Note : code presse fourni par l’éditeur.

Lorsque Dragon Quest Builders avait été annoncé il y a quelques années sur PS4 et PS Vita, les gens se sont tout de suite dit que papy Square Enix avait pété un boulon et avait décidé de copier les jeunes jeux d’exploration-crafting pour se donner un air cool. Bien évidemment, cela n’était qu’à moitié vrai, car il fallait prendre ne compte le fait que l’on avait le droit à un Dragon Quest. Et tous ceux qui ont joué à un Dragon Quest sauront que cette série cache très bien son jeu. Car derrière son apparence mignonne, il y a la maîtrise de conteurs qui savent très bien ce qu’ils font et qui n’hésiteront pas à taper là où ça fait mal. En jouant à Dragon Quest Builders, il m’est venue une comparaison un peu étrange et qui vous paraîtra probablement complètement folle, mais j’ai parfois eu l’impression de jouer à une version « kid friendly » de NieR.

Oui, c’était très bizarre, mais laissez-moi tenter d’expliquer ce raisonnement.

DragoN QuesT : Buildata

L’histoire de Dragon Quest Builders est somme toute classique : un méchant démon surpuissant a réussi à conquérir le monde et, au lieu de purement et simplement éradiquer l’humanité, a décidé de la priver de son esprit créatif et de sa capacité de construire des choses. On incarne un jeune garçon un peu benêt se réveillant au beau milieu d’un tombeau et qui reçoit l’ordre de la Déesse de reconstruire le monde et poser les bases qui permettront à l’Élu de terrasser le méchant démon et ainsi libérer l’humanité de sa malédiction. Car oui, vous êtes certes le héros de l’histoire, mais non le Héros de ce monde.

Le mode histoire est séparé en quatre chapitres, chacun correspondant à un des continents du monde d’Alefgard (qui s’avère être le monde du tout premier Dragon Quest, justifiant ainsi l’esthétique en blocs de ce jeu) et chaque chapitre raconte sa propre petite histoire avec un ton qui leur sera propre. Ainsi, si le premier chapitre est ultra classique et mignon, le second comporte son lot de surprises assez choquantes et le troisième vous promettra un moment de pure cruauté, le tout présenté dans la plus grande simplicité. Comme d’habitude avec Dragon Quest, l’apparence mignonne et naïve dissimule une couche de noirceur assez surprenante ainsi qu’un joli petit commentaire sur la condition de l’homme et de ce que c’est que d’être humain. Bon, après, ne vous attendez pas non plus à une mise en scène de dingue, puisque tout sera toujours raconté via des scènes de dialogue statique et n’aborderont presque systématiquement qu’un passé qui nous est inaccessible. Dans tous les cas, ça reste diablement efficace et essayer d’en savoir plus sur les différentes histoires de chaque personnage était ma principale motivation pour investir autant d’heure dans un jeu qui se situe dans un genre qui ne m’intéresse d’habitude pas des masses.

CraftQuest

Dragon Quest Builders Switch

Comme vous vous en doutez, Dragon Quest Builders est un jeu de management de ressources. Vous explorez le monde à la recherche de matériaux qui vous permettront d’accomplir les différentes missions que l’on vous propose et vous pourrez construire de nombreuses choses, allant des bâtiments aux armes en passant par la nourriture pour remplir une jauge de faim assez énervante. Vous arrivez dans un lieu inconnu, commencez à construire une base, répondez aux besoins de gens qui arrivent au fur et à mesure, défendez votre camp d’attaques de monstres, puis accomplissez les différents objectifs jusqu’à arriver au combat de boss qui vous mènera à la conclusion du chapitre. À priori rien de bien surprenant et un principe qui aurait pu facilement ennuyer les moins adeptes pour une campagne qui demande quand même une trentaine d’heures pour être terminée, mais qui est rendu très intéressante par les variations proposées par les développeurs.

Car si le jeu est découpé en différents chapitres, ce n’est pas que pour le fun. Chaque chapitre repose sur un gimmick qui change légèrement la manière d’aborder les choses. Ainsi, si le premier chapitre est un tutoriel qui vous enseigne comment jouer de manière assez classique, le second vous proposera de partir à la rescousse de personnes en difficulté, le troisième vous mettra aux commandes d’une petite armée qui pourra vous aider durant les phases d’exploration et le dernier chapitre vous propose une sorte d’évaluation finale en vous faisant commencer de zéro face à des ennemis bien plus puissants de base et vous vous débrouillerez pour trouver le moyen de vous débarrasser du grand méchant.

Ça n’a l’air de rien, mais ces petits changements de situations offrent suffisamment de changements pour permettre au plaisir de jeu de ne jamais trop tomber à plat. De plus, et c’est une décision à la fois intelligente et frustrante pour moi : chaque chapitre est indépendant. Vous en commencez un nouveau, vous vous retrouverez à nouveau sans les objets que vous aviez, ni toutes les recettes et plans, remplacés par de toutes nouvelles options. Alors même si j’étais frustré de perdre toutes mes bombes à la fin du chapitre 1, le jeu compensait en me filant un petit train dans le second… Et des canons dans le troisième, transformant ainsi le mignon petit jeu de craft en concours de celui qui fera le plus gros cratère en rigolant comme un cinglé le plus fort. D’ailleurs, petit conseil : dès que vous mettrez la main sur un canon, allez dans les mines. Vous verrez à quel point c’est jouissif de déterrer des dizaines de minéraux en une seule détonation ♪

Cependant, même si le processus de construire une base et la voir évoluer et est très fun et l’exploration de contrées qui se renouvellent presque constamment rend le fait de chercher des matériaux moins rébarbatif, le jeu possède un défaut qui rend l’ensemble moins agréable : la maniabilité.

Notre héros se déplace plutôt bien, il n’y a pas de soucis là dessus. En revanche, quand il s’agit de construire des choses, ça peut parfois tourner à la prise de tête. Pour des soucis pratiques et de fluidité, il est possible d’aligner des blocs et même d’en entasser deux l’un sur l’autre en quelques secondes. Sur le papier, c’est génial, mais dans les faits, quand on veut construire une ligne d’un bloc, on ne peut que les poser un par un. Couplez ça au fait que le curseur s’aligne sur huit directions, déterminées par le positionnement du héros et que le curseur aime étrangement beaucoup plus les diagonales que les lignes droites et vous poserez beaucoup trop souvent des blocs à côté de l’endroit désiré. Bon, heureusement, une fois que l’on y est habitué, on ne fait ce genre d’erreur qu’une ou deux fois par heure, mais ça reste un coup à prendre.

Dragon Quest Builders

Enfin, l’autre gros point noir du jeu vient des combats en eux-mêmes : l’allonge de notre héros est beaucoup trop petite et la hitbox des ennemis parfois beaucoup trop proche de leur modèle. En gros, pour réussir à frapper votre adversaire, il faudra presque le coller, au risque de s’en prendre une. De fait, il arrivera bien trop souvent que l’on hurle de frustration puisque l’on était censé toucher l’ennemi, mais non, l’arbitre ne voulait pas valider. Cela arrive paradoxalement bien plus sur les plus gros monstres que pour les plus petits… Ne me demandez pas pourquoi, ni comment, mais les plus petits monstres sont plus faciles à toucher que ceux faisant plus de cinq fois notre taille ! Bien évidemment, avec un canon, le problème est bien plus vite réglé, puisque en plus de faire une tonne de dégâts, ils visent presque automatiquement l’adversaire si tant est que l’alignement soit bon.

Niveau présentation, c’est du tout bon : le jeu est sublime sur Switch et tourne parfaitement bien. Les couleurs ressortent très bien et le tout est plus que plaisant. L’esthétique cubique est parfaitement justifiée par le fait que l’on est dans le monde du premier Dragon Quest et les musiques sont celles que l’on a pu entendre déjà un peu partout. Après, sachez que lesdites musiques tournent en boucle et il y en a littéralement deux par chapitre si on ne compte pas la musique des duels contre les monstres et celle contre les boss. Personnellement, ça ne m’a jamais dérangé, mais je sais que ça risque d’en gonfler plus d’un.

Et pour ceux qui veulent construire en toute sérénité sans craindre d’attaque de monstres, il existe aussi un mode libre, qui permet de partager nos créations avec d’autres joueurs via le online. Cependant, il faut noter qu’il s’agit plus d’un « musée online » qu’autre chose, puisque vous ne pouvez pas dépasser une certaine taille et vous ne pourrez pas faire venir les autres joueurs pour faire des structures collaboratives (chose qui sera corrigée dans la suite, puisqu’un mode multi plus classique y a été annoncé). La version Switch possède aussi deux petits bonus rigolos exclusifs au mode libre, à savoir un smilodon que l’on peut monter (et qui fait un miaulement adorable) ainsi qu’une table de crafting en forme de cartouche Famicom du premier Dragon Quest qui permet de créer des sprites 8-bit que l’on pourra poser à l’horizontale ou à la verticale, ce qui est plutôt cool pour faire des images rigolotes.

Bref, Dragon Quest Builders n’est pas le jeu de l’année, ni le Minecraft-killer, mais se hisse sans soucis dans le haut du panier grâce à une histoire prenante et écrite d’une main de conteur, un renouvellement constant de ses mécaniques et de ses paysages dans le mode histoire ainsi qu’une véritable ambiance et âme qui fait que l’on enchaîne les heures de jeu sans s’en rendre compte. Si vous aimez les jeux de crafting, vous pouvez foncer les yeux fermés. Si vous aimez les expériences zen, ça peut le faire. Si vous aimez l’écriture des Dragon Quest, il n’y a pas à avoir peur. Et si vous avez envie d’un jeu qui bouffera vos après-midis pluvieux, vous pouvez tomber sur largement bien pire. Après, ça ne sera pas le jeu qui vous fera acheter une Switch, même si le fait de pouvoir se le trimballer n’importe où est un plus plus qu’agréable (après, la version PS Vita existe aussi et est une option tout aussi viable si vous en avez une).

Si ce n’était pour ses combats sans canon un poil nazes et un système de construction perfectible, il aurait pu tout démolir sur son passage et j’espère que la suite corrigera ces deux aspects (en plus d’ajouter l’exploration sous-marine, le co-op et le paravoile de The Legend of Zelda : Breath of The Wild, ce qui est toujours cool) pour devenir un jeu carré-ment indispensable.

Benjamin « Red » Beziat