Avant de commencer cette critique, je pense qu’un brin de transparence est nécessaire : il faut savoir que j’ai un attachement très fort pour Solatorobo : Red the Hunter, un jeu sorti sur Nintendo DS en 2011 chez nous et que j’avais activement suivi dès son annonce en 2009. C’est d’ailleurs la seule et unique raison pour laquelle j’avais décidé de devenir newseur auprès de PressStartButton et NintenDomaine. Pour partager ma hype autour de ce jeu dans l’espoir qu’il sorte en Europe. Dans un sens, je dois ma carrière actuelle à Solatorobo et c’est bien pour ça que j’attendais comme un mort de faim Strelka Stories, un projet annulé qui devait faire indirectement suite à Solatorobo, puis ai attendu de longues années dans l’espoir de voir une suite arriver, au point qu’inconsciemment, pour combler ce manque, j’ai créé Les Chroniques de Loutre-Monde, une histoire et un monde qui partagent quelques points commun et erm… même un twist, mais je m’étais rendu compte du truc que trois ans après avoir fini d’écrire la saison 1, avant de le garder puisque le propos reste très différent. Woops quand même.
Et là où ça devient très rigolo, c’est que ça fait un bon paquet de temps que je connais le directeur de Fuga Melodies of Steel. Aussi loin qu’un forum que l’on fréquentait tous les deux au milieu des années 2000, c’est dire. Le temps a passé, nos chemins s’étaient séparés et jamais je ne m’étais imaginé le retrouver à la tête du jeu que j’attendais le plus depuis son annonce ! Si je croyais en la destinée, je dirais que c’est… Bon, pas non plus ça, mais ça reste une drôle de coïncidence et je suis hyper fier de le voir accomplir son rêve !
Bref, mon avis est très probablement pas mal biaisé dans ce cas particulier, même si pour être honnête, même sans connaître Yoann j’aurais tout autant kiffé le jeu. C’est typiquement le genre de jeu que je veux m’injecter en intraveineuse et je sais d’avance que dès que j’aurai un peu de temps libre, je ferai un second run du jeu pour pouvoir en déterrer ses derniers secrets !
La Mélodie du Désespoir
Déjà pour ceux qui se posent la question : non, il n’est pas indispensable d’avoir joué à Solatorobo : Red the Hunter pour tout comprendre de Fuga. Fuga se situe probablement quelques siècles avant l’histoire de Solatorobo vu la technologie plus ancienne du pays de Gasco et qui donne l’impression d’être en pleine Seconde Guerre Mondiale là où Solatorobo verse dans un steampunk un peu plus moderne.
D’ailleurs, les parallèles avec la Seconde Guerre Mondiale sont plus que présents, puisque l’histoire nous plonge au beau milieu d’une guerre entre un pays qui n’avait rien demandé et un empire Berman qui est à une déformation de logo d’être le Troisième Reich, mené par un général autoritaire et fanatique qui verse à fond dans les légendes et l’occulte.
Et au milieu de tout ça, des enfants vivant paisiblement dans leur village jusqu’au jour où l’armée berman arrive pour enlever tout le monde. S’échappant de justesse et guidés par une mystérieuse voix à la radio, Malt et ses amis découvrent le Taranis, un tank aussi immense que surpuissant renfermant un terrible pouvoir…
L’histoire de Fuga est relativement classique sur la forme, puisque le but des enfants est juste de retrouver leurs parents, mais dans le fond c’est une histoire qui possède une tonne de personnages charmants. Tous les enfants qui pilotent le Taranis ont un charme fou qui opère presque systématiquement dans les premières minutes de leur introduction et non seulement ils ont tous des designs vraiment cool, mais en plus tous ont leur propre personnalité qui fait que l’on aura forcément un favori ! Personnellement, j’ai eu un gros coup de cœur pour Kyle le citadin et Jin le mécano qui ont tous deux leur franc parler… Au point que l’on voit souvent des termes que des parents hurleraient d’entendre sortir de la bouche de leurs propres enfants!
Fuga ayant été en partie développé dans la branche canadienne de CyberConnect2 et chapeautée par un français, on sent clairement une patte française dans l’écriture de certains dialogues et ça rend les conversations entre certains personnages bien plus naturelles à lire… Sans parler du fait que le jeu possède des doublages français fait par les acteurs japonais pour rendre hommage à Solatorobo et entendre Kyle dire « Bordel » dans un français un peu haché est très très drôle.
Oh et fun fact et petite digression cool : la seule comédienne française au cast pour la VF n’est autre que Adeline Chetail, que vous avez déjà entendu dans le rôle de Zelda dans Breath of the Wild et Hyrule Warriors Age of Calamity ou bien le rôle d’Ellie dans The Last of Us 2 !
Le seul micro-bémol que j’aurais concernant l’histoire, et c’est un défaut récurrent avec la série Little Tail Bronx, c’est que le méchant n’apparaît pas assez souvent ou bien ne fait pas assez de trucs pour se rendre vraiment détestable… Ceci étant dit, ses sous-fifres sont vraiment abominables et même si eux aussi n’apparaissent que quelques minutes, ils ont une présence telle qu’on comprend vite qui ils sont et pourquoi on veut les voir tomber ! Et c’est même parfois pire quand on lit les différent bonus que l’on obtient en cours de partie, comme les journaux de certains d’entre eux. Je vous recommande vraiment d’aller faire un tour dans la galerie, vous y trouverez des trucs très… Très intéressants !
Enfin, un dernier avertissement : ce jeu n’est pas PEGI 12 pour rien, car même si la violence n’est jamais graphique et est quasi que textuelle, il y a des scènes vous feront probablement bondir de votre siège tant ça peut devenir ultra sombre d’une seconde sur l’autre. Sur une échelle allant de Nintendo à Yoko Tarô et NieR Automata, on est quand même pas mal proche de Yoko Tarô sans non plus aller dans l’excès… Enfin si on prend pas en compte le possible sacrifice d’enfants… Oui bon ok, c’est totalement un truc que ferait Yoko Tarô, en fait.
Mais avant de parler de ça, il me faut quand même aborder le système de combat et la structure du jeu, car il y a à la fois pas mal à dire et pas grand chose à évoquer.
Ainsi, en termes de structure, Fuga se divise en deux temps + une phase bonus pas bien significative. Il y a les phases de gestion de notre équipage, les phases de combat et les visites de village entre chaque chapitre, que je vais balayer vite fait, puisqu’en gros ça consiste littéralement à parler à 3 PNJ pour obtenir des matériaux utiles ou bien une petite BD du style Tintin et à discuter avec un marchand pour troquer des matériaux contre d’autres pour pouvoir renforcer le Taranis.
Les phases de gestion d’équipages, quant à elles, nous proposent de nous balader dans le tank pour parler aux différents personnages afin de renforcer nos liens, de visiter différents ateliers, comme la cuisine ou la ferme pour renforcer nos stats ou bien cultiver des aliments, pêcher des matériaux utiles pour upgrade notre tank ou bien partir explorer des mini-donjons, là-aussi pour récolter des matériaux.
D’ailleurs, n’en attendez pas trop de ces donjons. C’est plus ou moins des mini puzzles où on progresse dans différentes salles tout en devant gérer notre stock de munitions pour tirer sur les bonnes choses au bon moment avant de trouver une clé qui ouvrira le coffre qui contient le gros du loot. Ça se complexifie un peu avec le temps, mais ça reste concrètement très simple.
La phase de gestion de l’équipage est cruciale et il vaut mieux éviter de la négliger, car non seulement elle permet de débloquer des mini-scènes intéressantes entre les enfants quand leur affinité atteint le niveau 1, 5 et 10, mais aussi tous les buffs et augmentations de stats que l’on obtient sont très utiles pour… Bah survivre, en fait.
Car même si Fuga n’est techniquement pas « difficile » façon Dark Souls ou quoi, la difficulté est tellement bien équilibrée que chaque confrontation peut vite tourner au vinaigre si on ne fait pas un minimum attention. Les ennemis frappent comme des brutes et peuvent facilement vous mettre à mal si vous n’exploitez pas pleinement le système de combat.
Les combats reposent sur un système aussi simple que redoutable de Press Turn à la Shin Megami Tensei/Persona. Ainsi, chaque enfant a une spécialité parmi les trois types d’armes proposées. On a une petite tourelle qui peut attaquer avec précision les unités aériennes et qui sont rapides, mais qui font des dégâts assez faibles, un petit canon qui frappe assez bien n’importe quel type d’ennemi et qui est relativement rapide et un gros canon qui frappe fort les unités au sol, mais qui est nul contre les unités aériennes. Chaque type d’arme est associée à une couleur, sachant que si vous attaquez avec une arme de la bonne couleur, vous pourrez retarder le tour de l’adversaire.
Ajoutez à ça le fait que chaque enfant a des attaques spéciales ou des capacités de soin et en fonction de leur lien d’affection, ils peuvent débloquer une attaque ultime en duo et vous avez un système de combat vraiment fun et ultra stimulant qui fait que même si ça constitue grosso modo 80% du jeu, je ne m’en suis jamais lassé sur les 14h30 que le jeu m’a demandé pour être terminé !
En dehors des combats, le tank suit un chemin pré-déterminé avec des matériaux à récupérer en route et parfois on pourra choisir entre une route plus sûre, mais qui rapporte moins de points d’expérience et de matériaux, ou bien une route vraiment dangereuse truffée de combats bien moins évidents. Personnellement, je vous conseille vraiment de prendre des risques de temps en temps, car face aux boss, vous aurez vraiment besoin de toute l’xp et les upgrades que vous pourrez engranger ! Si vous ne prenez que les routes les plus sûres, c’est juste un coup à en baver face à ces fins de chapitre et peut-être l’obligation d’utiliser votre ultime recours… Le Canon des Âmes.
Si vous êtes une personne un minimum bien constituée, vous ne voudrez JAMAIS l’utiliser, car concrètement, même si ce canon vous permettra d’oblitérer purement et simplement le boss au point qu’il se désintégrera sous vos yeux, le prix à payer est aussi cruel qu’horrifiant.
Oui, pour utiliser le Canon des Âmes, il faudra sacrifier un des enfants du groupe. Parce que j’ai pris une très mauvaise décision sur la fin du jeu, j’ai été forcé de l’utiliser et croyez-moi que j’ai passé 2 minutes devant mon écran à marteler toutes les touches en espérant trouver un bouton qui m’éviterait de faire ça et je me suis senti vraiment mal après coup puisque j’avais certes fini le jeu, mais je n’avais clairement pas la meilleure fin pour tout le monde et le jeu prend un malin plaisir à remuer le couteau dans la plaie, même si je n’en dirai pas plus.
D’ailleurs, petit fun fact : il existe bien trois fins façon Undertale, avec une fin Pacifiste où tous les enfants survivent, une autre ou vous aurez fait les sacrifices que vous aurez eu à faire et où vous vous sentirez mal et, oui oui, une route comme dans Undertale où il ne restera plus personne… À ceci près que je doute qu’il y aie un boss de fin avec une musique rigolote au bout. Pour le coup, je tiens cette info directement de la bouche de Yoann qui m’a dit que les gens assez fous pour s’y essayer risqueraient de très mal le vivre à devoir finir le jeu avec une équipe très réduite… Même si bon, pour le coup je vous jugerai éternellement si vous sacrifiez déjà plus d’un enfant volontairement, bande de monstres.
Et c’est là que je me dois d’être un minimum objectif pour pointer du doigt LE truc qui fait que ce jeu n’est clairement pas pour tout le monde : Fuga est très répétitif, du fait qu’il tourne exclusivement autour des deux phases de gameplay que j’ai évoqué. On n’a pas la petite variété de gameplay qu’offrait Solatorobo ou bien la liberté de faire des quêtes dans l’ordre que l’on veut. Ici, et même si c’est totalement justifié par le scénario, c’est une expérience ultra linéaire qui fait que l’on suit des rails et les seuls vrais choix que l’on a, c’est juste la difficulté des quelques affrontements à venir et de si on est un monstre ou non en voulant sacrifier les enfants. De fait, c’est un jeu qui s’appréciera surtout sur des courtes sessions, à raison d’un chapitre par jour, puisque ceux-ci durent une heure en moyenne. Pour le coup, j’ai joué au jeu en deux sessions, une de 6 heures et l’autre de quasiment 9 heures aussi bien parce que le boulot fait que je n’avais pas le luxe de prendre mon temps, mais aussi parce que j’ai vraiment été pris dans sa boucle de gameplay et ses combats toujours remportés sur le fil du rasoir ont fait que chaque bataille était ultra fun, là où si la difficulté avait été réduite ne serait-ce que d’un peu, je pense que j’aurais soupiré régulièrement avec l’envie de passer à la suite de l’histoire.
Enfin, côté présentation, on sent et on voit que Fuga a été développé sur le côté chez CyberConnect2 et non par les teams en charge des plus gros projets plus clinquants. Les animations des personnages sont limitées et il n’y a pas de cutscenes animées, juste des très jolis dessins accompagnés de texte pour montrer ce qu’il se passe. Ceci étant dit, le truc le plus animé est le plus important : le Taranis, qui bouge d’une telle manière que ça raconte quelque chose de très intéressant et qui accessoirement m’a fait penser à un robot qui aurait pu sortir d’une production de chez Vanillaware ! Encore une fois, c’est pas quelque chose qui m’a dérangé, d’autant plus que je n’arrêtais pas de contempler les modèles 3D des personnages en essayant de voir comment ils étaient fait tant ils sont adorables et joliment fait.
Et musicalement, on sent que c’est Chikayo Fukuda et sa team qui sont aux commandes ! On dirait une extension de la bande-son de Solatorobo et je ne pouvais pas être plus heureux de l’entendre, d’autant plus que là on a trois ou quatre chansons vraiment superbes, dont celle contre les boss principaux qui nous motive énormément !
Au final, je pense que vous aurez compris que j’ai passé un excellent moment sur Fuga ! Son histoire sombre et tordue au ton dans la droite lignée de la seconde moitié de Solatorobo m’a pris par la gorge et m’a fait faire des choses impardonnables et les nombreux secrets qu’il me reste encore à découvrir font que je vais clairement me faire le jeu en New Game + dès que possible. De plus, l’excellent système de combat est aussi simple que redoutable, avec un équilibrage tel que chaque combat est une source de tension sans jamais se muer en une frustration qui m’aurait donné envie de jeter mon PC par la fenêtre, ou, pire encore, forcé à sacrifier des enfants.
Ceci étant dit, le jeu ne sera clairement pas pour tout le monde tant il est très répétitif de par son principe et même si sa durée de vie peut osciller entre les 13 et les 25 heures si on vise le 100%, je sais que le prix de 40€ pourra être vu comme un obstacle pour certains.
Il lui manque juste cette petite liberté et variété de gameplay qui auraient fait que j’aurais sauté à pieds joints pour le mettre dans la catégorie des Indispensables, mais je ne pourrai jamais assez le recommander quoi qu’il arrive tant j’ai vraiment pris plaisir d’un bout à l’autre de l’expérience ! C’est rare que je fasse des sessions de jeu non stop de plus de 8 heures et que j’en ressorte avec le sourire au lèvres, donc je pense que ça peut être un bon indicateur du plaisir que j’ai pris dessus.
Dans tous les cas, j’espère désormais un truc : pitié, ne me faites pas attendre 10 ans pour une suite ou un nouveau projet dans la série ;_; J’ai besoin de ce genre de petit bonheur plus souvent dans ma vie aaah…