La série des Yoshi a connu un destin des plus… Particuliers. Commençant avec un des meilleurs platformers de tous les temps avec Super Mario World 2 : Yoshi’s Island, on a eu droit ensuite à 3 épisodes aux critiques assez mitigées, du style « bien mais pas top », avec deux de ses épisodes se targuant d’être l’héritier de Yoshi’s Island et tous deux étant développés par Arzest. Je ne reviendrai pas sur le fait que l’un d’eux – Yoshi’s New Island – m’a donné envie de m’arracher les oreilles, mais pendant un moment, on pouvait craindre le pire pour le pauvre dino qui peinait à faire sourire ses fans.

Puis est venu Yoshi’s Woolly World, un épisode qui arrêtait de prétendre vouloir être une sorte de successeur à Yoshi’s Island, uniquement pour l’être par la force des choses grâce à un bon level-design et une ambiance des plus charmantes.

Avec Yoshi’s Crafted World Good-Feel devait relever le défi de soit faire mieux, soit faire suffisamment différent pour convaincre les fans et… Bah on peut dire qu’ils ont réussi à faire plus ou moins les deux !

Five Nights At Yoshi’s

L’histoire de Yoshi’s Crafted World est hyper simple : les Yoshi vivent paisiblement sur leur île, gardant un artefact magique permettant d’exaucer n’importe quel souhait et un jour Baby Bowser et Kamek arrivent pour tenter de le subtiliser. Bagarre, artefact brisé en plusieurs fragments volant aux quatre coins du monde, vous connaissez la suite. Et même si ça n’est pas beaucoup développé, ça se suit avec énormément de plaisir, Baby Bowser et Kamek formant un duo très rigolo et les rares dialogues pouvant facilement faire sourire.

Nintendo oblige, tout l’intérêt du jeu repose bien évidemment sur le gameplay et son level-design, et, comme d’hab’, c’est formidable. Et ça l’est encore plus quand on considère que chaque niveau a du être pensé pour être traversé dans un sens et dans l’autre du fait que l’on puisse les faire aussi bien en recto qu’en verso, le décor étant tout simplement retourné. Et parce que tout est fait de carton et autres objets en plastique du quotidien, voir la magie être volontairement brisée quand on passe de l’autre côté du décor rend la chose encore plus cool ! On en vient même à se demander si l’équipe en charge ne s’est pas carrément amusée à recréer les niveaux en vrai dans les bureaux de Good-Feel pour voir comment les modéliser, ce qui serait non seulement drôle, mais aussi très impressionnant, surtout quand on prend en compte que chaque niveau possède son identité visuelle et qu’il y en a une cinquantaine, boss inclus !

En termes de structure, le jeu est similaire à Yoshi’s Island, mais propose ses propres nouveautés. Chaque niveau possède ses objets à collectionner, comme les pièces rouges et les fleurs et nécessite de finir le niveau avec tous ses coeurs et 100 pièces afin d’être considéré comme terminé à 100%, mais en verso, le but consiste principalement à retrouver les chiots de Poochy et en plus de les retrouver dans un temps donné, ajoutant une petite dimension speedrun plus qu’appréciable.

Et là où d’habitude on enchaîne les niveaux dans un ordre prédéterminé, passé le premier boss on nous offre la possibilité de faire tous les mondes avant le dernier dans l’ordre que l’on souhaite. Oui, ça ne sert pas à grand chose, sachant qu’en plus on sera forcés de tout faire pour accéder à la fin, mais c’est le genre d’option qui permettra aux joueurs les moins confiants de se faire plaisir  et d’évoluer à son rythme plutôt que de faire face aux rares pics de difficulté.

… Enfin, même si personnellement je n’ai eu que de rares « Game Over » qui m’ont ramené au précédent checkpoint et que mon expérience sur la tonne de platformers Nintendo fait que j’ai rarement ressenti de pression, le jeu possède une très bonne difficulté pour le jeune public auquel il s’adresse, les derniers niveaux possédant même un petit supplément de difficulté, dont quelques uns qui me font dire que celui qui voudra finir le jeu à 100% pourra ajouter « Yoshi’s Crafted World » à la définition du mot « souffrance » (sans compter un boss final extrêmement cool qui, même s’il n’arrive pas à l’échelle de celui de Yoshi’s Island – notamment parce que ça manque de métal – possède des patterns vraiment intéressants et est le second meilleur de la série).

Car finir le jeu est tellement simple qu’il ne nécessite même pas de faire les niveaux en verso, mais quelque chose me dit qu’il cache un petit bonus alléchant pour qui veut vraiment le terminer. Et pour ça, ça implique aussi de récolter la centaine de petits objets planqués dans les décors et terminer une tonne de défis chronométrés qui, s’ils sont ratés, nécessitent de recommencer le niveau du début pour y accéder (ou bien volontairement avoir un Game Over pour arriver au checkpoint le plus proche). C’est un des rares points qui m’a posé problème et pour les réussir, j’ai comme l’impression que jouer au jeu en co-op pourrait en partie aider tant le timing en solo est serré. Personnellement, même si j’ai poussé le jeu au maximum pour tenter d’en voir le plus possible, je dois avouer que certains de ces défis étaient tellement ardus que ça m’a dissuadé de vouloir faire le jeu à 100%, ce qui, je pense, peut être vu comme un point positif pour ceux qui aiment bien chercher la petite bête.

Pour un joueur expérimenté, finir la quête principale se fait en six ou sept heures et une dizaine d’heures si vous avez un peu moins l’habitude. Je pense sincèrement que terminer le jeu à 100% peut en prendre une quinzaine voire une vingtaine tant il y a de choses à collectionner et tant les derniers niveaux peuvent rendre fou, ce qui est bien plus que ce que j’en attendais.

Esthétiquement, le jeu est absolument parfait en mode télé, offrant une fluidité et une netteté qui rendent justice au côté « réaliste » des cartons et autres matières plastiques utilisées, mais en mode portable, ça devient un peu flou. Pas de quoi ruiner l’expérience, d’autant qu’on s’y fait vite, mais si vous le pouvez, jouez-y sur une bonne télé pour pleinement apprécier l’expérience. Oh, et même si certains effets graphiques laissent à penser qu’Unreal Engine 4 a bien été utilisé pour le jeu, il n’en est fait mention nulle part dans les crédits de fin, donc considérez ce fait comme potentiellement vrai.

Par contre, et c’est le plus gros point faible de cet épisode, les musiques sont pas bonnes du tout. Le thème principal est rigolo la première fois, mais considérez ceci : le jeu possède au total VINGT pistes. Et si vous trouvez ça un peu léger pour un jeu de plateforme, considérez que chaque thème de chaque niveau est une des ONZE variations du thème principal ! Si vous considériez « It’s a Small World » de Disneyland comme une torture alors que l’attraction ne dure « que » dix (longues) minutes, imaginez maintenant ça à hauteur d’un jeu complet de six heures grand minimum. Si ça n’était pas par rigueur professionnelle, j’aurais coupé le son et l’aurais remplacé par la bande-son de Paper Mario Color Splash, histoire de rester un minimum cohérent avec l’esthétique carton/papier et aussi avoir une plus grande variété au niveau des musiques…

En bref, Yoshi’s Crafted World n’est pas le platformer ultime pour le plus hardcore des joueurs (Donkey Kong Country Tropical Freeze est là pour ça), mais il n’en reste pas moins une excellente proposition pour les joueurs amateurs et les amateurs du genre ! Son esthétique adorable ne peut que séduire et le défi, même s’il ne se trouve pas dans la quête principale, est bien présent pour celui qui compte le finir à 100%.

Si vous aimez les jeux Nintendo, il n’y a même pas besoin d’hésiter une seule seconde – à condition de baisser le son et remplacer les musiques par celles de Paper Mario Color Splash (une des meilleures bande-sons de ces dernières années, au passage). Si les platformers du style Klonoa vous manquent, il y a largement de quoi vous contenter là-dedans. En fait, les seules personnes à qui je ne peux pas recommander le jeu, ce seraient les gens qui n’aimeraient pas les choses mignonnes ou bien qui veulent que chaque jeu soit Dark Souls. Eh.

Indispensable

Benjamin « Red » Beziat