La série des Valkyria Chronicles est… Quelque peu maudite. Le premier épisode était sorti dans la confidentialité totale, malgré un enthousiasme de ses développeurs qui se ressent encore même aujourd’hui, puis le second a fait l’erreur de sortir sur la PSP (en plus de changer totalement de ton de base pour un truc beaucoup plus shônen – même si la PSP était très populaire au Japon grâce à un certain Monster Hunter, d’où ce choix de plateforme) et le troisième, même s’il tentait de concilier l’univers mature et tragique du premier avec l’esprit plus shônen du second, est sorti bien trop tard et à une période où SEGA voulait limiter les risques avec des jeux trop coûteux à localiser, faisant que sa sortie occidentale n’a purement et simplement jamais eu lieu. Et puis il y a Valkyria Revolution, qui se voulait être un reboot qui a manqué de couler la série tant les critiques ont été ravageuses à son encontre (sauf envers la bande-son de Yasunori Mitsuda, qui comme d’hab a fait des merveilles).
Cependant, ce destin funeste n’arriva pas, et ce grâce à la sortie du premier épisode sur Steam. La hype autour du jeu a été telle que SEGA a compris que les joueurs ne voulaient qu’une chose : encore plus du premier Valkyria Chronicles, purement et simplement.
Ainsi, Valkyria Chronicles 4 est un nouveau reboot tout autant qu’il est la première véritable suite du premier épisode. On remet les choses à plat et on reprend le ton du premier. Le résultat ? Pas le plus parfait des jeux, mais bons dieux que je le mentionnerai comme étant un de mes jeux préférés de l’année !
FUGA : The Prequel
Valkyria Chronicles 4 nous raconte une histoire de la Grande Guerre d’Europa que les livres d’Histoire ont volontairement passé sous silence : celle de l’Opération Croix du Nord, où une division spéciale de la Fédération a été envoyée marcher au coeur de l’Empire, dans le but de conquérir sa capitale de l’intérieur alors que son Empereur est occupé à combattre une autre escouade (les événements du premier épisode, en somme) et ainsi mettre fin à la guerre.
On incarne Claude Wallace, un jeune officier sorti de l’école. Un éternel optimiste qui veut mener sa mission à bien sans perdre personne et qui compte bien réussir cette opération éclair sans broncher… Mais un petit imprévu va tout chambouler : l’hiver, qui arrive bien plus tôt que prévu et va rendre la tâche beaucoup plus compliquée…
Je n’irai pas plus loin pour ne pas spoiler, mais ce qui fait la grande force de cet épisode, c’est son histoire. Pour le coup, elle n’est pas particulièrement surprenante, mais elle est extrêmement bien ficelée et continue d’explorer les pistes laissées par les précédents épisodes tout en réussissant avec brio à incarner un bon point d’entrée pour ceux qui n’ont jamais touché à la série. L’histoire est sombre, tragique et il est très difficile de ne pas être au bord des larmes au moins une fois, si ce n’est trois (ou quatre). La guerre, c’est sale, c’est ignoble et ça peut pousser l’Humanité dans tout ce qu’il y a de pire, même si mon seul regret vient du fait que certains des points les plus sombres ne sont qu’effleurés. Il y avait matière à rendre la chose encore plus marquante, mais en l’état, l’histoire n’en reste pas moins passionnante, portée par des personnages plutôt bien développés pour ce que ça veut raconter.
Cependant, il faut que vous sachiez quelque chose : je considère cet épisode plus comme un Visual Novel avec quelques phases de combats stratégiques, car l’équilibre entre les phases de dialogue et de gameplay tend plus vers le verbe que vers les obus. Sur les 30 heures qu’il m’a fallu pour finir le jeu, largement plus de la moitié consistait à lire du texte et écouter des dialogues. Personnellement, ça ne m’a pas dérangé, parce que l’histoire est vraiment bonne, mais je sais que ça risque d’en rebuter quelques uns.
Love Blooms on the Battlefield
En dehors des cutscenes, le jeu se divise en deux parties : la préparation de nos unités et les phases de combat à proprement parler.
Préparer vos unités est essentiel si vous voulez réussir les nombreuses missions du jeu et donc ça consiste à utiliser l’argent et l’expérience acquise en combat pour acheter du matériel et faire monter en niveau chacune des six classes du jeu : les éclaireurs sont ceux qui peuvent couvrir un maximum de terrain et repérer plus facilement les ennemis, mais ont un faible niveau d’attaque et peu de points de vie. Les soldats, eux, ont des mitrailleuses qui peuvent faire vraiment mal, à ceci près que la précision de leurs tirs est assez mauvaise et ont une très faible mobilité, tout comme les lanciers, qui eux possèdent des lance-roquettes capables de neutraliser les tanks adverses. Ils possèdent aussi la meilleure défense, ce qui peut être utile pour se rapprocher des ennemis les plus dangereux en plus de pouvoir aller capturer des bases ennemies. Les snipers, eux… Sont des snipers, donc ils peuvent dézinguer des cibles de très loin du moment qu’ils sont visibles et les ingénieurs sont des personnages très polyvalents, avec une immense mobilité, la possibilité de soigner les autres plus efficacement et réparer nos véhicules endommagés, en contrepartie d’une défense tellement faible qu’au moindre soldat croisé, vous pouvez lui dire adieu (en difficulté Normale ou supérieure, mais j’y reviens).
La grande nouveauté introduite dans cet épisode vient des mortiers, qui… Cassent plus ou moins le jeu tel qu’il est prévu du début du jeu jusqu’au milieu. Car même si leurs points de vie ne sont pas bien nombreux, leur portée est très large en plus de permettre d’abattre très facilement les adversaires en hauteur. De plus, ils peuvent aussi intercepter les adversaires en mouvement quand c’est à leur tour, ce qui fait qu’ils ont une versatilité proche de l’absurde. Cependant, leur puissance diminue quelque peu sur la fin, puisque leur évolution est un poil plus lente que le reste des classes.
Les combats en eux-mêmes sont assez uniques, car ils se divisent en deux phases : les phases de carte et les phases sur le terrain. Pour la première, on a sous les yeux une carte du champ de bataille avec nos « pions » et ceux des adversaires visibles. Il est possible d’en sélectionner un ou bien juste avant de sélectionner des ordres de commandant, monnayant un à plusieurs points d’action. Ceux-là permettent d’augmenter nos chances de victoire en boostant l’attaque/défense/esquive de nos alliés, les soigner ou bien les ravitailler, mais ils se débloquent au fil de l’histoire et des niveaux acquis.
Une fois les ordres transmis et notre personnage sélectionné, le jeu nous place dans une sorte de Third Person Shooter, où l’on peut se déplacer en fonction du nombre de points de déplacement à notre disposition, se mettre à couvert si besoin et arrêter le temps pour tirer sur notre adversaire, le tout en prenant bien évidemment soin de viser la tête pour faire un maximum de dégâts. Notez aussi que les personnages ont tous des aptitudes passives différentes qui confèrent soit des bonus, soit des malus en fonction de comment vous vous déplacez sur le terrain. Certains seront revigoré en voyant un homme ou une femme, tandis que les autres perdront des points de défense ou d’esquive en s’en approchant de trop. D’autres régénèreront leur vie après avoir abattu une cible ou bien regagneront des munitions.
Il est possible d’utiliser une même unité au sein d’un même tour, mais vous diviserez toujours par deux le nombre de vos points de déplacement et certains types de munitions vous manqueront peut-être.
Fondamentalement, si on enlevait les mortiers de l’équation, le jeu serait le même que le premier épisode dans ses grandes lignes avec une assez bonne variété dans les cartes et les types de batailles… Ce qui est loin d’être une mauvaise chose tant les batailles sont toujours stimulantes et peuvent mener à de purs moments de bonheur.
Cependant, ce nouvel épisode apporte deux défauts qui m’ont un peu dérangé. Le premier vient de la durée des missions, qui dépassent trop facilement la barre des trente minutes si ce n’est pas carrément l’heure et demie pour le boss final ! Les cartes sont parfois beaucoup trop grandes faisant que l’on peut passer beaucoup de temps à faire un simple truc et même s’il existe une option pour accélérer les tours de l’adversaire, mais cette accélération ne s’applique que lorsque l’ennemi est trop loin des autres (et encore).
Et le second vient de l’équilibre assez mal géré de la difficulté. Pour les besoins de cette critique et préserver ma santé mentale avec ce trop gros flot de jeux de la rentrée (et surtout de RPG) en réduisant un peu le temps passé sur le jeu, j’ai décidé aux alentours de la moitié de passer le jeu en Facile. Et là où les tirs adverses pouvaient faire bien mal en Normal et facilement me mettre à mal, en Facile, presque rien ne vous tuera… Ou bien il vous faudra foncer dans un groupe d’au moins cinq adversaires, rester au beau milieu et passer votre tour pour espérer mourir tant les dégâts sont amoindris. De fait, les combats étaient moins stimulants et je ressentais d’autant plus la longueur de certaines batailles. Après, de là à dire que je ne m’amusais pas, faut pas pousser, puisque ça transformait plus ou moins le jeu en un Dynasty Warriors avec des flingues et donc réussir à se débarrasser de six à huit soldats en un tour n’en restait pas moins satisfaisant.
Frozen Flame
Niveau présentation, on sent que SEGA voulait à la fois prendre des risques tout en les limitant avec ce reboot de la dernière chance. La prise de risque venait de la générosité dans son contenu, aussi bien dans le nombre de missions annexes et sous-scénarios en bonus que dans le nombre de lignes de dialogue qu’il a fallu intégralement doubler aussi bien en anglais qu’en japonais (et traduire intégralement le jeu dans plusieurs langues, dont le français, chose qu’il faut souligner car la traduction est excellente). La limitation, elle, vient de la mise en scène avec certes des scènes animées là où il en faut impérativement, mais pas autant que dans le premier et toutes durent très peu de temps. Le reste sera joué avec des portraits de personnages, comme dans les meilleurs visual novels. Le budget est clairement là, mais il n’est pas étonnant que l’éditeur voulait éviter de trop perdre si jamais il venait à se retrouver avec un second Valkyria Revolution dans les mains (ce que je ne souhaite pas, bien au contraire).
Hitoshi Sakimoto revient à la barre de la bande-son et nous pond ici ce qu’il fait de meilleur… Au risque d’étrangement plus lorgner du côté de ce qu’il a fait avec la saga Ivalice (Final Fantasy XII, Tactics et compagnie) que de Valkyria. Ce n’est clairement pas pour me déplaire, mais le côté martial du premier Valkyria manque parfois à l’appel. Là où l’on sent le budget amoindri vient de la réutilisation parfois à outrance du faible nombre de nouvelles compositions et la réutilisation de vieux thèmes. Notez cependant que cette réutilisation s’est faire très intelligemment, au point que lorsqu’un certain thème arrive, vous savez que vous allez sentir vos poils se dresser.
Pour ce qui est des doublages, seules les voix anglaises étaient disponibles sur la version Nintendo Switch avant la sortie (les voix japonaises sont dispo en DLC gratuit, faute de place sur la cartouche, mais sont sur la version PS4 de base) et même si mon côté puriste de la VO a quelque peu râlé, il s’est rapidement calmé quand il a entendu le boulot monstrueux fait sur la VA. Les personnages principaux sont tous parfaits et le jeu d’acteur est plus que remarquable !
Enfin, il me faut vite fait évoquer la version Nintendo Switch en elle-même car elle mérite un petit paragraphe : elle n’a pas toujours les tripes pour faire tourner un jeu aussi gourmand en ressources. Vous subirez pas mal de ralentissements lorsque votre personnage sera en présence de trop nombreux éléments et on sent que la console a parfois du mal à « réfléchir » aux actions à entreprendre, occasionnant des moments de trois-quatre secondes de rien. Après, le jeu n’en reste pas moins beau et ces ralentissements restent rares, mais, pour le coup, je pense que si vous avez une PS4/Xbox One/PC, vous vous en sortirez mieux, d’autant plus que le jeu est plus taillé pour les longues sessions, donc le confort d’une console de salon (ou d’un PC) n’est pas forcément de trop.
Au final, vous l’aurez compris : j’ai adoré Valkyria Chonicles 4. Son histoire sombre et mature peut vraiment nous filer de bons coups de poing émotionnels là où il le faut et son gameplay reste toujours aussi prenant, et ce même malgré des missions beaucoup trop longues.
Pour le coup, j’aimerais pouvoir le recommander à tout le monde, mais je sais que la longueur de ses cutscenes et ses longues missions pourraient en rebuter quelques uns. Mais pour ceux que ça ne dérange pas, je ne peux que le conseiller. Il est suffisamment généreux en contenu pour justifier le prix que vous y mettrez et il est nécessaire de montrer à SEGA qu’ils ont enfin touché en plein mille dans ce que l’on attendait de la série depuis si longtemps !
Si un Valkyria Chronicles 5 il y a, personnellement, je souhaiterais des missions un poil plus courtes et très… Très peu d’altérations au gameplay tel qu’on l’a actuellement, car il est suffisamment complexe pour être stimulant, mais pas trop pour nous paumer complètement. Aussi, une histoire toujours dans le même ton et avec des personnages et un univers encore plus creusés et ça sera par-fait.
Mais bon, concentrons-nous sur le présent. Pour moi Valkyria Chronicles 4 est un…
Benjamin « Red » Beziat