Note : la critique qui suit a été réalisée à l’aide d’une copie presse directement fournie par l’éditeur.
Il est assez intéressant de replacer Metroid Prime Federation Force dans son contexte. Nintendo est en ce moment en train d’entamer une assez grosse période de transition. La NX est sur le point de pointer le bout de son nez et visiblement la boîte y consacre énormément d’efforts, puisqu’en attendant son arrivée, elle a décidé de confier ses licences à des plus petits studio ou des petites divisions en interne, le temps qu’ils développent probablement des vrais gros épisodes taillés pour ce qui semble être le projet le plus ambitieux de la firme depuis un sacré bail.
Et du coup depuis deux ans, on a spin-offs sur spin-offs, avec The Legend of Zelda Triforce Heroes et les Animal Crossing Happy Home Designer et amiibo Festival. La manoeuvre n’est pas seulement de faire des plus petits projets bouche-trous à moindre budget, mais aussi d’explorer de nouvelles idées de gameplay, quitte à ce que ça change pas mal la formule des séries principales.
C’est là que repose toute la beauté des spin-offs d’ailleurs : ils permettent une plus grande liberté créatrice et une minimisation des prises de risques… Même si dans le cadre de Metroid Prime Federation Force, force est de constater que cette prise de risques ne va clairement pas s’avérer payante, au vu des réactions initiales des fans qui attendaient depuis déjà pas moins de 5 ans un nouvel épisode de la série et se retrouvent avec un spin-off multijoueur pour fêter les 30 ans de la chasseuse de primes la plus orange de toute la galaxie. Est-ce que les fans ont eu raison de s’acharner sur le jeu ? Absolument pas. Le jeu est bon. Pas extraordinaire certes, mais bon… Ceci dit, je suis quand même pas mal déçu quand je sais que Next Level Games avait déjà eu pour idée de faire un Metroid à l’esthétique totalement burnée et que ce projet a été annulé, puis transformé en un jeu qui est déjà en train de faire un bide monstrueux au Japon et pour lequel je ne vois pas un avenir prometteur en Occident tant les réactions sont négatives et les opinions arrêtées avant même que tout le monde n’aie pu l’essayer. Le pouvoir d’un nom…
The Latest Metroid is in Captivity… The Galaxy is in Turmoil
Situé dans la chronologie pile après les événements de Metroid Prime 3, Federation Force nous raconte vaguement l’histoire de la création du Projet Golem et de la Federation Force, une escouade composée d’hommes et de femmes surentraînés pilotant des robots qui semblent à taille humaine alors qu’ils en font trois fois la taille. Les Métroïdes ont été définitivement (har har) détruits et les pirates de l’espace ont disparu… Ou bien peut-être, car des activités suspectes ont été repérées dans le système des Bermudes. Trois planètes visiblement pas très paisibles que l’on va devoir inspecter et nettoyer, tout en découvrant ce que font les pirates en cachette. L’histoire n’est pas surprenante du tout mais possède ceci d’intéressant que l’on découvre un peu l’envers du décor quand Samus n’est pas là, ce qui est toujours cool.
La structure, elle est assez simple : on nous propose différentes missions que l’on doit accomplir seul ou à quatre, on les accomplit et on passe aux suivantes. Il existe quelques missions spéciales qui ne se débloquent qu’après avoir terminé celles qui sont à notre disposition qui permettent par la suite de débloquer un nouveau lot. Plutôt simple dans l’ensemble, même si c’est aussi cette structure qui enlève un peu d’âme au titre dans l’ensemble, puisqu’il n’y a pas d’ordre particulier et on a juste l’impression d’enchaîner des micro-aventures. C’est comme si on était invité à un buffet, et au lieu d’avoir un plat principal consistant, tout le repas consistait en des mini-quiches au goût à la fois différent, mais pas suffisamment différent pour qu’elles se démarquent des masses les unes des autres.
Les missions sont généralement variées et chacune propose un gimmick qui lui est propre. Une mission consistera à explorer un lieu pour trouver un bidule, une autre sera une mission d’escorte de convoi à la Overwatch, une autre consistera à descendre un monstre géant avant qu’il ne détruise un truc et une grande partie d’entre eux repose sur l’oblitération totale des pirates de l’espace dans des arènes.
Personnellement, mon type de mission préféré restait celles avec une touche d’exploration. Certes, ça restait très limité, car les cartes sont très souvent des couloirs plus ou moins vastes, mais, en solo, il s’agissait de celles qui ressemblaient le plus à un jeu Metroid (sans compter les deux jumpscares que j’ai eu, typiques des Metroid Prime, ainsi que des purs moments d’adrénaline motivés par le fait qu’il resterait à peine un pet de vie aussi bien à l’adversaire qu’à mon personnage et que le dernier tir serait celui qui déterminerait qui vivrait ou mourrait).
En y repensant, je trouve assez amusant le fait que certaines missions marchent beaucoup mieux en solo qu’en multi et inversement. Car les missions d’escorte ou de protection d’objectifs peuvent très vite devenir pesantes en solo. Le rythme devient particulièrement mou et ce qui aurait pu être fini en cinq minutes avec trois potes/joueurs online en prend quinze et peut vite devenir ennuyant, alors que celles d’exploration prennent tout leur sens en solo, puisque c’est là que l’esprit de la série réapparaît tel un phénix atteint d’une petite quinte de toux.
Federation Forceur
Le petit élément qui rend Federation Force intéressant, c’est la personnalisation un minimum poussée des personnages avant de lancer chaque mission. Car chaque mission nous propose de nous préparer avec un nombre de munitions et capsules de soin déterminés par la nature de ladite mission. Ainsi, il sera assez sensé de s’équiper “d’appâts à pirates” dans les missions d’escorte, histoire de disperser un peu les rangs et s’offrir une bulle d’air appréciée, tandis qu’il sera plus intéressant de s’occuper d’armes offensives dans les missions d’exploration, car qui dit exploration dit aussi très souvent mauvaise surprise derrière. On peut aussi équiper nos méchas de puces conférant quelques avantages non négligeables, comme un plus grand inventaire, une résistance accrue aux dégâts, voire une augmentation sensible des dégâts infligés aux ennemis. Une puce en particulier et exclusive au solo équilibre grandement le jeu, puisque l’on peut infliger deux fois plus de dégâts et diminuer ceux que l’on reçoit de moitié. On peut aussi demander l’aide de trois tourelles qui s’attachent à notre personnage et qui peuvent soit récupérer les objets à transporter pour nous ou bien nous défendre en tirant sur les ennemis que l’on ne voit pas nécessairement. J’ai mis deux missions à comprendre que ces options étaient à ma disposition et même si ça ne transforme pas le jeu en simple galerie de fête foraine, ça augmente de pas mal le confort de jeu pour les renards solitaires (et pour mes pouces, parce que ce jeu peut aisément vous les détruire si vos doigts sont un peu fragiles).
Dans tous les cas, on se retrouve encore une fois avec une situation similaire à celle de Zelda Triforce Heroes, où le jeu en solo est certes gérable, mais sera plus lent et pas forcément fun du fait que le gameplay a clairement été pensé pour le multi. Étant moi-même un joueur plus adepte de mes jeux en solo et n’ayant pas le réflèxe multi, je dois avouer que ça m’ennuyait profondément de buter sur une mission et de devoir m’en sortir en ayant recours à l’aide des joueurs américains et japonais ayant mis la main sur le jeu. Heureusement, le online est stable, mais malgré le fait que l’on puisse jouer avec des gens, l’absence de vrais moyens de communication rendait aussi le tout beaucoup plus “automatique”, où chacun allait vers l’objectif et où l’aspect coopératif se résumait à attendre que les autres arrivent aux interrupteurs. Ce problème est bien évidemment résolu autour d’une table avec des potes, mais primo il faut des potes, et deuxio, il faut des potes avec le jeu, ce qui peut s’avérer tout de suite plus compliqué, car Federation Force n’a rien qui le rende indispensable aux rassemblements de joueurs. Il n’a pas le même attrait qu’un Smash Bros. ou un Mario Kart et m’est avis que très rares seront les gens à faire plus de trois missions avec des potes (comme avec Triforce Heroes, l’intérêt part très vite passé le stade de la “nouveauté” de l’expérience, au point que je me souviens n’y avoir joué en tout et pour tout que deux fois aux différents 3DS in Bordeaux, vite remplacé par le quatuor magique Mario Kart/Pokémon/Monster Hunter/Smash).
Idem pour le mode Blast Ball, que Nintendo a généreusement offert à tout le monde sur l’eShop peu avant la sortie du jeu. Pour résumer, c’est plus ou moins Rocket League avec des blasters, mais très probablement sans le succès autour. Non pas que Blast Ball soit mauvais, mais là-encore, c’est typiquement le genre de mode bonus que ceux qui n’ont pas beaucoup de temps pour jouer/ont trop de jeux sur le feu vont tester dix minutes, se dire que c’est fun, puis le laisser dans son coin (contrairement à un Kung-Foot de Rayman Legends, qui est beaucoup plus simple et débile qu’il se laisse jouer avec plaisir pendant des heures entre potes).
Enfin, je vais aussi vite fait revenir sur un des aspects du jeu qui a très certainement causé son torrent de haine : son esthétique. Je ne vais pas y aller par quatre chemins et dire que ce n’est clairement pas son point fort, bien au contraire. Next Level Games a décidé de réutiliser le moteur de Luigi’s Mansion 2 et d’opter pour une esthétique “low-poly” donnant l’impression que tous les personnages sont des figurines de série télé des années 80. Et c’est très certainement ça qui a fait que les fans sont mécontents : le jeu donne plus l’impression de s’adresser à un jeune public qu’aux fans de la série, qui eux attendaient quelque chose aussi complexe et élaboré niveau design que Sky Town de Metroid Prime 3 et un chara-design proche de cet épisode (qui ressemblait aussi un peu à Mass Effect pour certains Hunters, d’ailleurs). Mais là, on a quelque chose qui semble carrément tiré de la Nintendo 64, brouillard inclus, ce qui tombe plutôt bien, puisque l’on n’a jamais vraiment su à quoi pouvait ressembler un épisode de la série sur cette console. Est-ce que c’est un problème en ce qui me concerne ? Pas vraiment, puisque l’action reste globalement lisible, même si l’absence de détails jouait aussi pas mal en cette impression de manque d’âme de l’ensemble, ce qui est particulièrement dommageable pour une série qui avait pour habitude d’être si singulière.
Au final, Metroid Prime Federation Force est un bon jeu. Comme je l’ai dit plus haut, il n’est pas non plus extraordinaire, mais si on enlève le nom de Metroid, il n’en reste pas moins un jeu en co-op sympa. Après, je ne peux que féliciter Next Level Games d’être allé au bout de leur vision malgré la haine autour du projet, puisque ça demande énormément de courage de se relever et persévérer, même si dans ce cas en particulier et au vu de sa première semaine de commercialisation catastrophique au Japon, il est évident que ça ne va pas payer. Est-ce que je peux le recommander à plein tarif ? Non, car même s’il y a suffisamment de contenu pour durer 8h sur un premier run en solo, le gros de l’intérêt du jeu réside dans son multijoueur et à moins d’avoir un ou trois potes prêts à rejoindre l’aventure, j’ai du mal à justifier le prix de l’expérience. Après, si jamais vous le trouvez à 10-20€, je dirais pourquoi pas. Mais si êtes un joueur exclusivement solo et que vous avez une Wii U et 20€ qui traînent, Metroid Prime Trilogy est disponible sur Console Virtuelle. Je dis ça, je dis rien…
Benjamin « Red » Beziat