Wow. Je ne sais toujours pas comment cette saison a pu se faire et n’aurais jamais imaginé voir une série animée française devenir aussi intense à la télévision française à une heure pareille. Je crois que l’on peut dire que l’on a assisté à un tournant dans l’industrie de l’animation française grand public et j’espère de tout mon coeur que ce n’était pas qu’une heureuse exception.

Brutale. Sans concessions. Émouvante. Passionnante… Tellement d’adjectifs me viennent en tête pour décrire la saison 3 d’une série déjà assez vieille et qui semblait déjà nous avoir tout offert, mais qui est parvenu à se dépasser pour nous offrir ce qui se fait désormais de meilleur à la télévision française. Après, ce n’est pas pour dire que cette saison est parfaite, loin de là, mais quand la série voulait nous offrir des choses osées, elle n’y allait pas avec le dos de la cuillère. C’est aussi pour cette raison que je vais éviter d’entrer dans les détails pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte, mais sachez que vous allez vous prendre de bien jolies baffes en hurlant « Non mais c’est pas possible que France Télévision aie laissé passer ça !? » Car certes, on a déjà vu bien plus brutal ailleurs, avec des animés bien plus violents que ça ou bien des séries américaines qui osaient traiter de thématiques similaires avec parfois le même niveau de violence émotionnelle, mais des séries françaises capables de sortir des choses pareilles ? En dehors de la fin de la saison 1 de Wakfu, la fin de la saison 2 de Wakfu et l’OAV consacré à Noximilien l’Horloger… Qui était aussi un spin-off de Wakfu, bah je n’ai pas le souvenir de voir une production 100% française aller aussi loin ! C’était d’ailleurs cette envie d’oser qui m’avait marqué il y a presque dix ans et donné envie de suivre les aventures de Yugo et la Confrérie du Tofu et on sent via cette saison 3 que l’équipe d’Anthony « Tot » Roux et Fabrice « Ntamak » Nzinzi a voulu pousser les limites de ce qui pouvait se faire en France dans l’animation « tous publics ».

Et ça, ça fait un bien fou et ça me donne l’espoir que d’autres projets tout aussi osés, si ce n’est plus, soient greenlightés par les chaînes de télé françaises.

« Bon, arrête de tourner autour du pot. Ça parle de quoi, en gros ? »

Wakfu S3 1

Wakfu étant une série extrêmement riche et complexe, c’est assez compliqué de ne parler que de la saison 3, mais il faut savoir qu’elle commence quelques mois après les événements des OAV de l’arc « La Quête des Six Dofus Éliatropes » (qui se déroulent après la saison 2 et sont absolument nécessaires pour comprendre ce qui suit). Tous les membres de la Confrérie du Tofu vivent plus ou moins éloignés les uns des autres. Yugo le héros et Ruel le chasseur de trésors tentent désespérément de chercher une piste pour retrouver Adamai, le frère de Yugo parti rejoindre un groupe d’individus louches suite à une dispute. Tristepin le guerrier et Évangéline l’archère vivent paisiblement avec leurs enfants tandis qu’Amalia, la mage du groupe, est au chevet de son père mourant. L’ambiance est déjà pesante d’un côté, mais c’est là où l’autre côté est à priori plus guilleret que les choses les plus intéressantes vont se passer, puisqu’un duo de méchants débarque pour infliger une sévère défaite. La famille est rapidement divisée avec Tristepin laissé pour mort au fond d’un ravin et Évangéline qui se fait enlever avec son fils. Le reste de la confrérie rappliquera très rapidement et apprendra qu’il faudra entrer dans l’antre extra-dimensionnelle d’un être mystérieux pour aller sauver Évangéline.

Voilà plus ou moins le pitch des deux premiers épisodes. Je ne vais pas aller plus loin, mais je vais juste dire ceci : le premier épisode est absolument parfait en terme de mise en scène et de tension. Le fait qu’il s’ouvre sur la lourde défaite de Tristepin tient du génie, car en moins d’une minute le ton de la saison est donné. Le fait qu’il surenchérisse avec des scènes montrant la détresse réelle et réaliste de Yugo et d’Amalia nous offre la promesse d’une saison particulièrement difficile à suivre d’un point de vue émotionnel et même si le second épisode fait un peu (trop) retomber la pression, le troisième épisode rempile pour nous coller une claque monumentale.

Si vous me connaissez un minimum, vous savez que j’adore plus que tout les épisodes des séries centrés sur les personnages. Et à mon plus grand bonheur, la saison 3 de Wakfu n’offre quasi-exclusivement que de ça ! Des scènes d’introspection aux pressions psychologiques les plus sournoises en passant par des actions incroyablement osées ou bien des scènes intimistes fascinantes de réalisme, Tot s’est tout permis pour pousser ses personnages à bout et on souffre avec eux. On pleure avec eux. On rit avec eux. Et on hurle tous de concert sur Twitter à l’encontre de l’équipe parce qu’ils nous font des cliffhangers cruels qui nous font parfois attendre une semaine avant de voir la suite.

Cependant, il y a deux-trois détails qui m’ont fait un peu tiquer. La première est ce rétropédalage constant qui fait qu’il arrive bien assez souvent des choses choquantes ou osées, mais elles ne sont qu’amorcées, sans jamais aller jusqu’au bout. C’est difficile à dire sans spoiler, mais imaginez que c’est comme si un personnage n’aurait pas pu être plus mort que ça, mais trouve quand même un moyen de revenir ou bien serait handicapé, mais en fait plus vraiment et où les conséquences sur les autres ne seraient que très minimales. C’est assez dommage, mais ayant également écrit des choses aussi osées et ayant plus ou moins aussi rétropédalé sur certaines choses, je peux parfaitement comprendre d’où ça peut venir, car écrire ce genre de scènes est non seulement extrêmement difficile, mais ça l’est encore plus d’en assumer pleinement les conséquences…

Wakfu S3 3

(Au passage, Dame Echo est de loin un des meilleurs personnages de cette saison, très bien écrit et d’une complexité exemplaire)

Le second détail qui m’a fait tiquer vient de la « patte Ankama », avec obligation de caser des slips et des blagues sur le caca là où ça ne devrait pas nécessairement exister. Une fois, ça pourrait passer, éventuellement, mais elles arrivent un peu trop souvent pour ne pas finir par exaspérer. Il y a notamment un épisode qui serait particulièrement mortel si vous décidiez de faire un jeu à boire à chaque fois que vous verriez un slip et je ne sais vraiment pas si c’est une bonne chose.

Enfin, le dernier détail vient de la fin un poil précipitée. Cette saison ne s’étale plus que sur 13 épisodes, ce qui est fantastique d’un point de vue rythme (les saisons 1 et 2 se perdaient parfois un peu dans des détours inutiles), mais certains changements de mentalité se font un poil trop précipitamment. Elle est certes très cool et plus que belle, avec des plans complètement dingues, mais elle est un poil rapide et déboule sur une fin tellement ouverte qu’elle hurle un plus que frustrant « à suivre ».

En dehors de ça, cette saison est un pur bonheur. La mise en scène est excellente, les couleurs très bien utilisées avec les musiques pour rendre l’ambiance encore plus oppressante, l’animation est impressionnante, avec des effets de particules et de poussière d’une fluidité exemplaire et certains décors sont à couper le Snouffle. Un artbook est d’ailleurs disponible et je sais que dès que l’occasion se présentera, je me jetterai dessus pour pouvoir mieux les apprécier.

Au final, et malgré certaines de mes réserves et de 3 épisodes un poil en deçà du reste, la saison 3 de Wakfu est phénoménale ! Les choses qu’elle ose sont tout bonnement monstrueuses et je sais que je me répète, mais j’espère sincèrement que ça va ouvrir les yeux des chaînes de télé sur le fait que l’on veut voir plus de séries animées grand public qui osent. Si vous avez un abonnement à Netflix, vous vous devrez de la regarder lorsqu’elle arrivera en Octobre. Si vous n’en avez pas, j’imagine que France 4 la rediffusera régulièrement et vous pourrez les voir en Replay sur le site. Dans tous les cas, cette saison pose des nouvelles grosses pierres au temple que je bâtis pour vouer un culte au pôle animation d’Ankama, parce que bons dieux, à ce stade, c’est juste incroyable de ne sortir que tuerie (Wakfu) sur tuerie (Aux Trésors de Kérubim) sur tuerie (Dofus Le Film). Je n’ai qu’une envie désormais : voir la saison 4. Et Abraca, prévu pour 2019.

Et harceler le studio avec mon projet d’adaptation des Chroniques de Loutre-Monde.

Benjamin « Red » Beziat