On l’aura attendu longtemps, ce nouvel épisode de The Legend of Zelda ! Annoncé lors de l’E3 2014 pour une sortir en 2015, puis repoussé d’une année pour au final sortir début 2017 pour coïncider avec une version « NX », Breath of the Wild a pris tout le temps qui lui était nécessaire pour devenir ce qu’il est aujourd’hui : un des jeux en open world les plus ambitieux et les plus vastes jamais sortis (et aussi un des plus légers, paradoxalement, ne pesant pas plus de 13Go). De plus, il se voulait être un retour au sources, telle une actualisation du tout premier épisode, qui offrait une liberté totale d’exploration tout en se modernisant pour offrir un gameplay émergeant monstrueusement versatile et une expérience pouvant satisfaire tous les profils de joueurs, du joueur ne voulant qu’une histoire sympathique à suivre au speedrunner qui tentera de démolir le boss final en moins de deux heures au joueur curieux qui retournera chaque pierre visible pour dénicher les secrets les mieux dissimulés.
Est-ce que ça valait le coup ? Bah, si l’on en croit le fait que j’ai passé plus d’une trentaine d’heures dessus en moins de 4 jours pour le terminer, puis ai passé une dizaine d’heures supplémentaires les deux jours d’après simplement pour le plaisir de jouer, je dirais que ça valait totalement le coup, oui. Après, est-ce que ça valait tous les 20/20 qu’il a eu un peu partout ? Pas non plus. Juste un 19,99/20, comme mon pourcentage total de finition du jeu au bout de ces quarante heures (qui en fait s’avèrent être un 17,45% !)
Lanelle de Fromage
Bon, avant de commencer à ne dire que du bien du jeu, je vais vite fait évoquer les quelques soucis que j’ai eu avec le jeu : oui, il rame quand on est dans des environnements très herbeux et que l’on y joue sur notre télévision, même si ces zones restent rares et que le problème disparaît presque entièrement si on y joue en mode portable. Oui, les musiques sont un poil trop discrètes et en dehors du thème principal, le jeu est avare en thèmes inédits mémorables, privilégiant des musiques connues pour donner au jeu un côté célébration de toute la série jusqu’ici. Et oui, le jeu est un poil trop grand et bourré de choses à faire, ce qui a fait que, paradoxalement, j’ai commencé à un peu m’ennuyer sur la quarantième heure alors qu’il me reste techniquement encore 82% du jeu à découvrir (mêmes si le gros de ce nombre vient des 900+ Korogus à dénicher). Oui, le fait que les armes se cassent un poil trop rapidement peut frustrer. Oui, les personnages secondaires que l’on rencontre dans le cadre de l’histoire sont sous-développés au point de n’être que des outils pour accéder aux donjons. Et oui, le jeu est un monstre dévoreur de batterie qui donne l’impression qu’on recharge notre Switch toutes les cinq minutes alors qu’en fait on ne fait ça que toutes les trois heures de jeu… Parce que ce jeu est un gouffre à temps monstrueux qui transforme les heures en sensations de minutes.
Mais toutes ces petites frustrations ne sont rien quand on prend en compte le fait que j’ai passé le plus clair de mon temps de jeu à sourire comme un débile, à hurler devant l’ingéniosité des devs, à m’émerveiller devant certaines choses inattendues, à m’horrifier devant certains monstres particulièrement brutaux et même être au bord des larmes en entendant un de mes thèmes préférés refait de la manière la plus parfaite qui soit.
Mipha Dvar Dvar Binkf !
Niveau histoire, sans spoiler, je vais dire qu’elle peut être aussi complexe que l’on peut le souhaiter. Pour le speedrunner, ça sera « Link se réveille dans un lieu un peu étrange et Ganon est en train de faire des siennes. Allons lui éclater sa tronche ! », tandis que pour le reste des gens, ça sera plus ou moins complexe. Bon, après, ça ne réinvente pas l’eau chaude, mais l’histoire de Breath of the Wild est plus subtile qu’il n’y paraît et ô combien fascinante quand on réunit toutes les pièces du puzzle et que l’on se rend compte de ses implications. De plus, le monde en lui même est une histoire, se révélant au gré de son exploration et de la curiosité du joueur, qui non seulement aura le droit à des détails intéressants en lisant les journaux qui trainent ici et là, mais qui aura de la matière pour faire tourner ses méninges à cent à l’heure en tentant de s’imaginer l’histoire derrière les lieux et les différents choix architecturaux.
Mais, encore mieux que ça, ce sont les histoires que le joueur pourra se créer qui font tout le sel de Breath of the Wild. Récemment, j’ai commencé une série de courtes histoires sur le blog nommée Histoires de Légende, car certaines des choses qui me sont arrivées n’ont pu arriver que grâce au fait que le facteur d’imprévisibilité soit aussi grand. Et le meilleur reste que ces histoires pourront être partagées avec les autres, transformant cet épisode en un outil social assez puissant, où les joueurs s’échangeront des anecdotes et créeront la surprise, poussant les autres à aller voir par eux-mêmes les choses qui leur ont été dites pour tenter de les reproduire, chose qui était presque impossible avec les précédents épisodes, qui étaient trop limités en contenu et étaient un poil trop dirigistes. Rien que pour l’exemple, moi et ma copine jouons tous les deux au jeu et on s’échange des histoires parfois très surprenantes. De mon côté, ça concerne principalement tout ce qui concerne l’aventure et l’action, tandis qu’elle est plus dans l’exploration et elle me rapporte des histoires parfois très touchantes autour des PNJ, qui ont chacun une vie qui leur est propre et un micro-scénario, dont quelques uns dans le village Cocorico qui auraient pu être le centre de leur propre histoire principale, pourtant ici condensée à son essence la plus pure pour offrir quelque chose d’à la fois simple et émotionnellement chargé.
Rien d’Ordinn-aire
Niveau structure de jeu et gameplay, là, c’est la folie pure, au point que je vais devoir aller au plus simple pour éviter de trop m’éparpiller. La structure est tout simplement inexistante. Vous n’avez qu’un seul objectif : oblitérer Ganon, qui est retenu prisonnier du Château d’Hyrule. Bien évidemment, y aller directement est plus ou moins une incitation au suicide, puisque votre équipement est ridicule et vous n’avez que trois coeurs, mais ça reste faisable, comme en attestent les speedrunners qui ont déjà réussi à finir le jeu en 1h30. Pour le vaincre, il n’y a qu’une seule solution : devenir plus puissant. Et pour se faire, vous allez devoir explorer le monde pour obtenir le meilleur équipement, explorer divers sanctuaires pour obtenir de quoi gagner plus de coeurs, récolter tout ce qui peut l’être pour préparer de la nourriture, des remèdes et renforcer vos vêtements (d’ailleurs, petit conseil : évitez de revendre vos objets, car il est possible que certains puissent être utilisés pour débloquer des choses auquel vous ne vous attendriez pas), tenter de retrouver la Master Sword si elle est encore là et tenter de solliciter d’éventuels alliés qui vous aideront lors de votre duel final qui s’avèrera donc plus ou moins rude selon votre degré de préparation.
Si l’on devait découper Breath of the Wild en plusieurs parties, on pourrait la couper en trois : il y a la partie exploration, la partie combat et la partie résolution d’énigmes. La première nous fera nous balader dans des villages, où l’on résoudra des quêtes annexes aussi diverses que variées, la seconde nous fera affronter des monstres plus ou moins puissants (dont certains sont actuellement plus dangereux que les boss et le boss final, qui sont étrangement faciles avec le bon équipement) et la troisième nous force à utiliser nos méninges pour tenter de résoudre les centaines d’énigmes que nous balance le jeu (au point de parfois avoir de faux airs de Professeur Layton avec des épées et des arcs…Eeeeeet maintenant je veux un Professeur Layton VS Ace Attorney 2).
Niveau exploration, les axes horizontaux et verticaux sont couverts de la plus élégante des manières, puisque Link peut assez rapidement utiliser une sorte de parachute qui lui permet de couvrir d’assez longues distances très rapidement s’il s’élance de suffisamment haut et possède assez d’énergie et il peut grimper sur quasiment toutes les surfaces, peu importe si c’est logique ou non. Manquait plus qu’un grappin et on aurait eu l’équivalent Nintendo de Spider-Man.
En résulte un sentiment de liberté de mouvement absolument grisant, surtout lorsque l’on atteint les plus hauts sommets pour avoir une vue d’ensemble et repérer notre prochain objectif.
D’ailleurs, j’en profite pour pointer du doigt que beaucoup ont fait la comparaison entre Breath of the Wild et les jeux en open world d’Ubisoft, notamment à cause des tours à escalader pour révéler la carte de nos alentours. Dans un sens, c’est à la fois vrai et faux, car dans des jeux comme Far Cry, tous les objectifs et les quêtes annexes sont directement marqués, faisant que l’on n’a plus qu’à aller là où le jeu nous indique qu’il y a quelque chose à faire pour le faire. Or, dans Zelda, on n’a que la carte et rien d’autre, ce qui est largement mieux, puisque notre curiosité s’en retrouve récompensée, là où dans les jeux Ubisoft, on est finalement menés par le bout du nez et où l’exploration ne consiste qu’à aller d’un point A à un point B (ça ne veut pas non plus dire que les jeux Ubi sont mauvais, juste qu’il leur manque cet aspect découverte et surprise).
Pour ce qui est des combats, ça peut être aussi simple que de balancer notre épée de gauche à droite tout comme accrocher une bombe à un ballon que l’on guidera avec notre feuille générant des brises en direction de notre ennemi, puis décocher une flèche sur les ballons pour les faire éclater et ensuite faire exploser la bombe pour tous les avoir. La seule limite est votre créativité et votre talent d’improvisation. Personnellement, je n’ai jamais été aussi loin dans l’élaboration de plans aussi dingues, mais j’ai clairement pu voir que chaque situation peut être approchée de diverses manières. Étant à la fois téméraire et lâche, j’avais plus souvent tendance à foncer sur l’ennemi avec une grosse épée dans l’espoir qu’un coup bien placé le fasse tomber dans le vide, uniquement pour récupérer les matériaux qu’il ferait tomber si jamais j’en avais besoin. Et face aux Gardiens – ces automates ressemblant aux robots du Château dans le Ciel qui auraient fusionné avec l’araignée qui traine dans votre salle de bains – une seule solution : prendre mes jambes à mon cou en hurlant tout en zigzaguant pour éviter le pointeur laser qui me stressait un peu trop… Oui, même les lâches peuvent s’amuser, malgré tout ♪
Et pour ce qui est de la partie puzzle, j’ai juste envie de dire que tous les outils que l’on a à disposition seront utilisés d’une manière ou d’une autre et que vous risquez de hurler en voyant le niveau d’ingéniosité de certains sanctuaires (même si de très rares sanctuaires peuvent aussi se faire en trichant de manière éhontée, au point que j’ai réussi à en finir deux en utilisant des techniques redoutables de malhonnêteté et de flemme).
Breath of the Wild propose également une poignée de donjons et… Ils sont absolument dingues ! Pas particulièrement difficiles à l’exception d’un quand on est habitué à la logique du jeu, mais tous proposent au moins un moment où l’on hurle devant l’ingéniosité déployée par les level-designers. En revanche, sachez ceci : il ne s’agit plus des donjons que l’on trouvait dans les autres épisodes, où un objet permettait de résoudre tout ce qu’il avait à proposer. Là, vous devrez penser à tout ce que vous avez sur vous et utiliser la meilleur option au meilleur moment, ce qui est des plus stimulants et au final rend la récompense de les terminer d’autant plus gratifiante.
Réveil au Farore
Niveau présentation, c’est du tout bon ! Ça va paraître hyper cliché à dire, mais cet épisode de la série est le plus Ghibli-esque que l’on aura jamais fait. Le character design y fait penser et quelques passages nous ramènent droit dans les films de Miyazaki des années 80 et 90, en terme de ton ou de mise en scène. De plus, le cel-shading utilisé donne clairement au jeu un côté film d’animation adulte plus que plaisant, comme un pont reliant Ocarina of Time à Wind Waker.
Mais les films de Ghibli ne semble pas qu’être la seule source d’inspiration, puisque tous les clichés des films d’aventure et d’exploration sont là. Je ne vais pas aller dans les détails pour éviter de spoiler, mais un type d’environnement en particulier était plaisant à explorer pour la simple et bonne raison que l’on ne le voit que très rarement dans les productions Nintendo.
D’ailleurs, j’en profite ici pour fanboyer sur les personnages de Sidon, Pru’Ha et Kass, qui sont vraiment cool, aussi bien d’un point de vue design que de la personnalité, même si on ne les voit pas assez à mon goût. En tout cas, les Zoras et les Piafs version Breath of the Wild ont mis la barre tellement haut que je me demande comment ils pourront faire mieux pour les prochains épisodes…
D’un point de vue technique, outre les problèmes de framerate, on constate quand même pas mal de choses qui apparaissent tardivement quand on arrive au loin via le parachute, mais ce n’est pas tant un problème que ça, puisque l’essentiel reste visible de très très loin et on se rend compte du tour de force qu’est le jeu quand, en dehors des moments où l’on décide de se téléporter ou bien que l’on entre dans les sanctuaires, il n’y a absolument aucun temps de chargement. Tout se fait de manière fluide et on n’entend même pas la console souffler.
Enfin, il me faut parler de la partie sonore, car même si la bande-son est exceptionnelle, les doublages français le sont encore plus ! C’est un peu comme si l’agence de casting en charge du jeu avait décidé de faire un jeu avec un cast FR All-Stars, avec que des gens que l’on a entendu dans le monde du doublage de l’animation et du jeu vidéo français. Donald Reignoux (Spider-Man, Titeuf et Sora dans Kingdom Hearts), Adeline Chetail (Nausicäa, Arietty et la Princesse Amalia dans Wakfu), Benoît DuPac (Eikichi Onizuka dans GTO, Shadow the Hedgehog et Leo dans Charmed) ou bien Laëtitia Lefebvre (Julith dans le film Dofus, Cortana dans Halo) entre autres. Tous donnent une performance exemplaire et rendent certaines scènes vraiment prenantes (contrairement aux voix anglaises, que je trouve assez moyennes, voire totalement inadaptées) et c’est presque au point que j’aime bien le fait que l’on n’aie pas eu l’option de mettre les doublages originaux, c’est dire !
Il y a tant à dire sur ce jeu et toute la magie qu’il recèle. Tellement d’adjectifs que l’on pourrait utiliser pour le décrire. Beau. Prenant. Addictif. Mystérieux. Monstrueux. Fabuleux… Est-ce que j’ai joué à un des meilleurs jeux vidéo de tous les temps ?
Possiblement, oui*.
Achetez-le. Jouez-y. Kiffez ! Et surtout : partagez vos expériences de jeu !
(Même si je mettrai toujours Chrono Trigger, Final Fantasy VI, Ôkami et Solatorobo : Red the Hunter au sommet pour des raisons personnelles.)
Benjamin « Red » Beziat