Aussi ironique que cela puisse paraître pour un jeu dont c’est un des thèmes centraux, les préjugés que je portais au premier Disgaea avaient pas mal faussé ma perception de celui-ci. Car quand je pense à cette série, je pense à un joyeux bazar où la logique n’existe pas et où c’est constamment drôle au point que l’on voit des parodies à tous les coins de rue. Et, après avoir enfin fini le premier épisode, je dois dire que… Bah j’avais tort. Et c’est pas plus mal, car j’ai été agréablement surpris par ce qui est considéré par son propre créateur comme étant l’une des meilleures histoires de la série. Cependant, cette surprise n’était pas la seule, car ce portage « HD » conserve tout aussi bien les qualités du jeu original que ses défauts liés au fait qu’il s’agit du premier épisode de la série… De nombreux soupirs d’exaspération et des tentatives de ragequit avortées ont jalonné ce qui autrement aurait pu être une référence du jeu de stratégie pour la Nintendo Switch (et la PS4).

Dix gars et AAAAAAAAAAHHHHH !!!

Commençons par le meilleur aspect que ce jeu a à nous offrir : son histoire. L’Univers est composé de trois facettes : Celestia, le monde des anges, le monde des hommes et le Sous-Monde, peuplé des démons les plus ignobles, vils et répugnants qui existent. Ces trois mondes vivaient en harmonie jusqu’au jour où le Roi Krichevskoy, Overlord du Sous-Monde, décède soudainement pour des raisons que je ne peux pas spoiler. Deux années s’écoulent où des jeux de pouvoir menacent la stabilité du Sous-Monde. Laharl, fils du Roi, se réveille enfin et découvre le chaos qui règne et décide de prendre les choses en main, assisté de sa fidèle vassale Etna. Peu après et à la suite d’événements un peu idiots, le duo est complété par Flonne, une ange un peu crétine envoyée par Celestia pour résoudre le conflit.

On suivra donc cet improbable trio dans des aventures allant du très stupide à l’étrangement touchant tout en passant majoritairement par une histoire assez sérieuse et bien ficelée. Et pour avoir fait trois des principaux épisodes de la série, je peux sans hésitation dire qu’il s’agit de la meilleure histoire. Je voulais continuer à jouer pour voir où ça allait tant les personnages ont une belle alchimie et certains détours valaient… Bah le détour.

Cependant, je préfère vous prévenir : il est largement conseillé de jouer au jeu avec les voix japonaises. Le jeu étant sorti il y a quinze ans, le doublage anglais de l’époque est… Assez particulier. Pas mauvais, mais disons que les inflexions sont souvent placées au mauvais endroit et rendent certaines scènes beaucoup moins poignantes qu’en japonais. Aussi, et je ne sais pas pourquoi, mais la traduction française manque un peu de polish, avec quelques fautes ici et là et je la soupçonne provenir directement de la version Nintendo DS. Enfin… Vu le nombre de lignes de dialogues, ça reste un beau et gros travail (je parle d’expérience) et les erreurs sont suffisamment rares pour ne pas être énervantes.

Ce qui l’est, en revanche, c’est le rythme du gameplay.

Farming Fantasy

Disgaea Laharl

Pour ceux qui ne connaîtraient pas la série des Disgaea, il s’agit d’une série de Strategy-RPG dans le style des Final Fantasy Tactics, à la différence près que tout a été poussé à l’extrême et l’absurde. Ainsi, au lieu d’avoir le dernier niveau de votre personnage bloqué à 99, celui-ci est bloqué à 9999. Les dégâts aussi ne connaissent pas de limite de raisonnable, dépassant allègrement les milliards. En théorie, c’est rigolo, mais en pratique et mal équilibré, c’est juste la pire des tortures.

Car pour monter en niveau dans ce premier épisode, il n’y a qu’un seul moyen de le faire : tuer votre adversaire. Dans les faits, c’est plutôt normal, mais jetez un soigneur qui aura un niveau d’attaque et de défense forcément plus bas que le reste de l’équipe dans l’équation et vous comprenez déjà le premier problème. Certes, le problème peut-être résolu en équipant ledit soigneur d’une épée ultra puissante, mais cela fera automatiquement baisser la qualité des soins, ce qui peut vite mener à une mort certaine et pour le soigneur, et pour le reste de l’équipe…

De plus, et c’est là le plus gros problème, c’est que contrairement aux suites, la montée en niveaux se fait extrêmement lentement. Si les personnages sont du même niveau que les adversaires, il faudra qu’un personnage éradique plus ou moins un tiers de la carte pour pouvoir monter de niveau. Sachant que vous avez au minimum une dizaine de personnages à faire grimper en niveau pour espérer affronter les multiples murs de difficulté qui se présentent, vous pouvez dire adieu inutilement à de nombreuses heures de votre vie ainsi qu’à votre envie de finir le jeu si vous n’êtes venus que pour l’histoire (qui heureusement demande d’arriver au minimum au niveau 70-80 si tant est que vous ayez un bon équipement).

disgaea 1 complete

Après, il faut noter qu’il existe des techniques cachées pour rendre le processus un poil moins rébarbatif. La grande particularité de cette série par rapport aux autres S-RPG est la mécanique des Geopanels et Geosymbols. Pour faire simple, les Geopanels sont des cases d’une couleur particulière sur lesquelles on peut apposer des effets grâce aux Geosymbols. Posez un de ceux-là sur une des cases colorées et toutes les cases du terrain auront l’effet de la gemme. Ainsi, si vous posez une gemme qui baisse la défense de 50%, la défense de tous ceux qui poseront le pied sur une case portant cet effet verra sa défense baisser de 50%, allié ou ennemi.

Pour gagner en expérience rapidement, il est recommandé de trouver une carte possédant une gemme rendant tout le monde invincible, faire fusionner les adversaires en des monstres beaucoup plus puissants en les lançant les uns dans les autres, puis amener ces super-bestiaux sur des cases non affectées par l’invincibilité. Couplez ça au fait que vous pouvez faire passer des lois à l’assemblée démoniaque comme tripler l’expérience obtenue sur le premier monstre vaincu et vous avez une recette pour gagner pas mal de temps.

Et c’est dommage que le jeu soit aussi avare en points d’expérience, car le gameplay de base est super fun. Assez standard, certes, mais voir les ennemis tomber face à nos stratégie est un régal. Malheureusement, le fait que l’on soit beaucoup trop souvent obligé de faire ces montées en niveaux casse totalement le rythme et peut, à terme, nous écoeurer. Ce qui m’est arrivé à deux chapitres de la fin. J’ai certes fini le jeu, mais je n’en pouvais physiquement plus. La seule motivation était de voir la fin de l’histoire principale, au point que je n’ai pas pris la peine de creuser le post-game, ni ai eu la force de tester le Mode Etna, qui est un scénario alternatif rejouant l’histoire du point de vue d’Etna, mais avec un twist bien débile.

Ce souci aurait pu être résolu si Disgaea 1 Complete était un véritable remake et que l’équilibrage avait été revu. En l’occurrence, il s’agit juste d’un portage avec les sprites refaits pour coller à l’esthétique des derniers épisodes.

Hour of Brightness

https://www.youtube.com/watch?v=cucJtLSE7Pc

Visuellement, si l’on enlève les personnages refaits, le jeu n’est pas bien différent des précédentes versions. C’est lisible et j’apprécie la logique dans les décors, qui sont cohérents avec l’avancée de l’histoire. Certains décors sont d’ailleurs bourrés d’idées intéressantes, ce qui est plutôt cool.

Là où les choses prennent un tournant pour le très cool, c’est dans la partie audio. Passons le fait que les enregistrements ont le grain typique des jeux de l’ère PS1/PS2 et l’absence de révision des musiques, car l’ensemble est plus que bon. Comme dit plus tôt, les performances en japonais sont plus que convaincantes et Tenpei Sato a pondu de très bons thèmes musicaux. Ceux des personnages principaux sont mémorables et l’habituel thème triste des RPG prend vraiment aux tripes.

Au final, je n’irai pas jusqu’à dire que Disgaea 1 Complete est une déception, mais… C’est vraiment dommage pour une célébration du quinzième anniversaire du jeu que Nippon Ichi Software se soit contenté d’un simple portage HD. L’histoire est vraiment cool et le gameplay en lui-même est fun et possède des twists intéressants par rapports aux S-RPG que l’on avait pour habitude de voir (en plus d’être parfait pour la Nintendo Switch), mais le rythme poussif qui force le joueur à enchaîner les trois mêmes niveaux en boucle pour pouvoir suffisamment monter en niveau pour continuer peut facilement compromettre notre appréciation de l’expérience.

Après, je peux le recommander aux curieux qui souhaiteraient voir les origines d’une des séries que j’apprécie énormément ou qui veulent vivre une bonne petite histoire à la seule condition qu’ils sachent dans quoi ils s’aventurent avant de prendre le jeu, car le jeu est suffisamment bourré de contenu pour durer au minimum une trentaine d’heures, si ce n’est pas carrément une bonne grosse centaine pour ceux qui veulent le finir à 100%. Pour ceux qui veulent quand même l’expérience Disgaea, mais sans ce genre d’obstacle, je me sentirai plus confortable de recommander Disgaea 5 Complete.

Bref, ça me peine beaucoup, de faire ça, mais Disgaea 1 Complete écope d’un simple…

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Benjamin « Red » Beziat