Attendu comme un potentiel nouveau Messie, Octopath Traveler représentait ce que beaucoup de fans de JRPG attendent d’un nouveau jeu du genre : la même chose qu’il y a vingt ans. Une esthétique rétro et une histoire aux nuances folles et aux thématiques les plus sombres. Nul besoin d’un budget colossal avec des graphismes de fou. Offrez-nous une trame narrative captivante et un gameplay fun avec des musiques divines et on s’en contentera bien. Et, pour le coup, Square Enix semble avoir bien fait les choses, puisque ce jeu délivre tout ce que l’on en attendait, et même un peu plus… Au point que je pressens déjà la fermeture prochaine de Tokyo RPG Factory, qui tentait de faire la même chose, mais en se forçant, là où Acquire a atteint cet objectif certes au prix de nombreux conflits en interne, mais visiblement avec une certaine aisance.
Cependant, est-ce le digne successeur de Final Fantasy VI, comme certains le portent à croire ? Subjectivement, non. Objectivement… Peut-être ? Bon ok, probablement pas, mais on peut clairement en ressentir l’influence.
OctoPAF, la structure !
Pour ceux qui ont loupé ma preview la semaine dernière, voici le texte original, quelque peu retouché pour mieux coller à mes impressions finales : Octopath Traveler est un RPG à la fois typique et atypique. Typique dans le sens qu’il s’inscrit dans une longue lignée de JRPG et plus spécifiquement celle de l’Âge d’Or avec une histoire à la fois prenante, ambitieuse et très sombre, mais aussi atypique dans le sens de sa structure, semblable à une sorte d’open world qui n’en est pas un mais qui est quand même plus ou moins linéaire par la force des choses (je m’explique un peu après).
Pour ce qui est de l’histoire, on suit les aventures de huit personnages très différents, mais sans liens apparents entre eux. On commence avec n’importe lequel en suivant une histoire qui lui sera très spécifique.
Ainsi, Thérion est un voleur qui tente de cambrioler un manoir dont on dit qu’il est plein de richesses et qui à la suite d’événements malencontreux se retrouve à devoir retrouver trois cailloux magiques volés.
Alfyn est un jeune homme qui souhaite parcourir le monde pour devenir le plus grand médecin.
Primrose est une ancienne noble dont le père a été tué par trois mystérieux hommes encapuchonnés et qui est devenue danseuse pour les retrouver et se venger d’eux.
Olberic était un des plus grands guerriers de son royaume, jusqu’au jour où il a été trahi par son compagnon d’armes et après des années d’exil il repart sur la route pour le retrouver et obtenir des réponses.
Ophelia est la fille adoptive d’un prêtre et décide de partir en pèlerinage pour raviver la flamme sacrée d’un ancien dieu en faisant le tour des grandes chapelles.
Tressa est une jeune fille de marchands qui décide de parcourir le monde à la recherche de trésors et de rencontres qui l’aideront à grandir (figurativement).
H’aanit est une des meilleures traqueuses de son village et va partir à la recherche de son maître, porté disparu à la suite d’une traque à l’issue encore incertaine.
Et Cyrus est un précepteur qui quitte son université à la recherche d’un livre porté disparu.
La chose que j’aime énormément dans cette histoire, c’est son absence de gros enjeux apparents. Ici, nulle question de gros monstre dévoreur de mondes à abattre ou bien de menace divine à abattre parce que besoin d’en caser un. Le ton posé par ces histoires reste pas mal ancré dans un certain réalisme qui peut parfois s’avérer étonnamment brutal et beaucoup des gros ennemis du jeu seront de simples humains corrompus par des désirs malsains, ce qui est à la fois rafraichissant et plus que cool. Je ne devrais plus être surpris par ça, pourtant, surtout après avoir fait Xenoblade Chronicles 2, mais encore une fois je me retrouve face à un jeu fortement mis en avant par Nintendo (mais sur lequel ils n’ont pas directement bossé en dehors de petites collabs ici et là, basé sur leur maigre apparition dans les crédits de fin) où l’on parle de thèmes des plus sombres comme la prostitution ou bien le désir de vengeance. Et c’est sans compter sur les PNJ que l’on peut interroger et qui ont à 80% une backstory tellement tragique que l’on pourrait écrire des romans entiers rien que sur eux.
Cependant, et c’est aussi là que je trouve Octopath intéressant, c’est que chacun des huit personnages possède une histoire et un ton assez distinct l’un de l’autre. Ainsi, si l’histoire de Primrose fait penser à du Game of Thrones (le gore en moins) et Olberic à un RPG de Matsuno, le charme et l’optimisme attendrissant de Tressa et la magnificence d’Alfyn (le seul à réellement m’avoir fait pleurer sur la fin à cause d’un thème qui me tient particulièrement à coeur). Cinq scénaristes et un chef de troupe ont bossé sur le jeu et ça se sent, car j’ai aussi remarqué que certaines histoires sont plus développées que les autres, voire prennent plus de risques dans leur mise en scène, ce qui est à la fois cool pour les histoires les plus complexes, qui prennent plus de place pour instiller le meilleur et aussi pour les histoires les plus « simplistes », qui ne s’éternisent pas trop alors que l’on a compris où ils voulaient aller. Au passage, je vous conseille de finir le jeu soit sur le chapitre 4 de Primrose ou d’Olberic si vous voulez la fin la plus satisfaisante, Alfyn pour celle qui vous fera pleurer de joie ou bien Tressa si vous voulez finir sur une note légère et optimiste, car les autres ne sont pas mauvaises, mais il leur manque ce petit « oomph » qui donne l’impression d’avoir terminé une grande aventure. Après, sachez que finir les chapitres 4 de tous les personnages marque certes la fin du jeu, mais le post-game n’en reste pas moins intéressant, avec de nombreux temples à explorer, des classes secondaires à débloquer ainsi qu’une TONNE de quêtes annexes à faires, certaines étant même débloquées qu’une fois le jeu considéré comme étant fini et offrant des épilogues intéressants à certains des personnages les plus notables. Il y a aussi probablement un boss final caché lié à un des plus gros mystères du jeu, mais je n’ai pas eu l’occasion de trop me pencher dessus et je m’y mettrai peut-être si je trouve du temps pour le faire, parce que j’y retournerai avec très grand plaisir !
Niveau structure, c’est là que les choses deviennent plutôt uniques et vraiment intrigantes : on commence le jeu en sélectionnant un des huit héros, on termine son chapitre 1, puis après on est libres d’aller dans n’importe quelle ville pour aller à la recherche d’un autre héros pour lequel on fera son chapitre 1 et ainsi de suite. Cependant, et c’est personnellement ce que je trouve le plus dommage, c’est qu’il n’y a pas vraiment un sentiment d’unité dans ce groupe qui se formera petit à petit. On fera les introductions de chaque personnage certes, mais les cutscenes ne changeront jamais, qu’il y aie un seul ou quatre membres dans votre équipe. Il s’agit de huit histoires individuelles qui se recouperont indirectement via des personnages secondaires aux motivations proches d’autres, mais jamais vous ne verrez d’intervention d’autres membres du groupe durant les cutscenes principales… Ce qui peut mener à de sacrées incohérences, mais passons.
Notez ceci étant dit qu’il existe des interactions entre les personnages à la Tales of via des mini-scènes que l’on peut déclencher à certains moments précis et qu’avec la bonne combinaison de personnages (ou bien des apparitions aléatoires et sporadiques à la taverne), mais toutes sont optionnelles et aucune n’aura de répercussion sur le scénario. Vu la complexité du projet et gérer toutes les possibilités, je sais que ça aurait été extrêmement difficile et long à implémenter sans recourir à la facilité du personnage interchangeable in-cutscene qui aurait dit la même ligne, mais le truc, c’est que chacun des huit héros a sa personnalité et sa manière de parler et de considérer les situations, donc je vois bien pourquoi ils ont opté pour ce compromis.
D’ailleurs, tant que j’y suis, je me dois de souligner le travail incroyable qui a été effectué sur la traduction française du jeu. Car même si elle ne colle aucunement au texte japonais que l’on peut entendre, les libertés qu’elle prend non seulement renforcent le propos, mais offrent aussi une richesse et une saveur plus qu’appréciable aux dialogues.
OctoPAF dans l’plancton !
Pour ce qui est du gameplay, le jeu est beaucoup plus « simple ». C’est un JRPG tout ce qu’il y a de plus typique, avec exploration de terrains, donjons et cavernes remplis de monstres, exploration de villes pour y accomplir des quêtes annexes et achat d’équipement en masse pour pouvoir taper plus efficacement sur les monstres.
La principale nouveauté introduite dans les phases d’exploration de ce jeu vient du fait que chacun des personnages du groupe possède un talent particulier à utiliser sur les PNJ. Ainsi, Thérion peut leur faire les poches, Tressa peut leur acheter le contenu de leurs poches, Primrose et Ophelia peuvent guider les PNJ ou bien les faire temporairement intégrer au groupe, Olberic et H’aanit peuvent les rouer de coups, aussi bien pour le fun que pour accomplir pas mal de quêtes annexes et Cyrus et Alfyn peuvent recueillir des informations qui seront utiles pour plus tard. Accessoirement, tous ont des capacités spéciales à utiliser en combat, même si Tressa s’en tire mieux que tout le monde, puisqu’elle a aussi une autre capacité passive qui fait que l’on recueille automatiquement de l’argent en entrant dans une zone (d’ailleurs, elle est aussi monstrueusement craquée et peut probablement briser le jeu si on joue bien ses cartes).
Sur le papier, les combats d’Octopath Traveler ressemblent peu ou prou à ceux de n’importe quel JRPG au tour par tour, avec des ennemis qui ont des faiblesses à exploiter pour causer un maximum de dégâts. Une liste de leurs vulnérabilités est disponible à tout moment et il est possible de voir et légèrement affecter l’ordre de passage de tout le monde.
La principale particularité de ce système de combat vient d’une mécanique assez similaire à celle de Bravely Default. Chaque personnage possède des points d’exaltation qui arrivent plus ou moins à chaque tour. Ces points permettent de multiplier nos attaques dans le même tour ou bien renforcer nos sorts et aptitudes. Bien évidemment, il y a un contrecoup et utiliser un point d’exaltation revient à laisser passer notre chance d’en obtenir d’autres de manière naturelle au tour suivant. Exploitez les faiblesses de vos adversaires suffisamment de fois et vous pourrez les mettre en état d’étourdissement, où leur défense est réduite de moitié et ils sont incapables d’agir sur le tour où vous les avez assommé et le suivant (mais en contrepartie ils seront prioritaires une fois sortis de leur état).
La meilleure tactique revient donc à tout faire pour conserver ses points d’exaltation pour le moment où un maximum d’ennemis seront assommés afin de pouvoir balancer en un ou deux tours nos plus grosses attaques. Couplez tout ceci au différent nombre d’armes, aux tonnes de compétences, aux huit classes incarnées par nos huit personnages en plus du fait qu’un peu plus tard il sera possible de filer des classes secondaires à chacun et vous avez un nombre de façons d’aborder les combats plus que convenable en plus d’une liberté de customisation quasi-totale qui rend le tout bien plus intéressant qu’au premier abord.
Le seul truc que j’ai trouvé vraiment énervant avec ce jeu vient du fait que l’on ne peut avoir que quatre personnages dans le groupe à tout moment. De fait, les quatre autres restent à la taverne (j’imagine) et ne gagnent rien, faisant que l’on sera obligé de les faire revenir de temps à autres dans la danse pour les refaire monter en niveaux, histoire qu’ils ne soient pas un trop gros boulet une fois que l’on doive faire leur chapitre.
Une des choses que j’ai le plus apprécié cela étant dit vient du respect des développeurs pour notre temps : la montée en niveau est plutôt rapide et faire en sorte que les personnages laissés sur le carreau redeviennent potable n’est que l’affaire de quelques combats. De plus, le système de déplacement rapide rend la navigation plus agréable et, surtout, SURTOUT, les zones sont courtes ! Si vous faites les choses bien et explorez chaque zone, chaque chapitre dure au maximum 1h30, cutscenes incluses, mais si vous vous sentez confiant, vous pouvez carrément passer sous la barre de l’heure tant les « donjons » sont minuscules. Alors certes, il n’y a pas de puzzles du tout, mais les récompenses disséminées dans ces donjons sont toujours intéressantes et si vous explorez les zones, vous n’aurez pas besoin de faire du grinding, ce que je trouve particulièrement cool. Les boss au bout représenteront toujours un bon défi si vous jouez bien vos cartes, mais ne seront jamais tellement insurmontables qu’il vous faudrait passer dix heures à taper des monstres pour les battre. D’ailleurs, il est intéressant de mettre en avant que chaque boss est unique et joue avec les mécaniques de gameplay pour offrir un résultat toujours surprenant demandant au joueur de constamment repenser sa stratégie. Sachant qu’il y a 32 chapitres et tout autant de boss sans compter sur ceux optionnels, vous aurez pas mal de pain sur la planche !
Je sais par avance que ce genre de structure risque d’en gêner certains, mais vu que cette structure met l’accent sur la narration et les combats, ça m’allait parfaitement.
Octo Expansive
Enfin, il me faut aborder la partie qui a fait tourner toutes les têtes en premier lieu : la présentation.
https://www.youtube.com/watch?v=MXJabSoezjQ
C’est bien simple, le jeu est extrêmement beau ! Les décors sont toujours à tomber par terre et les sprites des personnages sont plus qu’évidemment basés sur ceux de Final Fantasy VI, au point que certaines expressions sont identiques (et ça me donne envie de réclamer un remake de FF VI dans ce style au lieu de tenter quelque chose dans une 3D qui ne conviendrait à personne). Le niveau de détail est dingue et les décors se renouvellent très régulièrement. Certes, le jeu est voué à se répéter ici et là, mais la variété reste largement de mise.
Et mon plus gros coup de cœur : la bande-son. Elle est d’une qualité absolument folle et absolument toutes les pistes sont géniales ! Je n’arrive pas à trouver plus de trois pistes que j’apprécie moins que les autres et ça ne fait que monter crescendo dans la génialitude. Franchement, je crois qu’il sera très difficile de faire mieux que cette bande-son cette année tant il y a de morceaux mémorables.
En bref, je pense que vous l’aurez compris : je suis tombé follement amoureux d’Octopath Traveler ! Ses nombreuses histoires étaient fascinantes et incroyablement bien écrites, le système de combat est absolument prenant et j’ai énormément apprécié le fait que le jeu ne s’égare pas tant que ça en détours inutiles. Les seuls trucs que je regrette vraiment est le manque d’unité dans le groupe, car autrement on aurait pu avoir un de ces jeux à l’histoire sublimissime et la structure est un peu trop brute de décoffrage. Cependant, cela ne m’a pas empêché d’être absolument accro pendant les 55 heures qu’ont duré mon voyage et de quand même en vouloir plus (en plus d’un remake de Final Fantasy VI dans ce style).
Je conseille vivement ce jeu à tous les amateurs de JRPG qui veulent une histoire avec des thèmes intéressants et qui adorent le drama, tout comme aux joueurs qui aiment les systèmes de combat ultra customisables. Si vous pouvez faire abstraction de la structure un peu particulière, alors vous adorerez ce jeu. Avec Xenoblade Chronicles 2, il s’agit ici du meilleur RPG de la Nintendo Switch et je ne peux que trop vous recommander de vous pencher dessus. Et au grand pire, si jamais vous êtes encore un peu hésitants, sachez qu’une démo est disponible sur l’eShop de la console. Elle dure trois heures et même si elle ne peut pas vraiment vous donner un aperçu de la structure, je pense qu’elle peut vous donner une bonne impression de l’expérience complète.
Pour les recommandations alternatives, si vous cherchez un bon JRPG avec une histoire à l’ancienne qui rend hommage aux grands classiques et que vous avez une Nintendo 3DS, vous pouvez vous ruer sur Radiant Historia : Perfect Chronology, qui s’en rapproche pas mal en plus de lui aussi posséder une intrigue plus « humaine » que la plupart des autres JRPG en plus d’un cast de méchants délectables dans leurs atrocités. Et si vous n’avez qu’une Nintendo Switch, Xenoblade Chronicles 2 est une bonne pioche.
Quoi qu’il en soit, pour Octopath Traveler, pour moi ce jeu est…
Benjamin « Red » Beziat
Pas mal votre revue. Moi j’aime bien aussi.