(Note : la critique qui suit a été réalisée avec un exemplaire procuré via le PlayStation Plus, car le jeu est gratuit ce mois-ci. J’ai fini le jeu, mais en mode Promenade suite à de nombreuses raclées prises passé le cinquième boss et aussi parce que je ne pouvais plus physiquement supporter de jouer à un jeu aussi intense et demandant pendant trop longtemps. Libre à vous donc de vous faire un avis sur la légitimité de mon jugement, donc.)
Furi, c’est les années 80, mais en jeu vidéo. Prenez l’esthétique néon, mélangez-la avec la SF de l’époque, ajoutez-y masse de synthés et des personnages étranges tirés des plus grands animés et voilà, le jeu parfait !
Et ce qui rend un jeu déjà parfait encore plus parfait ? C’est quand on sent la passion de ses créateurs derrière. Furi, c’est l’amour du gameplay. L’amour du jeu vidéo nerveux et des productions de Platinum Games et de Suda51. C’est l’amour et le respect du joueur, car non seulement Furi est un jeu difficile, mais c’est aussi un jeu qui respecte le joueur et lui laisse suffisamment de marge d’erreur pour éviter que la punition qu’il lui inflige ne paraisse injuste… Même s’il le trolle carrément avec un mode Promenade à la limite de l’indécence et de la condescendance. Bref, Furi, c’est de l’amour parfois vache de la part de The Game Bakers, mais c’est de l’amour en barres.
Fury of the Furry
L’histoire de Furi commence avec notre héros sans nom se réveillant enfermé dans une cellule. Comment est-il arrivé là ? Qui est-il ? Pourquoi a-t-il été enfermé ? Pourquoi est-ce qu’il sait aussi bien se battre ? … Et pourquoi est-ce qu’il y a un homme avec un masque de lapin qui peut se téléporter et qui me parle constamment !? On n’aura pas forcément de réponse à toutes ces questions, mais le jeu réussit à parfaitement distiller les réponses au fur et à mesure, offrant une histoire un minimum empreinte de mystère, mais aussi de sous-entendus parfois horribles.
Et pourtant, la narration, aussi complète soit-elle, est purement minimaliste, ne reposant que sur trois éléments clés pour se raconter : les dialogues avec le lapinoïde entre chaque combat, le designs des personnages, et les environnements. Et même si je ne suis généralement pas un fan de ce style de narration, tant il peut être casse-gueule et use bien trop souvent de facilités et clichés… Bah ici ça marche parfaitement et on ressort du jeu plutôt content de ce que l’on a vécu. Bien évidemment, ce n’est pas parfait, puisqu’il utilise des poncifs vus et revus (mais que je ne vais pas spoiler, puisque tout ce qui fait le sel du jeu repose sur la découverte), mais il y a suffisamment de sous-entendus et un twist bien cool pour qu’on laisse passer ce problème.
Fast and Furi-ous
Pour faire très simple : Furi est un boss rush. On subit le courroux d’un boss que l’on tentera tant bien que mal de vaincre, on regarde une cutscene, on marche un peu et on passe au suivant. Rince and repeat jusqu’à la fin. Chaque boss possède un nombre de phases qui lui est propre, et qui n’est pas nécessairement logique d’un point de vue jeu, puisqu’un boss aura cinq phases différentes, tandis que le suivant en aura peut-être que trois. Et chaque phase se divise en deux sous-phases : une où l’on affronte le boss dans une arène à taille variable, et une autre où l’on se bat en combat rapproché.
En y repensant, je rapprocherais plus ce jeu de NieR que de n’importe quel autre jeu de Platinum Games, car le gameplay reste relativement minimaliste, sans véritable combo à effectuer et balance en masse des éléments de Bullet-hell, avec parfois des écrans remplis de petites billes colorées qui tenteront de vous démolir. On peut aussi dasher pour esquiver, charger nos coups pour faire plus de dégâts et parer. Avec une parade bien placée, on peut non seulement potentiellement déclencher une contre-attaque dévastatrice, mais aussi regagner un peu de vie… Parce que bons dieux ces boss vont vous en bouffer !
On ne possède en tout et pour tout que trois vies. Si l’on finit une phase de jeu chez un des boss, en plus de récupérer notre jauge de vie perdue, on peut potentiellement en regagner une que l’on aurait bêtement perdue, rendant le jeu beaucoup plus juste, mais à la fois beaucoup plus cruel, puisque pour contrebalancer cette fleur qui vous est offerte, si vous perdez une vie alors que vous étiez à quelques PV de finir la deuxième sous-phase du boss, il faudra recommencer cette phase depuis le début. Et, bien évidemment, si vous perdez vos trois vies, vous devrez recommencer tout le combat depuis le début.
Et c’est cet équilibre parfait dans la difficulté qui fait que Furi est bien plus agréable à jouer que des jeux se disant rétro, comme Mighty N°9, puisqu’il respecte le joueur et son temps tout en lui proposant un défi un minimum relevé sans se résoudre à utiliser des techniques punitives et injustes d’un autre temps. Après, là où ça devient assez hilarant tant c’est vicieux, c’est que si vous butez sur un boss (ou n’avez plus la capacité physique de jouer, comme moi) et que vous voulez passer en mode Promenade pour vivre le reste du jeu, bah vous ne pourrez plus revenir en arrière et les boss se feront rouler dessus, car vous aurez cinq vies tandis qu’eux n’en auront plus que deux et chacune de leur sous-phase n’est littéralement l’affaire que de deux coups, réduisant le challenge du jeu à néant et en faisant une véritable promenade. Bref, vous pourriez dire que j’ai perdu 90% de l’intérêt du jeu en faisant ce choix, et je ne peux qu’approuver, puisque presque tout le plaisir du jeu repose sur les pattern dingues et créatifs de chaque boss, donc je ferai en sorte de finir ce jeu de manière totalement réglo un jour, si jamais je parviens à être totalement guéri.
Un autre détail que j’ai trouvé particulièrement intéressant, mais que certains trouveront nul sont les phases de promenade entre chaque boss, puisque l’on ne fait concrètement que marcher du boss A au boss B en écoutant Bunny Mask parler. Mais le génie de ces phases ne se ressent que si on joue au jeu, parce que, quand on a vaincu un boss, il y a quatre chances sur cinq pour que l’on soit dans un état proche de la mort mentale. On aura peut-être passé trente minutes à essayer de tuer quelqu’un qui nous aura posé pas mal de problème, donc ces phases de repos sont une bénédiction. Pendant trois à cinq minutes, le jeu te propose de poser ta manette et reprendre ton souffle tout en admirant le nouveau paysage complètement dingue qui t’est montré avec des angles de caméra fixes parfaitement maîtrisés (car il est possible de laisser notre personnage marcher tout seul jusqu’à sa destination). Donc pour quelqu’un qui regarderait un streamer jouer, ça peut être ennuyant, mais pour ledit streamer en train de jouer, c’est un bon gros moment de repos. Et ce moment de repos peut aussi servir de levier psychologique sur le joueur, qui sera de fait plus tenté d’enchaîner les boss à la suite plutôt que de se dire « Ah ouais, non. Un par jour, ça suffit ! »
Enfin, il faut parler du dernier gros point qui rend ce jeu absolument fantastique : la bande-son. Composée par de nombreux artistes, la B.O de Furi entièrement électro est un pur bonheur auditif, collant parfaitement à l’ambiance du jeu et nous mettant en transe totale. Certains passages n’auraient très certainement pas été aussi mémorables si la musique n’avait pas été présente. Personnellement, le troisième boss a été le plus mémorable, parce que non seulement la zone qui le précédait représente la zone de mes rêves les plus fous (îles flottantes powaaa), non seulement le boss avait le genre de design que je surkiffe et un concept plus qu’original et plus qu’approprié, mais la musique qui accompagnait la promenade jusqu’à son antre était absolument parfaite. Dans tous les cas, la B.O est dispo sur Bandcamp et je ne peux que vous recommander de l’écouter (même si elle s’apprécie beaucoup plus en contexte).
Bien évidemment, le jeu parfait n’existe pas, je le conçois. Mais pour ceux qui aiment bien les défis relevés, Furi peut facilement être considéré comme quelque chose qui s’en rapproche le plus. D’un point de vue artistique, c’est une réussite totale. D’un point de vue musical, c’est une réussite totale. D’un point de vue gameplay, c’est là-aussi un quasi sans-faute. Et même l’histoire parvient à intriguer tout en offrant quelque chose de cool. Et c’est français ! Et gratuit sur le PlayStation Plus jusqu’au 2 Août !
Bref, Furi, c’est de la bonne !
Benjamin « Red » Beziat