Parler de Wargroove sans parler d’Advance Wars est un exercice difficile… Eeeet j’ai déjà perdu. Zut.
Donc… Erm, je voulais commencer cette intro en disant que ça faisait longtemps que l’on n’avait plus eu de jeu Advance Wars et je viens de voir que Dark Conflict, le dernier épisode est sorti il y a pile onze ans. Je me sens si vieux maintenant.
En regardant ce chiffre, je comprends mieux pourquoi les développeurs chez Chucklefish se sont décidé de prendre les choses en main et de faire leur propre jeu inspiré de la série d’Intelligent Systems. Après tout, l’adage dit bien que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même et c’est sûrement dans cette optique que le développement de Wargroove a été lancé. Et franchement, bah ils ont vraiment bien bossé leur copie, parce que non seulement ils ont fait un excellent jeu de stratégie, mais en plus ils sont allés bien au delà pour créer une expérience de jeu potentiellement infinie.
Rainbow Six Sedge
(Animation réalisée par le très talentueux studio The Line)
L’histoire de Wargroove est tout aussi simple qu’elle n’est très efficace : suite à l’assassinat du roi de Cherrystone, la princesse Mercia est faite reine et décide d’affronter le royaume de Felheim, suspecté d’être derrière tout ça. Accompagnée de son mentor et de son très fidèle et très adorable chien, la reine part dans une quête qui la mènera aux quatre coins du continent. Du classique, mais du vraiment bien écrit, avec parfois des dialogues qui m’ont parfois fait exploser de rire car assez proches des livres écrits par Terry Pratchett, le mode Campagne est plutôt complet et dure assez longtemps, même si j’ai toujours en travers de la gorge le fait que pour accéder au dernier chapitre, il est impératif de recueillir 100 étoiles aux missions, sachant que réduire la difficulté ne serait-ce que d’un cran vous condamne à n’en avoir qu’une par mission.
Car Wargroove, comme Advance Wars à l’époque, est un jeu assez exigeant. En difficulté standard, même des affrontements en début de jeu peuvent assez rapidement tourner au jeu de massacre si vous ne faites pas ce qu’il faut en mettant vos unités à l’abri dans des endroits dotés d’une meilleure défense, comme les forêts ou les montagnes ou bien que vous négligiez les stratégies à employer pour exploiter au mieux les coups critiques de la vingtaine de types d’unités à votre disposition. Heureusement, la puissance de l’unité ne dépend en rien de la faction que vous choisissez, car il ne s’agit juste que de simples changements esthétiques. Je dois avouer en testant le jeu que même après avoir fini la campagne, j’ai eu du mal à me souvenir des différentes forces et faiblesses de chaque type d’unité parce qu’il y en a un peu trop. Je sais juste que les alchimistes sont les unités les plus pétées du jeu, pouvant abattre facilement les unités volantes et pouvant soigner de 20% les unités moyennant paiement, là où les soldats de base ne servent presque à rien. Oh et les dragons et les golems peuvent plus ou moins tout tuer, même s’ils sont plus coûteux que le reste. Après, connaître tout ça n’est pas non plus obligatoire pour passer un bon moment (surtout dans des parties en multi contre des gens tout aussi nuls que nous), car la difficulté peut être abaissée à la volée et sans grosses conséquences en dehors de celle citée plus haut.
Comme dans Advance Wars, le gros de la partie ne repose pas seulement sur votre capacité à produire des unités en masse pour les envoyer sur vos adversaires, mais aussi et surtout de contrôler la carte et notamment les village qui se trouvent entre vous et votre adversaire, car ces villages permettent de débloquer des fonds supplémentaires au commencement de chaque tour. Bien évidemment, l’ennemi est capable d’en faire de même et il est recommandé de capturer leurs bâtiments au plus vite, non seulement pour couper leurs fonds, mais aussi les distraire, car il n’est pas rare que certaines unités tenteront de reprendre leurs biens, ce qui veut toujours dire une unité en moins à confronter lorsque c’est à leur tour d’attaquer. Et, le mieux, c’est aussi de saisir leurs moyens de production en s’emparant de leurs usines afin de les retourner contre eux et ainsi au passage perdre moins de temps à faire venir des renforcements. En gros, voyez le gameplay de Wargroove comme une partie de tir à la corde, mais où vous avez le droit de balancer des dragons à la tronche de votre adversaire pour les déstabiliser (et si j’étais corporate, je dirais même que c’est de l’aquachorda, mais vous ne comprendriez probablement pas la référence).
En plus du très bon mode Campagne qui sert accessoirement de bon tutoriel, vous avez le droit à un mode Arcade, où se succèdent cinq confrontations avec le général de votre choix et le très complexe mode Puzzle, où vous devez faire tourner votre cerveau à fond les ballons pour trouver comment terminer chaque tableau en pile un tour. Des trois, je garde ma préférence pour le mode Campagne, mais le mode Puzzle est vraiment stimulant en plus d’être intéressant.
Wargroove peut aussi être joué en multijoueurs et même si je n’ai pas réussi à lancer une partie en ligne à cause de petits soucis de connexion, le mode local n’en reste pas moins intéressant puisqu’il ne nécessite qu’une seule manette, que les joueurs se passeront à tour de rôle et il s’agit du seul mode pouvant se jouer jusqu’à quatre. Le petit bonus très cool, c’est que pour éviter à la communauté de dépérir à cause d’un souci de serveurs individualisés, le jeu est cross platform entre les versions PC, Nintendo Switch et Xbox One (la version PS4 étant condamnée à se la jouer solo à cause de la position de Sony sur la question).
Et là où ce cross play devient encore plus intéressant, c’est dans le fait que les joueurs pourront aussi s’échanger leurs propres cartes et campagnes en ligne sans trop de soucis. Wargroove possède non seulement un éditeur de cartes vraiment chouette et plutôt simple d’utilisation avec une interface pas trop complexe, mais il possède aussi un éditeur de campagnes, avec la possibilité de faire ses propres scènes cinématiques ! Dans ce second cas de figure, l’éditeur est bien plus complexe, car il implique de bien régler le placement de ses personnages, ses émotions et tout le tintouin, mais les options offertes sont telles que l’on peut faire plus ou moins tout ce que l’on veut ! Si la version PC peut être moddée avec des changements de sprites, je pense qu’on aura là une boîte de Pandore pour tous les game designers en herbe souhaitant se lancer dans le développement de leur propre jeu de stratégie.
Le seul gros bémol avec cet éditeur de campagnes, c’est qu’il n’est clairement pas taillé pour les consoles, et encore moins la Nintendo Switch avec son clavier qui fait qu’écrire une simple phrase est un calvaire de tous les instants. Si vous êtes intéressés par ce mode, privilégiez la version PC et au pire jouez sur la version Switch pour le multi local. Le jeu n’est pas bien cher et peut facilement être acheté deux fois pour soutenir les développeurs tant il offre de quoi faire.
D’ailleurs, avant de poster ma conclusion, j’ai envie de revenir sur trois petites choses qui m’ont vraiment fait plaisir : Wargroove est doté d’une option spéciale pour permettre aux joueurs daltoniens de jouer sans avoir à se soucier des différentes couleurs de factions. Le second point est le character design, qui va certes piocher dans des archétypes de personnages vu et revus (les soldats européens et asiatiques médiévaux, le classique peuple de la forêt et les squelettes que l’on voit partout), mais avec des variations plutôt uniques, notamment du point de vue des personnages féminins. Mercia a un des meilleurs designs de personnage féminin que j’ai vu depuis une éternité et Ragna, la zombie créée de nombreuses pièces, possède une apparence et un caractère vraiment originaux. Oh et Caesar le chien est un des meilleurs chiens de l’Histoire du jeu vidéo.
Enfin, la bande-son est plutôt chouette. Certains thèmes sont assez rapidement usants (notamment celui de Caesar, qui ressemble à un truc sorti de 30 Millions d’Amis et qui me sort désormais par les oreilles), mais d’autres comme celui de Sigrid (qui rappelle Castlevania) sont vraiment très entraînantes et accompagnent vraiment bien le contexte des batailles.
Au final, Wargroove n’est peut-être pas ‘le’ successeur d’Advance Wars – si tant est que Nintendo daigne en sortir un nouveau dans les années à venir – mais est une excellente alternative. Le gameplay est assez facile d’accès tout en possédant une profondeur tactique des plus stimulantes et l’univers est tellement charmant que l’on finit par voir un après-midi disparaître en un clin d’oeil. De plus, l’éditeur de niveaux garantit au jeu une durée de vie potentiellement infinie si les bonnes personnes se mettent dessus pour créer des campagnes tout aussi longues que bien écrites.
Quant à savoir quelle version choisir, je dirais que ça se joue entre la version Nintendo Switch et PC, car la première permet d’y jouer n’importe où et de lancer plus facilement des parties en multi local, tandis que la seconde permet de plus facilement créer nos propres campagnes, donc votre choix dépendra surtout de l’angle avec lequel vous pensez attaquer ce jeu.
Si vous êtes fan de jeu de stratégie, il n’y a même pas besoin de réfléchir. Et si vous êtes un peu moins familier avec le genre, je pense que même si Wargroove peut être légèrement intimidant au premier abord avec toutes ses différentes classes, il possède malgré tout un excellent tutoriel et un univers tellement réconfortant et amusant qu’il peut facilement servir de porte d’entrée. En plus, pour 17€, vous avez de quoi vous occuper une bonne dizaine d’heures au grand minimum, donc je pense que ce jeu ne peut qu’être…
Benjamin « Red » Beziat