Ce qui est bien quand on part sur un a priori négatif avant de commencer un jeu, c’est que l’on est bien plus facilement surpris quand celui-ci s’avère être bon ! Alors oui, je vous vois déjà venir en disant qu’un journaliste se devrait de rester neutre, mais bon, on parle quand même de Sonic Boom ! Même si le dessin animé est vraiment sympa, les jeux, eux, étaient légendaires pour leur médiocrité. Pourquoi avoir décidé de persister sur cette voie en en faisant un troisième épisode sur Nintendo 3DS, moi-même non plus ne saurait dire. Mais cette fois-ci, Sega et Sanzaru ont tiré des leçons de leurs erreurs et nous pondent là un jeu vraiment bien fichu.

Earth, Wind and Fire and Ice and Knuckles and Knuckles and Knuckles

S’il y a bien quelque chose que j’apprécie dans l’écriture de Sonic Boom, c’est sa légèreté et sa stupidité ambiante. Sonic et Robotnik sont tellement habitués à se battre qu’ils savent tous les deux que ça ne sert plus à grand chose de le faire, au point qu’ils décident de ne faire que se balancer des piques tous les jours sans jamais prendre le tout au sérieux. Et ce jeu, c’est exactement ça. Toute l’histoire tourne autour du fait que Robotnik sème involontairement le chaos en récoltant un matériau qu’il compte utiliser pour construire des robots capables de battre Sonic à la course. Pas de combat directement contre lui, mais seulement des courses pour humilier le hérisson bleu. Les boss, eux, sont tous liés à une création de Robotnik qui s’est échappée et qui n’a même pas été construite pour détruire. Bref, le monde est en danger, mais pas de manière préméditée. Et ça fait du bien.

Chaque cutscene n’est qu’un prétexte pour balancer des vannes et respecte bien l’esprit de la série télé. Même si le gros point noir de l’écriture reste la raison pour laquelle Sonic obtient ses pouvoirs de contrôle du feu et de la glace : il s’en fiche totalement et n’est même pas surpris de les avoir, au point que ça nous surprend totalement, et pas forcément dans le bon sens… Enfin, quoi qu’il en soit, Fire and Ice donne l’impression de jouer à un épisode de quatre heures, ce qui n’est pas plus mal, tant on a l’impression d’être plongés dans une petite bulle d’insouciance et de légère débilité.

Et oui, même si vous devez vous dire que quatre heures, c’est court, c’est aussi ça qui fait qu’il est bon. Il ne donne pas l’impression de traîner en longueur et vu le nombre d’éléments qui se répètent rien que sur les six mondes proposés, on peut se dire que ce n’est pas un mal.

Car dans chaque monde, on aura quelques niveaux de plateforme classiques au level-design de plus en plus corsé et bourré de petits détours et secrets, un niveau de guidage de sous-marin dans des labyrinthes, aidés d’un sonar, un niveau d’hydroglisseur/shoot-them-up où il faut arriver à la ligne d’arrivée avant la fin du timer (qui diminue avec les obstacles que l’on se mange, comme avec le sous-marin) et une course contre Robotnik. Selon les mondes, on aura aussi des niveaux de course en vue de derrière dans des tunnels bourrés de pièges, où les réflèxes seront primordiaux, ainsi qu’un boss, qui prend en compte les deux écrans et qui nécessite là-encore assez souvent de bons réflexes, mais qui n’est jamais trop difficile.

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D’ailleurs, niveau difficulté, Sonic Boom Fire and Ice semblera plutôt facile, et ce pour une simple raison : l’absence de vies. Comme pour Rayman Legends ou Super Meat Boy, le jeu opte plutôt pour un système de checkpoints, mais comme dans les précédents Sonic, on a toujours le système d’anneaux qui nous confèrent une pseudo-invincibilité du moment que l’on en a encore un sur soi. Mais la contrepartie est qu’ici, quand on se fait toucher, on les perd absolument tous, on se fait renvoyer en début de section et le délai pour les récupérer est tellement serré qu’il n’est pas rare de se trouver à refaire toute la section avec la peur de se faire avoir. Et, si on “meurt”, on retourne au checkpoint en perdant juste tout le ragnium que l’on avait accumulé en remplissant certains défis et en tuant les ennemis. Et ce système est juste excellent, puisque le rythme et la complexité des niveaux n’en sont que meilleurs. L’absence de Game Over permet aux level-designers de multiplier les pièges et obstacles, mais réussit aussi l’exploit de très rarement franchir la ligne du piège cheap qui va nous avoir sans prévenir. Je me sentais en contrôle de la situation près de 90% du temps et quand j’étais renvoyé au checkpoint, bah c’était très souvent ma faute (même si parfois il arrivait que ce soit de la faute des contrôles du jeu, qui sont inutilement complexes). Les développeurs ont même poussé le vice jusqu’à créer des salles cachées dans les niveaux de plateforme. Et ces salles… M’est avis que certains enfants vont juste hurler, tandis que les vieux briscards de la plateforme tels que moi vont avoir quelques sueurs froides tout en levant un sourcil devant le niveau de maîtrise du défi proposé.

Ceci dit, je l’ai vite fait évoqué, mais la complexité des contrôles est probablement quelque chose qui risque de poser problème aux plus jeunes. Car ici, en plus du désormais classique Homing Attack, on a les coups spéciaux de chaque personnage (que l’on peut changer n’importe quand), dont notamment les dash aériens de Sonic et le changement entre le mode feu et glace. Et bizarrement, cette mécanique m’a pas mal fait penser à “et si Ikaruga était un jeu de plateformes” (les connaisseurs me répondront Outland, mais là, il n’y a heureusement pas de boulettes à prendre en compte). Après, ce n’est pas utilisé constamment, mais il arrivera que l’on doive passer en mode glace pour créer des plateformes et utiliser le mode feu pour faire fondre la glace, et parfois en succession rapide. Et je dois avouer que sur le premier monde, ce n’était pas évident à appréhender, puisqu’il y avait énormément de boutons à apprendre sur le tas. Heureusement, passé le second monde, j’ai plus ou moins maîtrisé le truc, mais il m’arrivait quand même parfois de me planter parce que je n’avais pas le réflexe de changer de mode lorsque je me rendais compte que je n’avais pas enclenché le bon. Ce n’était pas non plus au point de me faire toucher ou perdre une vie, puisque jouer avec Sonic ou Tails, c’est s’offrir un niveau de contrôle et de rattrapage plus qu’appréciable, mais ça reste quand même une de ces instances où la complexité d’un jeu peut parfois lui nuire plus que de raison.

En fait, il n’y a que deux problèmes que je vois vraiment avec ce jeu : Amy, Knuckles et Sticks ne servent absolument à rien en dehors de certains éléments de décors avec lesquels seuls eux sont capable d’utiliser et la présentation, qui hurle “jeu à petit budget”. Oui, ça fait assez bizarre de se plaindre des menus, mais ils sont tellement austères et manquent de personnalité que ça se voit que l’on joue à un “jeu de (3)DS” et non un titre un minimum ambitieux. Ça et puis, bon, ça se voit que c’est un jeu conçu presque exclusivement pour les enfants, puisque les modes bonus n’intéresseront pas les autres joueurs et on reste quand même énormément pris par la main avec des icônes de partout et des indications noir sur blanc de quand il faut faire tel truc. Et on sent clairement que la musique a été composée par un américain, car rien n’est mémorable.

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Enfin, malgré tous ces “problèmes”, je ressors de Sonic Boom Fire and Ice plus satisfait que je ne l’aurais imaginé. Ce n’est certes pas le renouveau de Sonic, mais ça reste un platformer compétent et sympa à faire. Si vous avez un gamin qui aime l’univers, il n’y a pas à hésiter, puisque le challenge est présent, mais presque jamais injuste et il y a de très bonnes blagues ici et là en plus de totalement respecter le ton et la légèreté de la série. Et même si vous voulez le prendre pour vous, je peux vous le recommander, même si bon, il ne faut pas oublier qu’il dure quatre heures en ligne droite et probablement pas plus du double pour le finir à 100%, donc ça reste à vous de voir si vous voulez le prendre plein pot ou non pour soutenir Sega et Sanzaru dans cet effort (mais si jamais il passe à 10€ un jour, faites pas la fine bouche et prenez-le).

Benjamin « Red » Beziat