Le milieu du jeu vidéo a une étrange tendance à porter son regard dans seulement deux directions : soit le futur avec des graphismes à couper le souffle et un gameplay pas trop risqué pour éviter de diviser son public, mais suffisamment innovant pour ne pas le lasser, ou bien dans un passé qui se limite principalement à l’ère NES/SNES, oubliant presque systématiquement l’ère Nintendo 64/Saturn/PS1/Dreamcast.
Et c’est pour ça que j’ai trouvé que Lapis X Labyrinth était une bouffée d’air frais. Ce n’est peut-être que moi, mais j’ai eu l’impression que le jeu était fortement inspiré par cette ère, avec son absence de tutoriels à rallonge (et même de tutoriels tout court) et une volonté de faire plier la console en mettant un maximum d’éléments à l’écran juste parce que les développeurs pouvaient le faire. En résulte un jeu débile, fun… Mais fatalement répétitif et un peu usant à la longue.
Joyaux et Dragos
Pour une raison qui m’échappe, j’ai la sensation que Lapis X Labyrinth misait sur sa surcomplexité pour dissimuler le fait que l’on fasse toujours la même chose et misait aussi sur l’idée qu’on serait suffisamment stupide pour mettre suffisamment d’heures pour comprendre les mécaniques du jeu et donc que l’on découvrirait le jeu au fur et à mesure. Dans un sens, si vous n’avez jamais fait de jeu Nippon Ichi Software, il y a moyen pour que vous soyez largué pendant les premières heures. les menus sont partout, les options nombreuses et les tutoriels tellement vagues qu’il vous faudra déchiffrer le tout vous-même si vous espérez vous en sortir.
En revanche, si vous êtes rôdés aux titres du studio, il est possible de tout comprendre en une trentaine de minute et rendre une expérience à priori équilibrée en une balade dans un joyeux parc tellement il est possible de se rendre surpuissant d’entrée de jeu.
Pour faire simple : vous incarnez un groupe d’aventuriers de classes diverses contrôlé comme un seul personnage et vous devez vous frayer un chemin dans des labyrinthes, à la recherche de cristaux permettant d’ouvrir le portail qui vous mènera à l’étage suivant/la salle du boss.
Vous commencez chaque mission systématiquement au niveau 1 et le but sera donc d’aller suffisamment vite dans l’exploration de chaque labyrinthe pour trouver aussi bien les cristaux que des monstres qui vous permettront de vite grimper en niveaux pour pouvoir tuer le(s) boss plus facilement, le tout sous la contrainte d’un compte à rebours qui, s’il atteint 0, fait apparaître un monstre immortel qui vous tue en un coup, résultant en la perte de tous les trésors trouvés dans le labyrinthe.
Et, concrètement, c’est tout ce que le jeu a à vous offrir. Si vous avez compris ça, bah vous ressentirez très vite le poids de la répétitivité vous écraser car chaque monde suit exactement la même structure et chaque niveau est identique en termes d’objectif. Aucune variation, aucun objectif secondaire, rien. Le but est juste d’aller d’un point A à un point B pour tuer le boss et aller au niveau suivant.
Mais cet état de fait est dissimulé par une couche absurde de « trucs », comme la jauge de « Fever », qui une fois remplie vous rend totalement invincible et permet de gagner une tonne de points et d’argent à chaque ennemi vaincu ou bloc détruit. Il y a aussi l’idée que vos personnages peuvent utiliser une super attaque en appuyant sur R, mais dont l’efficacité dépendra du moment où vous enclencherez l’attaque, car si vous utilisez vos personnages pour faire des sauts multiples juste avant et qu’ils ne sont pas encore revenus à vous, ils ne seront pas présents pour l’attaque. Lesdits personnages peuvent aussi tomber de votre pile en cas d’attaque lourde subie.
L’élément qui rajoute un gros élément de fausse complexité qui fait que l’on peut briser le jeu si on le comprend assez vite vient du système d’équipement : votre groupe dispose d’un nombre de points d’équipement limité et donc il faudra optimiser l’équipement de chaque personnage pour faire grimper efficacement votre attaque de base et votre nombre de PV. Plus ce nombre est élevé, plus vite vous partirez en mission avec un avantage et donc plus facilement vous pourrez décimer les ennemis/accumuler de l’expérience qui vous permettront de venir à bout du boss. Et si vous comprenez que vous pouvez faire monter la limite de l’équipement en passant par la boutique (en plus d’acheter des parchemins augmentant de manière drastique votre attaque de base, sans compter le dojo qui arrive quelques mondes plus tard), vous roulerez sur la compétition presque immédiatement !
Et c’est précisément ça qui fait que l’on oublie cette répétitivité : le jeu est tellement décérébré qu’il en devient fun ! Voir une tonne d’ennemis tomber durant une seule attaque, la tonne de bijoux à l’écran, le rush procuré par le mode Fever, mettre la console à genoux devant le nombre de sprites affichés à l’écran ou bien voir le boss mourir littéralement trois secondes après le début du combat est hyper satisfaisant et mettra quelques heures avant de commencer à être perçu comme répétitif. Couplez ça au côté frénétique de l’exploration et vous avez un jeu particulièrement plaisant à jouer.
Après, une fois que la période de lune de miel est terminée et que l’on commence à arriver aux mondes qui apportent enfin un peu de challenge, c’est là que le jeu montre ses limites et peut commencer à lasser. Le rythme est un peu plus lent et les rushs procurés par le mode Fever se font plus rares. Pour moi, ça m’a un peu déçu, mais je pense que si vous venez chez Nippon Ichi pour le challenge, alors vous devriez commencer à vous amuser à partir de ce point.
Là où le jeu ne déçoit clairement pas en revanche, c’est dans sa présentation (en dehors des menus un peu bordéliques) : le jeu est très beau ! Les sprites en 2D font un peu penser à du Vanillaware et les musiques sont très bonnes, notamment le thème du premier monde, qui est vraiment excellent !
En bref, Lapis X Labyrinth est aussi faussement complexe qu’il peut être fun. Les premières heures sont un mix entre de la confusion et de l’amusement décérébré qui méritent d’être essayées, mais la nature répétitive des missions et de sa structure font que j’aurais du mal à le recommander aussi facilement que je l’aurais souhaité. Avec un peu plus de variété et, ironiquement, moins de missions par monde, le jeu aurait facilement pu être considéré comme un de ces petits bijoux cachés pour lesquels j’aurais fondé une église et j’aurais prêché la parole.
Si vous jurez par les productions Nippon Ichi Software, il y a moyen pour que vous trouviez de quoi vous amuser. En revanche, si vous êtes un peu moins habitués à leurs productions, je serais un peu plus réticent à le recommander plein pot. Si vous le trouvez à un prix que vous jugez raisonnable pour une dose de fun décérébrée, mais fatalement répétitive, j’aurais envie de dire…
Benjamin « Red » Beziat