Note : la critique qui suit a été réalisée avec l’aide de Nintendo, qui nous a fourni un exemplaire du jeu en avance.

Succès surprise de 2015, Tomodachi Life avait réussi à démontrer à la communauté des joueurs que la vague des joueurs occasionnels de la fin des années 2000 ne s’était pas totalement éteinte, faisant d’un non-jeu assez simpliste (mais plus que bourré de contenu) un hit incontournable. Visiblement, ce succès ne semblait pas avoir échappé aux yeux de Nintendo, qui a décidé de localiser un autre jeu de la même équipe : Miitopia, un RPG ultra-accessible mettant en scène nos Mii pour créer une histoire qui nous soit la plus personnelle possible en plus de permettre à un public peu joueur d’entrer en contact avec un genre de jeu assez pointu et « difficile d’accès »…

Ce que cette histoire me rappelle, c’est comment Squaresoft avait tenté d’initier les occidentaux aux RPG il y a plus de vingt ans en sortant un « Final Fantasy » ultra simpliste (connu chez nous sous le titre de Mystic Quest Legends), qui n’avait pas été bien accueilli car les joueurs américains qui lui préféraient les vrais épisodes, comme Final Fantasy IV et VI et les européens avaient Secret of Mana/Evermore. Après, vu le côté plus attrayant des Mii, il n’est pas impossible que Miitopia s’en sorte beaucoup mieux auprès du grand public… En tout cas, s’il y a bien une chose qui est sûre, c’est que je ne faisais clairement pas partie du public visé par ce jeu et même si j’ai quand même passé un bon moment au début, les choses se sont pas mal gâtées un peu plus tard.

Les Chroniques de L’Outre-Univers

Le monde de Miitopia est un monde des plus paisibles où tout le monde vit joyeusement, jusqu’au jour où le terrible Avatar du Mal apparaît et se met à voler les visages de tous les Mii qui croisent sa route pour les coller sur des monstres afin de les rendre plus puissants. Il en revient donc à nous de sauver le monde en libérant les pauvres âmes prisonnières et en arrêtant le fautif. L’histoire ne casse bien évidemment pas trois pattes à un canard, mais devient tout de suite plus intéressante lorsque l’on joue le jeu et que l’on met des personnages qui comptent pour nous pour jouer tous ceux qui constitueront notre équipe ou bien rejoindront les rangs des habitants de ce monde. Ça peut être des amis, de la famille, des personnages de série télé ou, mieux encore, des personnages de vos propres histoires.

Personnellement, j’ai peuplé mon monde exclusivement de personnages des Chroniques de Loutre-Monde (#PlacementDeProduit #LivresGratuits #LisezLes #LesGensDeviennentViteAccro). Non seulement ça rendait pas mal de situations très drôles, mais en plus les dialogues étaient écrits d’une tellement manière que ça respectait presque à 100% leur caractère, ce qui était non seulement super cool, mais aussi étrange.

À noter que comme Tomodachi Life, Miitopia verse dans l’absurde total : les différentes petites histoires sont certes très classiques, mais écrites de sorte à ce que l’on soit constamment amusé par ce qu’il se passe. Mais c’est surtout du côté de notre groupe de personnage où les choses deviennent encore plus drôles, puisqu’il est possible de les mettre ensemble pour qu’ils renforcent leurs liens (ce qui joue énormément dans les combats) et l’on verra des offrandes et des messe-basses se faire régulièrement. Découvrir ce que le jeu nous cache en interactions est ce qui fait non seulement la plus grande force du titre, mais aussi son plus grand intérêt, car même si les choses finissent par se répéter au bout d’une quinzaine d’heures de jeu, on sera impressionné par la quantité de variables que les développeurs ont réussi à mettre là-dedans.

B-Topia

Miitopia 3

Shingeki no Hamburger

Cependant, et c’est là que se trouvera ce qui fait une autre grande force du titre pour les joueurs occasionnels et sa plus grande faiblesse pour les fans de RPG, c’est la structure du jeu et surtout son système de combat. Tout est linéaire et le jeu ne nous lâchera jamais la main. L’exploration sur la carte se résume à maintenir le bouton B enfoncé pour que nos personnages avancent plus vite sur une ligne droite et éventuellement choisir un embranchement, puis attendre que soit on tombe sur un coffre ou qu’une scène ou un combat se déclenche.

Les combats en eux-mêmes sont eux-aussi très simples, puisque le joueur ne peut que dicter les actions de son personnage principal, regarder les compagnons se battre, les mettre en retrait si jamais ils commencent à être à court de vie ou bien ont subi une altération d’état et leur verser du sel dessus, sachant que les salières ont une capacité limitée et peuvent rendre des PV, des points de magie, ranimer un personnage, les enrager pour les rendre surpuissant en dépit du bon sens ou les protéger d’une attaque dévastatrice.

C’est un système un poil trop simple et qui peut vite courir sur le haricot, puisque si on fait les choses bien, on peut lancer un combat, maintenir le bouton B enfoncé pour que ça aille plus vite et regarder Twitter en attendant que tout le monde aie battu les monstres. Heureusement, arrivé au dernier quart du jeu et face à d’autres boss, il est nécessaire de faire un minimum attention, car il n’est pas rare qu’une attaque visant le groupe en entier nous demande de verser du sel sur nos Mii ou d’en mettre quelques uns en retrait. De plus, une fois le jeu fini, on débloque un post-game plus que conséquent et les combats là-bas sont parfois brutaux, nous demandant d’avoir préparé tout le monde comme il faut.

Car au final, Miitopia est plus un jeu de gestion simplifié de nos personnages plus qu’un RPG. Avant de sélectionner son niveau, il faut aller à l’auberge pour créer des duos de Mii, qui passeront ainsi des nuits ensemble et renforceront leur lien d’affection. D’ailleurs, il semblerait que Nintendo ait appris de Tomodachi Life, puisque tout le monde peut « tomber amoureux » de n’importe qui, même si je ne sais pas si on peut les faire se marier – j’ai fini le jeu avec mon couple principal au niveau 65 en affection et il n’y avait pas de scène de proposition… Hélas (#LeoDavisXLaraEdelsonIsReal #SerialShipper). Un peu comme dans les derniers Fire Emblem, plus un lien est fort, plus les personnages s’entraideront en combat, avec parfois des attaques en duo ou bien une personne qui s’interposera sur la trajectoire d’une attaque. Ainsi, il est plus qu’important de développer des liens entre tous les membres de l’équipe, car il est possible de débloquer des combos dévastateurs en plus de réaliser vos rêves de couples les plus fous (qui a dit Jôtarô Kujô Joestar X Dio Brando ?).

Miitopia 2

Un autre moyen de rendre les personnages plus efficaces en combat est aussi de renforcer leur équipement, en leur faisant acheter l’arme ou l’armure qu’ils veulent (sachant qu’il arrive une fois sur 10 qu’on leur confie l’argent et qu’ils reviennent avec une banane dans les mains… Allez savoir) ainsi que de les nourrir avec des plats qui feront grimper leurs stats complémentaires, dont le nombre ne changera jamais, contrairement aux stats de base liées à leur classe.

Et en parlant de classe, j’en arrive au point qui m’a le plus exaspéré avec ce jeu : le fait que l’on nous impose de changer durant les trois premiers chapitres. En gros, pour des raisons de scénario, vous perdrez tous vos compagnons trois fois et vous retrouverez à nouveau au niveau 1 deux fois, vous forçant à tout recommencer depuis le début avec un nouveau cast de personnage. La raison invoquée est bien simple : en recommençant, vous expérimenterez une nouvelle classe et avec vos nouveaux compagnons, vous pourrez tester des nouvelles combinaisons d’équipe. Dans la théorie, c’est un bon moyen d’éviter au joueur de rester dans sa zone de confort et essayer de nouvelles choses, mais dans la pratique… Bah ça m’a juste gonflé, puisque ma première équipe était très équilibrée, comportait tous mes personnages principaux, me forçant à devoir me creuser les méninges pour constituer une nouvelle team qui soit un minimum logique par rapport à mes livres, et je n’ai vraiment pas été fan de cette sensation de non-progression entraînée par ce changement soudain. La première fois, c’était énervant, la seconde fois, c’était exaspérant et la troisième fois, j’avais eu envie de balancer la console contre un mur. Heureusement, passé ce point, les développeurs arrêtent de jouer avec nos nerfs et redevient sympathique, mais je sais que si ça n’avait pas été pour ma conscience professionnelle de finir ce jeu pour vous offrir la critique la plus juste et intellectuellement honnête possible, je l’aurais sûrement abandonné et serais passé à autre chose.

Mii-figue, Mii-raisin

Miitopia 4

Outre son écriture, un autre très gros point fort de Miitopia réside dans sa présentation. Beaucoup de gens penseraient que « parce que c’est un petit jeu, ils n’ont pas du trop se fouler », mais il n’en est rien. Bien évidemment, le level-design est inexistant (sauf si vous comptez des lignes droites comme du LD), mais les décors sont détaillés et offrent une variété insoupçonnée. Ils se permettent même un délire assez original et plutôt cool sur un des derniers mondes de la campagne principale que je n’aurais jamais vu venir et qui mériterait d’être utilisé plus souvent. Les armes et armures connaissent aussi une assez grande diversité et variété et, fait amusant, il ne sont pas genrés, ce qui signifie que j’ai eu l’occasion de voir certains personnages dans des tenues qu’ils ne mettraient jamais en temps normal. Un héros ado portant une tenue de sorcière façon Tharja de Fire Emblem Awakening ? Check. Une héroïne portant une armure avec des pectoraux gonflables pour affirmer sa virilité ? Check. Un homme très affirmé portant un costume de chat ridicule et se comportant comme tel ? Oh que oui ! C’est débile et c’est aussi ça qui fait le charme du jeu.

Niveau contenu, là aussi c’est plus que gratiné. Car non seulement il y a deux mondes bourrés d’ennemis plus puissants en plus dans le post-game, mais il y a aussi une tonne de « Trophées » à débloquer. Plus de 300, en fait, allant du simple « Atteindre le niveau 5 dans la classe de Prêtre » au plus compliqué, comme finir certains des contenus du post-game. Si vous êtes le genre de joueur qui veut tout faire à 100%, quelque chose me dit que vous en aurez au minimum pour une quarantaine, voire une cinquantaine d’heures, sachant qu’il en faut une vingtaine pour finir la campagne en jouant un minimum bien.

Mais là où je n’attendais vraiment pas le jeu, c’était dans sa bande-son, qui offre plus d’une centaine de pistes différentes, dont certains que l’on s’attendrait à voir débarquer d’un Ghost in the Shell et non d’un jeu à propos des Mii. Tous les genres sont représentés, y compris les plus surprenants, ce que j’ai trouvé plus que cool.

Au final, Miitopia n’est pas tant un mauvais jeu plus qu’il n’est un jeu qui ne m’était pas adressé de base. Les joueurs de RPG avec pas mal d’expérience sous la ceinture ne s’en approcheront pas à cent mètres tant il s’agit d’une version ultra simplifiée du genre (mais pas pour autant facile, comme le démontrent certains boss, la fin et le post-game). Cependant, pour celui qui n’a pas joué à beaucoup de RPG ou bien qui souhaite jouer avec des personnages qui ne devraient pas être là pour se créer des histoirettes rigolotes, ça peut le faire. Personnellement, si ce jeu avait été deux fois moins long et était sorti sur l’eShop, j’en aurais certainement dit qu’il s’agit d’une expérience intéressante que plus de gens pourraient s’amuser à faire, mais le côté répétitif et le manque d’implication directe dans le gameplay ont manqué d’avoir raison de ma patience. Un peu comme avec Hey! Pikmin, j’ai envie de dire qu’il y a mieux pour son genre sur Nintendo 3DS, mais il y a aussi bien pire… Mais quoi qu’il en soit, en tant qu’adaptation non-officielle des Chroniques de Loutre-Monde et des Chroniques de Loutre-Monde : Eastern Tails, Miitopia est plutôt pas mal !

Benjamin « Red » Beziat, a.k.a le Placeur de Produits Sans Éthique ♪