Quand on parle de jeu vidéo, on parle très souvent de l’instant T. De ce qu’il se passe devant l’écran. De sa violence, ou bien des rires qu’il provoque ou tout simplement des aventures qu’il nous fait vivre… Mais rarement il est évoqué ce qu’il se passe derrière. De l’impact que ces jeux peuvent avoir sur le développement personnel du joueur. De comment le jeu a pu nous permettre de surmonter une épreuve que l’on traverse. Il arrive certes qu’on en parle, mais quand on en parle, c’est soit pour pointer du doigt ou bien se moquer de ce joueur de MMO qui passe ses semaines devant l’écran. Pour quelle raison ? Généralement, celui qui va écrire cet article s’en fiche, alors qu’il est tout à fait possible qu’une personne va jouer à un jeu aussi longtemps soit pour discuter avec ses amis ou bien pour des raisons bien plus obscures et tragiques.

La courte histoire que je vais vous conter aujourd’hui n’est peut-être pas basée sur un MMO et n’est peut-être pas aussi sombre. Mais elle est assez personnelle et liée à un des moments les plus sombres de ma vie. Dans tous les cas, je voulais écrire cet article pour montrer un autre aspect que l’on ne prête que trop rarement au jeu vidéo : celui d’outil thérapeutique.

https://www.youtube.com/watch?v=nOJi5QSxJbw

(Je profite au passage de cet article pour caser ce poème symphonique que vous devriez absolument écouter, même s’il ne convient pas forcément au mood de cet article)

Quand j’étais petit, je savais ce qu’était la mort. Ou du moins, son concept, car j’ai eu la « chance » de ne la connaître d’assez près que bien assez tard dans ma vie. De fait, quand je regardais/jouais/lisais une histoire où un personnage important aux héros mourrait, ça ne me faisait pas grand chose. Je ne ressentais pas ce que pouvaient ressentir les personnages car je ne pouvais savoir ce que cela faisait.

Je ne sais plus quelle année cela a eu lieu (probablement en 2005), mais au détour d’un été au Pays de Galles avec ma famille, j’ai eu l’immense chance de mettre la main sur la version Game Boy Advance de Final Fantasy VI. Étant un assez gros lecteur de Gameplay RPG, j’avais lu que ce jeu était un incontournable et qu’il me fallait absolument le faire, donc dès que je l’ai vu dans ce petit magasin d’un petit village de campagne, je n’ai pas pas hésité. J’ai demandé à ce que ce soit mon cadeau d’anniversaire et on m’a dit « OK ».

J’y ai donc joué. Et même si je ne comprenais pas tout, j’avais assez grandement apprécié cet immense jeu et y ai joué sans relâche pendant des semaines, mais pas au point de le finir, puisque pendant très longtemps (et même encore aujourd’hui quand je ne fais pas quelque chose d’important) j’avais la fâcheuse tendance à commencer des trucs, puis passer à autre chose dès qu’un truc nouveau m’arrivait au coin de la figure.

Hélas, c’était aussi pendant cette période que j’ai rencontré la mort pour la première fois et compris à quel point elle pouvait être impitoyable.

À ce point de ma vie, j’avais déjà connu un événement assez bouleversant, puisque mes parents s’étaient très récemment séparés, mais le double combo avec le décès d’un de mes grand-parents du côté français de ma famille avait achevé de m’enfoncer dans ce qui allaient être cinq années de flottement et de dépression assez terribles, puisque durant toute cette durée, je n’ai plus ou moins plus vécu, m’enfermant sur moi-même et me sentant très souvent coupable de ne pas pouvoir améliorer le quotidien de ceux qui m’entouraient. Après, cela ne veut pas non plus dire que j’étais dans le plus profond des trous, mais je n’arrivais plus à trouver l’équilibre nécessaire pour vivre normalement et donc il y avait des moments où j’étais très heureux pour pas grand chose et d’autres…

Je ne sais plus quand j’ai repris Final Fantasy VI. Il me semble que c’était un an après le décès de mon grand-père, mais je sais que c’était pas bien longtemps après. J’ai repris le jeu de zéro et ai à nouveau apprécié le scénario du jeu, mais d’une manière bien différente par rapport à la première fois, puisque je pouvais désormais comprendre la gravité de certaines scènes. Là où certaines scènes me laissaient relativement neutres, je pleurais désormais toutes les larmes de mon corps et il m’arrive très souvent de voir ma journée sensiblement assombrie dès que je fais l’erreur de lancer Forever Rachel, car j’y associe toujours ce moment particulier de ma vie. Ceux qui y ont joué sauront de quelles scènes je veux parler : le train fantôme et le phénix. Pour des raisons de spoilers, je ne vais pas entrer dans les détails, mais ces deux scènes ont résonné avec moi comme jamais aucune scène ne l’avait fait avant et même si les ficelles sont assez grosses dans la première pour nous achever une bonne fois pour toutes, la seconde n’en reste pas moins maîtrisée de bout en bout. Quoi qu’il en soit, si jamais vous n’avez pas joué à Final Fantasy VI, je ne peux que vous conseiller de le faire à tout prix, car le jeu est bourré de scènes toutes plus osées les unes que les autres (surtout pour l’époque), frappant parfois dans votre coeur avec la force d’un bulldozer.

https://www.youtube.com/watch?v=-TzPDsBNtsw

Final Fantasy VI m’a appris à accepter la mort et à enfin commencer à faire le tri parmi toutes ces pensées qui s’étaient bousculées dans mon esprit pendant les mois qui ont précédé. Bien évidemment, il n’a pas été la solution miracle qui aurait à lui seul mis fin à ma période de dépression, mais il a été un des premiers contributeurs à mon lent rétablissement. Le jeu de Hironobu Sakaguchi et son équipe a aussi été la clé qui m’a permis de comprendre les intentions et émotions que les auteurs tentent de véhiculer via leurs oeuvres. Du coup, c’est grâce à ce jeu et l’empathie qu’il a déniché au plus profond de mon cerveau que désormais je ressens ce que vivent chaque personnage dans la plupart des oeuvres les plus chargées (et les mieux écrites, accessoirement, puisque je peux dire d’expérience que tenter de susciter une réaction chez le lecteur est un des exercices les plus complexes imaginables… Surtout quand on décide de ne pas jouer la carte de la flemme et utiliser des raccourcis grossiers, mais qui fonctionnent tout le temps [mais ça, c’est un sujet pour un autre article]).

Benjamin « Red » Beziat