Vous connaissez très probablement l’expression « tellement mauvais que ça en devient bon ». C’est une expression très répandue dans les pays anglophones pour désigner des choses que l’on affectionne alors qu’objectivement il ne devrait rien y avoir à sauver.

Dans le cas du jeu Fairy Tail, cette expression s’appliquerait presque, à ceci près qu’il n’est pas mauvais à proprement parler. Ça ne veut pas dire qu’il vaut les 50/60€ demandés, très loin de là et je suis plus ou moins certain que mon verdict aurait été bien différent si j’avais investi autre chose que mon temps dans ce jeu, mais pour que vous compreniez mon étrange affection pour ce jeu, il me faut d’abord remettre les choses en contexte.

Les droits d’adaptation en jeu vidéo de Fairy Tail sont revenus à Koei Tecmo, qui a confié cette licence à son studio spécialisé dans les RPG : Gust. Gust est un studio qui est principalement connu pour la très longue série des Atelier. Le truc, c’est que malgré tous les efforts du studio pour pousser cette série au maximum, les ventes font que les coûts de développement soient couverts, mais ça va rarement au-delà. Atelier reste une série très niche et parce qu’elle ne se vend pas par palettes, Gust développe ses jeux avec un budget… Pas forcément optimal.

Dans le cas du jeu Fairy Tail, parce qu’il s’agit d’une série très populaire, j’imagine que Koei Tecmo a pu recueillir des fonds supplémentaires pour le développement, puisque le jeu est pas mal poli… Mais ça se sent que Gust avait là-encore un budget très, très restreint pour faire au mieux avec la tâche qui leur a été confiée. Les développeurs vous le diront mieux que moi : chaque jeu terminé, bon ou mauvais, est un petit miracle et c’est franchement un sacré miracle qu’une si petite équipe aie pu sortir un projet aussi ambitieux.

Et c’est en connaissance de ce contexte-là que j’ai pu apprécier le jeu pour ce qu’il est et pourquoi mes attentes n’étaient pas forcément si élevées que ça. Et c’est aussi par cette absence de contextualisation que je sens que ce jeu va se faire descendre par pas mal de gens.

Encore une fois, je ne vais pas dire qu’il s’agit du meilleur jeu au monde, ni que vous devriez foncer dans les magasins pour l’acheter à plein tarif, mais cette critique va être pour moi l’occasion de souligner les meilleurs aspects… Mais aussi parler d’un détail impardonnable.

La geste de Queue de Fée

Ce n’est pas dans mon habitude de parler de cet aspect-là en premier, mais il me faut parler de mon premier contact avec le jeu, qui s’est avéré très positif d’emblée.

Je me suis littéralement arrêté 5 minutes devant l’écran-titre du jeu. Dès les premières notes de la musique, j’ai su que s’ils avaient maîtrisé à la perfection un des aspects de la série, c’était bien sur la bande-son. La série animée Fairy Tail est légendaire pour ses musiques qui mélangent hard rock et musique celtique qui lui donnent un aspect pirate-core et le jeu a bien retenu que l’on serait beaucoup à l’attendre sur ce point. Et même si les musiques du jeu sont un poil en deçà de celles de l’anime, ça n’en reste pas moins du très très bon pirate-core !

Puis une fois proprement lancé, le jeu commence sur un choix très curieux : il nous balance directement le boss final de l’arc de l’île de Tenrô, soit un arc qui apparaît à la moitié du manga, puis ne prend même pas la peine de nous offrir un quelconque contexte. Ça embraye directement sur l’attaque du dragon Acnologia, puis l’arrivée des membres de la guilde 7 ans dans le futur, à un moment où tout le monde les considérait comme terminés.

Ça peut sembler curieux de commencer directement par la moitié du manga, mais, encore une fois, quand on connaît le contexte du développement du jeu, ça devient tout de suite logique : Gust n’avait les moyens de n’adapter qu’une poignée d’arcs narratifs et donc quitte à devoir choisir, ils ont choisi celui où la guilde Fairy Tail revient plus ou moins au niveau 1 et qui est suivi par deux des arcs les plus hype de la série : celui des Grands Jeux Inter-Magiques et celui de Tartaros qui se conclut avec la possibilité de faire un second jeu encore plus fou si jamais celui-ci a assez de succès.

Personnellement, je dois avouer que je n’ai suivi la série que de très loin et ne regardais que des épisodes au pif quand ils passaient à la télé, donc en tant que néophyte je peux dire que vous pouvez passer votre chemin si vous ne savez absolument rien de la série tant ça balance une TONNE de noms sans les expliquer. Il y a certes un dictionnaire dans les options qui est plutôt bien fourni, mais vous pouvez imaginer que c’est pas le truc le plus utile à sortir en pleine cutscene. De mon côté, ça allait plus ou moins puisque je connaissais la plupart des personnages principaux, mais je pouvais facilement sentir qu’il manquait beaucoup de nuances volontairement sacrifiées par manque de budget.

Et ce manque de budget se ressent très fortement via les très nombreuses coupes opérées sur pas mal de plans. Entre les personnages secondaires qui n’ont pas du tout été modélisés et sont donc invisibles, ceux dont les acteurs n’ont pas pu se rendre en salle d’enregistrement et qui sont muet au beau milieu de scènes où les autres ont une voix ou bien des pans entiers de scénario qui sont résumés via des séances diapo où Lucy nous dit ce qu’il s’est passé, y compris certains combats contre ce qui auraient pu être des boss, on sent que Gust a dû constamment jouer les équilibristes pour savoir quoi laisser tomber et quoi garder pour ne pas dépasser le budget qui leur était alloué. Pour le coup, ça se sent que ça s’est joué au yen près et que même si le jeu a été repoussé deux fois pour un délai total de quatre mois, ils ne pouvaient se permettre de faire plus.

D’ailleurs, pour ceux qui se posent la question de pourquoi l’intérieur de la boîte du jeu représente les persos féminins en maillot de bain, la réponse est aussi simple que peu surprenante : Koei Tecmo, la boîte responsable pour la série des Dead or Alive et Dead or Alive Xtreme et connu pour ses très nombreux DLC olé olé a mis en place un sondage pour savoir quelle illustration figurerait à l’intérieur de la boîte. Il y avait deux choix plutôt innocents et cool et une option plus sexy. Vu la fan base de la compagnie, devinez qui a gagné…

Et pour la question que tous les fans de Fairy Tail se posent : quel est le ratio histoire vs boobs du jeu ? Étonnamment, si on ne compte pas les costumes optionnels ou en DLC, il n’y a eu que trois moments gênants, avec notamment un où le corps d’Erza quasi-dénudé est très fortement mis en avant avec des plans interminables sur sa poitrine et son derrière au point que ça en devenait exaspérant… Et un subplot concernant Wendy, une des membres de l’équipe qui a l’apparence d’une fillette de 10/12 ans et dont le subplot consiste en elle complexant sur la taille de ses seins et de son envie d’en avoir des plus gros eeeeet… je sens que si je finis cette phrase le FBI va venir frapper à ma porte dans deux minutes…

Bon après, vous me direz que ce genre de scènes problématiques apparaissait déjà dans le manga Fairy Tail et encore plus la série et que ce manque de subtilité n’est pas exclusif à cette série… Et même si la nudité n’est pas foncièrement un problème si ce n’est qu’à but esthétique et non simplement pour le « fan service », plus je vieillis et plus ça devient gênant de voir des personnages très souvent mineurs être sexualisés d’une manière ou d’une autre…

Quoi qu’il en soit, ces moments gênants se comptent heureusement sur les doigts d’une main et ne durent qu’une poignée de minutes sur la vingtaine d’heures que j’ai passé à jouer, donc je peux facilement passer outre et me focaliser sur un des aspects les plus plaisants du jeu : ses combats.

Le système de combat de Fairy Tail est non seulement très sympa et tout le temps accompagné d’excellentes musiques, mais en plus il s’inspire d’un des meilleurs JRPG de la Nintendo DS : Radiant Historia (et d’ailleurs, j’avais oublié de faire ce rapprochement entre ce jeu et Paper Mario The Origami King dans ma critique parce que les deux sont aussi étrangement liés, woops).

Grosso modo, les ennemis sont placés sur une grille de trois cases sur trois et il convient à vos personnages d’utiliser des attaques qui touchent un maximum d’adversaires. La principale différence avec Radiant Historia, c’est que vos attaquent peuvent dépasser le cadre des cases ennemies et le système de combat n’accorde pas autant d’importance sur le déplacement des ennemis sur les cases pour faire un maximum de dégâts… Enfin, on sent qu’il y avait eu cette idée, mais qu’elle n’a finalement pas été plus développée que ça.

Ce qui a été en revanche développé à fond et qui est très agréablement surprenant, c’est le fait que les attaques magiques sont au cœur du système de jeu. Alors certes, il y a des attaques physiques, mais elles sont tellement peu puissantes que ça équivaut à frapper votre adversaire avec une délicieuse saucisse Bifi.

En progressant dans le jeu, le sytème gagne en intensité avec deux mécaniques très intéressantes : la jauge Fairy et l’Éveil. Le premier est plus ou moins une jauge de Super de groupe que vous faites grimper en attaquant et une fois celle-ci remplie, vous pouvez faire une attaque de groupe extrêmement puissante avec la possibilité de faire de plus en plus d’attaque si jamais les membres de votre groupe s’entendent bien.

L’Éveil, quant à lui, est une jauge que chaque personnage a et qui se remplit quand vous vous mangez des attaques. Et cette jauge sert dans trois situations. Si elle est en partie remplie, vous pouvez l’utiliser pour faire des attaques supplémentaires avec d’autres personnages et qui ne consomment aucun point de magie. Et si elle est totalement remplie, soit vous pouvez l’utiliser pour gagner en puissance et récupérer des PV et des points de magie, soit la conserver pour l’utiliser lorsqu’un adversaire vous attaque pour annuler purement et simplement son attaque et lancer votre tour juste derrière. Cette dernière mécanique en particulier est hyper utile pendant les combats de boss, puisque si vous jouez bien vos cartes, en dehors des attaques visant le groupe, le boss sera incapable de vous attaquer et vous pourrez enchaîner des tours gratuits.

Tout repose sur vos attaques magiques et la gestion de vos points de magie. Il est possible d’en augmenter le nombre ainsi que la puissance d’attaque via des cristaux que vous récupérez au fil de l’aventure et, chose intéressante, n’importe qui peut équiper n’importe quel cristal et il s’agira du seul type d’équipement que vous pourrez avoir sur vous. Et histoire d’équilibrer un peu le jeu, il est impossible d’équiper deux cristaux du même type, peu importe leur niveau de puissance. Vous ne pourrez pas avoir un Natsu avec plus de 200 points d’attaque supplémentaire ou bien une Lucy avec 4000 points de vie en bonus, ça serait déséquilibré.

Enfin… Le jeu se déséquilibre tout seul arrivé au dernier tiers du jeu, car même si en Normal il était déjà très facile en faisant quelques quêtes annexes pendant une heure, arrivé au dernier tiers, vous débloquez le système de Link Battle, où selon le niveau de votre guilde, vous pourrez invoquer quasiment tous les monstres de la zone d’un coup pour un immense combat. Le twist, c’est que plus vous invoquerez de monstres, plus leur niveau sera élevé, et par exemple là où les monstres de la zone sont individuellement au niveau 35, si vous en invoquez 50 en même temps, ils seront tous niveau 66, voire 70 ! J’ai appris ça à mes dépends avec un Game Over, mais une fois bien préparé et après une bataille difficile, j’ai réussi à les battre sur le fil et gagner trois niveaux d’un coup ! Vous imaginez bien la suite : je me suis soigné en rentrant à la guilde, suis revenu et pendant une heure j’ai fait que des Link Battle, au point que je suis passé du niveau 42 à 59 et ai roulé sur le reste du jeu en défonçant parfois les boss en un seul tour dans un rire puissant et maléfique.

Bref, le système de combat est très fun et versatile et je l’ai trouvé plus que fun !

En dehors des combats, vous pouvez explorer les différentes zones pour récolter des matériaux qui vous serviront à accomplir des quêtes ou bien les échanger contre des upgrades diverses et variées et vous pouvez aller à la guilde pour aussi bien accepter des quêtes soit scénarisées, soit de chasse, ou bien vous occuper de rénover les locaux pour obtenir des avantages allant de faire augmenter votre nombre de PV à augmenter le nombre de monstres que vous pouvez affronter en Link Battle. Il est aussi possible d’accepter des quêtes spécifiques à certains personnages soit pour les recruter si ce n’est pas déjà fait ou bien augmenter le nombre de capacités spéciales qu’ils peuvent avoir, sachant que les débloquer vous permettra d’obtenir de sacrés avantages en combat. Mention spéciale à Lucy et sa erm… « Pose sexy » qui se déclenche de manière aléatoire et qui permet de gagner un tour supplémentaire dès le début du combat et donc d’enchaîner jusqu’à 10 attaques sans que l’ennemi ne puisse faire quoi que ce soit.

Côté présentation, j’ai déjà parlé de ses excellentes musiques, mais Fairy Tail tourne plutôt bien sur Switch. Le framerate prend un peu cher dans certains environnements extérieurs sans non plus atteindre le niveau de Deadly Premonition 2 pré-patch et les textures des décors bavouillent un peu, mais là-encore je sors la carte du budget de Gust pour me dire qu’en vrai c’est quand même pas mal qu’ils aient pu sortir un jeu qui reste beau pour la console. En plus les temps de chargement sont assez courts, ce qui est un plus appréciable, même si concrètement je pense vous recommander plutôt la version PS4 ou PC si vous avez la possibilité de choisir.

Enfin, et même si je n’aime pas vraiment finir sur une mauvaise note, il me faut parler de la traduction française du jeu, parce qu’elle est risible. Vous vous demandiez pourquoi la plupart des JRPG ne sortent qu’en anglais ? Eh bien c’est souvent pour une question de budget et de temps. Là, avec Fairy Tail, ça se sent que Gust ou Koei Tecmo n’a eu aucun des deux et je plains sincèrement le traducteur qui a probablement consacré ses journées et ses nuits à traduire le jeu en urgence. Il y a des fautes d’orthographe et de grammaire absolument partout, une TONNE de non-sens et aussi et surtout des erreurs tellement grosses que l’on ne peut qu’en rire. Grey qui se fait parfois appeler « gris » comme la couleur, ou bien Sting qui est renommé « Aiguille » le temps d’une ligne m’avait fait sourire, mais j’ai explosé de rire quand je suis tombé sur un PNJ qui a appelé la guilde Fairy Tail « queue de fée » alors qu’en temps normal il dit Fairy Tail !

Correction : la traduction française du jeu a été patchée peu après l’écriture de cette critique ! Je ne saurais dire si ça a permis d’éradiquer toutes les fautes, mais ça devrait avoir considérablement amélioré le confort de lecture. En tout cas je garderai toujours le souvenir de cette traduction pré-patch dans mon coeur comme d’une expérience extrêmement drôle !

Et au final, je crois que c’est ce genre de maladresse qui fait que j’ai éprouvé une sorte d’affection pour le jeu. On sent que l’échelle et l’ambition du projet se sont durement heurtés au mur du budget et du temps au point de s’y péter les dents. On sent que c’est un jeu qui a été fait par des gens qui aimaient la série et qui ont voulu lui rendre honneur au maximum.

Mais hélas, la réalité est ce qu’elle est et on se retrouve avec un jeu qui n’est pas excellent, qui risque de rendre certains fans un peu tristes et qui ne restera pas vraiment dans les mémoires.

Ceci étant dit, c’est aussi un jeu qui m’a aidé à comprendre la hype derrière la série et qui fait que j’ai bien envie de la lire, donc au moins c’est toujours ça de pris.

Dans tous les cas, est-ce que je recommande ce jeu ? Non. Surtout pas à 50/60€ ! Pour le même prix, vous avez un JRPG sorti récemment qui s’appelle Paper Mario The Origami King qui dure exactement le même temps, qui n’a fait aucune concessions pour pouvoir sortir et qui est excellent.

Mais si vous êtes un fan de Fairy Tail, je pourrais recommander le jeu à petit prix qu’à la seule condition que vous ayez bien compris ce dans quoi vous vous embarquez. Ménagez vos attentes et vous y passerez probablement un bon moment… Mais dans tous les cas, ça reste un bon gros « pourquoi pas » !