Il n’y a jamais eu de jeux comme ça auparavant et il n’y en aura probablement jamais d’autres comme lui. Si vous voulez y jouer, faites-le maintenant ! […] Quiconque souhaiterait écrire un scénario de jeu vidéo se doit de jouer à 13 Sentinels : Aegis Rim.
– Masahiro Sakurai, créateur de Kirby et Super Smash Bros.
Vanillaware est un trésor que nous devons tous protéger, donc vous devriez clairement acheter 13 Sentinels : Aegis Rim. Rien qu’un exemplaire vendu peut faire toute la différence. Je n’ai pas pour habitude de me soucier des ventes des jeux et je me fiche de savoir si Atlus fermera ou non ses portes un jour ou l’autre. Mais je ne veux vraiment pas voir Vanillaware disparaître. Le Japon a besoin de Vanillaware.
– Yoko Taro, créateur de Drakengard et NieR.
Il existe trois catégories de jeux pour lesquels il est très difficile d’écrire une critique : ceux qui sont tellement connus et légendaires que tout a été dit et ça en devient impossible de trouver un bon angle d’attaque, ceux qui sont tout juste bons ou tout juste mauvais et n’ont rien d’extraordinaire pour eux et ceux dont on veut sciemment en dire le moins possible pour ne rien spoiler.
13 Sentinels Aegis Rim tombe, vous l’aurez deviné, dans cette dernière catégorie. Les deux semaines que j’ai passé dessus étaient magiques, oufissimes et je vais clairement pouvoir dire que l’on est tombés sur un chef d’œuvre, au point qu’il sera très difficile, voire impossible de voir quelque chose d’autre qui arrivera aussi haut dans ma liste des jeux de l’année. Peut-être pas non plus numéro 1, ça reste encore à voir, mais pas loin.
Pour le coup, ça fait déjà 5 ans que j’attendais de pouvoir mettre mes mains dessus ! Teasé en 2013 via une carte de vœux pour la nouvelle année, puis officiellement révélé au Tokyo Game Show 2015, 13 Sentinels : Aegis Rim est le dernier jeu du studio Vanillaware, un studio légendaire connu pour son patron : George Kamitani, un artiste dont la patte graphique est reconnaissable entre mille et qui a notamment créé Dragon’s Crown, Muramasa : The Demon Blade ou bien un de mes jeux préférés de tous les temps : Odin Sphere.
Et là où d’habitude tous ses jeux se déroulaient dans des univers faits d’épées, de magie ou bien d’épées magiques dans un passé lointain, 13 Sentinels : Aegis Rim se veut être un contrepied total, se déroulant à notre époque et dans le futur avec de très, très forts accents de science-fiction. Le genre de jeu est aussi un très gros contrepied, puisque là où d’habitude on avait le droit à des jeux d’action nerveux (à l’exception de GrimGrimoire), ici on a le droit à un mix entre un jeu de stratégie lorgnant du côté du tower defense et un visual novel. Ce mélange ne sera clairement pas pour tout le monde, mais ceux qui accrocheront ne pourront pas lâcher la manette.
Et c’est là que je vais faire un truc très inhabituel : je vais donner mon verdict dès maintenant et vous encourager à quitter cet article si vous ne souhaitez pas en savoir plus. Personnellement, j’ai acheté le jeu en en sachant autant que vous à ce stade de la critique et de fait je me suis pris une claque monumentale dans la tronche car je n’en savais rien. Rien qu’avec les citations des maîtres Sakurai et Taro au tout début de cette critique vous devriez avoir assez d’informations pour savoir qu’il faut impérativement le faire si tant est que l’on accroche à l’idée que l’on va lire du texte pendant environ 20 heures et passer les 6 restantes à jouer les stratèges… Oui bon, dit comme ça, c’est pas forcément vendeur, mais c’est aussi pour ça que je vais élaborer juste après, sans non plus spoiler, en décrivant la structure du jeu et le gameplay quand il y en a.
13 Sentinels : Aegis Rim est un Indispensable. Une de ces pépites qui mérite toute votre attention et votre soutien. Vu la taille et l’ambition presque démesurée du projet, comme l’a dit Masahiro Sakurai, on n’aura très certainement plus jamais un jeu comme celui-là. C’est un puzzle hyper stimulant à monter par soi-même et une de ces expériences qui marque un joueur.
Pour ceux qui comme moi ne veulent pas en savoir plus et vivre le jeu du mieux possible, vous pouvez désormais arrêter de lire. Il est temps pour moi d’élaborer un peu plus sur pourquoi 13 Sentinels : Aegis Rim est un de mes jeux de l’année, bien évidemment avec le moins de spoilers possible et tout en restant dans la description pure.
Un bon kaiju d’orange, ça fait du bien !
Pour le coup je ne vais pas m’attarder sur l’histoire de 13 Sentinels tant c’est le truc qui définit le jeu. Tout ce que vous avez à savoir du synopsis, c’est qu’il y a des méchants robots qui attaquent la ville et que pour une raison bien étrange, certaines personnes sont capables d’invoquer des robots géants qu’ils pilotent et… Voilà, je m’en arrête là.
Tout ce qui fait le sel de 13 Sentinels, c’est sa façon de présenter son histoire. On incarne 13 personnages différents aux histoires radicalement différentes, mais qui s’entrecroisent, chacun ajoutant des pièces à ce qui deviendra un puzzle tellement vaste et immense que vous aurez tout le temps envie de lancer l’histoire d’un autre personnage pour tenter de comprendre ce qu’il se passe ou bien tomber sur un nouveau twist qui remet en cause tout ce que vous pensiez être acquis.
Concrètement, les phases d’histoires n’ont presque aucun gameplay. Vous faites avancer votre personnage dans les décors du jeu et soit vous discutez avec les bons personnages, soit vous utilisez des mots-clés que vous avez récupéré au fil de vos pérégrinations pour déclencher des flash-backs ou bien créer des nouveaux dialogues.
Là où le jeu fait preuve d’une très grande intelligence, c’est que contrairement à Odin Sphere qui nous faisait jouer chacun de ses 5 protagonistes à la suite et où il fallait obligatoirement finir une histoire pour débloquer la suivante, 13 Sentinels découpe les histoires de chaque personnages en fragments d’environ dix minutes et va parfois bloquer les histoires à des moments clés derrière des verrous qui se débloquent en rencontrant des critères spécifiques, comme avancer suffisamment loin dans l’histoire d’un autre personnage ou bien progresser dans le mode Bataille.
Ce découpage et ces barrières sont non seulement parfaites pour permettre de jouer en petites sessions, mais aussi ça permet d’éviter de tomber trop tôt sur une des plus grosses révélations et donc ça créé un très bel effet de crescendo dans la progression de l’histoire.
D’ailleurs, et c’est un truc très important à savoir : l’histoire de 13 Sentinels est DENSE ! Mais genre tellement dense et bourrée d’informations à retenir que le cerveau peut très vite saturer si on y joue trop longtemps et qu’il peut être assez difficile de s’y remettre si le temps entre deux sessions de jeu dépasse les 4/5 jours ! Je blaguais sur Twitter en disant que ce jeu m’a fait utiliser 70% de mon cerveau en plus par rapport à d’habitude (ce qui n’est pas faux, techniquement), mais si j’ai mis presque deux semaines pour finir un jeu de 26 heures, ce n’est pas pour rien ! Y jouer à petites doses est plus que recommandé dans ce cas en particulier.
Oh et dernier conseil : ne lancez pas la bataille finale si vous n’avez pas une bonne grosse heure devant vous pour jouer, parce qu’après le combat vous pourrez poser votre manette pendant une bonne demi-heure ! Je me suis fait avoir et je regardais aussi bien la fin du jeu que l’heure parce que je commençais à me demander quand est-ce que ça allait finir et je commençais à être en retard pour un truc…
Un truc que vous aurez probablement remarqué, c’est que je parle d’un mode Bataille, comme si les phases d’histoires et de combat étaient volontairement séparées l’un de l’autre et… Bah c’est le cas. Pour le coup, je dois avouer que j’étais pas mal déboussolé quand une fois sorti d’un tutoriel qui mélangeait coup sur coup les moments scénarisés et les moments de jeu, on me proposait plus ou moins l’option de passer les quatre heures qui ont suivi sans faire ne serait-ce qu’un seul combat.
Ce n’est qu’une heure après que j’ai compris l’intention et que je la respecte pleinement. Car en séparant les deux, 13 Sentinels nous laisse le choix de faire notre expérience à la carte et donc ne nous impose pas des combats que l’on n’aurait pas forcément envie de faire sur le moment ou bien nous propose la possibilité de faire presque tous les combats d’une zone d’un coup pour le fun ! Comme avec les histoires, il existe malgré tout des verrous qui empêchent de progresser dans les combats tant que l’on n’a pas avancé dans certains scénarios puisque certains des dialogues avant et après les batailles peuvent contenir de bons gros spoilers potentiels. Personnellement, j’ai fait le jeu en gros blocs, avec des grosses sessions uniquement dédiées aux histoires et d’autres à m’amuser avec les combats et j’ai pas mal apprécié qu’on me laisse le choix de faire comme je l’entendais.
Pour ce qui est des combats en eux-mêmes, le gameplay est relativement simple, mais possède pas mal de petites subtilités. Concrètement, on est sur une carte de la ville et on déplace nos personnages sur les routes pour les unités terrestres et partout où on le souhaite avec les unités aériennes. Le but est bien évidemment de défoncer tous les robots ennemis qui nous tombent dessus via des attaques de corps à corps ou bien avec des bons gros missiles et il convient d’éviter que les ennemis ne s’approchent d’un certain endroit puisque s’ils l’endommagent trop, c’est Game Over. Il est bien évidemment possible d’améliorer nos personnages via des points que l’on récupère en tuant des ennemis et plus vous montez en puissance, plus ça deviendra jouissif de tuer des centaines d’ennemis d’un coup.
J’ai noté trois choses concernant le mode Bataille : en Normal, les batailles sont globalement trop faciles une fois que l’on comprend que l’on peut sélectionner immédiatement un second personnage après avoir lancé une action si jamais sa jauge d’action est pleine, faisant que même si dans l’univers du jeu les batailles durent deux minutes (et chez nous 10 à 15 minutes avec le temps de pause pour planifier chaque action), il est largement faisable de les boucler en 30 à 45 secondes d’après le compte à rebours. Les combats sont d’ailleurs rendus triviaux si vous investissez lourdement dans le personnage de Nenji Ogata, qui a une technique de corps à corps tellement puissante que j’avais tendance à tuer 50% des ennemis rien qu’avec lui (et encore plus quand vous investissez dans les upgrades en puissance et vitesse, il devient inarrêtable) !
La seconde chose que j’ai noté et que pour le coup je regrette juste un poil, c’est l’absence de vie dans les combats. On ne voit que la grille et ça manque d’animations d’attaques spéciales pour les raccorder avec le style de Vanillaware. Alors certes on voit nos attaques via des vignettes lors de leur sélection, mais j’aurais aimé avoir l’option de les voir en vrai et en grand… Même si j’imagine qu’ils ont fait de ces vignettes une sorte de compromis pour éviter de casser le rythme des combats.
Et la troisième chose que j’ai noté, et qui n’est arrivé qu’une fois à mon grand regret, c’est la fois où le jeu a mis ma console à genoux parce qu’il y avait trop d’ennemis à l’écran ! Oui, ça peut paraître bizarre de ne pas me réjouir de baisses de framerate, mais les vieux de la vieille se rappelleront avec une certaine joie de leurs parties de Bangai-O sur Dreamcast ou Bangai-O Spirits sur Nintendo DS, où l’objectif des développeurs étaient de mettre tellement d’ennemis à l’écran que ça faisait souffrir les consoles ! Idem avec les bullet hell du style Mushihimesama Futari qui inondent l’écran de projectiles au point que ça devient avantageux pour le joueur que la console rame ! 13 Sentinels a capturé cette sensation le temps d’un niveau vers la fin du jeu et c’était jubilatoire de voir des centaines de points à l’écran exploser à l’unisson !
Le jeu possède aussi une encyclopédie qu’il met très fortement en avant et qui se complète au fil de nos découvertes, se mettant à jour régulièrement avec de nouveaux éléments, y compris dans les entrées que l’on a déjà débloqué. Bon, ce n’est pas le truc le plus dingue qui existe, mais ça a le mérite d’exister et d’être complet !
Enfin, impossible de parler d’un jeu Vanillaware sans évoquer ses graphismes sublimissimes, qui… Bah vous l’avez vu, c’est très très beau ! Chaque décor est un tableau peint très joliment et chaque screen pourrait figurer dans une galerie d’art tranquillou et sans effort. Mention spéciale à la palette de couleurs utilisée qui utilise presque tout le temps des tons jaunes pour donner à l’ensemble un air nostalgique.
Et côté bande-son… C’est pas vraiment ma préférée de chez Basiscape. J’imagine que ce sont les sonorités électro qui jouent, mais en dehors de l’excellent thème principal, il n’y a pas trop de thèmes marquants. On ne ressent pas non plus vraiment la patte de Hitoshi Sakimoto en dehors d’une seule exception qui m’a fait crier « Mais t’étais où depuis tout ce temps !? » avant de me calmer direct tellement son morceau était grandiose. Pour le coup, je pense que c’est surtout son équipe qui a contribué à la majorité de la bande-son. Attention, je ne sous-entends pas que c’est mauvais, juste que l’on a l’impression que Sakimoto était parti faire autre chose après avoir signé deux pistes…
Enfin bref, je ne vais pas refaire la conclusion puisque je l’ai déjà faite au début, mais je tiens à répéter que 13 Sentinels est un jeu important qui mérite votre temps et votre attention. Bien évidemment, ce n’est pas fait pour tout le monde, puisque le ration histoire contre gameplay est assez déséquilibré. Et si vous préférez la baston à la lecture, je ne peux que trop vous recommander Odin Sphere ou bien Dragon’s Crown à la place, qui sont tout aussi excellents, mais plus du côté du gameplay pour ce dernier. Odin Sphere, quant à lui, reste mon jeu Vanillaware préféré. Déjà parce que c’est la nostalgie qui parle, mais aussi parce qu’il a un univers qui me parle plus, un meilleur équilibre entre le gameplay et l’histoire et il y a des Pooka adorables.
Mais si vous êtes un fan de science-fiction, je pense qu’on ne pourra pas faire mieux cette année et même sur cette génération de consoles si l’on enlève NieR Automata de l’équation. 13 Sentinels est un jeu qui prend aux tripes, qui nous fait très fortement réfléchir et surtout, surtout, qui nous marque durablement.