Petite anecdote de boulot : j’avais déjà écrit ma critique de Bravely Default 2 au bout de 39h et d’un ragequit particulièrement violent, mais j’ai dû en réécrire une bonne partie parce que au bout de 46 heures de jeu… Je l’ai fini. Conquis. Vaincu. Terminé.

J’ai presque craqué et mis 10 minutes à m’en remettre après avoir vu le mot « Fin » sur l’écran. J’ai ressenti une étrange satisfaction d’avoir su conquérir un jeu qui m’a brisé aussi bien physiquement que mentalement.

La semaine qui a précédé la parution de cette critique, j’ai célébré les 10 ans de ma carrière et je peux dire sans aucune hésitation que Bravely Default 2 a été un des jeux les plus difficiles à traiter avec Persona 5 Royal tant ils m’ont fait vivre le pire aspect qui implique de devoir finir des jeux pour le boulot. Le plaisir de jouer a parfois laissé place à l’horreur de devoir se forcer à passer du temps sur quelque chose qui nous procure peu de plaisir, voire qui nous fait souffrir, mais au final, j’ai réussi à triompher et je crois qu’en 10 ans de carrière je n’ai pas ressenti une telle satisfaction. La satisfaction de finir un jeu très difficile, tout comme la satisfaction d’avoir fini un excellent jeu… Et bon aussi un peu la satisfaction de se dire que je n’aurai plus à subir certains de ses caprices.

Bravely Default 2 est un petit bijou qui se bride à cause d’un horrible problème de rythme. D’un petit détail qui fait que peu de joueurs vont découvrir ses incroyables secrets, ses petits tours de force et ses twists absolument géniaux qui m’ont fait rire tel un méchant d’anime qui reconnaît le génie de son adversaire.

Son grinding abusif fait que d’un jeu qui m’a duré 46h, je pourrais enlever facilement 15, voire 20 heures sans avoir l’impression d’avoir perdu quelque chose d’important. Au moins ces sessions de grinding forcées m’ont permis de rattraper mon retard sur Re:Zero et Moi Quand je me Réincarne en Slime, donc c’était tout bénef’ ?

Astérisk est là !

L’histoire de Bravely Default 2 est tellement classique que vous aurez deviné tout son déroulement plus ou moins dans la première heure (en gros les gentils héros de la lumière doivent empêcher à des méchants très méchants de conquérir le monde), mais ça ne l’empêche pas d’être hyper intéressante. Comme le dit le dicton qui s’applique à merveille à ce jeu : « Ce n’est pas la destination qui compte tant que le voyage pour y arriver » et dès que l’on commence à s’intéresser à ce voyage, on fait face à des personnages vraiment cool et des petits scénarios qui pourraient facilement être intégrés à des jeux avec un Pegi bien plus élevé si ça n’avait été pour sa retenue et son envie de ne pas montrer tous les détails les plus sordides.

Et sans juste parler de sa certaine violence implicite et quasi-explicite, Bravely Default 2 est absolument timbré. Je ne vais pas entrer dans les détails pour ne pas spoiler, mais le jeu se permet parfois des moments d’audace et de génie que l’on trouve que trop rarement ailleurs, même s’ils peuvent un peu tarder à arriver, au point que ça sera limite trop tard pour beaucoup de joueurs qui auront très certainement jeté l’éponge avant que ça ne devienne vraiment exceptionnel.

Car l’histoire n’est pas parfaite à cause de ce problème de grinding qui fait que certains chapitres qui auraient pu durer entre deux et trois heures dans un RPG avec un rythme de progression normal durent ici cinq, voire six heures et deux chapitres en particulier n’ont qu’une scène d’intro, puis sont uniquement un long donjon nécessitant deux, voire trois heures de grinding juste pour espérer battre le boss au bout, mais ce sentiment de vide peut être pas mal atténué grâce à la tonne de quêtes annexes disponibles.

Certaines de ces quêtes annexes aboutissent juste sur un objet plus unique que la norme là où d’autres ont carrément un mini-scénario qui approfondit les très nombreux personnages que l’on rencontre au fil de l’aventure. D’ailleurs je ne peux que trop vous recommander de faire ces quêtes puisqu’elles aboutissent très souvent sur des moments touchants qui font que je me suis beaucoup attaché à ce monde et ces personnages, au point que je voulais découvrir tous les secrets du jeu et j’ai accidentellement débloqué le moyen d’accéder à un boss caché parce que j’ai fureté aux bons endroits au bon moment.

Et encore une fois, il me faut revenir sur la difficulté de Bravely Default 2 : oui le jeu est très difficile, même en Facile, où quasi tous mes combats contre les boss se sont terminés sur le fil du rasoir (et notamment tous les boss des derniers chapitres qui étaient tellement ardus que je sentais mon cœur battre à chaque fois que je prenais une décision de peur que ça ne me retombe dessus). Cependant ce n’est clairement pas un truc que je retiendrai comme un point négatif, puisque le défi proposé reste juste. Chaque victoire contre les boss est méritée et il en découle un véritable sentiment de satisfaction, de ceux où l’on lève le poing au ciel en poussant un immense soupir de soulagement.

Mais encore une fois, c’est ce grinding obligatoire et fastidieux qui plombe l’expérience, puisqu’il n’est pas une option à considérer dans le cas d’un échec, mais une nécessité alors que l’acte en lui-même est d’un ennui colossal, même s’il est rendu plus supportable grâce à deux éléments spécifiques.

Sans la possibilité d’accélérer par 4 la vitesse des combats et sans les aliments qui permettent d’enchaîner jusqu’à 6 combats d’affilée et donc d’éviter d’avoir à entrer et sortir sur la carte pour chercher des proies à abattre en plus de gagner des bonus de points de compétence, je pense que j’aurais fini par purement et simplement abandonner le jeu arrivé au chapitre 5. Notez que sans ces options, vous pourriez facilement ajouter une heure de grinding en plus au compteur pour chaque session et je l’aurais vu comme une volonté d’insulter les joueurs et de ne pas respecter le temps que l’on peut consacrer à leurs jeux.

Étendre artificiellement la durée de vie d’un jeu par des artifices aussi vains, ce n’est pas donner l’illusion de rentabiliser l’argent que l’on a placé dans un jeu, c’est juste une perte de temps et nombre de RPG modernes ont compris ça soit en raccourcissant la durée de l’expérience pour mieux coller à la réalité du contenu qu’ils proposent, soit en diversifiant au mieux ce que le joueur fait de ces heures passées dans ces mondes virtuels.

Et c’est bien dommage que le jeu n’aie pas compris ça, puisqu’en soi le système de combat est non seulement exceptionnel, mais est en plus une véritable mine d’or qui ne fait que gagner en valeur au fil du temps que l’on passe dessus. Durant les premières heures, c’est assez simple : comme dans les deux précédents Bravely, on peut choisir soit d’investir directement nos tours futurs pour balancer plein d’attaques et de sorts à la suite au risque de laisser à l’adversaire la possibilité de se défouler sur nous, soit on peut se défendre pour économiser des tours et ainsi pouvoir balancer la sauce plus tard sans trop de pénalités. Certaines attaques spéciales consomment des points de magie, d’autres des tours supplémentaires ou bien carrément des points de vie et il faut juste jouer les équilibristes pour espérer triompher des boss.

D’ailleurs, certains boss du premier chapitre sont de vrais murs de difficulté que vous devrez surmonter et j’ai quand même du me manger deux Game Over avant de comprendre qu’y aller comme un bourrin en Facile ne serait clairement pas la solution et donc j’ai du apprendre à jouer correctement pour m’en sortir.

Et même si le système de combat est déjà très sympa au début, ce n’est finalement que vers le chapitre 3 ou 4 que l’on commence à se rendre compte de sa profondeur. Presque tous les boss vous refilent leur classe une fois vaincus et donc vous gagnerez de plus en plus d’options et de possibilités de combinaisons de classes pour maximiser au mieux les dégâts. Et c’est sans compter sur le fait qu’en gagnant en niveaux de classe, vous pouvez gagner des compétences que vous pourrez équiper peu importe que vous ayez conservé cette classe ou bien que vous en ayez changé.

Les possibilités de customisation sont presque infinies et j’ai très souvent ri aux éclats en découvrant certaines combinaisons qui me rendaient potentiellement invincible et pouvaient presque briser le jeu en deux si la difficulté globale n’était malgré tout pas aussi élevée.

Le seul vrai gros point négatif que j’aurais à balancer concernant le jeu mais qui lui pourrait être difficilement corrigé avec un patch vient des donjons, qui non seulement sont quasi tous inintéressants et pourraient être traversés en 3 minutes montre en main si ce n’était pour le boss au bout de chaque (sauf deux exceptions qui eux pourraient durer 15 minutes), mais en plus il n’y a pas de carte. Il y en a une pour la carte du monde, mais aucune pour les donjons, au point que j’ai légitimement eu une petite crise d’anxiété à cause d’un donjon qui était un peu trop labyrinthique et dont je ne voyais plus le bout. Quand je disais que le jeu m’avait brisé physiquement, c’était plus que littéral et deux de ces donjons ont été en grande partie responsables de ça.

Au niveau des choses à faire sur le côté, comme avec Final Fantasy XIII, le jeu ne commence vraiment à s’ouvrir que passée la vingtaine d’heures avec beaucoup plus de quêtes annexes intéressantes et scénarisées qu’au début, mais aussi et surtout l’introduction d’un mini-jeu qui aurait beaucoup trop facilement pu dévorer mon âme si j’avais voulu m’investir dedans. Le B & D est un peu la réponse de Bravely Default au Tetra Master de Final Fantasy IX ou du Triple Triad de Final Fantasy VIII et est un jeu de cartes auquel on peut jouer avec 30% des PNJ du jeu dès qu’on le désire et qui est grosso modo un mix entre le jeu de cartes et Othello. Le but consiste à avoir le plus de cases de sa couleur en posant des cartes sur le terrain, le twist étant que l’on peut aussi s’emparer des cases adverses en les prenant en sandwich. C’est assez simple, mais aussi très stratégique avec suffisamment de contenu pour nous tenir un bon nombre d’heures.

Une dernière mécanique un peu gadget, mais hyper utile : le bateau, qui remplace la fonctionnalité Streetpass des précédents épisodes. En lançant une expédition en bateau et en mettant la console en veille directement depuis le jeu, vos personnages partiront à la rencontre d’autres joueurs sur le net (ou bien non connecté, ça marche aussi) pendant des sessions pouvant durer jusqu’à douze heures maximum. En faisant ça, vous pourrez régulièrement gagner des objets pouvant augmenter les stats ou bien même des niveaux. Par exemple, je suis tombé sur un objet qui m’a permis de gagner 50 000 points d’expérience d’un coup, équivalent à gagner trois niveaux alors que j’étais niveau 63. C’est du grinding passif qui sera vraiment utile si vous pensez que le jeu va vous durer quelques mois !

Enfin côté présentation, beaucoup de gens ont été déçus par l’aspect chibi réaliste des personnages, mais personnellement je m’y suis fait assez rapidement. Couplé aux décors, il y a un petit côté diorama fait main qui n’est pas déplaisant et qui n’est pas sans rappeler Fantasian, le nouveau projet du créateur de Final Fantasy Hironobu Sakaguchi qui ne devrait plus tarder à sortir et qui lui utilise de vrais décors créés à la main et photographiés dans lesquels seront intégrés les personnages.

Les personnages de Bravely Default 2 ont beaucoup de charisme, notamment les boss et les monstres ne sont pas en reste même s’il y a aussi beaucoup de monstres réutilisés et dont la couleur change. Il y a un boss en particulier qui m’a beaucoup fait penser à un monstre de Final Fantasy X, ce qui m’a fait bien sourire.

Et côté musique, on est sur du 90% goty material grâce à Revo qui revient aux commandes. L’homme connu pour Linked Horizon et les génériques de l’Attaque des Titans est de retour et c’est absolument glorieux. Les thèmes de combats sont géniaux, avec une mention toute particulière pour le boss de fin et le premier thème de combats dont je ne me suis jamais lassé, la chanson du générique de fin possède un bon gros moment Sasageyo qui nous rend immédiatement pseudo patriotique et le reste des musiques s’en tire plus que bien… Même si je suis et serai toujours perplexe quant au fait d’avoir voulu adapter le thème d’exploration de la carte en fonction du royaume et qui était absolument parfait pour le royaume de départ avant de partir totalement en vrille sur les autres zones, au point que je devais couper le son pour ne pas me sentir mal. Enfin… Ce ne sont que deux très mauvaises pistes sur une bande-son qui est globalement monstrueusement bonne donc je ne vais pas trop m’en plaindre…

Au final, je pense que je l’aurai suffisamment répété : Bravely Default 2 est un excellent RPG rendu assez pénible à cause de son grinding excessif. En l’état, c’est comme un parc d’attraction qui contiendrait certaines des attractions les plus folles au monde qui serait situé au beau milieu d’une forêt pleine de ronces que l’on peinera à traverser et qui nous blessera plus d’une fois, au point de bien trop souvent nous donner envie d’abandonner et rebrousser chemin. Ce jeu est surtout destiné aux joueurs qui soit aiment le grinding, soit aiment passer du temps à regarder des séries en ayant les mains occupées à faire autre chose et tous les autres types de joueurs risquent de détester, voire haïr une bonne partie du voyage.

J’espère et je prie pour qu’un patch sorte rapidement pour réduire de manière significative le grinding, voire même que ce soit déjà corrigé avec un patch Day One qui ferait que j’ai juste eu le droit à une version bêta du jeu et qui rendrait donc toute cette critique quasiment caduque. J’ai beaucoup, beaucoup aimé certains moments vraiment osés et bons et j’ai fini le jeu avec un sentiment de fierté que j’ai rarement ressenti en 10 ans de carrière… Mais bon, si j’avais pu m’épargner ces 15 heures de rien, ça n’aurait pas été plus mal.

Et c’est pourquoi mon verdict est double et hypothétique. En l’état et sans patch de rééquilibrage, Bravely Default 2 est un bon gros Pourquoi Pas, parce que je sais que beaucoup d’entre vous risquent de détester les sessions de grinding obligatoires. Mais dès l’instant qu’un patch sortira en réduisant le grinding de 40% ou plus, Bravely Default 2 passera aisément dans la catégorie des Indispensables. Son univers est étrangement feel good et ses personnages sont beaucoup trop agréables à suivre qu’il faut que vous les rencontriez.

Comme quoi, c’est fou comment l’appréciation d’un jeu peut parfois dépendre d’un tout petit détail…

Benjamin « Red » Beziat