Quand on parle de jeux difficiles, 99,9% du temps, on parle de manière purement mécanique. D’obstacles qui demandent simplement de bons réflexes ou bien de s’adapter à des pièges plus ou moins retors posés là par les développeurs, mais on ne parle presque jamais de difficulté émotionnelle. Peut-être aussi parce que j’invente purement et simplement le terme, mais il arrive parfois qu’un jeu est difficile à encaisser tout simplement parce qu’il nous fait vivre des émotions trop fortes.

Et c’est encore plus ironique que Life is Strange True Colors soit au cœur de cette conversation, étant donné que toute l’histoire du jeu tourne autour des émotions.

Pour le coup, Life is Strange True Colors est le second jeu que j’ai été forcé d’arrêter temporairement pour me remettre des émotions qu’il m’a fait vivre, le mérite du premier revenant à Lost Odyssey de Hironobu Sakaguchi et Mistwalker, même si Life is Strange a aussi pour mérite d’être le premier à me faire arrêter à propos d’un truc qui aurait tout aussi bien pu apparaître dans une liste de « Content Warning », comme on en voit de plus en plus souvent dans le domaine du divertissement.

Yeech, vieillir est vraiment une saloperie sans nom…

Bien évidemment, cette critique ne comportera aucun véritable spoiler, mais il me faudra quand même revenir rapido sur ce petit point si particulier qui doit vous interroger depuis trente secondes.

Red, Green, Blue

Si jamais vous vous posez la question de s’il est nécessaire d’avoir fait Life is Strange 1, 2, Before the Storm ou bien Les Aventures Extraordinaires de Captain Spirit , rassurez-vous, ce n’est pas le cas. Pour le coup, je n’ai jamais eu le temps de faire les précédents et je n’ai pas été paumé un seul instant, donc c’est plutôt bon signe ! En dehors d’un seul personnage, True Colors ne fait aucune référence directe aux précédents épisodes et ça raconte une histoire qui se suffit plus que largement à elle-même !

Et cette histoire est aussi simple que très efficace : on incarne Alex Chen, une jeune femme arrivant dans le superbe village de Haven Springs après avoir été contactée par son frère qu’elle avait perdu de vue depuis des années.

S’en suit quelque chose que je ne vais pas spoiler, mais ça résulte en un mystère que Alex va devoir résoudre pour rétablir une vérité qui risque d’en déranger plus d’un.

Le truc qui m’a très agréablement surpris, c’est que malgré le fait qu’il y aie un petit élément de surnaturel avec l’idée que Alex puisse lire les émotions des gens et leurs pensées, tout paraît très ancré dans la réalité. L’écriture en particulier est vraiment excellente, soutenue par un jeu d’acteurs et des animations de personnages vraiment excellentes qui donnent énormément de vie à l’histoire. Les dialogues ne sont pas délivrés de manière directe où personnage 1 va dire son truc et personnage 2 va réagir dans la seconde. Ici, il y aura des silences gênés, des regards fuyants et des pauses qui donnent tout simplement l’impression de voir des gens discuter de façon très naturelle.

Idem pour les scènes les plus lourdes, dont une en particulier qui n’était pas des plus évidentes à vivre du fait que ça m’a rappelé des choses que j’ai moi-même vécues et qui n’étaient pas des plus agréables. Si vous avez vécu assez longtemps pour connaître certains événements de la vie, vôtre cœur va très certainement se serrer plus d’une fois et les larmes ou les frissons risquent de bien assez vite apparaître.

D’ailleurs, ça m’amène à parler vite fait et un peu plus en détail du point qui m’a forcé à arrêter ma partie en plein milieu. C’est un point très secondaire par rapport à l’histoire, donc ce n’est pas tant du spoil que ça, mais au cas où, vous pouvez skip le paragraphe qui suit si vous voulez le découvrir par vous-même. Attention, c’est parti.

Ainsi, un des personnages secondaires souffre de la maladie d’Alzheimer. En temps normal, ce genre de point dans un film ou un jeu ne m’affecte pas tant que ça, mais à cause ou grâce à l’effort de mise en scène et le jeu des acteurs, True Colors a réussi à rendre la séquence beauuucoup trop réelle pour moi, ayant eu un proche souffrant de cette maladie et un autre qui est parti suite à une maladie toute aussi terrible. J’ai senti que la personne qui a écrit ce personnage a il ou elle aussi vécu cette terrible maladie et je dois avouer que ce n’était pas le moment le plus agréable que de devoir entrer dans les pensées du personnage et découvrir ce qu’il se passe dans sa psyché. Bien évidemment, je ne souffre heureusement pas de cette foutue maladie, mais pour avoir vu les conséquences et la réaction de mes proches, c’était un peu trop réel. Bref, vous êtes prévenus et si vous avez la chance de ne pas connaître de gens dans cette situation, gardez en tête que c’est très crédible.

Fin du spoiler.

Ce qui fait aussi la force de True Colors, c’est son rythme, qui n’est ni trop lent, ni trop rapide. Et même si pour moi le jeu n’a duré qu’un tout petit peu plus de 7 heures (en faisant quasiment aucune quête annexe et en explorant très peu par manque de temps), c’était 7 heures plus que bien remplies et rythmées, avec aucun gros temps mort ou bien s’il y en avait, ils étaient plus que justifiés pour donner assez de crédibilité à l’histoire.

En fait, le seul « défaut » que je trouve au scénario, c’est la fin qui manque juste un peu de ce panache hollywoodien auquel on pourrait s’attendre en voyant le pitch du jeu et qui occulte beaucoup le côté surnaturel, mais ça renforce mon idée que je jouais pendant tout ce temps à une adaptation des premières saisons de la série Smallville en jeu vidéo, ce qui n’était finalement pas plus mal.

Côté gameplay, ça va être vite expédié, puisque True Colors reste un point-and-click et un jeu narratif moderne. Les actions d’Alex sont très limitées et le jeu ne s’embarrasse pas vraiment de features ajoutées juste pour le fun. On peut marcher, interagir avec les gens ou les éléments du décor et parfois il y aura des variations vraiment rigolotes que je ne vais pas spoiler parce que ce sont de vraies bonnes surprises, mais sinon c’est à peu près tout. On fait progresser l’histoire en parlant aux bonnes personnes ou en regardant les bons objets et… Bah voilà. Il faut aussi parfois utiliser un peu de logique pour certains segments, mais clairement ce n’est pas un jeu où vous serez bloqués, d’autant plus qu’Alex a souvent tendance à nous rappeler notre objectif quand on sort d’un bâtiment ou bien on peut le trouver en allant dans le menu principal. Aussi, la lecture de pensées mène à des passages vraiment intéressants, même s’ils ne sont peut-être pas assez nombreux à mon goût et niveau gameplay, ils ne diffèrent pas tant que ça du reste du jeu.

Ceci dit, il y a aussi deux jeux d’arcade plutôt sympas, dont Arkanoïd, ce qui est un bonus cool !

C’est plus côté présentation que j’ai envie de passer du temps à m’enthousiasmer, puisque True Colors est vraiment sublime ! J’ai joué au jeu sur PC avec les paramètres au max sans pour autant activer un ray tracing énergivore qui sert pas à grand chose et tout est vraiment beau ! Les décors flattent les rétines comme jamais et les modèles des personnages sont vraiment joliment bien animés, encore une fois renforçant ce côté crédible et « réaliste » (entre gros guillemets, on s’entend).

Et c’est sans parler du sound design vraiment excellent qui pousse encore plus l’immersion. Le travail sur les sons du jeu est bien plus poussé que dans beaucoup d’autres jeux et même si je vous recommanderais quand même de baisser juste un chouïa la musique pour pas noyer les voix, les bruitages sont excellents. Et les musiques aussi sont très bonnes, cela va de soi, renforçant toujours autant cette impression de jouer à un film indé qui serait diffusé au festival Sundance.

Au final, vous aurez compris que j’ai passé un bon moment sur Life is Strange : True Colors. L’histoire très personnelle et réaliste change pas mal de ce qu’on a l’habitude de voir ailleurs et se suit sans déplaisir grâce à ses personnages presque instantanément attachants. Du moment que vous savez que l’histoire se focalise presque entièrement sur le côté humain de son univers plus que sur le surnaturel et que vous appréciez les histoires qui prennent le temps de se raconter, je pense que vous passerez un bon moment !

Ceci étant dit, je dois admettre que le sortir à 60€ peut être un peu excessif, sans parler du DLC en plus de l’édition Deluxe qui pour le prix aurait juste pu être inclus avec le jeu de base, donc à moins d’être un fan ultra hardcore de Life is Strange, je ne peux que vous recommander d’attendre une baisse de prix aux alentours au moins d’une quarantaine d’euros.

Dans tous les cas, même si le jeu s’adresse à une cible plus restreinte que d’habitude, je ne peux que trop fortement recommander le jeu ! C’est une très bonne histoire qui fait passer un bon moment et c’est finalement ce qui importe le plus !