c’est même très rigolo de customiser ses génies selon nos désirs. On a une palette d’outils assez limitée, mais malgré tout suffisamment poussée pour nous permettre d’être un minimum expressif.

Un truc que j’ai pas mal apprécié vient du level-design en général. La ville est très compacte et on peut facilement aller d’un bout de la carte à l’autre en trois minutes chrono et l’on peut facilement sauter de toit en toit et grimper aux murs. Ash se contrôle comme un charme et certains bâtiments proposent des micro-énigmes intéressantes. Faut juste pas s’attendre à quelque chose de complètement fou non plus, mais là encore, pour le jeune public qu’il vise, ça convient parfaitement.

Mais là où le jeu s’en sort admirablement bien, c’est dans sa présentation ! Sans surprise, Concrete Genie est un jeu fait par des artistes (et en partie pour le bonheur des artistes en herbe) et ça se voit. Les choix dans les options de peinture sont sublimes et voir les génies s’animer est un plaisir à lui tout seul. Le petit détail que j’ai vraiment adoré, ce sont les animations faciales, qui donnent la sensation de voir des personnages en stop-motion du studio Laïka (Coraline, Kubo et l’Armure Magique) s’animer. Et c’est sans parler des séquences animées en 2D que l’on dirait sorties d’un film de Tomm Moore (comme le Chant de la Mer, que vous vous devez de regarder une fois dans votre vie tellement c’est un pur chef d’œuvre) !

Et la partie sonore n’est pas en reste, avec des musiques très jolies et poétiques pour accompagner le jeu et des doublages français nickel… Même si j’ai rencontré une série de bugs très étranges sur ce front-là. Je voulais y jouer avec les voix anglaises comme le hipster que je suis, mais quand j’ai lancé le jeu, les cutscenes étaient en anglais et le jeu lui-même en français. Puis, voyant qu’il y avait des doublages arabes et poussé par la curiosité, j’ai voulu les mettre, uniquement pour entendre le jeu intégralement en français en le relançant. Dépité, j’ai éteint la console, puis quand j’ai relancé le jeu plus tard, j’ai remis les voix en français… Uniquement pour les avoir en arabe ! En fait, le truc, c’est que le changement de langue ne s’opère qu’une fois le jeu totalement fermé, chose que je n’avais jamais vu auparavant. Bref, c’est un non-problème pour ceux qui y joueront intégralement en français ou en anglais sans passer par les paramètres du jeu, mais c’est une anecdote tellement surprenante qu’il fallait que je la partage !

Au final, Concret Genie est… Bon bah pas exceptionnel pour ceux qui ne font pas partie du public ciblé, mais je pense que ça sera une bonne expérience pour les plus jeunes joueurs ayant la fibre artistique. L’histoire est gentillette et la présentation est vraiment bonne et on passe un bon petit moment en compagnie de ces gentils monstres.

Cependant, est-ce que j’y aurais mis les 30€ demandés pour l’utilisation que j’en ai fait ? Non. Absolument pas. Déjà parce que je ne faisais pas partie de la cible, mais aussi parce que je n’ai pas l’intention d’y revenir maintenant que je l’ai fini et n’y ai donc passé qu’à peine plus de 3h. Après, si l’idée de peindre des trucs vous enchante et qu’en plus vous avez un casque PlayStation VR qui traîne pour gribouiller en VR vous passerez déjà un peu plus de temps dessus et ça sera déjà plus rentable.

Et c’est pour cette raison que la catégorie Pourquoi Pas existe. À un prix réduit et que vous jugerez approprié, il y a moyen pour que vous passiez un bon moment, car Concrete Genie n’est pas un mauvais jeu. Et mon verdict est d’autant plus mitigé par le fait que le jeu débarque à une période où sont sortis une tonne de titres intéressants à des prix similaires, voire moindres offrant des expériences bien plus longues et dans certains cas encore meilleures.

Donc erm… Ça me frustre un peu d’avoir le postérieur entre deux canapés, mais je vais mettre une sorte de double-verdict avec un Pourquoi pas et un Recommandé, puisque selon votre point de vue, Concrete Genie peut se situer entre les deux.

Benjamin « Red » Beziat