En théorie, un critique de jeu vidéo ne devrait pas avoir d’à priori en lançant un nouveau jeu. Mais dans la pratique, il est rare de ne pas en avoir, ou d’avoir au moins des attentes. Après tout, nous sommes nous aussi humains. Mais le truc, c’est que ces appréhensions peuvent tout aussi bien avoir un effet positif que négatif : après tout, si l’on commence un jeu en ayant pour idée que ça va être bien, on a beaucoup plus de chances d’être déçu. L’inverse vaut aussi, car si on part avec des à priori négatifs, alors on a toutes les chances d’être agréablement surpris… Case in point : je partais sur des à priori très négatifs sur ce Hey! Pikmin. Pourquoi ? Un mot : Arzest.
Pour ceux qui ne connaissent pas ce studio, je peux leur dire qu’ils sont chanceux, car ce sont eux qui ont été responsables du très moyen Yoshi’s Island DS et de cette abomination qu’était Yoshi’s New Island, qui avait craché sur un des meilleurs platformers de tous les temps avant d’organiser ses funérailles avec un kazoo dans le bec (sans vouloir t’offenser, Tsuko). Bref, lorsque j’ai appris que ce studio était en charge d’une réinvention 2D de la série Pikmin, je dois avouer que j’avais déjà pour idée de partir en croisade contre le jeu… Au final, il n’en sera rien, puisque dès le premier niveau, mes à priori ont totalement disparu et j’ai pas mal apprécié cette façon de faire de l’inédit avec une série dont les codes semblaient depuis longtemps gravées dans le marbre.
Olimar et Compagnie
On va passer vite fait sur le scénario timbre post : le Capitaine Olimar s’est encore écrasé sur une planète inconnue et pour rentrer chez lui il devra réunir une grosse quantité de lumium. Point. Pas de surprise, ni de plot twist, et encore moins de journaux du capitaine qui montraient ce qu’il ressentait au jour le jour, mais, à la place, nous avons des petites scènes cinématique mettant en scène les Pikmin à plusieurs reprises dans chaque niveau. Visiblement inspirés par les court-métrages sortis il y a quelques années, ces petites scènes presque muettes nous montrent les Pikmin se faire des farces ou être pris au dépourvu par le monde et les monstres aux alentours. Et tout comme les Minions de Moi, Moche et Méchant, ils sont utilisés tellement souvent avec un style d’humour tellement similaire que je dois avouer que mon amusement initial s’est progressivement transformé en agacement, car ces scènes durent généralement une vingtaine de secondes et cassent totalement le rythme des niveaux. Imaginez qu’il y a une quarantaine de niveaux et qu’en moyenne chacun de ces niveaux possède deux scènes de ce genre, donc presque 80 gags visuels du même style. Peut-être que ça ne cessera pas d’amuser le plus jeune public sur la durée, mais pour les joueurs qui veulent jouer et zapper ces scènes, ça peut vite devenir frustrant.
Car cette frustration est aussi liée au fait que les niveaux sont vraiment excellents et qu’on ne souhaiterait pas qu’ils soient interrompus de la sorte. Le principe du jeu est simple : aller du point A au point B en résolvant quelques énigmes à l’aide des Pikmin que l’on récupère en chemin, en amassant un maximum de lumium et en tentant de récolter des trésors cachés ici et là. Comme dans les autres épisodes de la série, chaque type de Pikmin a sa particularité : le rouge est insensible au feu, le jeune peut être propulsé plus loin et peut conduire l’électricité, le bleu peut respirer sous l’eau, le gris est un caillou vivant pouvant pulvériser les cristaux et faire plus mal aux ennemis et les roses volent et peuvent donc nous suivre quand on utilise notre jetpack pour explorer des zones éloignées (les autres types de Pikmin restent sur place et attendent sagement notre retour) et peuvent nous faire atterrir plus doucement. Bien évidemment, chaque niveau est taillé pour un à trois genres de Pikmin à la fois et l’on aura jamais un type en trop pour ne pas avoir à jongler avec des créatures qui nous seraient inutiles.
Visiblement, c’est autour de cette variété dans les capacités que les niveaux ont été construits, car les situations changent presque constamment et proposent parfois des concepts très originaux. Les Pikmin volants sont particulièrement bien exploités, avec notamment deux niveaux ressemblant à des shoot-them-ups, où les munitions sont les créatures qui sont dans notre réserve. Après, même si la plupart des niveaux ont un level-design frôlant l’excellence, je n’ai rien trouvé de particulièrement neuf. Hey! Pikmin est un peu une sorte de best-of du genre de la plateforme mêlée avec un brin d’exploration, mais où les développeurs ont mis jusqu’à la dernière goutte d’idée possible tant les Pikmin sont versatiles. Les boss sont également plutôt créatifs, même s’ils sont pour la plupart assez faciles une fois leurs attaques comprises et peuvent être battus en moins de deux minutes montre en main.
Ce-pen-dant, il me faut revenir sur le plus gros défaut du jeu : les Pikmin eux-mêmes, qui sont parfois vraiment débiles, sont très vulnérables et peuvent devenir le cauchemar de ceux voulant finir le jeu à 100% (qui demande à ce que chaque niveau soit terminé avec 20 de ces petits monstres dans notre équipe et qu’aucun ne soit mort avant la ligne d’arrivée). C’est bien simple, à plusieurs reprises, j’avais l’impression de devenir Aleandre Astier dans Kaamelott à force de hurler « Revenez ici, bande d’abrutis ! » avec son intonation. Il arrivera parfois que certains d’entre eux ne nous suivent pas quand on passe une porte car ils étaient trop loin de nous ou bien qu’ils se coincent dans un tout petit mur, voire se mettent à courir dans la direction opposée lorsqu’un ennemi imposant commence à en manger quelques uns. Mais rien n’est aussi énervant que cette « animation trop mignonne » où l’un d’entre eux trébuche, se relève et tente de rattraper le groupe. Ça peut paraître mignon et rigolo, mais quand on se rend compte qu’il vient de perdre quelques mètres et ne court pas plus vite pour rattraper le groupe, nous forçant à devoir l’attendre, ça peut vite devenir irritant. Heureusement, ça n’arrive pas trop souvent, mais à chaque fois que ça se passait, j’avais juste envie de le laisser se débrouiller avant de pousser un soupir d’exaspération parce que mes sens de completionist me dictaient de l’attendre. Après, toutes ces situations énoncées plus haut représentent que 5% de l’expérience globale et le reste du temps tout se passe bien, mais ça reste 5% d’énervement inutile qui auraient pu être facilement évités.
Pas mou du Bulborbe
Outre les niveaux principaux et une tonne de niveaux bonus permettant d’acquérir Pikmin supplémentaires et une bonne grosse dose de lumium, on a aussi le mode Parc Pikmin, où toutes les créatures réunies dans chaque niveau viennent pour passer un peu de bon temps… Ou continuer de bosser pour nous en déblayant tous les cristaux/pièges électriques/nénuphars/etc pour récupérer du lumium en plus. Ce mode n’est pas particulièrement passionnant et peut même vite devenir énervant, puisque, si on joue un minimum bien et que l’on récupère au moins 10 à 15 Pikmin par niveaux, il demande à ce que l’on y revienne en moyenne tous les deux niveaux, recyclant les mêmes longues animations encore et encore pour nous dire que nos « employés » ont trouvé 10 lumiums en plus. Il arrive parfois que la somme récoltée est bien plus importante ceci dit, cependant, si l’on joue un minimum bien, bah on aura fini de tout nettoyer à peine arrivé aux trois quarts du jeu. Idem pour l’objectif de réunir 30 000 lumiums, que j’ai explosé à peine arrivé à la moitié du monde 6 (il y a 8 mondes au total, plus le boss final qui possède son propre « monde »). On peut aussi utiliser les deux amiibo Pikmin pour obtenir des créatures supplémentaires, mais au vu des résultats donnés sans, ça ne ferait que nous faire arriver à notre objectif plus tôt que prévu.
Mais là où le jeu m’a fait le plus plaisir en dehors des niveaux en eux-mêmes, c’est dans sa présentation. Yoshi’s New Island était laid et inaudible et Hey! Pikmin est à son opposé total ! Les couleurs sont bien utilisées pour offrir une ambiance plus qu’appropriée et les musiques sont vraiment très bonnes… Même si certaines semble plus être tirées d’Ecco the Dolphin sur Mega-CD ou des jeux de cette époque (me demandez pas pourquoi ce parallèle). C’est appréciable, mais cette ambiance années 90 est assez surprenante. Après, peut-être est-ce pour être raccord avec les cartouches de NES et de Game Boy qui traînent ici et là, allez savoir…
Au final, Hey! Pikmin est une agréable surprise. Pas un platformer qui vous fera hurler de joie ou de surprise toutes les cinq minutes comme un Kirby ou un Mario, mais un platformer qui exploite son idée de base jusqu’au bout et allant même au delà, offrant des niveaux maîtrisés et une expérience plus que plaisante. Les Pikmin en eux-même peuvent parfois frustrer et leurs interruptions de rythme peuvent exaspérer, mais une fois l’énervement passé, on finit avec un jeu qui offre entre neuf et une douzaine de bonnes heures de contenu. Donc si vous envisagiez de le prendre, vous pouvez le faire sans trop d’hésitation. Il y a certes mieux (Kirby Planet Robobot et Triple Deluxe en tête), mais il y a largement pire, au point que je pourrais même dire que Hey! Pikmin est un de ces jeux à mettre vers le haut du panier (de fruits).
Benjamin « Red » Beziat