Final Fantasy XV est fascinant à bien des égards. Aussi bien le jeu en lui-même interpelle de par son potentiel encore latent que l’Histoire derrière rend fou n’importe quel historien du jeu vidéo.

Tout le monde connaît l’histoire : D’abord prévu comme faisant partie de la maudite série des Fabula Nova Cristalis, le Final Fantasy Versus XIII de Tetsuya Nomura a d’abord été annulé avant d’être ressuscité par Hajime Tabata, qui avait pour lourde tâche de fixer cette épave déjà bien coûteuse et la rendre rentable.

Un mois après sa sortie, on peut dire que cela aura été un assez gros échec, notamment à cause du fait que le projet a été transformé en un monstre tentaculaire transmédia difficilement accessible et que tout le monde a bien vite vu que le jeu était au final un jeu en Early Access à 70€, sans compter l’annonce d’une tonne de DLC, ce qui a toujours été une stratégie marketing viable qui n’a jamais fait fuir les clients (#SarcasmeEnLettresDeFeu). D’ailleurs, c’est parce que le jeu a été bien assez vite bradé que j’ai pu le prendre et le finir aussi vite eeeeet… Franchement… Voilà.

J’ai bien aimé.

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Qui dort Ardyn

L’histoire de Final Fantasy XV tient sur un timbre-poste : le méchant empire de Niflheim a conquis le gentil royaume du Lucis et c’est au Prince Noctis de venger son royaume en explosant la tronche du méchant empereur pour reprendre son trône sans avoir à se prendre de représailles derrière. C’est aussi simple que ça, mais ça marche du tonnerre car la forme est assez inédite. Le jeu est un road-trip où Noctis ira jusqu’au bout du monde (qui par ailleurs est ridiculement petit, puisque l’on peut aller d’un bout à l’autre du continent en moins de 13 minutes chrono en voiture) avec ses trois amis et conseillers, téléphone portable à la main.

Ce qui fait la très grande force de ce jeu, ce n’est pas tant l’histoire plus que les personnages qui la font vivre. Noctis, Ignis, Gladio et Prompto ont une alchimie de dingue et leurs échanges verbaux sont quasi-constants. Les dialogues sont vraiment naturels et font que l’on s’attache facilement à eux. Et, contrairement à pas mal de JRPG, Tous s’en prennent plein la tronche et réagissent parfois d’une manière qui tranche radicalement avec l’image que l’on se fait d’eux basés sur les clichés du genre, résultant en des scènes chargées d’émotion et des moments d’humanité rares qui font extrêmement plaisir à voir. Le Prince Noctis en particulier n’est pas ce personnage « trop dark » et blasé auquel on pourrait s’attendre en voyant son introduction, mais quelqu’un qui tente d’encaisser au maximum tous les coups que la Convenance Narrative lui offre, mais qui craquera à plusieurs reprises de manière très naturelle. En y repensant, même si ça fait quinze ans que Hironobu Sakaguchi est parti de Square Enix, son influence continue de se faire ressentir, puisque cette sensation de contrôler un groupe uni semble tout droit calquée sur The Last Story, ce qui est à la fois ironique et plutôt cool (d’ailleurs, si vous le pouvez, faites The Last Story absolument).

Un autre personnage qui vole la vedette aux 80% restants du casting est le bad guy, mélange entre Kefka de Final Fantasy VI et Kuja de Final Fantasy IX pour son sadisme et sa folie pure. Il est certes lui aussi assez cliché et son but est un peu trop simpliste pour en faire un personnage réellement complexe, mais le fait qu’il soit constamment présent et représente toujours une menace imprévisible en plus du fait qu’il soit extrêmement drôle fait qu’il se hisse sans aucun effort dans le panthéon des meilleurs méchants de Final Fantasy.

Pour ce qui est des autres personnages, le constat est hélas beaucoup plus mitigé, car au lieu d’être des personnages aussi complets et vivants que ceux cités ci-dessus, aucun d’entre eux ne va essayer de passer outre son statut de « personnage dont la fonction ne fait que servir l’histoire », sortant des lignes plates vues et revues ailleurs et sonnant de plus en plus creuses et risibles au fil du temps. Les femmes sont les moins chanceuses du lot/ Cindy la mécanicienne ne sert qu’à appâter l’oeil des moins finauds, tandis que Lunafreya, pourtant décrite dans de nombreuses interviews comme un personnage fort et indépendant, semble vraiment n’être là que pour faire avancer l’histoire et fournir un prétexte pour sortir quelques pirouettes scénaristiques assez faciles. Ce point est légèrement atténué grâce aux flashbacks et du background servi en dehors de l’histoire principale, mais il n’empêche que la plupart de ses « moments badass » sonnent creux et faux. Seule Iris, la soeur de Gladio, s’en tire bien puisqu’elle n’est pas concernée par l’histoire, ce qui est assez dommage en y repensant.

Et bien évidemment, le gros du problème de Final Fantasy XV – le jeu, vient du fait que beaucoup trop de choses se font « off-screen ». L’empereur n’apparaît en tout et pour tout  que deux minutes, ses généraux encore moins, voire apparaissent sans prévenir pour nous sortir un Star Fox 64 et certains personnages secondaires changent de camp sans aucune explication autre que pour servir une idée de gameplay intéressante. On sent que l’équipe voulait créer un univers riche et une histoire intéressante, mais que faute de temps et aussi pour des raisons particulièrement stupides de créer un univers transmédia sans savoir comment en créer un, une bonne partie de ce potentiel a été gâché. Après, est-ce que ça casse tout ?

Bah… Pas vraiment. Car même si l’histoire est incomplète quand il s’agit d’un tableau global, le parcours de nos quatre compagnons nous prend aux tripes et nous met quand même dans tous nos états, allant même jusqu’à prendre des directions franchement inattendues et osées et créer un segment bouleversant et d’une puissance inégalée en terme d’humanité dans ses dernières minutes.

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Final Flageolets XV

Niveau structure de jeu, Final Fantasy XV est un mix étrange et incohérent d’open-world et de narration linéaire. Durant certains chapitres, on aura l’occasion d’accomplir des quêtes données par certains PNJ, tandis que d’autres s’enchaîneront pour faire avancer l’histoire à une vitesse parfois effrénée. Un peu comme si l’équipe n’avait toujours pas digéré les critiques faites à l’égard de Final Fantasy XIII et, en jouant à The Witcher III, a décidé de faire un compromis sans trop savoir comment s’y prendre… Et au vu des quêtes annexes pour la plupart assez minables, j’aurais préféré qu’ils se contentent de se concentrer sur le scénario, quitte à offrir un enchaînement de niveaux. Après, je ne sais pas si j’ai été malchanceux, mais beaucoup trop de temps passé à faire des quêtes annexes consistait tout simplement d’aller à un point donné sur la carte pour tabasser des monstres/cueillir des champignons et rentrer au bercail pour récupérer notre récompense. Aucune mise en scène, peu de développement pour les personnages secondaires et aucune véritable récompense à la clé autre que des points d’expérience et de l’argent. Certes, on tombe sur quelques quêtes annexes intéressantes comme une infiltration de fort ou un combat contre un mini-boss majestueusement mis en scène, mais ils sont plus une exception que la règle. Une des quêtes consiste quand même à aller chercher des flageolets dans un camion abandonné. Certes, la quête devenait hilarante du fait que les personnages eux-mêmes avaient du mal à réaliser ce qu’ils étaient en train de faire, mais ça restait quand même une fetch-quest comme les autres, ce qui était assez dommage.

Le système de combat, quant à lui, est avec le groupe de héros ce qui fait que je n’ai pas décroché du jeu. Il est certes assez bordélique et la caméra peut parfois faire n’importe quoi, mais il est assez versatile et fun pour que l’on puisse faire ce que l’on veut avec. Le système d’esquive automatique est assez bien vu, car il permet d’enchaîner les contre-attaques assez facilement et de rendre les combats beaucoup plus pêchus et les téléportations donnent à Noctis un supplément d’impression de puissance plus qu’appréciable.

Cependant, même si le système est taillé pour les combats les plus classiques, quand il s’agit d’affronter des boss majeurs, il peut s’écrouler de manière spectaculaire. Car même si le premier gros boss est bien mis en scène et assez lisible, le second est un pur désastre où les apparences ont plus compté que la jouabilité. La caméra faisait absolument n’importe quoi et le boss en lui-même ne devenait intéressant que durant la seconde phase. Et pour le boss final, c’est la même chose, mais inversé, avec une première phase très stimulante et une seconde catastrophique qui a plus ou moins ruiné l’intensité du moment et rappelait les plus mauvais boss de la PS2…

Enfin, il me faut parler du Chapitre 13, qui a fait couler tellement d’encre depuis la sortie du jeu et qui est considéré comme une purge par beaucoup… Personnellement, il ne m’a pas tant gêné que ça. Alors certes, il aurait pu être facilement réduit d’une bonne vingtaine de minutes, voire même une demi-heure pour gagner en rythme, mais en terme d’ambiance, c’était plutôt réussi. Après, j’aurais bien aimé quelques cutscenes de plus pour rendre certaines scènes plus satisfaisantes, mais en l’état, ça allait. Ni no Kuni m’a beaucoup plus ennuyé, par exemple. Après, l’équipe en charge du développement a promis de patcher le chapitre pour le rendre plus agréable à parcourir, donc pour le coup, il faudra être un poil plus patient pour l’apprécier… Ce qui est une excellente chose, en y repensant.

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The Nice Guys

S’il y a bien une chose qu’il est facile à dire de Final Fantasy XV, c’est qu’il est beau. Non, je ne parle pas vraiment du moteur du jeu, qui fait que les graphismes sont équivalents à la norme actuelle, mais plus de sa direction artistique, qui est vraiment intéressante. Les décors fourmillent de détails et de vie, donnant en grande partie l’impression que ce monde est crédible, à la fois réaliste et imaginaire. Chaque lieu possède une identité qui lui est propre et le travail monstrueux fait sur les éclairages insuffle une sensation indescriptible qui fait que l’on a l’impression de vivre le jeu. C’est assez étrange, mais je n’avais pas ressenti ça depuis que j’ai parcouru la région de Toussaint dans l’extension Blood & Wine de The Witcher III.

Le character-design est assez particulier, avec son lot de très grosses réussites (Noctis à la fin du jeu et son père, Ardyn et l’empereur en tête) et quelques choix qui font que ce jeu sera immédiatement identifié comme étant un jeu des années 2010 (Prompto, notamment, avec son apparence de chanteur de J-pop), jusqu’au plus perplexant (Cindy et Aranea, qui donne l’impression de sortir tout droit de Final Fantasy XIV/IV) et les personnages très secondaires à l’histoire sont étonnamment très normaux.

Et il me faut absolument revenir sur la partie sonore, qui est incroyable. Les musiques sont vraiment excellentes et parfois très surprenantes et les doublages sont excellents, la VF en particulier, qui se permet quelques petits écarts bienvenus pour rendre un texte déjà vivant encore plus vivant. Étant généralement un de ces relous qui met tout en VO par acquis de conscience, mais étant nostalgique de l’époque où les Kingdom Hearts étaient en VF, je n’ai pas hésité à rapidement changer pour mettre le jeu intégralement en français et ça passe plus que bien. Alors certes, je loupe un Ardyn monstrueusement cool en Version Anglaise et un Prompto doublé par l’acteur ayant doublé Red dans Solatorobo : Red the Hunter en VO, mais la VF est plus que bien équilibrée, où tout le monde a reçu la voix qui lui convient. Bref, jouez-y en français, car c’est vraiment bon.

Au final, Final Fantasy XV est un jeu en Early Access plus que prometteur. Il est certes bardé de défauts et on sent que l’équipe n’a clairement pas eu de retours extérieurs pour tout ce qui est explication des éléments de scénario secondaires, mais il n’en reste pas moins un jeu fun et très bon dans les choses sur lesquelles il avait mis la priorité. Ce quinzième épisode ne sera toujours pas celui qui sera considéré comme « celui qui a battu Final Fantasy VI », mais il se hisse quand même non sans mal en haut de mon panier. Après, est-ce qu’il faut le payer plein pot et maintenant en sachant qu’il n’est d’une, pas encore fini, de deux, qu’il faut aussi acheter Kingsglaive derrière et regarder Brotherhood et de trois, qu’il faudra aussi compter sur une blinde de DLC à acheter pour compléter l’histoire ? Bien évidemment que non. Le projet était tellement casse-gueule de base qu’il était facile d’imaginer qu’ils allaient se louper, mais il n’empêche que je ne peux que vous conseiller de le faire le jour où il sera enfin prêt.

Benjamin « Red » Beziat