2016 commence très… TRÈS bien niveau animation !

J’étais entré en salle avec une hype monstrueuse pour le film Dofus, car quand on a regardé leurs précédents travaux, on ne peut qu’avoir envie de se ruer dans la salle de ciné la plus proche. Pour ceux qui ne l’ont pas vu, la série Wakfu est un petit bijou sur deux saisons (bientôt 3 grâce à Netflix) et quelques courts absolument fantastiques et la série Dofus : Aux Trésors de Kérubim est absolument fabuleuse et un mètre-étalon en matière de série animée aussi bien destinée aux jeunes qu’aux adultes.

Grâce à de très bonnes coïncidences géographiques, j’ai pu voir en avant-première le premier film de la série et… Comme prévu, ce film est à voir absolument pour énormément de bonnes choses, même si certains points m’ont laissé… Perplexe. Bien évidemment, comme avec ma critique d’Undertale, je vais entrer au fur et à mesure dans une zone spoiler pour y mettre tout ce qui est un minimum sensible, puisque certains points ne peuvent être abordés sans trop en dévoiler. Du coup, je conseille la lecture de cette zone spoiler aux chanceux qui auront vu comme moi le film en avant-première, à ceux qui sont téméraires et aux visiteurs d’un futur lointain qui auraient vu le film en février ou en Blu-Ray pour discuter de ces points.

Joris

Dofus : Livre I – Julith nous conte l’histoire de Joris, un jeune garçon encapuchonné vivant paisiblement avec son père et sa soeur adoptifs. Sa vie bascule le jour où Julith, une sorcière que tout le monde pensait morte revient et vole le Dofus Ébène, un oeuf de dragon aux pouvoirs infinis. Il en revient à Joris, son père et sa soeur adoptifs, la soeur d’un héros mort au combat et un champion de « boufbowl » d’empêcher la sorcière d’arriver à ses fins.

Bien évidemment, le scénario est ici résumé à l’extrême, car il convient d’y aller à l’aveugle et trop en dire serait spoiler. Dans tous les cas et en y allant de manière très plate et convenue, je peux dire que l’aventure qui nous est montrée est rythmée de hauts très hauts et de bas très bas, de révélations assez dingues (et ce dès la première minute du film) et nous offre un final satisfaisant, même si le climax est assez safe, certains points assez prévisibles et la fin est étrangement raccourcie (dans un sens, ça me rappellerait presque Ponyo sur la Falaise d’Hayao Miyazaki, où le film donne l’impression de brutalement s’interrompre quelques secondes après la résolution du problème).

D’ailleurs, tant que je suis dans le sujet, je vais parler du rythme du film, qui est assez étrange. Quand on en connaît la raison, tout s’explique, puisque le film a été amputé de 25 minutes pour ne faire que 1h47 suite aux demandes du distributeur, mais quand on ne le sait pas, on sent qu’il manque des choses. En résulte une sensation de surplus pour certaines scènes, car il leur manque le liant qui leur aurait donné plus d’importance. Je pense notamment au personnage de Khan Karkass, à qui il manque quelques scènes qui auraient permis au personnage de correctement se développer et donc d’éviter à son arc d’avoir l’air d’être une histoire déconnectée du reste. Mais ça, j’y reviendrai dans la première zone spoiler.

Kerubim

Et sans transition mal foutue, la deuxième partie centrale qui soutient l’ensemble : l’animation. C’est du bonheur pur, aussi bien dans les scènes d’action que dans les moments les plus intimistes. Les émotions sont très bien retranscrites et bons dieux, le premier grand combat qui marque la fin du premier acte est jouissif. Rien que cette scène vaut le prix du ticket, car c’est un trésor d’inventivité et de dynamisme, servie par une musique rappelant la plus mortelle des danses, conclue de la plus belle des manières, au point que j’avais juste envie de hurler « holy shit ! » quand elle était finie. Pour donner un point de comparaison, c’est au niveau du combat entre Saitama et Boros dans One Punch Man, qui est une des scènes de combat animée les plus folles que j’ai vu de ma vie !

J’ai appris peu après que cette scène avait nécessité un mois entier de travail pour quatre personnes, et ça se sent. Et c’est limite dommage que ce combat soit plus proche du début du film que de la fin, puisque ceux d’après paraîtraient presque fades en comparaison (même s’il n’en est rien. Elles restent tout aussi ouf et sont animées avec fluidité et peut-être même un peu de rotoscoping à en croire le naturel de certains mouvements).

Et même quand ce n’est pas en mouvement, le film est un pur bonheur à regarder, avec des décors variés aux ambiances toutes plus distinctes les unes que les autres. Les villes sont bourrées de détails qui donnent envie de revoir le film plusieurs fois et les décors les plus abstraits sont tout aussi réussis. Et une scène de combat en particulier vers les trois quarts du film prend une tournure assez surprenante grâce à son décor des plus… Inhabituels.

Enfin, dans la zone non spoiler, il convient de parler de l’excellent doublage. Chaque personnage possède la voix qui lui convient (dont Khan, joué par Emmanuel Gradi, qui me rappelait de manière positive le personnage de Mugen dans Samurai Champloo), à l’exception d’un personnage que je ne peux pas spoiler, doublé par Patrick Poivrey. Et… Bon, disons que je ne voyais pas le personnage tel qu’il était mais plus comme Bruce Willis sous les traits de ce perso, ce qui était assez perturbant. Rien de bien gênant, d’autant plus que Patrick a énormément de talent, mais c’est juste que j’avais cette arrière-pensée qui me sortait un peu du film. Et la bande-son enrobe très bien le film, même si, comme avec Star Wars VII, elle passait un peu trop en fond et de fait nécessiterait une écoute en dehors pour mieux être appréciée. Après, de ce que j’ai pu entendre, il y avait de quoi ravir mes oreilles et j’ai vraiment hâte de mettre la main sur la B.O. Enfin, le silence est utilisé et de manière très judicieuse. On n’entend qu’un seul bruit en particulier et ça rend la scène tellement puissante que l’on sentait de façon très palpable l’ambiance dans la salle. Le silence faisait que l’on ne pouvait que se reposer sur les mouvements et les expressions des personnages pour savoir quelle émotion avoir. Et parce que c’est particulièrement réussi, c’est juste méga kiffant.

Et là, on entre dans la zone spoiler « intermédiaire », où je ne vais pas rentrer non plus dans des détails déterminants, mais qui peuvent quand même être considérés comme du spoiler. Donc toi lecteur qui veut garder la surprise la plus intacte possible, fonce voir le film et finance le bon cinéma français ! Car il faut que ce film fonctionne pour que l’on en ait d’autres de cette trempe, fabriqués à 100% en France (et à 95% dans le Nord Pas-De-Calais !) Il s’agit à ce jour de la meilleure adaptation de jeu vidéo en film et d’un film d’animation qui prend quelques risques qui payent (et d’autres un peu moins, mais j’y reviens hélas dans la zone spoiler pure). Les plus de 10 ans (jusqu’à +100 ans pour les plus ouverts d’esprit), vous passerez un excellent moment (car le film n’est clairement pas destiné à un public plus jeune que ça). Bref, si vous aimez le cinéma d’animation et les bons films avec des propos intéressants, allez voir Dofus. Il n’est pas parfait, mais bons dieux que ça fait du bien de voir un film comme ça ! Oh, et essayez de regarder Dofus : Aux Trésors de Kérubim avant ! Ce n’est pas obligatoire puisque le film se tient parfaitement tout seul, mais ça vous permettra de connaître la moitié du casting et donc de vous sentir un poil plus confortable.

Note finale : slip sur amour.

Attention, après cette image, on commence à entrer dans le vif du sujet ! Vous êtes prévenus !

Bakara

Eeet là je me sens un peu con, puisque en y repensant, je n’ai qu’un seul « spoiler intermédiaire », et ce n’est pas particulièrement le plus flatteur : Marline. Avec Kahn, Marline fait partie des personnages importants à l’histoire, mais sont de véritables caricatures. Et là où Kahn est la caricature du gros crâneur agaçant, Marline est la caricature de la « fofolle efféminée » poussée à l’extrême. Et c’est assez agaçant. Alors certes, le personnage connaît un petit développement intéressant sur la fin, on finit par l’apprécier et l’opposition entre un personnage masculin débordant de testostérone et un autre débordant d’œstrogène offre un contraste assez sympa sur le papier, mais je n’arrivais pas à m’enlever de la tête l’idée que ce personnage m’offensait. Surtout après avoir vu Dofus : Aux Trésors de Kérubim, où là aussi il y avait un personnage gay, mais écrit de manière très subtile et non stéréotypée, du coup j’avais l’impression que le film faisait un pas en arrière par rapport à ce type de personnages. Là, on a non seulement une caricature, mais quasiment la seule caricature au beau milieu d’un cast de personnages tous très bien travaillés et complets ! De fait, avec Kahn, ils sortent du lot et donnent l’impression d’appartenir à une autre histoire qui n’a pas vraiment sa place, d’autant plus que l’autre est bien plus intéressante. Et c’est un peu pour ça que je parlais plus tôt de « deux histoires » : parce que l’histoire de Joris est bien plus intéressante et possède un niveau de qualité d’écriture cent fois supérieur à celle de Kahn, elles n’arrivent jamais à totalement se mélanger pour offrir un ensemble cohérent. Bien évidemment, utiliser des archétypes pour les persos secondaires, ça se fait partout (et je ne peux non plus blâmer ceux qui les utilisent quand moi aussi je les emploie dans le cas des personnages mineurs), mais utiliser celui utilisé par Marline en particulier après Les Trésors de Kérubim, ça m’a plus sorti du film qu’autre chose.

Et là, on passe à la zone « pur spoiler », où je ne vais pas non plus dire tout ce qu’il s’y passe, mais où les indices seraient tellement gros que vous finiriez par tout deviner (à vos risques et périls, donc). Il s’agit donc plus qu’un « coin débat » qu’un « coin critique » où je donne mon ressenti par rapport à certains points.

Julith

Je vais taper direct dans LE point déterminant qui place ce film au dessus de beaucoup d’autres : ses personnages, tout particulièrement Julith. La série Wakfu m’a fait découvrir deux de mes « bad guys » préférés et avec le film*, on retrouve encore une fois un antagoniste qui a de la substance. Encore une fois, rien n’est totalement blanc ou noir et même si le coup de présenter un personnage comme étant le méchant pour au final lui apporter de la nuance sur le tard a été fait plusieurs fois déjà (notamment dans la série Wakfu), ça n’en reste pas moins un procédé narratif cool et plus qu’efficace. On a ici un « méchant » qui fait ce qu’il a à faire parce qu’il pense que c’est la meilleure chose à faire et ça fait plaisir à voir. De plus, Julith réserve quelques surprises très bien senties qui lui donnent énormément de consistance, au point qu’il s’agit du personnage le plus complet de tout le film.

(*Méga-hâte de découvrir le méchant de la saison 3 d’ailleurs, car d’après ce que m’a raconté un des animateurs du film, Tot se serait bien amusé à l’écrire.)

Bakara aussi dépasse la vision initiale de son personnage pour offrir un tableau plus nuancé. Elle apparaît d’abord comme un personnage féminin froid assez cliché « parce qu’au fond c’est un être sensible », mais qui arrive à gagner en profondeur vers le dernier quart du film et montre que sa fragilité est bien plus que de la fragilité à la con de mauvais roman et plus de la vraie fragilité : celle d’un personnage humain qui tente de rester au maximum calme et digne, mais qui se pète la gueule d’autant plus violemment une fois que la situation a fini de totalement lui échapper des mains.

Joris est un personnage qui connaît une évolution positive et sait se montrer nuancé et c’est lui qui offre les scènes les plus poignantes du film, notamment à cause des épreuves qu’il doit traverser. Une des meilleures blagues du film est d’ailleurs une perle d’humour noir où il récapitule de manière sarcastique tout ce qui vient de lui arriver. Enfin, la quatrième pierre angulaire du film est Kérubim, qui nous offre les scènes les plus déchirantes et qui s’efface malheureusement un peu en seconde partie de film (ce qui est dommage du point de vue du fan des « Trésors » que je suis).

Dofus : Livre 1 – Julith est un film sur la famille et le sacrifice. Chaque personnage est prêt à sacrifier tout ce qu’il a pour sauver ceux qui lui sont chers et c’est une thématique qui a été abordée avec une justesse et un niveau de nuance assez hallucinant.

Ce-ci dit, il reste un point que je vais aborder qui rentre en full spoiler… Et qui pue du slip. Littéralement.

FIGHT

Sans trop en dire, l’un des objets les plus importants du film est un slip… Et même si c’est envisagé en partie comme une blague, ça ne passe absolument pas, parce qu’à ce stade du film, on est à fond sur quelque chose de sérieux et les enjeux ont pris une ampleur telle que si une tentative d’humour échoue, elle se rétame entièrement (même si il y a une blague en particulier un poil plus tôt qui a fait exploser de rire la salle et qui était vraiment bien trouvée). Et c’est ce qui se passe avec cette histoire de slip, puisque c’est présenté de manière tellement sérieuse et débile à la fois que je ne savais absolument pas comment réagir. Je ne savais pas s’il fallait que je prenne ça au sérieux ou bien s’il fallait que je rigole et j’ai juste levé les épaules en disant « What the fuck ? » Si ça avait été introduit plus tôt, ça aurait pu marcher en tant que blague… Mais ça aurait totalement décrédibilisé un certain personnage, au point que l’on se serait retrouvé dans un mauvais cartoon des années 60. Après, je dois avouer que passé le choc initial et une fois le climax lancé, on oublie totalement cette histoire, mais ce détail et son timing sont tellement étranges et hors de propos sur le moment que je ne sais toujours pas s’il s’agissait à la base d’une blague ou non. J’ai limite l’impression que c’est une expérience sociologique menée par Tot et son équipe pour voir la réaction des spectateurs. Et si c’est le cas, l’expérience est réussie, puisque si le slip avait été une robe, ce détail serait passé totalement inaperçu et ça aurait paru naturel… Mais on se retrouve avec un slip… Allez savoir. Dans tous les cas, je sens que la prochaine fois que je le verrai, ça fera l’objet d’une longue session de question-réponse et je reviendrai vers vous pour vous dire la Vérité sur le Slip.

Quoi qu’il en soit, je ne le répèterai jamais assez, mais il faut que vous (re)voyiez ce film. Ce n’est probablement pas le film de l’année, notamment à cause des quelques défauts que j’ai cité ci-dessus, mais il n’en reste pas moins un excellent moment passé au cinéma. Et je le répète : aller voir ce film, c’est aussi indirectement faire un geste militant, car c’est soutenir une équipe de talent 100% française et ça envoie un signal aux distributeurs, qui seront plus enclins à aider au financement de ces projets coûteux et osés. Et ça permettra de lancer la production du second film, dont le destin reste encore pour l’instant incertain et j’ai envie de voir ce second film, donc ça m’aiderait si vous y alliez. Je dis ça, je dis rien ♪

Benjamin « Red » Beziat