Je voulais écrire cet article à la sortie du tome 9, pensant naïvement que celui-ci marquerait la fin de l’arc narratif en cours, mais il semblerait qu’il faudra attendre le tome 10 pour ça. Et vu que j’ai la flemme d’attendre cinq ou six mois que ledit tome sorte pour partager mon avis sur cette série, bah je m’en occupe maintenant.

Si vous me connaissez bien (Benjamin), vous saurez que je fonctionne par cycles d’obsessions. Je peux très facilement me perdre dans un truc, acheter tout le merchandising et pondre tout un tas de tweets disant que tel truc est trop bien avant de l’oublier en faveur du prochain gros truc qui me perdra pendant les semaines qui suivent. Sans tout étaler et dans le désordre, ça a été le cas avec My Hero Academia (même si mon obsession revient full force avec la saison 3), Made in Abyss, Your Name, Solatorobo : Red the Hunter, le film Dofus, etc, etc, etc.

Et cela faisait quelques mois que Radiant me faisait de l’oeil. Je me doutais bien que je l’aimerais bien et le fait qu’il s’agisse d’un des premiers mangas français à non seulement être traduit et publié là-bas, mais en plus être adapté en anime à la fin de l’année ne pouvait que me rendre curieux. C’est pourquoi dès que j’ai enfin reçu de l’argent, j’ai sauté sur un des deux coffrets réunissant 4 tomes du manga…

J’ai tout dévoré en deux jours. Puis j’ai refait la même chose avec le second coffret quelques semaines plus tard, lorsque j’ai pu remettre la main sur de l’argent.

Radiant m’a happé comme ont pu le faire les oeuvres citées ci-dessus et j’ai enfin compris pourquoi ceux qui ont accroché à cette oeuvre en chantent ses louanges. Et c’est aussi ce pourquoi qui fait que je vais désormais vous expliquer, sans spoiler, les raisons qui font que Radiant mérite votre attention.

Un Shônen français

Les mangas français, c’est pas nouveau. Cela fait maintenant une dizaine d’années que le genre existe (n’hésitez pas d’ailleurs à lire mon interview de Reno Lemaire, qui vous explique les débuts plus que difficiles du genre), gagnant de plus en plus de traction au fil des années (et je compte bien à l’avenir m’y lancer aussi… Une fois que j’aurai trouvé un dessinateur). Et même si je ne vais pas parler de la qualité des oeuvres, on peut facilement différencier un manga japonais d’un manga français, qu’il s’agisse de la structure ou bien de l’esprit. Dire que ce n’est pas la même chose n’est pas non plus une critique, mais Radiant est le premier manga français à brouiller les frontières avec une telle maîtrise.

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Tony Valente, l’auteur de Radiant est un pur fan de Shônen et ça se sent que non seulement il en a lu une tonne, mais il a surtout pris le temps de les étudier. De comprendre leurs codes. Et même si parfois on sent le côté mish-mash de références à One Piece/Dragon Ball/Hunter X Hunter/Naruto avec des personnages que l’on peut facilement comparer à ces oeuvres, Radiant n’en reste pas moins son propre truc. Son univers propre. Et il est très français.

Je ne saurais le décrire parfaitement, mais même si le trait, la structuration des pages et des cases et les codes du Shônen font qu’on pourrait penser que Radiant a été créé par un auteur japonais, quand on le lit, on sait qu’il s’agit d’une oeuvre locale. La façon dont les dialogues sont écrits, qui sentent le langage parlé bien d’ici et non une version déformée par une traduction plus littéraire y contribuent, mais les propos et la façon d’aborder les sujets sont aussi très actuels et locaux.

Sans trop entrer dans les détails, un des thèmes de fond du premier gros arc narratif est le racisme, notamment à l’égard des populations musulmanes et le regard que portent certaines personnes sur elles, chose que l’on retrouvera très peu dans les oeuvres japonaises, principalement parce que les japonais ne connaissent pas ce genre de débat débile. Et le méchant de cet arc est particulièrement détestable de par son attitude et ses paroles, qui nous rappellent nos chers politiques de droite et au-delà. Il est d’ailleurs très drôle de lire dans une des parties making-of que comporte le manga que Tony Valente a repris parfois mot pour mot les propos haineux de ces personnalités publiques, offrant une certaine ironie palpable à ceux qui continueraient de les soutenir et qui pourtant détesterait ce méchant.

D’ailleurs, ça nous mène à notre second point…

Des méchants particulièrement détestables

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S’il y a bien quelque chose que j’apprécie énormément malgré mon inaptitude à en écrire qui le soient sur le long-terme, c’est bien les méchants que l’on adore détester. Bonne nouvelle : Radiant en a une tonne ! Entre celui cité ci-dessus, les membres de l’Inquisition (notamment un devenu particulièrement monstrueux et menaçant dans le dernier tome, ce qui le catapulte dans mon top 5 des personnages préférés de la série) et ceux des autres factions, on découvre une galerie incroyablement riche et diversifiée de personnages aux motivations des plus douteuses, quoique uniques lorsque traitées au cas par cas. Tous ont une personnalité qui leur est propre et chacun possède un niveau de nuances distinct, faisant que même si certains sont purement détestables, d’autres auront un semblant de notre sympathie du fait qu’on peut comprendre leur raisonnement.

Le détail qui m’impressionne le plus, cela dit, c’est leur nombre : on est à peine arrivé au tome 10 et traversé deux arcs que l’on a déjà plus de 10 méchants au compteur, ce qui peut sembler énorme et difficile à retenir… Mais ils sont tous mémorables et ont pour la plupart déjà eu suffisamment de présence pour s’imposer comme une menace concrète. Et certes, on souhaiterait en voir plus de la plupart d’entre eux, mais la série est encore loin d’être terminée, donc on peut facilement imaginer qu’ils seront développés par la suite.

Des gentils et des personnages secondaires (très) attachants

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Alors oui, parler des personnages principaux après les méchants peut donner l’impression que ce sont ces derniers qui occupent le centre de l’histoire, mais ce serait faire fi des héros, qui sont tout aussi développés que leurs ennemis. Seth, le véritable héros de l’histoire, peut donner l’impression initiale d’être le personnage de Shonen classique, et même si c’est vrai sous certains aspects, il connaît un développement rapide, efficace et possède une backstory vraiment intéressante (même si encore pas mal intrigante à ce stade de l’histoire, pour des raisons évidentes), faisant que l’on s’attache à lui très vite et on voudra le voir réussir tout en étant très curieux de voir où ça va aller.

Les autres personnages que constituent le cast principal sont tout aussi intéressants. Alma est une mentor au passé visiblement difficile et à la personnalité enflammée, mais toujours bienveillante (et qui possède un handicap traité avec tellement de justesse et de soin que ça me fait extrêmement plaisir à voir en tant que personne handicapée abordant ce sujet dans mes histoires). Mélie est, sur le concept, une réplique de Lunch de Dragon Ball passant d’un extrême niveau personnalité à un autre en un claquement de doigts, mais possède une backstory qui pousse le concept au-delà d’un simple gimmick et a son lot de scènes intéressantes. Doc (mon personnage préféré de toute la série) est le sidekick rigolo qui fera toujours tout pour éviter la baston, mais aussi un des personnages les plus surprenants de la série à plus d’un titre. Grimm est le mec mystérieux qui pour le coup est vraiment mystérieux et nous fait poser une tonne de questions à chacune de ses apparitions. Et Ocoho, au centre de l’arc en cours, est un personnage qui ne repose sur aucun gimmick ou cliché en particulier et qui possède une histoire captivante, en plus d’un des compagnons les plus adorables de ce côté-ci des mascottes de Shônen.

Toute cette joyeuse bande est complétée d’un IMMENSE lot de personnages secondaires ayant non seulement des designs variés et hyper cool, mais aussi des histoires intéressantes et mémorables. Même ceux n’ayant absolument aucun rôle dans l’histoire sont marquants. Mention spéciale au petit marchand du tout premier chapitre, qui reviendra tout le temps, pourchassé pas un karma qui lui fait bien payer son sale comportement ou bien le gamin d’une famille qui ne fait que reproduire maladroitement les gestes de son père. C’est peut-être rien, mais c’est typiquement le genre de détails qui me fera toujours sourire et qui montre l’amour de l’auteur pour son oeuvre et son univers.

Univers qui d’ailleurs…

Un sens du détail ahurissant et un univers complexe et riche

J’en avais déjà parlé dans mes rares épisodes des Techniques d’écriture (enfin… Je crois), mais une bonne histoire passe par un bon travail de développement en amont. Et quand on voit le niveau de détail du monde et de tous les éléments qui le constituent, on sent que Tony Valente n’a pas passé trois semaines à coller des éléments au pif avant de commencer à écrire la première ligne de dialogue.

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Le niveau de détail est ahurissant, aussi bien au niveau du world building, avec les différentes mécaniques qui régissent le monde, les diverses factions, les liens entre les personnages et leur backstory que dans le trait. Les personnages sont détaillés et les décors sont souvent à tomber par terre. Couplez ça avec une imagination débordante qui n’en reste pas moins logique à sa façon et vous avez le genre d’oeuvre qui se lit plusieurs fois, ne serait-ce que pour le plaisir des yeux, mais aussi pour revoir les petits détails et indices qui nous sautent à la figure en mode « Non, mais il n’a pas pu planifier AUTANT en avance !? »

Non seulement ça, mais c’est aussi un monde à la fois tellement précis et vague que l’on peut aisément s’imaginer écrire des histoires supplémentaires se déroulant dans cet univers… Même si je pense peut-être me projeter un peu trop sur Tony, mais je l’imagine être aussi pointilleux que moi, au point que toute proposition extérieure se verrait critiquée et modifiée dans tous les sens pour pouvoir être considérée comme canon.

En bref, je pense que vous aurez compris où je veux en venir : LISEZ RADIANT !

Ou au pire attendez l’anime, qui promet d’être tout aussi cool (même si je n’imaginais clairement pas ce genre de voix pour Seth).

Malgré ses airs de Shônen typique, Radiant est bien plus que ça. C’est une lettre d’amour à un pan tout entier du manga qui parvient non seulement à lui rendre hommage, mais qui en plus accomplit la prouesse d’être sa propre entité. Si je devais le rapprocher d’une oeuvre en particulier, aussi bien en terme de similaritude (comme dirait Doc) que de qualité, ce serait bien One Piece. Yep, Radiant est le One Piece français que la France avait toujours rêvé de posséder et je suis vraiment heureux d’avoir cédé à la curiosité, autrement j’aurais loupé non seulement une oeuvre fascinante et passionnante, mais elle est aussi désormais pour moi une véritable source d’inspiration et un véritable défi à relever en matière d’écriture, ne serait-ce que pour tenter de l’égaler.

Benjamin « Red » Beziat