Note : Exemplaire presse fourni par l’éditeur.

Annoncé l’été dernier sans aucune hype préalable, le remake de Wonder Boy III : The Dragon’s Trap s’est instantanément catapulté au sommet de ma liste des jeux les plus attendus pour deux raisons. La première était qu’il s’agissait d’un remake d’un jeu qui était très souvent considéré comme un des meilleurs jeux de la Sega Master System. Et la seconde est évidente si tant ait que l’on aie jeté un coup d’oeil à un screenshot. Le jeu est absolument sublime. Bon ok, il y a aussi la troisième raison qui est que le jeu a l’air d’un film d’animation des années 80 et quiconque me suit sur Twitter sait à quel point je suis resté coincé dans cette période. Bref, toutes les étoiles étaient alignées pour promettre une expérience des plus agréables. Qu’en a-t-il été au final ?

… Si vous avez lu le titre de cet article, vous en connaissez déjà la réponse. Jamais de ma vie je n’ai joué à un remake aussi respectueux de l’oeuvre originelle tout en étant si personnelle. Ce Wonder Boy, c’est le Wonder Boy d’Omar Cornut, de Ben Fiquet et de Michael Geyre.

What is, the secret of your pooow-eeeer ? ♫

L’histoire de Wonder Boy : The Dragon’s Trap est simple. Hu-Man/Hu-Girl arrive enfin à sa destination finale : l’antre du Méka-Dragon. Après un combat « épique » (qui consiste plus ou moins à se faire balancer à gauche à droite toutes les deux secondes et taper dans le vide en priant pour que ça le touche au moins une fois et bis repetita), notre héro(ïne)s parvient à le terrasser. Mais, dans son dernier souffle, le monstre inflige une terrible malédiction qui transforme notre guerrier(e) en dragon et le prive de tout équipement (et réduit son nombre de coeurs à 1).

Fuyant un château sur le point de s’écrouler et dépité, il/elle part en quête d’un remède pour retrouver son apparence normale, quitte à devoir subir quelques transformations supplémentaires en cours de route.

Concrètement, à part une nouvelle introduction, l’ajout de Hu-Girl qui ne change absolument rien en terme de gameplay en dehors d’une dose bienvenue de diversité et des menus retravaillés pour les rendre bien plus clairs et esthétiques, le jeu est plus ou moins le même qu’en 1989. On parcourt les niveaux sous une forme particulière jusqu’à atteindre un boss qui nous transformera en autre chose qui nous permettra d’accéder à de nouvelles zones et ce monde si petit de base s’ouvrira de plus en plus au fil de notre exploration. Dans un sens, Wonder Boy est une sorte de Metroidvania, avec ce que ça implique d’allers et retours parfois un peu ennuyants, mais jamais frustrants, car on est naturellement guidés par un level-design qui met très bien en évidence les éléments exploitables par les différentes formes et les objets éventuellement nécessaires à notre avancée se trouvent généralement pas loin de l’endroit qui nous pose problème.

Après, jeu de la fin des années 80 oblige, il arrive que certains passages soient assez cryptiques, et, très souvent, le PNJ censé nous donner des indices ne sert à rien. Et c’est sans compter sur le dernier tiers du jeu, qui n’hésite pas à partir en live total avec des portes invisibles qui peuvent nous faire tourner en bourrique. Heureusement, elles ne sont pas non plus mises au hasard et la version remasterisée met assez bien en avant ces endroits, nous faisant nous questionner le pourquoi de cet étrange passage sans issue. Enfin, l’autre aspect assez énervant lié à l’époque vient de certains pics de difficulté complètement absurdes, avec des ennemis à priori simples laissant soudainement place à des version renforcées d’elle-mêmes pouvant nous enlever un à trois coeurs d’un coup (et parfois positionnés de manière à garantir un coup gratuit). Ce problème assez étrange le devient encore plus quand on prend en compte que le jeu fonctionne sur une base légèrement RPG sur les bords, avec des armes et armures aux statistiques différentes. Explorer est plus que vivement conseillé, puisque non seulement les armes qui permettent de rendre les zones difficiles plus abordables sont souvent bien planquées, mais notre héros peut aussi passer tout son temps avec littéralement un coeur, étant donné que tous les bonus de vie sont dissimulés dans des coffres. Enfin, un dernier petit problème qui a rendu l’expérience parfois assez frustrante, c’est le fait que certaines armes et armures coûtent un bras. Résultat, il faudra parfois passer quelques minutes à aller et venir dans une zone pour faire le ménage et espérer que les ennemis lâchent de l’argent en lieu et place d’objets secondaires pas bien utiles qui en plus disparaissent tous en cas de Game Over.

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D’ailleurs, niveau difficulté, le jeu en tient une légère couche. Si vous ne passez pas votre temps à améliorer votre équipement, vous entendrez la musique de Game Over toutes les quinze minutes en Normal. En Facile, c’est bien évidemment beaucoup plus gérable et je dois admettre qu’après avoir buté sur le deuxième boss (tous ont d’ailleurs une hitbox monstrueuse qui fait que c’est le festival des coeurs perdus), j’ai décidé de baisser le niveau de difficulté, résultant en une expérience bien plus plaisante, amusante et pas si évidente que ça pour les raisons évoquées plus haut. Certes, j’ai fini le jeu avec seulement deux Game Over (contre sept en Normal avant même d’avoir battu le deuxième boss), mais il y a eu pas mal de moments ardus, et particulièrement sur le dernier tiers, qui teste nos réflexes et notre patience de manière admirable.

Et même si on pourrait penser que toutes ces petites frustrations auraient pu entacher mon appréciation du jeu, il n’en est rien, puisque le level-design est absolument brillant et d’une modernité folle par endroits. L’autre facteur de mon plaisir vient de la découverte des lieux. Alors certes, ce ne sont pas les décors les plus originaux qui existent (désert, plage, etc), mais la façon dont ils ont été réinterprétés pour ce remake fait que le jeu est un émerveillement de chaque instant. Ce jeu est une galerie d’artworks ambulante où la surprise est constante et l’amour de Ben Fiquet palpable. Et même si niveau gameplay, les boss sont un peu nazes, leur redesign est exemplaire, rendant les combats bien plus intéressants. D’ailleurs, un des petits trucs que j’ai adoré faire, c’était de régulièrement faire passer les graphismes en mode « Originel » pour constater la différence, uniquement pour m’apercevoir que dans 90% des cas, les décors originaux étaient tout simplement absents. Le troisième boss en particulier m’a choqué, puisque dans le remake, son décor colle parfaitement au personnage, tandis que dans la version originale, le fond est noir et le sol aurait pu être considéré comme du béton ou un vaisseau spatial, ce qui ne correspondait en rien à la nature du niveau qui précédait ou bien le boss en lui-même. Le travail de réappropriation est monstrueux et sincèrement, si Ben Fiquet n’obtient pas des projets plus importants après la sortie de ce jeu, je serai profondément consterné.

Je serai d’ailleurs autant consterné si Michael Geyre ne trouve pas d’autres projets d’envergure sur lesquels bosser, puisque lui aussi a fait un admirable travail de réappropriation des morceaux composés originellement par Shinichi Sakamoto. La musique de ce remake est absolument fabuleuse. Interprétée en grande partie par des musiciens en live, chaque morceau respire la vie et le respect des morceaux originaux. Rien que les réécouter en écrivant cette critique me donne le sourire, c’est dire. D’ailleurs, si vous voulez vous donner une idée des morceaux originaux, vous pouvez les mettre d’une simple pression de bouton, ce qui est toujours sympa.

(Et bien évidemment, Omar Cornut mérite lui aussi un autre grand projet sur lequel bosser, puisque le jeu est sorti sans aucun bug notable et n’aurait pas existé sans sa maîtrise de la cyber-magie noire. Idem pour Romain Gauthier, bien évidemment, qui a refait des bruitages.)

D’ailleurs, dernier petit détail rigolo à souligner qui montre à quel point ce projet est un projet fait par passion : la galerie d’art contient pas mal d’artworks préparatoires, montrant des versions des personnages très différentes de ceux que l’on a aujourd’hui, ainsi que des vidéos des sessions d’enregistrement. C’est typiquement le genre de bonus qui aurait pu passer à la trappe, mais c’est le genre de mine d’info que l’on retrouverait plutôt sur une page web qui serait tombée dans l’oubli trois semaines après la sortie plutôt que dans le jeu lui-même, ce qui est vraiment cool.

Wonder Boy

En bref, Wonder Boy : The Dragon’s Trap est un jeu fait par des passionnés pour des passionnés, et ça se sent. Les gens de Lizardcube ont voulu faire les choses bien et bons dieux qu’ils les ont bien fait. Non seulement ils ont ramené un classique oublié du jeu vidéo, mais en plus ils l’ont magnifié pour en faire un jeu qu’absolument tout le monde peut faire sans donner l’impression de jouer à quelque chose qui a bientôt trente ans. Si vous avez une PS4, une Xbox One, ou mieux, une Nintendo Switch, vous vous devez d’acheter ce jeu. Ce n’est pas une recommandation, c’est un ordre.

La barre en matière de remasterisation et remaking vient d’être placée haut. Très haut.

Benjamin « Red » Beziat