Souvent, quand on parle d’évolution des séries, on parle d’une évolution dans ses graphismes, dans ses mécaniques de jeu ou bien dans son ambition. Et pendant ce temps là, du côté de chez Nippon Ichi Software, on a la série des Disgaea avec laquelle évolution rime principalement avec une augmentation significative du nombre de chiffres qui peuvent s’afficher à l’écran.

Bon, après, avec l’arrivée de Disgaea 6 : Defiance of Destiny, on fait face à une situation où la série a aussi pas mal évolué graphiquement et avec une tonne d’options d’accessibilité qui rendent l’expérience de jeu tellement plus agréable, mais à trop vouloir en faire, j’ai comme l’impression que les développeurs ont laissé derrière eux une tonne de failles qui transforment cet épisode en une sorte de gruyère dans lequel il est beaucoup trop facile de s’engouffrer pour gagner plus tout en bossant le moins possible.

Pour tout vous avouer, c’était carrément au point où j’ai fini le jeu en 20h… Mais où j’en ai concrètement joué que 10 et le reste ressemblait plus à un visual novel, ce qui est aussi bien un positif qu’un bon gros négatif en fonction du point de vue.

The Ultimate Clicker-RPG

L’histoire de Disgaea 6 est vraiment sympa : on incarne Zed, un jeune zombie qui prétend devant une assemblée avoir réussi à vaincre le Death-tructor Divin, un monstre inarrêtable et surpuissant qui n’a que pour simple objectif la destruction de tous les mondes.

On vit donc une bonne partie de l’histoire sous forme de flashbacks avec les nombreux combats de Zed contre cette entité, ainsi que sa rencontre avec ses futurs alliés, dont un roi ultra cupide ou bien une princesse obnubilée par le concept de happy end. Je ne vais pas parler du reste du cast pour ne pas spoiler, mais même si tout le monde a un peu trop souvent tendance à parler en glissant leur seul trait de caractère, on fait face à un groupe vraiment sympa et que l’on prend plaisir à suivre. De plus, il y a des twists que je n’avais pas vu venir et qui m’ont très agréablement surpris, chose qui devient de plus en plus rare, donc c’était plus qu’appréciable.

Le seul bémol du scénario et qui se répercute directement dans le gameplay, c’est que toute l’histoire tourne autour du fait que Zed se réincarne perpétuellement du fait qu’il se fait tuer à chaque fois qu’il affronte le Death-tructor Divin, faisant qu’il n’y a aucun chapitre où le boss de fin de chapitre n’est pas ce monstre-là. Il y a des antagonistes mineurs ici et là, mais rien qui permette de palier au petit sentiment de lassitude de se dire « Oh bah tiens, encore lui… ». Bon, ce n’est pas non plus de quoi ruiner le jeu, mais on y perd pas mal en diversité et ça donne un côté presque systématique à la progression de l’histoire.

Côté gameplay, si vous avez joué à un jeu Disgaea, vous ne serez pas du tout dépaysé : c’est toujours un RPG tactique au tour par tour où vous baladez vos unités sur une grille et il faut taper sur tout les méchants pour remporter la partie. La subtilité de la série réside dans le fait que vous pouvez ramasser vos unités pour les lancer plus loin et ainsi couvrir plus de terrains et sur certains terrains il y a des cases colorées nommées Geo-panels qui peuvent avoir des effets divers, comme un renforcement de vos unités ou des ennemis ou bien une barrière qui vous empêche de passer si jamais un Geo-Symbole est placé sur une autre case de la même couleur. Ceci étant dit, et c’est pas forcément plus mal, j’ai remarqué que cet épisode est plutôt raisonnable et la grande majorité des maps du jeu principal n’ont pas ces panneaux de couleurs, optant plutôt pour des cartes classiques.

Au niveau des mécaniques de jeu hors combat qui sont tout aussi utiles, on a notamment l’Assemblée Démoniaque, qui permet de voter des lois qui influeront sur les prochains combats, du style expérience triplée ou bien la possibilité de créer de nouvelles unités. On peut corrompre les jurés en leur offrant des cadeaux ou bien une fois le vote passé, si c’est rejeté, vous pouvez toujours acheter leur vote ou bien leur taper dessus pour faire avancer les choses, sachant que très souvent dans le lot il y aura un député de niveau 9999.

Et oui, si ce niveau semble ridiculement élevé au premier abord, ce n’est rien comparé au niveau maximal dispo dans le post-game et qui s’élève à 99 999 999. Oui oui, c’est débile, mais c’est pas si inatteignable que ça, surtout quand on voit comment j’ai réussi à atteindre le niveau 9999 à peine arrivé au 5ème chapitre de l’histoire principale.

Car comme dit en intro, Disgaea 6 est un véritable gruyère bourré de trous qui fait que c’est un véritable paradis pour les tricheurs en tous genres et qui peut être une vraie source de plaisir en soi, même si ça peut demander un peu de boulot à mettre en place, sans pour autant être devant la console à jouer.

Ainsi, le jeu possède plusieurs options pour automatiser la partie et transformer un grinding souvent relou en une tâche de fond grâce notamment au système de combat automatique des des boucles. Vous allez dans les paramètres, vous réglez la vitesse des combats pour que ça aille plus vite et ne pas avoir à maintenir un bouton appuyé pour accélérer les duels, zapper les animations et tout le tintouin, lancez un niveau en mode combat automatique, vous mettez le mode boucle et le jeu se jouera tout seul pendant que vous bosserez sur une autre tâche importante. Et de temps en temps vous repassez par le comptoir de la triche pour augmenter le niveau des ennemis afin que vous puissiez gagner plus de points d’expérience et le tour est joué.

Pour le coup, le gain de temps était inestimable et j’ai vraiment pu bosser plus efficacement sur des vidéos en parallèle ou bien faire la vaisselle ou le ménage pendant que mes personnages grimpaient d’eux-mêmes en niveau. Le seul vrai bémol, c’est qu’après j’étais tellement puissant que je n’avais plus vraiment d’intérêt à jouer et donc la plupart des combats de scénario se jouaient tout seuls, même si le post-game m’a bien fait comprendre que le scénario n’était qu’une sorte de tutoriel déguisé et que la suite me demandait d’être vraiment actif devant mon écran si je ne voulais pas me manger un game over.

Et même si oui, concrètement, ne pas jouer au jeu peut être vu comme une sorte de crime, concrètement le jeu a mis en place ces mécaniques d’accessibilité d’entrée de jeu et ça m’a permis de bien plus apprécier le scénario… Bon, un peu moins les musiques, puisque les combats étaient terminés en quelques secondes en plus d’être couverts par une cacophonie de cris d’ennemis, parfois s’accumulant, mais dans tous les cas, ça n’en restait pas moins fun de trouver les limites de ce jeu et parvenir à les étendre au point de tout simplement les briser en deux.

Les deux autres mécaniques vraiment craquées qui permettent de détruire le jeu sont l’Ultra-Réincarnation et le Bar à Potions. Dans le premier cas, ça permet de remettre le niveau de votre personnage à 1 tout en augmentant petit à petit ses stats de base ou ses capacités spéciales grâce à des points de karma cumulés au fil des combats (ou bien en trichant salement via un système de succès lié à chaque personnage de manière individuelle et qui permet de gagner jusqu’à 15 millions de points de karma en 3 minutes avec le bar à potions, 250 points de mana et 250 pièces d’or). Ce système est plutôt utile dans le cas où vous faites face à une situation où tous vos personnages ont déjà atteint la limite de niveau et que vous avez 20 minutes à tuer, puisque vous pouvez les ramener au niveau 1 en augmentant leur puissance d’attaque ou leurs capacités de déplacement et ensuite vous faites une session de farm en utilisant les combats automatiques et les boucles pour revenir au niveau 9999.

Couplez ça au bar à potions, un lieu où vous pouvez aussi regagner en niveau tout simplement en dépensant des points d’expérience ou de mana que vous accumulez en remportant les combats et qui ne sont accessibles que là-bas et vous pouvez très facilement remettre votre équipe à niveau ou bien vous préparer à gagner encore plus en puissance, sans parler que ce lieu permet aussi de faire grimper vos personnages en maîtrise d’armes et de classes, les rendant d’autant plus versatiles et puissants !

Il existe une tonne d’autres petites subtilités que je ne vais pas détailler pour éviter au texte de faire trois pages de plus, mais je tenais aussi à revenir sur l’autre gros changement de la série : son passage à la full 3D. Auparavant, on avait le droit à des décors en 3D et des sprites en 2D bien détaillés, mais dans un soucis de modernité, le studio a décidé d’opter pour des personnages en 3D et le résultat est… Pas franchement dingue. Enfin si, il peut l’être pour l’animation des attaques, même si le truc un peu triste, c’est que passé un certain stade, la plupart des joueurs les désactiveront pour gagner du temps et durant les phases de scénario, les animations sont tout autant limités qu’à l’époque du 5, ce qui me fait penser que l’investissement dans ce travail bien plus coûteux n’était peut-être pas forcément nécessaire. Personnellement, je ne me serais pas plaint de voir ce 6ème épisode toujours utiliser des sprites en 2D et je pense que beaucoup de joueurs pensent la même chose, surtout vu que ça peut faire ramer le jeu en mode Performances et choisir l’option qui permet à la Switch de ne pas exploser transforme Disgaea 6 en une bouillie de pixels qui donne l’impression de tourner sur une patate.

Au final, Disgaea 6 est… Un cas intéressant. Si vous ne cédez pas à la tentation des assistants qui automatisent le jeu, vous aurez le droit à un tactical-RPG relativement simple et bourré de petites subtilités qui rendent le jeu très intéressant en plus d’avoir une histoire agréable à suivre et remplie de personnages attachants. En revanche, si vous cédez à la tentation, vous trouverez une autre forme de plaisir sadique dans celle de pouvoir briser un jeu en douze tout en vous laissant le temps de faire la vaisselle. Dans un sens, un RPG qui respecte autant le temps du joueur, ça fait plaisir, surtout après un Bravely Default 2 qui m’a craché à la figure 15 fois, même si le contrecoup aura été de rendre limite un peu trop trivial un jeu qui est bien plus profond en temps normal. Ceci étant dit, c’est devenu un chouette visual novel à mes yeux, donc je le prends bien.

Est-ce que je peux le conseiller à ceux qui débutent dans la série ? Je pense que oui, même s’il faudra avoir le cœur bien accroché au début tant ça ne perd pas de temps à exposer les bases du jeu. Est-ce que je peux le recommander à ceux qui ont platiné les autres épisodes ? Pour le coup, je ne peux pas trop me prononcer puisque pour les autres épisodes de la série je m’arrêtais aussi au début du post-game là où les fans ont tendance à m’engueuler en disant que je rate tout le jeu, même si je pense qu’ils apprécieront une bonne partie de ce qu’il y a au menu.

Dans tous les cas, le jeu est loin d’être mauvais et je suis prêt à le recommander, mais à la condition que vous sachiez dans quoi vous vous embarquez et en fonction de votre seuil de tentation face à une solution de facilité un peu trop accessible.

Et je ne le répéterai jamais assez, mais ce jeu m’a permis de vaincre par deux fois la pile de vaisselle tout en progressant dans le jeu, et ça, c’est clairement un bon point !

… Oh Roi Pourpre que je me fais vieux ;_;