Note : Cette critique a été réalisée grâce à l’aide de Nintendo, qui nous a fourni un code pour essayer le jeu en avance. Le jeu a été bouclé en un poil moins de 33 heures avec une bonne partie de ce temps dédié au contenu annexe et le post-game n’a été exploré qu’une dizaine de minutes.

Accessoirement, et parce qu’un peu de contexte serait nécessaire, je suis plus que familier avec l’univers de Monster Hunter par proxi, une bonne partie de mon entourage et quelques amis ayant joué à une bonne partie des épisodes sortis ces dix dernières années. Personnellement, je n’ai jamais pu dépasser les tutoriels par flemme et c’est aussi une des raisons pour lesquelles j’attendais Monster Hunter Stories : pour pouvoir jouer à un épisode de la série qui soit plus taillé pour moi qui suis plus fan de RPG purs et durs que du genre hybride et incroyablement riche proposé par la série principale. Et j’ai un amiibo Monster Hunter Stories. Oui, cette info ne sert à rien, mais c’était juste pour dire que j’attendais pas mal cet épisode rien que basé sur le capital charisme du jeu.

Véritable bulldozer au Japon, la série des Monster Hunter est l’équivalent local de Call of Duty ou Fifa. Et avant que vous ne sortiez des fourches pour me planter sur la place publique pour avoir osé une telle comparaison, il faut que vous imaginiez que non seulement cette série annuelle créé des files d’attentes et des performances monstrueuses, mais elle rassemble les joueurs. Cependant, contrairement aux séries ci-dessus, Monster Hunter est un jeu possédant d’emblée un niveau de complexité dingue nécessitant plusieurs heures de difficile apprentissage avant de devenir un minimum fun. Un enfant peut facilement jouer à FIFA ou Call of Duty, mais n’aura peut-être pas la patience d’intégrer tous les systèmes de jeu. Et parce que Capcom aime bien expérimenter pour tenter de s’attirer des publics qui ne sont pas nécessairement acquis à leur cause et parce que Yo-kai Watch a été un immense succès, le studio a décidé de transformer sa série en quelque chose de bien plus simple à comprendre… Quitte à ce que ça ressemble un poil trop à Yo-Kai Watch sous certains aspects. Ils avaient déjà essayé avec Gaist Crusher (qui a mis à mal Treasure à cause du flop du jeu) et E.X. Troopers pour un public un peu plus âgé (qui n’était pas au rendez-vous et qui a définitivement coulé la licence Lost Planet), mais parce que l’on semble vivre dans un monde où l’originalité marche de moins en moins et où tout le monde veut la suite ou la déclinaison d’un truc déjà connu, Capcom a cédé à la pression et utilisé Monster Hunter. Dans un sens, ce choix est des plus judicieux et aurait pu être fait bien plus tôt, puisque, franchement, qui n’aime pas les gros monstres ? Mais que vaut le jeu au final ? Est-ce que ce jeu destiné à un jeune public peut être joué par un public plus âgé qui aimerait bien jouer à un Monster Hunter sans avoir à se taper 15 000 pages d’un Wiki imbuvable ? À ces trois questions, je répondrai : tout le monde aime les gros monstres, il est cool et… Eh ?

Navirou à Babord !

Monter Hunter Stories se base sur un principe assez particulier et même contradictoire par rapport aux règles de la série : caché au plus profond des terres vit un peuple reclus qui a pour faculté de pouvoir chevaucher les monstres, là où le reste du monde s’amuse à les chasser. On incarne un jeune apprenti-Rider et ses amis qui tombent sur un oeuf de dragon qui éclot et révèle une petite bestiole absolument adorable. Fous de joie, ils s’empressent de le ramener à leur village pour montrer la bête rare, uniquement pour voir l’endroit attaqué par un monstre qui semble infecté par un mystérieux fléau qui le rend beaucoup plus puissant et violent. Le bébé dragon parvient à repousser la bestiole, mais disparaît dans le processus tandis qu’un des trois jeunes enfants découvre que sa maison a été attaquée et que sa mère ne s’en est pas sorti. Quelques temps passent et notre héros devient enfin un Rider. L’enfant qui a perdu sa mère en est aussi devenu un et décide de partir en quête de vengeance pour « tous les tuer » (façon Eren Jaeger de l’Attaque des Titans, le côté super-pouvoirs en moins) et mettre un terme au fléau noir, qui semble peu à peu s’emparer du pays.

Le début de l’histoire est plutôt osé pour un titre destiné à un public assez jeune et je partais agréablement surpris, sauf que cette surprise s’est avérée de courte durée, car l’histoire a plus ou moins atteint un joli point mort pile après pendant une dizaine d’heures. Pas pour dire qu’il ne se passe rien, mais comme le titre du jeu le suggère, on va vivre un ensemble de Stories au pluriel. Des micro-histoires pas particulièrement élaborées, ni épiques, mais qui ont pour mérite de rendre l’univers dans lequel on évoluera plus crédible et travaillé. Ce ne sera qu’un peu plus tard donc que l’histoire principale reprendra et à partir de là, ça devient assez classique. Si vous avez plus de 14 ans et que vous avez vu suffisamment de séries japonaises typées Shônen, vous n’aurez absolument aucune surprise. L’histoire suit un schéma vu et revu avec un message sur le pouvoir de l’amitié que l’on connaît tous désormais (a.k.a « Sois gentil, pas méchant. C’est pas gentil d’être méchant.« ) et les personnages suivent une évolution tout aussi classique. C’est inoffensif et pas particulièrement désagréable, même si ma principale frustration vient des personnages, qui manquent pas mal de profondeur et de présence. En dehors de Navirou (la mascotte du jeu) qui est presque au centre de ce jeu, et Ren, qui vit assez mal la perte de sa mère, tous ont pour défaut de ne pas assez se mettre en avant. Ils ont tous ce qu’il faut pour devenir intéressant, mais aucun ne va vraiment se mettre en avant et outrepasser son rôle en dehors d’une quête annexe qui révèlera un petit quelque chose intéressant chez eux. Le duo de méchants en particulier possède une dynamique et un charme fou qui me rappelle les séries animées des années 90, mais on a pas de backstory à creuser ou bien une explication claire et précise de leur motivation… J’aime bien cet univers et j’aurais adoré adorer ces personnages, mais le jeu n’offre pas assez d’arguments pour déclencher en moi un réaction autre que « je les trouve cool/sympa/drôles ». Peut-être est-ce parce que je me suis fait un rerun de Fullmetal Alchemist récemment ou bien parce que je suis encore en train d’écrire mes histoires en parallèle, mais j’aurais aimé en voir plus tant cet univers est prenant et on sent l’amour des créateurs pour leur travail.

Un autre problème lié à l’écriture et c’est entièrement la faute à la série en elle-même vient de la nécessité de caser tous les monstres les plus emblématiques de la série, sans nécessairement savoir comment les introduire, tant et si bien qu’une immense partie d’entre eux n’aura le droit qu’à une cutscene sans dialogue pour arriver dans la place tout en ayant la classe. Je serais presque tenté de dire que Monster Hunter Stories est un boss-rush sous forme de RPG tant il ne se passe pas une demi-heure (hors cutscene et séance de leveling) sans un nouveau gros monstre pour nous poser un défi. J’ose à peine imaginer le casse-tête que ça a du représenter pour les scénaristes de devoir caser une cinquantaine de mini-boss dans un jeu sans le transformer en quelque chose de répétitif (ce qu’il finit par fatalement devenir d’un point de vue structure) et qui ne s’étirerait pas trop en longueur. En l’état, même si on perd un peu en mise en avant de chaque monstre de manière individuelle, au moins on le gagne en efficacité et un jeu qui peut se boucler en environ 25 heures minimum sans trop se lasser.

Hunter Rancher

Monster-Hunter-Stories

Monter Hunter Stories est un RPG tout ce qu’il y a de plus classique en terme de structure : traversée de vastes zones remplies de monstres à taper pour se faire des points d’expérience et des niveaux, des quêtes à foison (qui sont notre seule source de revenus) et comme tout bon Shin Megami Tensei : Devil Summoner-like (ou Pokémon-like), un de nos objectifs principaux sera de réussir à réunir et dresser la soixantaine de monstres adoptables. Cependant, contrairement à Pokémon/Yo-Kai Watch et consorts, le processus est plus basé sur le hasard. En effet, pour obtenir un monstre en particulier, il faut réussir à mettre la main sur son oeuf. Lesdits oeufs peuvent se trouver dans des tanières générées aléatoirement et qui recyclent les mêmes couloirs encore et encore. Une fois arrivé au nid, on peut prendre un oeuf, tout en espérant que celui-ci contienne le monstre de la région que l’on désire. Après, il faut savoir que chaque monstre pond un oeuf avec un motif spécifique à sa race, donc il est possible de diminuer la part de hasard si l’on possède une bonne mémoire visuelle (ce que je n’avais pas). Un autre moyen de contrôler le processus d’obtention de l’oeuf désiré revient à forcer le monstre que l’on veut à se retirer vers sa tanière par le biais d’un objet utilisé en combat ou bien notre chance (même si les chances pour qu’un monstre le fasse tout seul sont inférieures à 5%). Bref, si vous voulez un type de monstre en particulier, il va falloir vous accrocher un peu. Et si vous le voulez puissant, il est possible de le booster par le biais de potions diverses en plus de bidouiller leurs gênes en insérant les gênes d’autres monstres, moyennant leur sacrifice. Ça peut paraître compliqué, mais une fois plongé dans le bain, c’est assez simple à comprendre et ce n’est pas franchement nécessaire pour finir le jeu.

Car, RPG destiné à un jeu public oblige, Monster Hunter Stories n’est pas particulièrement difficile, mais propose un challenge décent. Le système de combat est plus ou moins l’équivalent de pierre-papier-ciseaux, avec une attaque en battant une autre, mais étant vulnérable au dernier type et la possibilité de grimper sur son monstre une fois la jauge d’amitié pleine pour devenir plus puissant et possiblement lâcher une attaque dévastatrice si on ne se fait pas désarçonner avant. Sachant que les monstres les plus faibles n’utilisent qu’un type d’attaque sur les trois en plus de certaines capacités spéciales et en dehors de très rares cas, les autres n’en utilisent que deux spécifiques, le système de combat repose plus sur la mémorisation et l’observation que la chance. De temps en temps, les adversaires initieront des séquences de duel où il faudra marteler un bouton en particulier et l’on obtient un système de combat à la fois simple, riche et nous impliquant qui n’ennuie vraiment que lors des séances de grind, qui heureusement ne sont pas trop nombreuses si on fait des quêtes annexes régulièrement.

Mais là où le jeu devient particulièrement admirable, c’est dans son adaptation plus que fidèle des mécaniques de base de la série principale. Il s’agit véritablement d’un Monster Hunter sous forme de RPG et non un RPG lambda reprenant vaguement l’univers d’origine. Le principe de Monster Hunter, c’est de récolter des matériaux pour créer des armes, armures et objets pour nous permettre de vaincre des monstres de plus en plus gros et puissants. Et avec Monster Hunter Stories, c’est exactement la même chose. Une tonne de matériaux à récolter se retrouve partout par terre et c’est à nous de les ramasser pour pouvoir accomplir des quêtes de récolte ou bien créer des objets de soin et autres. Tuer des monstres sert à récolter des matériaux spécifiques qui permettent de renforcer notre équipement, voire en créer des meilleurs. Si vous pensez pouvoir finir le jeu sans passer par cette étape… Il vous faudra passer pas mal de temps à grinder pour de l’expérience, car les stats de base de votre personnage sont assez basses et n’augmenteront pas plus grâce aux niveaux. Bien évidemment, ce côté « ramassons tout ce qui traîne sur le sol » peut être vu comme un avantage et un inconvénient, car on ne peut pas faire trois pas sans se sentir obligé de se décaler de trois mètres pour aller ramasser tel bidule. Personnellement, ça ne m’a pas tant gêné car leur utilisation ne se limite presque qu’à de la confection simplifiée d’objets, qui ici sont réunis par familles (là où dans la série principale, on nous demande des objets spécifiques).

Rathian Junior

https://www.youtube.com/watch?v=zF3GSRVfnmk

 Comme dit plus haut, c’est vraiment le sens du détail et l’amour des développeurs pour leur univers qui m’a fait accrocher au jeu. Le nombre de zones est assez restreint et les zones en elles-mêmes sont assez « petites », mais elles n’en restent pas moins bourrées de petits secrets qui font que l’on prendra pas mal de plaisir à explorer. Sans compter sur les Poogies à retrouver. Au nombre de 100, ils sont planqués un peu partout dans le monde et débloquent des récompenses, comme des tenues supplémentaires ou des bonus temporaires. Idem pour la Monstropédie, une sorte de Pokédex qui nous récompense à chaque type de monstre battu et élevé. Le remplir nécessitera d’explorer minutieusement chaque zone et atteindre le post-game et même si je ne sais pas s’il y a une plus grande récompense à la clé, l’idée d’avoir un bonus régulièrement poussera très certainement pas mal de joueurs à vouloir terminer le jeu à 100%… Même si pour ça je leur souhaite bon courage, parce que si mon expérience par proxi de Monster Hunter me dit quelque chose, c’est bien que le post-game offrira un challenge plus que relevé. Et c’est sans compter sur les quêtes et costumes bonus en DLC gratuits à venir, qui rallongeront une durée de vie déjà plus que correcte ! Si vous avez le temps, m’est avis que ce jeu sera bien vite rentabilisé.

Enfin, pour conclure cette partie sur la présentation, il me faut parler de la présentation. D’un point de vue graphique, le jeu est sublime : les modèles de personnages sont colorés et expressifs, tout comme les décors. L’animation des cutscenes importantes est d’ailleurs particulièrement plaisante (sauf celles les plus coûteuses utilisant des images de synthèses réalistes, qui ne collent absolument pas avec le style cartoon du jeu et rendent Navirou horrifiant), au point que j’en viens à me demander pourquoi les techniques d’animation et de cell-shading utilisées par ce jeu ne sont pas tout bonnement reprises par les séries animées actuelles. En revanche, on sent que tous ces effets mettent à mal la Nintendo 3DS (le jeu a été testé sur une New Nintendo 3DS), qui peine à afficher pleinement ses personnages avant que l’on arrive suffisamment proche d’eux et qui affiche carrément leur squelette si on se tien ni trop loin, ni trop près, créant un sentiment assez étrange et effrayant. Le jeu rame aussi pas mal dans les grands espaces et les villes les plus détaillées, au point que je me dis qu’un portage sur Nintendo Switch ou une suite dessus enlèverait pas mal de poids sur la vielle console.

Les doublages sont aussi très sympas, car les acteurs parlent dans une langue fictive, ce qui a probablement réduit les coûts de localisation, et ne manquent pas d’être expressifs. D’ailleurs, en parlant de localisation, même si la traduction française est plutôt sympa, je n’ai pu m’empêcher de repérer quelques erreurs de grammaire et d’accords ici et là. Rien de condamnable, mais on sent que le processus a été long et les nuits courtes. Et pour ce qui est de la partie musicale, le thème principal entre en tête beaucoup trop facilement et le premier thème des combats est diablement prenant. Le reste de la bande-son nécessiterait probablement plusieurs écoutes en plus, car rien ne ressort totalement. C’est loin d’être mauvais, mais c’est juste pas assez mémorable.

Au final, Monster Hunter Stories est un très bon RPG pour la Nintendo 3DS. Son histoire, bien que longue à mettre en place et clichée n’est pas désagréable et le gameplay est suffisamment dynamique et fun pour tenir sur la longue durée de vie du titre. De plus, la tonne de contenu annexe garantit que vous en aurez pour le prix que vous mettrez dans le jeu. Après, si je dois le conseiller à un public en particulier, ce serait vraiment plus les enfants de plus de 7 ans et les pré-adolescents, car même si le titre propose un bon petit challenge sur la seconde moitié et le post-game, le ton et l’ambiance le destinent plus à ce public-là, que Capcom respecte énormément par le biais d’un jeu qui est loin de les prendre pour des buses. Les fans de Monster Hunter aussi devraient apprécier, car on y retrouve pas mal d’éléments qui font le charme de la série et beaucoup de clin d’oeils amusants et les amateurs de RPG auront également le droit à un système de jeu qui devrait satisfaire leur soif de chiffres à faire monter. Pour les joueurs adultes, le jeu sera moins intéressant, car un peu trop inoffensif. Après, si vous avez encore votre âme d’enfant et que vous voulez chevaucher des dragons en compagnie de personnages hauts en couleur, il y a moyen pour que vous passiez un très bon moment.

Si une suite il y a avec des personnages plus approfondis, encore plus de Felynnes adorables et sur une console qui supporte un peu mieux un moteur un poil trop gourmand, je ne pourrai que dire oui !

Benjamin « Red » Beziat