Note : La critique qui suit a été fait avec l’aide de Namco Bandai, qui nous a gracieusement offert un code presse sur PS4. Le jeu est également disponible sur PS Vita.
Il est quand même assez dingue de se dire que Digimon revient sur le devant de la scène, pas moins de dix ans après avoir disparu dans l’indifférence générale. Et pourtant, en y repensant, le plus gros compétiteur (à l’époque) de Pokémon avait tellement de choses en plus : des histoires plus matures, des personnages plus développés et des monstres parfois bien plus monstrueux. Peut-être était-ce justement parce que Digimon était moins accessible qu’il s’est effacé au bout de trois saisons en France.
Dans tous les cas, même si les ventes à l’internationale se sont érodées, au Japon, personne ne l’a oublié. Au point que des jeux sortent encore très régulièrement. Et lorsque le premier trailer de Digimonstory Cybersleuth est sorti, tous les yeux (ou du moins une bonne partie, mais on va dire tous pour garder le côté dramatique de l’intro) se sont braqués sur “les monstres digitaux” (même si techniquement, on devrait dire monstres numériques en France, mais passons). Pourquoi ? Parce que bons dieux, cette esthétique est folle ! Bon, ok, elle est en grande partie basée sur le film Digimon de Mamoru Hosoda, mais parce que ce réalisateur a eu le génie de repomper son propre film pour faire Summer Wars et que Summer Wars a cartonné, le grand public trouvait ça chouette de voir “un jeu Digimon inspiré par Summer Wars”. De fait, après moult pétitions pour ramener le jeu en Occident, Namco Bandai a sauté sur l’occasion et nous l’a récemment sorti.
… Même si ça n’explique pas pourquoi ils ont tenté de tâter le terrain deux ans plus tôt avec la sortie ridiculement confidentielle de Digimon All-Star Rumble sur PS3 et Xbox 360. Sans rire, ce jeu est presque introuvable.
Tu es le champion ♪
Vous trouviez le scénario des jeux Pokémon trop simple ? Eh bien avec Digimonstory Cybersleuth, vous avez tout le contraire ! L’action se situe à EDEN, un réseau social ultra populaire qui permet de faire absolument tout. Et alors que votre personnage discute avec un groupe d’amis en ligne, la mascotte du réseau arrive pour vous proposer un fabuleux cadeau… Enfin, proposer est un bien grand mot, puisque si on ne l’accepte pas, notre compte se fait hacker, signifiant que pas mal de choses néfastes arriveraient dans le monde réel.
Suivant son instinct, notre personnage décide de répondre positivement à “l’invitation” et va dans les bas-fonds de ce monde numérique, avant d’être attaqué par une mystérieuse créature. Et là où ça devient encore plus étrange (et qui n’est jamais véritablement expliqué au point que ma “suspension consentie d’incrédulité” en a pris un coup), c’est qu’à cause de l’attaque, le personnage principal devient une sorte de fantôme numérique au corps matériel et visible, mais pouvant voyager entre les mondes. Est-ce que cela signifie que pour entrer dans EDEN il faut d’abord laisser son corps à l’entrée ? Aucune idée. Mais c’est pas grave, puisque l’on a un Digimon et que à peine revenu dans le monde réel, une détective au décolleté un peu trop plongeant (pourquoi ? Fan service ?) nous embauche de force dans son agence de détective. Et ça, ce n’est que la première heure de jeu, puisque le scénario devient de plus en plus bizarre au fil des chapitres, avec notamment le monde numérique qui se déverse dans le monde réel et vice-versa… C’est un immense bazar qui certes se suit avec plaisir, mais qui nécessite de rester attentif, autrement on risque de louper une ligne de dialogue importante. Et de connaître l’anglais, puisque le jeu reste encore un assez gros risque pour Namco Bandai et que localiser le jeu dans les cinq langues européennes aurait représenté un assez gros investissement pour des retours par nécessairement garantis... Et quand on voit le jeu en lui-même, on peut comprendre pourquoi.
Car c’est là que repose tout le problème que constitue ce Digimonstory Cybersleuth : il est beaucoup trop complexe pour son propre bien. Cette critique est arrivée un peu en retard pour la simple et bonne raison que je me suis retrouvé coincé à plusieurs reprises, au point que j’avais souvent envie d’abandonner (et aussi parce que je bossais à côté, mais ça c’est totalement autre chose). Un cas en particulier concerne une compétence à obtenir de manière totalement aléatoire dans un donjon dont on ne peut pas sortir. Bien évidemment, il y avait un tutoriel pour expliquer, mais celui-ci était tellement vague et à côté de la plaque qu’il aurait tout aussi bien pu ne pas exister, puisque dans tous les cas, je me suis retrouvé coincé pendant des jours avec une motivation de continuer qui diminuait progressivement.
Et cette complexité concerne surtout le système de Digivolution, qui est à la fois génial et tellement demandant que l’on serait prêt à parier que son créateur vit dans un château au bord d’une falaise et qu’il écouterait chaque soir de la musique classique sur fond d’orage avec un vieux chat sur ses genoux alors que lui-même est assis sur une chaise de bureau un peu classouille : Ainsi, chaque Digimon peut Digivolver de plusieurs manières selon son niveau, des circonstances particulières et aussi selon nos désirs. On ne sait généralement pas en quoi ils Digivolveront, car les évolutions possibles sont représentées par leurs silhouettes, mais si l’on a suivi la série, on peut en avoir une assez bonne idée, donc on sélectionnera souvent la branche d’évolution à l’instinct. Avec un peu de chance, on peut tomber sur un Digimon ultra classe, ou bien une abomination que l’on aurait préféré laisser au fond du placard… Mais n’ayez crainte, car si vous trouvez le nouveau Digimon moche, vous pouvez le faire Dé-Digivolver pour lui faire reprendre sa forme précédente ou bien une autre, si tant est qu’elle a déjà été débloquée autrement. Là où la Dé-Digivolution est pratique, c’est qu’elle permet aussi de faire monter le niveau maximal que la créature peut atteindre, dans le but de débloquer d’éventuelles autres Digivolutions qui étaient auparavant inaccessibles.
Et si vous trouviez ça déjà inutilement complexe, je ne vous ai pas encore dit que faire Digivolver son monstre le mettra systématiquement au niveau 1. Peu importe si il était niveau 3, 10, ou 99. Si vous le faites passer au stade d’évolution suivant, il repassera au niveau 1. Heureusement, la montée en niveau se fait relativement rapidement, mais il n’empêche que l’on est obligés de faire du grinding si l’on veut s’en sortir. Oh et il vaut mieux savoir anticiper la venue des boss, puisque si vous avez tout juste fait Digivolver le monstre le plus puissant de votre équipe, vous souffrirez un peu. Ceci dit, il convient de préciser qu’il est possible grâce à une capacité très utile de provoquer des combats à n’importe quel moment, ce qui évite de se taper des allers et retours pouvant durer jusqu’à plus de cinquante secondes, car ici le taux d’apparition de monstres est assez bas.
Ajoutez à ça les Digivolutions liées à des conditions parfois assez absurdes, comme avoir un taux de participation et d’implication aux combats élevé ou bien de posséder un objet spécifique, voire qu’un autre Digimon que celui que l’on veut faire Digivolver aie les stats qu’il faut pour qu’ils puissent fusionner et vous avez un système absolument monstrueux sous les bras qui peut soit vous fasciner, soit vous donner envie de vous jeter par la fenêtre tellement on se croirait dans la Maison qui Rend Fou des 12 Travaux d’Astérix.
Pour faciliter tout ça, il existe aussi le système incroyablement complexe des îles, qui permettent de faire bosser des Digimon ne pouvant entrer dans l’équipe (qui est limitée selon le nombre de points de mémoire que l’on possède, signifiant que l’on peut aussi bien avoir trois tanks qu’une armée de petits Digimon faibles). Ainsi, on dépose nos Digimon sur l’île, on désigne un leader, qui selon sa nature fera développer les aptitudes de ses camarades selon son envie, et on laisse s’écouler le temps. Mais si l’entraînement ne nous tente pas, on peut aussi choisir de les faire mener des enquêtes pour débloquer des objets ou bien les faire jouer aux ingénieurs pour débloquer d’autres types d’objets bien plus rares. En y repensant, le jeu nous propose de customiser notre expérience au maximum pour véritablement jouer comme on l’entend, ce qui est à la fois cool et un peu débile quand on considère que la base même du jeu est aussi simple, voire simpliste.
Puisque la structure du jeu repose entièrement sur des missions. Il peut s’agir de missions de scénario ou bien des quêtes annexes et toutes reposent sur le simple fait de parcourir des donjons ou bien de lire du texte. Les combats en eux-mêmes ne sont pas particulièrement plus complexes, puisqu’ils sont au tour par tour et reposent sur le système de pierre-papier-ciseau commun à beaucoup de RPG, même si là les différents types ont des noms plus “cybernétiques”, comme “Data” ou “Virus”. Le jeu reprend même le système de tours de Final Fantasy X, où l’on peut voir qui aura son tour quand, histoire de savoir avec précision quel Digimon constitue la menace la plus immédiate dans le but de lui exploser la tronche le plus rapidement. À noter qu’il est possible de recruter les Digimon adverse à la condition de l’avoir rencontré suffisamment de fois… Et là encore, la simplicité est à jeter par la fenêtre, puisqu’il est possible d’attendre avant de le recruter, car remplir la jauge de rencontre à 200% permet de l’obtenir dans une version améliorée. Quelle en est l’utilité ? Il n’y en a pas tellement, mais il est plus que recommandé d’en faire des duplicatas, car il est possible de les “sacrifier” pour les convertir en bonus d’XP pour les Digimon que l’on considère comme plus importants… Ce qui est ironique, quand on considère que les Digimon ont des sentiments et que justement une partie du message du jeu est qu’ils doivent être considérés non pas comme des armes, mais comme des êtres vivants à part entière… Woops.
Enfin, il convient de parler de ce qui fait la force de ce Cybersleuth et qui est unanimement acclamé : son habillage visuel et sonore. Car pour le coup, c’est une réussite totale : non seulement EDEN reprend en grande partie l’esthétique du Digimonde du film de Mamoru Hosoda, avec son imagerie surréaliste et des couleurs criardes, mais le character design est supervisé par Suzuhito Yasuda, un artiste à la patte reconnaissable entre mille et qui a bossé sur certains spin-off de la série Shin Megami Tensei. Ajoutez à cela les musiques composées par Masafumi Takada (compositeur de Danganronpa, dont on retrouve énormément de sonorités ici) et vous avez une sacrée dream-team qui offre un des jeux les plus cool de l’année en terme d’esthétique.
Et il y a Sean Bean… Euh, Leomon, donc c’est automatiquement cool !
J’ai pas d’honneur, donc j’ai pas lu ton texte. Ça dit quoi, en gros ?
Digimonstory Cybersleuth est un des jeux les plus difficiles que j’ai eu à jouer de ma carrière, car même après avoir passé des heures dessus, je ne sais pas si je l’aime énormément ou si je l’apprécie tout juste. Son scénario complexe est plus que bienvenu, mais ses mécaniques de jeux insensées ont fait assez rapidement retomber ma hype. Non pas qu’elles soient mauvaises, loin de là, mais elles sont tellement difficiles à appréhender que ça peut vite gonfler.
Pour le coup, je recommanderais bien ce jeu, mais je ne peux que le recommander à un public très spécifique : aimez-vous les histoires complexes ? Aimez-vous passer du temps à monter en niveau et la sensation de montée en puissance que cela procure ? Comprenez-vous l’anglais ? Si vous avez répondu oui à ces trois questions, alors ce jeu est fait pour vous. Si non, ça peut vite être compliqué, d’autant plus que le jeu est en dématérialisé et à plein pot, donc vous prendriez potentiellement un risque à le prendre si vous n’entrez pas dans cette niche spécifique de joueurs.
Dans tous les cas, je suis content que Digimon revienne. Alors certes, son retour aurait pu se faire avec plus de simplicité, mais bon, quand on y repense, Digimon est et a toujours été complexe de base, donc on peut dire que c’est dans l’esprit de la série que ce Cybersleuth le soit.
Note Finale : Embranchements multiples / Lions Banchôs
Benjamin « Red » Beziat