Note : exemplaire fourni par l’éditeur. À l’heure de la publication de ces lignes, le online n’a pu être testé, bloqué derrière une mise à jour qui n’est toujours pas arrivée.

Ça faisait tellement longtemps… Un jeu qui provoque en moi un conflit intérieur. Qui m’empêche de former des phrases cohérentes et une critique tranchée.

Ultra Street Fighter II, tu m’ennuies beaucoup. Non pas dans le sens que le jeu m’ennuie, mais plus qu’il m’irrite. J’ai envie de chanter tes louanges, notamment le fait que tu me fais ressentir ce que j’ai ressenti quand j’avais six ans et que je jouais à Street Fighter II Turbo chez un ami d’enfance, consolidant l’idée que je me fais de la Switch comme étant une « nouvelle Super Nintendo », mais tu m’en empêches à cause d’un simple détail qui fausse totalement la donne : ton prix et ton passé.

Costly Fighters

(Voici en bonus la critique de Kayane. Deux avis en un article et avec deux formats, c’est plutôt cool, non ?)

Quarante euros. Ces deux mots rendent la rédaction de cette critique, ô combien difficile, car, soyons totalement honnête, qui voudrait payer une telle somme pour un jeu sorti il y a plus d’une vingtaine d’années avec un relifting tout droit tiré d’un remake sorti il y a huit ans pour à peine plus du tiers du prix proposé par cette version Switch ? Après, pour sa défense, comme le démontre les récentes sorties Switch à ce tarif-là (comme The Binding of Isaac : Afterbirth +), j’imagine que les coûts de fabrication des cartouche ont quelque peu fait grimper la note et il y a des nouveaux mode gadget (j’y reviendrai), deux «  » »nouveaux » » » personnages que sont Violent Ken et Evil Ryu et un artbook entièrement numérisé en très haute résolution (qui vaut en vrai autant que le jeu lui-même). Ceci dit, même après avoir listé tout ça, j’ai toujours du mal à imaginer des gens dépenser une telle somme. Surtout quand on prend en compte le fait qu’il y a huit ans est sorti Super Street Fighter II HD Remix, certes sans la plupart des bonus, mais avec un bon mode online et des graphismes identiques à ceux de cette version pour à peine quinze euros.

Pourtant, malgré tout ça, il y a quelque chose d’inexplicable qui fait que je trouve cette version plus qu’intéressante, et m’est avis que ça a à voir avec la Switch elle-même et ce que je disais en introduction : la Nintendo Switch est une console ultra conviviale, taillée pour les expériences en face-à-face grâce à ses Joy-Cons détachables. On peut défier n’importe qui, n’importe quand et n’importe où, ce qui est un luxe que ne peuvent permettre les consoles de salon plus classiques. Et c’est en écrivant ces lignes que je me rends compte du coup de génie de Capcom. La Switch est destinée à un public résolument âgé. Or, les personnes à qui est destinée la Switch ont pour la plupart eu l’occasion de jouer à Street Fighter II au moins une fois dans leur vie. Vous les mettez devant un Street Fighter II en leur proposant un duel, il y aura plus de chances pour qu’ils acceptent que si on leur avait proposé de jouer à Street Fighter 3.3 ou V. Plus simple et bien plus facilement reconnaissable du grand public, donc rendant les parties avec des non-initiés plus simples et donc plus fun. C’est diaboliquement efficace (en théorie) !

Mais revenons à nos moutons : le jeu propose les classiques modes Arcade, Versus, Entraînement et un mode online. En plus de ça, on peut s’amuser à jouer en 2 contre 1. Les deux joueurs dans la même équipe possèdent une barre de vie commune et peuvent tabasse joyeusement l’ordinateur dans ce qui peut rapidement devenir un match de volley-ball humain. C’est débile, donc indispensable. Tout aussi débile, même si largement moins indispensable : l’éditeur de couleurs, qui permet de colorier nos personnages préférés au gré de nos envies et aux dépends du bon goût pour montrer nos talents d’artiste au reste du monde. Un Blanka violet avec des cheveux vert caca d’oie ? C’est possible !

Enfin, le dernier mode… La Voie du Hado… Sur le papier, ça avait l’air rigolo : utilisez vos Joy-Cons pour simuler des Hadokens, Shoryûkens et Tatsumakis et ainsi taper sur des soldats de Shadaloo en vue à la première personne. En théorie, c’est bien, mais en pratique… Je n’ai pas joué à un tel désastre depuis l’époque de la Wii et du Bodypad (et oui, j’en ai eu un et non, c’était pas aussi fun que prévu). Imprécis au possible et constamment rageant, je ne sais pas ce que Capcom a fait, mais ils ont réussi à nous montrer toutes les faiblesses du Joy-Con en matière de motion gaming en moins de cinq minutes. Ça ne marche absolument pas. Faire un Hadoken marche deux fois sur cinq et il arrive de faire des Shoryukens quand on veut sortir des Tatsumakis. Pourtant, ce n’est pas faute de m’être entraîné à faire les gestes dans le mode entraînement censé nous expliquer comment faire les mouvements, mais ils demandent une précision telle que lorsqu’on joue au vrai jeu, il est impossible de faire quoi que ce soit si l’on est un tant soit peu mal placé. Bref, ce qui aurait pu être un mode rigolo à jouer cinq minutes devient un mode auquel on joue effectivement cinq minutes, mais que l’on abandonnera par pure frustration et que l’on aura honte de montrer à nos amis curieux.

Ultra-Street-Fighter-II-FPV

Enfin, une dernière chose que je dois préciser pour les plus inquiets : on peut parfaitement jouer aux bastons plus classiques avec nos Joy-Cons. Il n’y a aucune latence et j’ai pu facilement sortir les attaques en quart de cercle de Ryu, Cammy et consorts que les attaques à charge de Chun-Li et E.Honda. C’est d’une simplicité quasi-enfantine et une excellente démonstration de la possibilité de défier n’importe qui en n’embarquant que notre Switch.

Au final, Ultra Street Fighter II : The Final Challengers reste une valeur sûre, qui nous offre des sensations nostalgiques que l’on n’aurait pu ressentir sur une autre console que la Nintendo Switch. Alors certes, le joueur de jeux de baston ne verra que peu d’intérêt et préfèrera se tourner vers un Garou Mark of the Wolves, Samurai Shodown IV, King of Fighters ’98, World Heroes Perfect ou Waku Waku 7, tous disponibles sur la console pour à peine plus de 7€, mais pour le grand public, c’est l’occasion de jouer à un jeu qui ne prendra pas trop la tête et qui peut facilement éveiller la fibre compétitive (il est d’ailleurs dommage qu’il n’y ait pas de mode Tournoi en local, puisque ça aurait été génial de pouvoir en organiser en se passant la manette). Alors bien évidemment, je ne peux absolument pas le recommander à 40€, parce que payer ce prix-là pour un jeu sorti il y a des lustres là où Street Fighter V peut facilement se trouver à moins de 20€ neuf, c’est un peu pousser, mais pour 30€ ou moins, ça peut le faire. Personnellement, j’apprécie grandement l’inclusion de l’artbook au format numérique, que je risque de ressortir de temps à autres pour l’utiliser comme référence pour mes dessins, mais je ne pense pas que ça vaudra grand chose pour 95% des acheteurs potentiels. Et, bien évidemment, le jeu vaut surtout le coup si vous avez un(e) petit(e) ami(e), un(e) pote ou de la famille prêts à se faire rouster/vous filer des roustes à doses régulières, car cette version a clairement été conçue dans l’esprit Nintendo de partager l’expérience avec nos proches, que ce soit sur le canapé ou coincé dans le désert du Sahara pendant une tempête de sable.

Donc oui, je le recommande, mais seulement si vous le trouvez à un prix que vous trouvez approprié.

Benjamin « Red » Beziat